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crifier à une vaine prétention d'ordre et de clarté l'exactitude des faits, et s'exposer gratuitement à de fortes erreurs.

« C'est surtout depuis l'expédition française en Égypte, dit M. Jomard, que l'attention s'est dirigee avec plus de suite vers la recherche de la véritable source du Nil, de la source la plus reculée. Le voyage de Bruce n'avait fait connaître que la plus rapprochée; il n'avait eu, ou même n'avait voulu donner qu'une fausse idée de la maîtresse branche, qu'on appelle le Nil Blanc, le fleuve Blanc, Bahr-el-Abyad (1);

zu Burkhardt's Travels in Nubia, Berghaus Karte von Arabien und Moresby Map of the Red Sea, in 1836.- Entworfen von Carl Zimmermann, second Lieutenant im 2 Bataillon des 21 Infanterie Regiments, Pyritz, 1843. Nous croyons faire une chose utile en plaçant ici, à la suite de la belle carte de Zimmermann, une liste à peu près complète des travaux cartographiques les plus récents se rapportant au bassin supérieur du Nil. 1° Karte von Ost Sudan, umfassend die Lænder Kordofan, Nuba, Sennaar, Roserres, Fassokl und el Pert, nebst den angrenzenden Theilen von Dar-Fur, Nubien, Abessinien und den Galla Lændern, Nach den Bestimmungen des K.K.OEsterr. Beryruthes Jos. Russegger, und mit Be nützung der Angaben der Neuesten Reisenden entw. und ausgeführt von dom K. K. militær, geograph. Institute, zu Wien, 1843; 2° Karte von Abessinien nach den neuesten und besten Quellen entw. von James Mac Queen Esq. Berichtigt von C. W. Isenberg 1844; 3o Abyssinia constructed from the latest and best authorities by James Mac Queen Esq, with additions by major Harris; 4° Sketch-Map shewing the watersheds of Abyssinia, by Ch. Johnston; s Map illustrating Dr. Beke's Journey through Abyssinia, 1840-1843 (Journ. of the roy. Geogr. Soc. of London, t. XIV); 6° Sketch of the Countries South of Abyssinia, from oral information collected in Gojam, by D. Beke, 1843 (ibid., t. XIII); 7° Die Nillænder oder Ægypten, Nubien und Habesch, gezeichnet von C. F. Weiland, 1840; Berichtigt von H. Kiepert, 1846. Veimar, verlag des Geographischen Instituts; 8° Ubersichts Karte des Oberen Nil Landes und des OEstlichen Mittel Africa (Verkleinerte copie einer græsseren Karte), von Carl Zimmermann, Berlin, 1844, 9° Carte du voyage de M. Rochet d'Héricourt dans la mer Rouge, l'océan Indien, le pays des Adels et le royaume de Choa, pendant les années 1842, 1843 et 1844; 10° Karte von IVeissen Nil nach den Tugebuche von Fred. Wer ne, entw. von H. Mahlmann, 1848. 11° Curte générale de l'Abyssinie, de la Nubie et de la mer Rouge, du golfe d'Aden et des pays adjacents, dressée par P. F. Even d'après ses voyages et reconnaissances faites de 1840 à 1842, dessinée par A. Vuillemin, géographe, 1846; 12° Carte de l'Abyssinie, du pays des Galla, de Choa et d'Ifat, dressée par MM. Combes et Tamister, 1858; 13o Arabia und das Nil-Land: den Manen Karsten Niebuhr's und den hochverdienten Forschern L. G. Ehrenberg und E. Rüppell zugecignet vom verfasser, Gotha bei Justus Perthes, 1838; 14° Carte generale de l'Egypte et de la Nubie, à laquelle on a joint la Cyrenaique et l'Arabie-Pétrée, une partie du Soudan, du golfe Arabique, de la Palestine, de l'Abyssinie et autres pays adjacents, dressée par M. Fr. Cailliaud, etc.; Paris; Picquet.

(1)« Depuis le mémoire de d'Anville, qui date de 1748, les géographes s'étaient accordés à faire descendre du sud-ouest, et à une grande distance, les premières sources du Bahr-el-Abiad, c'est-à-dire le fleuve Blanc, regardé comme le véritable Nil ou sa branche principale. Ils avaient en conséquence placé vers le ce et le 7° degré de latitude nord, entre le 91 et le 28 de longitude est, les montagnes de la Lune, autrement le Djebel-el-Kamar ou el-Koumri

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et quand les hommes du Dârfour nous disaient au Caire qu'au sud du Kordofan il existait une grande rivière, qui apportait au Nil le tribut de ses eaux sous le nom même de Grande Eau, nous étions dès lors autorisés à présumer que la source du Nil de Bruce était bien loin d'être la principale; aussi quelques-uns des voyageurs de l'expédition française auraient sans nul doute remonté le fleuve par la branche de l'ouest si les événements de la guerre l'eussent permis. Telle fut l'origine du premier projet de voyage qui fut conçu trente ans plus tard à Paris (1). Une souscription fut ouverte en 1832. Le vice-roi d'Égypte, homme fait pour comprendre et exécuter aussi les grandes entreprises, adopta en 1834 un plan de voyage de découvertes sur le fleuve Blanc. La France offrit des ressources et des instruments. La direction du voyage était confiée à M. Linant, le Français le plus capable, alors, de le réaliser, parmi ceux qui habitaient l'Égypte, parce qu'il connaissait le mieux les hommes, les lieux et les choses de cette partie de l'O. rient. Des obstacles inconnus vinrent suspendre malheureusement les préparatifs, et le voyage fut ajourné. M. Konig, orientaliste, autre Français instruit, avait recueilli auparavant sur les bords du fleuve des renseignements précieux sur les pays au sud du Kor. dofan et du Dârfour. Ces documents prouvaient l'existence de grands cours d'eau dans ces régions reculées; ils servirent aux instructions dressées pour M. Linant. Enfin, en 1839, en revenant de sa visite aux sables aurifères de Fazoglo, le vice-roi se décida à envoyer une expédition considérable sur le Nil Blanc: elle ne fut confiée ni à M. Linant, ni à aucun autre Européen. Le Binbachi Sélim, capitaine de frégate égyptien, qui la commandait, avait sous ses ordres quatre cents hommes embarqués sur huit grands navires des écrivains arabes, considéré comme l'origine du fleuve. Aussi, lorsque James Bruce, en 1788, publia son Voyage d'Abyssinie, où il donnait le Bahr-elAzraq (ou la rivière Bleue) comme le vrai Nil, son opinion fut vivement contestée, et depuis elle a été constamment mise en oubli par les cartographes, qui ont continué tous à placer les sources dans le sud-ouest. On fut surtout surpris de la hardiesse du tracé de la carte de Bruce, lequel, ne pouvant méconnaitre l'existence de la branche occidentale (le fleuve Blanc), la rapprochait extrêmement dans tout son cours de la branche orientale (ou le fleuve Bleu), et la faisait fléchir à l'orient en forme d'un arc parallèle, ne nommant pas même sur sa carte le Djebel-Koumri. » Jomard, Bulletin de la Société de Geographie, qe série, t. XVIII, p. 370.

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(1)« Auparavant déjà, et à l'époque des guerres de Mohammed-Aly dans le Sennår et le Kordofan, plusieurs Européens avaient remonté le Bahr-elAbyad, à quelques lieues au-dessus du grand confluent de Rds-el-Khartoum; entre autres un ingénieur français, M. Linant, un Anglais, M. Hay, un savant allemand, le docteur Rüppell, et quelques autres. Le voyage du Defterdar-Bey, le gendre du vice-rot d'Égypte, nous procura une carte itinéraire du Kordofan. n Id. Ibid., p. 371.

armés en guerre (1). Le voyage dura cent trente-cinq jours. On parvint jusqu'au 6o degré de latitude (2), sans quitter le grand bras du fleuve, et en se dirigeant constamment vers le sud après le 9o degré. Aucune position ne fut déterminée géométriquement, mais on eut connaissance de tout le cours du Nil, d'une multitude de lieux habités par une population nombreuse et paisible, et des principales productions du sol. C'est à la seconde expédition, qui eut lieu en 1840, que l'on doit le relevé exact du cours du Bahr-el-Abyad. Cette fois la direction scientifique était confiée à M. d'Arnaud, ingénieur français (3). >> Le 23 novembre 1840 cette seconde expédition partit de Khartoum, pointe nord de l'île de Sennar, avec onze dehabiés; de retour au même point, le 18 mai 1841, pour se ravitailler, elle repartit encore le 26 septembre à l'effet de relever quelques détails négligés. En somme, elle parcourut le fleuve Blanc, sur un développe ment de 518 lieues de 25 au degré, et atteignit le 4° 42′ 42′′ de latitude nord et le 29° 42' de longitude-est estimée ( à peu près le méridien du Caire), chez un peuple nombreux nommé Behr. Dans cet intervalle, on avait compté environ deux cents fles, submergées pour la plupart pendant l'inondation périodique; trois de ces îles ont environ trente milles de longueur chacune. Par 9° 11' de latitude nord et 28° 14' de longitude est se trouve l'embouchure du Saubat, qui envoie encore deux dérivations assez considérables plus au nord, le Djal et le Pipar; ce fleuve, appelé par les naturels qui habitent ses rives Telfi ou Telky et Ta, et par les Arabes Bahr-el-Makadah, on rivière d'Habesch, vient de l'est et porte au Nil Blanc plus de la moitié de ses eaux. Jusqu'à ce point on avait suivi une direction générale sud-sud-ouest; dès là on fit voile vers l'ouest quelques minutes nord, et l'on atteignit un grand lac très-poissonneux, situé par 9° 17′ de latitude nord et 26° 47' de longitude est, et renfermant des îles : sa surface aug

(1) Voy. le Premier voyage à la recherche des sources du Nil Blanc ordonné par MohammedAly, vice-roi d'Égypte (article communiqué par M. Jomard), ibid., p. 5–30, 81-107 et 161-186.

(2) Dans la séance du 3 juillet 1840 de la Société de Géographie, M. Jomard lut une lettre de Sélim, chef de l'expédition égyptienne, et datée de Khartoum le 8 avril; Sélim disait être parvenu jusqu'au 3° 22' latitude nord et 31° longitude est. M. d'Avezac émit alors l'opinion qu'on ne pouvait admettre le chiffre de 3° 22' nord, comme résultat de l'observation ni de l'estime; que l'observation avec un sextant était à peu près impossible à une aussi basse latitude, et que, quant à l'estime, elle paraissait devoir être déterminée par un compte de douze journées depuis Chillouk; d'où il concluait que le chiffre de 3o devait être une simple erreur d'écriture pour 8° au moins, sinon pour 9o. L'erreur s'est trouvée être beaucoup plus faible. (Bulletin de la Société de Géographie, 2o série, t. XIV, p. 63. )

(3) Jomard, Bulletin de la Société de Géographie, se série, t. X, p. 304-306.

mente considérablement à l'époque du maximum de la crue périodique du fleuve. Dans ce grand lac, évidemment identique avec le lac Kura des géographes arabes, et avec le Cuir ou Cura des cartes, et désigné aujourd'hui, parmi les naturels, sous le nom de lac No, une autre rivière venant de l'ouest déverse ses eaux ; cette rivière, appelée communément aujourd'hui Bahr-el-Ghazal et que M. d'Arnaud tout d'abord inclina à identifier avec le Keilak ou Misselad de Browne, le Saubat et ses dérivés sont les seuls affluents découverts jusqu'ici qui joignent leurs eaux à celles venant du sud ou du vrai Nil. Enfin, à partir de ce lac, le lit du fleuve, parmi beaucoup de sinuosités (ce que Sélim-Binbachi dans son journal appelle Kourdah), prend une direction générale sud-est jusqu'au terme du voyage. Dans tout le cours du fleuve parcouru il n'existe aucune cataracte, quelques bas-fonds seulement, coquilliers, sablonneux. On ne rencontre de montagnes que dans le pays des Behrs (1). Là, le lit du fleuve étant devenu très large et s'étant couvert de pierres et d'îlots, on ne crut pas pouvoir aller au delà avec les eaux de la saison; mais dans les hautes eaux le fleuve serait encore navigable, au dire des naturels, au moins une cinquantaine de milles, point où se réuniraient différentes branches; les plus considérables venant de l'est, les autres de l'ouest et de l'ouest-sud-ouest. Tels sont les traits principaux de cette exploration mémorable (2).

(1) « Que faut-il penser maintenant, écrivait M. Jomard au reçu de la première lettre de M. d'Arnaud, de Djebel-Koumri, des montagnes de la Lune, placées jusqu'ici vers le ee et le 7e degré de latitude? Faut-il les chercher sous l'équateur, ou même au delà, comme le supposait Ptolémée? Ou faut-il croire qu'elles sont très-loin à l'ouest, et alors que l'expédition n'a pu en avoir connaissance, surtout si leur direction n'est pas de l'ouest à l'est, mais du sud au nord (ou à peu près); qu'enfin un affluent du sud-ouest, déguisé par les marais immenses du 9 degré, aura échappé aux explorateurs ?» (Bulletin de la Société de Géographie, ge série, t. XVIII, p. 373.) Plus tard M. Jomard, en voyant mentionnée dans la lettre de M. d'Arnaud, le 19 janvier 1843, l'existence de roches granitiques et d'un mont Bellenia ou Ballenia, vers le 8o de latitude, inclinait à modifier son opinion récente au sujet des montagnes de la Lune, et à croire que peut-être elles n'étaient que reculées dans le sud-est (Ibid., t. XIX, p. 96). Nous aurons encore plus d'une fois à revenir, dans le cours de cet article, sur cette antique tradition des montagnes de la Lune, utilisée différemment dans le double système de MM. d'Abbadie et Beke.

(2) Dans le post-scriptum que M. Jomard a ajouté à son excellente préface du Voyage au Darfour, traduit de l'arabe du cheik Mohammed-el-Tounsy, par le docteur Perron (Paris, B. Duprat, 1845), on lit ce qui suit : « Le savant géologue M. Joseph Russegger, auteur d'un important voyage en Afrique et en Asie, etc., vient de publier quelques remarques scientifiques (Wissenschaftliche Bemerkungen, etc.) sur son voyage de Khartoum, au pays des Chillouks. A cette occasion il traite de la dernière expédition égyptienne à la recherche du Nil Blanc. Comme c'est moi qui ai donné le premier de la publicité à

Quelques circonstances secondaires méritent encore d'être relevées. A cent milles environ au-dessus de Khartoum, et succédant à la région des Arabes nomades Mahamoudiés, Cababiches, Hassanats, Hassanyés, Djémelyés et Bagaras, se trouvent les îles Schlouks; là le cours du fleuve s'embarrasse de pierres granitiques à fleur d'eau. Son cours est d'une lenteur extrême. Les populations sauvages qui habitent ces îles et les rives du fleuve pillent fréquemment les voyageurs; elles se retranchent derrière les bosquets de mimosas, et profitent surtout d'un bas-fond, où l'on ne trouve guère en avril et en mai que quatorze pouces d'eau. Plus loin, les bois disparaissent et font place à de hautes herbes marécageuses, qui s'élèvent à plus de quinze pieds au-dessus du niveau de l'eau (homsouf). Les hippopotames deviennent très-nombreux dans ces parages. Au-dessus de cette région commence la végétation des tamarins. Là croît aussi le palmier deleb, dont le tronc, bombé vers le centre de l'arbre, interdit l'accès du fruit. Les populations, de plus en plus nombreuses et pressées, ont été réunies par M. d'Arnaud en divers groupes, d'après leurs idiomes. Après les grouce voyage, ainsi qu'aux précédentes excursions de Sélim-Binbachi, M. Joseph Russegger demande que je produise les bases et les observations sur lesquelles reposent les déterminations géographiques de M. d'Arnaud, déterminations auxquelles il semble refuser de croire, ce dernier, dit-il, étant dépourvu d'instruments. En attendant qu'il rétracte un injuste soupçon, et que M. d'Arnaud publie la relation de son voyage (ce que des devoirs impérieux et des obligations notoires l'ont empêché de faire jusqu'ici), je ne puis m'abstenir de saisir cette occasion d'entrer dans quelques détails sur les observations dont il s'agit, autant du moins que j'ai pu les connaître, et cela sauf toute rectification ultérieure de la part des personnes qui ont fait partie de l'exploration. -Les observations ont été faites du 19 novembre 1840 au 2 février 1841, et du 5 février suivant au 1er juin, au nombre d'environ quatre-vingts entre Khartoum et le lieu où s'est arrêtée l'expédition, savoir: trenteneuf en remontant (dont 28 de latitude, et 11 de longitude), et quarante-trois en redescendant. Les déterminations de longitude proviennent de distances lunaires et d'observations du chronomètre, Le terme de l'expédition, par 4° 42' 42" de latitude, est situé à la pointe sud de l'ile Jeanker, entre le village de Waleny, sur la rive droite du Bahr-el-Abyad, celui de Alacone, sur la rive gauche, et les montagnes de Belenia et Korek, au sud je pourrais donner les noms des autres lieux où l'on a observé. Les instruments dont les observateurs étaient munis sont un cercle de réflexion, un chronomètre de Breguet,des sextants avec horizon artificiel (au miroir et au mercure), en outre des boussoles, thermomètres, baromètres, hygromètres et d'autres encore. A toute autre personne qui aurait attaqué le voyage de M. d'Arnaud je me serais peut-être abstenu de répondre; mais il y a trop d'autorité dans la parole d'un voyageur, d'un naturaliste tel que M. Russegger pour la négliger. Nota. On a objecté contre l'observation de la latitude de 4° 42′ 42′′, qu'il était impossible de prendre la hauteur méridienne du soleil, à cause de la trop grande élévation de l'astre; mais on n'a pas fait attention que les observations ont été faites du 26 au 28 janvier; d'ailleurs, ce n'est pas seulement par la hauteur méridienne du soleil que les latitudes ont été déterminées. >>

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pes arabe et schlouk se présentent le groupe dinka, qui comprend les Dinkas, adorateurs de la lune, les Nouerrs, les Kyks, les Bendouryals, les Thutui, les Bhorr et les Heliabs; et le groupe barry, comprenant les Chirs, les Elliens, les Bambar, les Boko, les Barry (1).

Il s'agit maintenant pour nous de relier au cours du Bahr-el-Abyad, branche principale du Nil (2), tel qu'il est représenté sur la carte réduite de M. d'Arnaud, les notions acquises sur les différentes contrées qui de part et d'autre peuvent appartenir à son bassin, et d'en chercher approximativement les limites. Nous commencerons par examiner la région occidentale. Cette partie de la question a été trai. tée avec une lucidité parfaite par M. Jomard, dans ses Observations sur le Voyage au Dárfour du cheyk Mohammed-el-Tounsy, que nous citions tout à l'heure, et résumée par luimême dans le Bulletin de la Société de Géographie (3). « Il résulte, dit-il, de la carte et des observations de M d'Arnaud, que dans le pays de Pulunch, au delà du 4o nord, se trouve un cours d'eau, venant du sud-ouest, et un autre venant du sud, d'après les gens de Comboh, lieu situé à une journée et demie au sud du terme de l'expédition. D'autre part, des témoignages concordants, et plusieurs très-dignes de foi, nous apprennent que la Grande eau vient du sud et de l'ouest. Feu le sultan Abou-Madian, prétendant du Dârfour, disait que le Nil reçoit des eaux d'une grande rivière, le Bahr-el-Ada ou Bahr-Keilak, qui passe au sud du Dârfour; une autre s'y jette après avoir traversé le Fertyt. D'un grand lac, situé loin dans le sud, à trois mois de distance du Ouaday, et appelé comme le fleuve Bahr-el-Abyad, sort une rivière qui, selon le sultan Téima, est à quatre mois au sud du Dârfour. D'après un Baghermâouy (ainsi que nous le savons par M. Koenig), l'Am

(1) Voy. des détails curieux sur les mœurs et usages de ces diverses populations dans une lettre de M. d'Arnaud à M. Jomard, datée du Kaire, le 12 jan. vier 1845 (Bulletin de la Société de Géographie, ge série, tome XIX, p. 91-98). Il faut rapprocher de cette lettre un article de M. Jomard,'intitulé: Secondl voyage à la découverte du Nil Blanc (ibid., t. XVIII, p. 367-376); une première lettre de M. d'Arnaud, datée du Kaire, le 12 octobre 1842 (ibid., p. 376-380); l'extrait d'une lettre de M. E. Gauthier d'Arc, consul général de France en Égypte, d'Alexandrie, 28 octobre 1842 (ibid., p. 380-383); enfin les remarques de M. Jomard au sujet de la lettre de M. d'Arnaud du 12 janvier 1843 (ibid., t. XIX, p. 96).

(2) Nous n'avons pas cru devoir débattre ici la question de l'importance relative du Bahr-el-Abyad et du Bahr-el-Azreq, les expéditions égyptiennes l'ayant, suivant nous, décidée d'une façon incontestable en faveur de la première branche. On trouvera d'ailleurs tous les renseignements désirables sur l'historique de cette question, longtemps agitée, dans le mémoire capital de M. Ch. T. Beke, On the Nile and its Tributaries (p. 33-38), qui forme la première partie du tome XVII du Journal de la Société royale geographique de Londres.

(5) 3 série, t. X, p. 306.

bir-Key, branche du Goula, coule à huit journées au sud de Baghermé, et se porte au nord-est, vers le Nil. Enfin, un voyageur récent, M. Pallme, rapporte que le fleuve Blanc coule à travers Rounga, au sud du Dârfour. Il est inutile de pousser plus loin ces rapports, qui s'accordent à montrer que le Nil Blanc, vers le 9o et au-dessus, reçoit des branches considérables venant de la région de l'ouest et de celle du sud, et qu'il est indispensable de les remonter pour fixer son opinion sur la source principale. » Tout cela tend à rattacher au bassin du Bahr-el-Abyad le Sou. dan oriental presque entier, c'est-à-dire le Kordofan, le Dârfour et une partie du Ouadây (1) et (1) « Puis-je négliger, dit à ce propos M. Jomard, le témoignage du cheik Mohammed-el-Tounsy, lui qui a séjourné près de dix ans tant au Dârfour que dans le Ouâday, quand il remarque, que les pluies de ces contrées alimentent les crues du Nil; que ces pluies venant à manquer les crues sont faibles en Égypte, ce qui amène sécheresse, stérilité, disette dans les trois pays à la fois? » Cf. le mémoire de M. Fresnel, consul de France à Djeddah, sur le Waday, dans le Bulletin de la Société de Géographie, 3o serie, t. XI, p. 5-73. Il y est dit que, « selon Abdallah de Wara, informateur indigène, qui a parcouru le Waday dans plusieurs directions et connaît bien son pays, tous les cours d'eau du Waday ont leurs sources dans les montagnes du Dàrfour, sans doute dans le DjabalMarrah, dont le versant occidental appartiendrait au bassin du Tchad, tandis que le versant oriental et la presque totalité du pays de Four appartiendraient au bassin du Nil Blanc, selon la pensée de M. Jomard. - D'après les derniers renseignements obtenus à Djaddah, ajoute M. de Fresnel, la ligne de partage des deux bassins me paraît facile à tracer. Je la ferais partir des hautes montagnes du Mandara (le Mandrus-Mons de Ptolémée), dans le sud du Bornou, et la conduirais par les contrées situées au sud du Baguermi, Koula et Rounga, jusqu'aux montagnes du Dârfour. Au sud de Rounga, elle passerait entre le Roubo ou Ezzhoum, qui coule à l'ouest, et le fleuve de Wamba, qui se dirige vers l'est et ne peut être que le Bahr-el-Abyad ou l'un de ses principaux affluents » (ibid., p. 24 et 32). - Cf. encore la ge partie des Renseignements géographiques sur une partie de l'Afrique centrale, en réponse à la demande d'instructions pour le projet de voyage de M. Raffenel, faite à la Société de Geographie par le ministre de la marine et des colonies; mars 1846 (ibid., p. 7698); et enfin la limite occidentale du bassin du Nil telle qu'elle est tracée sur la carte de Zimmermann, qu'il convient de rapprocher dans cette partie de la Carte du Darfour par le docteur Perron, annexée à la relation du cheik Mohammed el Tounsy.

J'ai expliqué de mon mieux, dans l'article Niger, en quoi consiste l'antique tradition d'une communication entre le Nil d'Égypte et le Nil des Noirs ou Niger. Dans ma pensée, il y a séparation complète entre le bassin du lac de Tchad d'une part et ceux du Niger et du Nil de l'autre; le mémoire de M. Jomard sur ce sujet lu à l'Académie des Sciences le 18 avril 1823, m'a touJours paru décisif, surtout maintenant qu'il en a combiné les principaux résultats d'après des données nouvelles et plus positives (Voy. dans le Bulletin de la Société de Géographie, se série, t. IX, p. 268276, un excellent mémoire de M. Jomard, intitulé : De la pente du Nil Blanc depuis le 9° degré de latitude jusqu'au confluent de Khartoum et de là jusqu'à la mer ). Cependant la tradition persiste, et tout récemment un savant orientaliste, M. Fulgence Fresnel, l'a reprise, et après l'avoir examinée historiquement, a voulu la fortifier du témoignage, plutôt pompeux que précis, d'un pèlerin fellatah de Sakkatou, et en tirer même l'indication positive des sources du

du Fertyt, vaste région, située au sud du Dârfour, mal représentée jusqu'ici sur les cartes, Nil. Voici les faits et l'explication proposée, qui ne changent rien à l'opinion que nous émettions tout a 1 heure. << Arrivant à l'objet principal de mon enquête, je demandai (à Abder-Rahmân) le nom des districts arrosés par le Kouâra (ou Niger), en descendant le fleuve, noms déjà connus depuis l'exploration des frères Lander, et il me les a donnés jusqu'à l'embouchure du fleuve dans la grande mer environnante, ou mer salée. La dessus je n'ai pas manqué de me récrier: « Pourquoi donc le feu sultan Bello menait-il le Kouâra en Égypte?» Et je montrai la carte insérée dans la Relation anglaise du voyage de Denham et Clapperton, où le sultan a écrit en caractères arabes occidentaux les paroles citées plus haut. « Oui, m'a répondu Abder-Rahman, le Kouâra est un bras; » et il étendait son bras gauche vers le nord-ouest; « le Nil est un autre bras; toute la terre, depuis So-Kato jusqu'à Khartoum, est une île. » Je commençais à comprendre; car mon renseigneur me donnait sans le savoir la solution d'Edrisy. Alors je parlai de Bossou, extrême limite des expéditions les plus aventureuses de nos Wadaïens dans le sud de l'Afrique, située à trois mois de Wara, dans une direction sud-sud ouest et au delà de leur fleuve Blanc meridional. AbderRahman en avait entendu parler, et après quelques mots d'explication je suis arrivé à cette conclusion qui m'avait déjà été suggérée par un autre renseignement obtenu dans le même mois (août 1848): « que le Bosso ou Bossou, tout à la fois nom de peuplade et nom de fleuve, se divise en deux cours d'eau celui de l'ouest est la rivière nommée Tchadda par les frères Lander, et Toto par Abder-Rahman, qui connaît aussi l'autre nom, laquelle se jette dans le Kouâra ou Niger au sud de Kakunda. Le bras oriental est le Bahr-el-Abyad de Khartoum, c'est-àdire le Nil. - Ainsi, abstraction faite des cataractes et des gouffres souterrains, tels que celui observe par Abd-Allah de Wara, au sud de Rounga, chez les Wamba, et qu'on peut nommer provisoirement Bahr-IV amba, on pourrait aller par eau du Niger en Égypte 1° en descendant le Niger jusqu'à l'embouchure de la Tchadda; 2° en remontant la Tchadda jusqu'à son embranchement avec le Bahr-el-Abyad, qui, comme elle, sort du Bossou (et probablement d'un même lac); 3° enfin, en descendant le Bahr-elAbyad jusqu'aux dernières cataractes. De ce point de vue, toute l'Afrique septentrionale, moins la Troglodytique et la lisière à l'est du Nil, ne serait, en effet, qu'une grande ile ou un immense delta, dont le bassin du Tchad occuperait la partie centrale. Voilà comment on peut entendre l'identité du Niger et du Nil (jusqu'a plus ample informé). C'est une simple communication de l'océan Atlantique avec la méditerranée par un autre canal des deux mers, dont la nature a fait les frais. Tout cela peut très-bien coexister avec le Nil de Ptolémée, qui coïncide ( dans la portion explorée) avec celui de M. d'Arnaud. Tout cela peut très-bien coexister avec la belle découverte de MM. d'Abbadie. Comptez les affluents de la rivière des Amazones du premier, du deuxième et du troisième ordre; considérez que l'Afrique est la plus grande surface continentale exposée aux pluies diluviales de l'équateur, et vous serez conduit, par une irrécusable analogie, à prononcer que le plus grand fleuve du monde doit couler en Afrique et qu'il doit couler de mille sources. » (Notes sur les sources du Nil, à l'occasion d'une découverte récente, par M. Fulgence Fresnel; dans le Bulletin de la Société de Géographie, ze série, t. X, p. 296-303. Voy. à la suite les Remarques de M. Jomard, p. 304-309). De ces remarques nous n'extrairons que les suivantes, qui suffisent, suivant nous, à ruiner tout le système de M. Fresnel. « Cette prétendue communication, dit M. Jomard en finissant, a été l'objet de bien des recherches, et les savants n'ont pu s'accorder. Seulement on convient que les mots de Ba dans l'occident, de Bahr à l'orient, sont appliqués à toute grande eau, lac, fleuve ou rivière; que le mot de Nil lui-même est un terme générique, et que ces mots

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et qui embrasse les pays païens de BandaGonya et de Gnám-Gnám.

Passons à la région orientale du bassin du Bahr-el-Abyad. On voit sur la carte de M. d'Arnaud, représenté, au bas du pays de Pulunch, et avec tous les caractères de la branche principale du Nil, un fort courant tournant à l'est-nord-est, et remontant le long de la chaîne des monts Berry jusque vers le 8o de latitude. Ce courant, nommé Choa-Berry, reçoit par 4o de latitude et 31° de longitude environ, sur la rive gauche, un affluent considérable, le Ghod-Jeb, qui vient du pays de Caffa à l'est-nord-est. J'ai entendu M. Jomard regretter vivement d'avoir laissé figurer sur cette carte, même en lignes ponctuées, le cours de ces deux rivières, qui n'appartient ni aux observations ni même aux informations personnelles de M. d'Arnaud (1), et qui n'a servi qu'à égarer à la fois MM. Beke et d'Abbadie dans leurs recherches spéculatives sur le cours supérieur du Nil, comme on le verra par la suite de cet article. C'est précisément le pays situé à la partie orientale de la carte de M. d'Arnaud, avec le nom général de Dar-el-Gallah, que M. d'Abbadie a parcouru en 1843; on peut donc rapprocher de cette carte, prise pour base, à partir du 33° de longitude et entre les 4° et 10o de latitude, l'Esquisse du Grand-Damot (2) et de la presqu'ile de Kafa, par Antoine d'Abbadie, 1847, insérée dans le Bulletin de la Société de Géographie, 3a série, t. IX. Dans une lettre datée de Saka (pays d'Onarya) le 16 septembre 1843, et adressée à M. d'Avezac (3), M. d'Abbadie a raconté son voyage de peuvent tromper le voyageur qui recueille des observations. Qu'on puisse aller en bateau de Tounbouctou au Bahr-el-Abyad par une pente continue, cela ne peut guère se concevoir au sud sont les hautes montagnes primitives que le major Denham a vues et parcourues au delà du lac Tchad; au nord, au contraire, le lac Tchâd et ses environs sont trop peu elevés pour qu'un cours d'eau qui s'y écoulerait parvint au bassin du Nil Blanc, lequel sous la même latitude est beaucoup plus haut au-dessus du niveau de la mer. Une explication complète après celle de M. Fresnel reste donc à donner de cette opinion, qui est si générale parmi les noirs, d'une communication entre les eaux courantes de l'Afrique intertropicale. » (1) Il est vraisemblable que le tracé de ces cours d'eau repose sur quelques renseignements de M. Blondeel Van Cuelebrook, consul général de Bel. gique en Égypte, retenu longtemps prisonnier chez les Gallas ou chrétiens de Sidama. (Bulletin de la Societé de Géographie, 2o série, t. XVIII, p. 147 et 379, et ze série, t. VIII, p. 389.)

(2) « Je donne ce nom ancien, et pour plus de commodité, aux pays situés entre l'Abbay et le Gojab. La Vie de Takla-Haymanot, ouvrage ancien, les appelle Damot: les annales abyssines disent GrandDamot, pour le distinguer du Petit-Damot, au nord du Gojam. Les gens de Kafa disent aujourd'hui Damot. Ce nom est nécessaire; car les noms actuels des pays Gallas sont ceux des tribus Ilmorma, qui les occupent, et les noms anciens de terre y sont rarement employés. » (D'Abbadie, Bulletin de la Societé de Geographie, 3o série, t. IX, p. 107.)

(3) Voy. le Bulletin de la Société de Geographie, ze série, t. III, p. 32-67.

Baso (partie méridionale du Gojam) à Saka et ses premières impressions à l'aspect de ce pays nouveau. « Bien qu'un piéton, dit-il, puisse aller aisément en cinq jours de Baso à Saka, j'ai mis plus de deux mois à faire ce petit voyage, dont les embarras, les tracasseries et les souffrances excèdent tout ce que j'ai éprouvé dans les chemins les moins fréquentés de l'Abyssinie........ Je n'ai pas osé observer la hauteur du Abay (Abaya des Gallas) devant Kartamora. Nous le traversâmes à la nage, ou sur des outres faites d'une seule peau de vache, et parvînmes ensuite au plateau d'Asdndabo par une pente roide, où nous vimes le granit surmonté par le gneiss, puis par le grès blanc du Tögray (Tigré), et enfin par le terrain rouge d'Axum et du Gojam. Asândabo est un nom de terre dans Goudrou, nom de tribu galla donné par extension à cette partie du plateau de Damot comprise entre deux affluents du Abay, le Gouder en amont, la Tchomăn-Agoul en aval, et ayant pour borne, du côté de Djömma, le Dănnaba, petit affluent de cette dernière rivière, qui sépare les Goudrou des Horro. Tout le pays des Goudrou, gens avares, superstitieux et lâches, se compose d'un plateau presque sans pente, criblé de bas-fonds à pâturages, que sépare un réseau de très-basses collines couvertes de huttes, de champs et d'arbres qu'on respecte autant qu'en France! - Toutes les frontières de l'Abyssinie se compo¬ sent de Bráha, pays sans habitation ni cultures, et où les peuplades limitrophes se livrent des combats continuels. C'est ce que les Gallas appellent mogga, et c'est ainsi que chaque tribu Orma se détache de ses voisins depuis le Abay jusqu'à Kafa et Damota. Le mogga entre les Goudrou et les Djomame paraît avoir dix milles de large; mais il n'empêche pas ces derniers d'aller tous les jours enlever des trophées honteux aux lâches Goudrou. Les Djömma sont pasteurs et guerriers, n'aiment point le commerce et vexent peu les marchands. Chez eux se trouve une longue chaîne de montagnes, dont je n'ai pu orienter l'axe, mais qui me paraissait, à l'œil, être à peu près perpendiculaire à la direction de notre route (1). La passe qui nous mena du bassin du Abay dans celui du Göbe serre de près Toullou-Amara, pic isolé et remarquable, dont j'estime la latitude à 9° 15′ d'après l'observation faite au Lăga-Amara (près du Göbe), la première que l'état déplorable de ma vue m'ait permis de faire depuis Gondar, et la

(1) Dans son deuxième voyage, M. d'Abbadie put déterminer l'axe de la chaine du Rare, au nord du 9o de latitude par ouest 40° nord. Cette chaîne lui parut appartenir au système de la côte d'Or ou du terrain jurassique. Le côté nord est un plateau de basalte recouvert légèrement d'un terrain rouge. ( Bulletin de la Societé de Geographie, ze série, t. IX, p, 118.)

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