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bien qu'il s'en fait vous feront tost comble de vos desirs Il vous plaira, Mons", par la Paonylhière, present porteur, entendre des nouvelles de votre pays de Langouedoc. Je cuide estre sur que vostre souldart vous en mande au long. Il a esté quelque bruit que nous feriez cet honeur que de venir prendre possession de votre gouvernement. S'il estoit ainsi qu'est une chose que desire autant, passant par Pontsorguat, trouverez un prestre qui desire vous servir et guider en matiere de faulconnerie par tout le peys, et si me puis bien venter de vous monstrer un aussi bon vol par Riviere qu'en avez veu puis plusieurs jours. Je remettray le surplus a l'ambasadeur, present porteur, lequel m'a promis me recommander souvent a vostre bonne grace, à laquelle desire humblement estre recommandé priant continuellement le Créateur vous donner, Mons', bonne vie et longue.

D'Avignon, ce premier jour de lan.

Vostre humble cousin et servit',
F. card' de CLERt.

[Et au dessus de la lettre]: A Monsieur mon cousin Mons' le Grand Maistre.

Mons". J'ay tout a l'heure esté adverti du trepas de l'abbé de la CaseDieu (1). C'est une abbaye qui est en mon diocèse d'Aulx, de valeur de deux mille cinq cens livres. Vous scaurez, Monsieur, que je n'ai nul advocat ni intercesseur envers le Roy qu'il lui plaise me donner ladicte abbaye. La valeur ne me mayne point, mais pour ce qu'elle est en fort beau lieu et en mondict diocèse, et faits la requeste, et plus auray de bien et plus le maistre vous en disposerez. Mon frère, vostre souldart, vous escrit aussi touchant quelque office de conseiller de Thoulouse. Je vous envoie ses lettres. Il vous plaira me vouloir avoir pour recommandé en ce dict affaire, et je mettrai cette obligation avec les autres pour lesquelles me trouverez tousjours tel que plusieurs fois vous ay mandé, aydant le Createur, Mons", que vous donne bonne vie et longue.

Du Pont de Sorgue lez Avignon, ce 21 jour d'aost.

Vostre humble cousin et servit",

F. cardal de CLERMONT.

(1) V. ce que nous avons dit dans l'Introduction. On lit dans le nécrologe de cette abbaye: «xv kal. septemb. Joannis de Monte acuto, abbatis hujus ecclesiae, qui obiit anno Domini 1528 et die decima octava mensis augusti et decessit in Universitate Tolosana... » Il ne parait pas que le cardinal de Clermont ait vu aboutir ses sollicitations.

DEUX BILLETS INÉDITS DE MONTESQUIEU

Dom Louis Maïeul Chaudon, bénédictin provençal, bien connu comme littérateur érudit, surtout par son Dictionnaire historique (1), habita Mézin pendant le dernier tiers du xvIIe siècle et ne contribua pas peu à faire de cette petite ville un centre littéraire assez actif. Il y mourut en 1817 (2), laissant une grande quantité de correspondances et autres papiers non dénués d'intérêt. Une partie est devenue, longtemps après, la propriété de mon excellent collaborateur et ami M. Joseph Gardère, qui veut bien m'y laisser puiser pour le profit de la Revue de Gascogne. Des lettres de Trublet, de d'Artigny, du grand bibliographe Goujet, tirées de ce fonds, seront bientôt communiquées à nos lecteurs.

Aujourd'hui, je veux donner deux billets de Montesquieu, qui ne sont pas adressés à Chaudon, mais qui viennent pourtant de lui. Il les avait communiqués à un littérateur parisien inconnu (3), peut-être pour qu'ils fussent insérés dans la correspondance imprimée de Montesquieu. Voici ce qui lui fut répondu de Paris, dans le courant de 1768 :

J'ai reçu, Monsieur, les lettres de M. de Montesquieu que vous m'avez fait passer vous avez très bien jugé qu'elles étoient peu intéressantes, mais on doit conserver tout ce qu'a produit ce grand homme et ne livrer cependant au public que ce qui est digne de lui... (4) ».

Si l'on doit conserver même de minces billets de Montesquieu, il

(1) La première édition (Nouveau dictionnaire historique portatif par une Société de gens de lettres) est d'Avignon, 1766, en 4 volumes. L'ouvrage a été reproduit depuis une foule de fois, toujours avec additions et remaniements. Le dictionnaire dit de Feller est lui-même une reproduction très altérée de ce répertoire estimable, mais malheureusement déparé par beaucoup de fautes.

(2) J'aurai plus tard l'occasion de donner quelques détails sur le séjour de Chaudon à Mézin, qui a été beaucoup plus long que ne le dit Jules Andrieu, Bibliographie générale de l'Agenais (t. 1, 1886, p. 114).

(3) J'ai songé à l'imprimeur Moreau, ancien secrétaire de Montesquieu, connu par son érudition et qui donna en 1758 une bonne édition de ses Œuvres, reproduite en 1767, avec addition (circonstance notable!) des Lettres familières. Pourtant je n'ai garde de rien affirmer sur ce point.

(4) Le manuscrit est coupé à cet endroit. On lit au verso: « ..... qu'on vous verroit à Paris, j'en serois d'autant plus flatté que j'aurois le plaisir de faire connoissance avec vous et de vous assurer de vive voix des sentiments d'estime et d'attachement... » La fin de la page est encore coupée, ce qui nous prive de connaître le nom du correspondant de Chaudon.

semble bien que c'est pour le public et qu'il est par conséquent très louable de les publier. En tout cas personne aujourd'hui ne s'avisera de s'étonner d'une pareille publication.

Les deux billets en question sont adressés l'un et l'autre à Pierre Brescon, médecin de Mézin, qui mourut dans cette ville le 2 mars 1755. Il appartenait, nous apprend l'auteur de la Bibliographie générale de l'Agenais (1), à une famille originaire de Mauroux (Gers), établie à Mézin au commencement du XVIIIe siècle. C'était un homme fort lettré, membre de l'Académie de Bordeaux, qui d'ailleurs se fit connaître par quelques ouvrages, entre autres un petit Traité de l'épilepsie (Bordeaux, 1742, in-12), réédition de sa thèse de doctorat, et un Traité de la maladie de la vieillesse (2), cité d'après Bernadau par Jules Andrieu, qui ne l'a jamais vu et qui a même des doutes sur son existence. Mais on va voir que Brescon adressa ce livre à Montesquieu, qui l'en remercie dans le premier billet ci-dessous. Brescon lui envoya aussi, à une date incertaine, son Ode au duc d'Aiguillon, également inconnue, également suspecte au bibliographe de l'Agenais. Faut-il croire ce dernier, quand il affirme que le médecin mézinais « était en correspondance suivie avec le grand Montesquieu » Il y a lieu, ce semble, de se tenir sur la réserve, puisque Chaudon, si soigneux de recueillir toute espèce de reliques littéraires, semble n'avoir trouvé chez Brescon que deux modestes broutilles épistolaires de l'auteur de l'Esprit des Lois.

Il n'en serait pas moins intéressant de restaurer un peu la mémoire de cet homme de mérite, qui fut nommé en 1742 lieutenant-général de police et conseiller du roi, et qui s'occupa de canaliser la Gélise, projet que la mort seule l'empêcha de réaliser ». Il faudrait également retrouver ses ouvrages, dont on a dit beaucoup de bien, et regarder de près, publier peut être, au moins par extrait, son Mémoire pour servir à l'histoire de la maladie épidémique de Lectoure de 17 45, manuscrit in-folio, remis à l'Académie de Bordeaux en 1748 et conservé dans le tome xxve de ses archives, comme nous l'apprend toujours la Bibliographie de l'Agenais.

Voici en quels termes Montesquieu le remerciait de l'envoi de son traité de la vieillesse. Le billet est sans date et il faut attendre la découverte d'un exemplaire de ce livre pour suppléer à cette lacune.

Vous avez envoyé, Monsieur, un bâton à un aveugle en

(1) Loc. cit. à la note 2.

(2) Tel est le titre cité par Andrieu d'après Bernadau; mais il vaut mieux s'en rapporter à Montesquieu qui écrit, on và le voir: Traité DES MALADIES de la vieillesse.

m'adressant votre traité des maladies de la vieillesse. Je puis dire encore avec plus de raison qu'Horace Eheu fugaces, Postume, Postume, labuntur anni. Votre livre sera le guide des vieillards et il apprendra aux jeunes gents à ne pas se préparer par la dissolution de nouvelles infirmités pour cet âge avant-coureur de la mort. MONTESQUIEU.

Le remerciement de Montesquieu pour l'ode de Brescon à la louange du duc d'Aiguillon est encore plus affectueux. Ils professaient évidemment l'un et l'autre la même admiration plus ou moins sincère pour ce personnage, qui jouit trop longtemps des faveurs du pouvoir, mais dont la conduite ne justifia que trop le mépris public (1).

Quant à l'ami T., cité à la fin de ce billet pour avoir procuré à Brescon l'amitié de Montesquieu, probablement à Bordeaux, il m'est absolument impossible d'émettre à son sujet même une simple conjecture.

L'ode que vous avez eu la bonté de m'envoyer, Monsieur, est digne du héros et du poète. Vous êtes l'Homère d'un nouvel Achille, aussi courageux mais plus aimable que l'ancien. Continuez de cultiver les muses; elles demandent la jeunesse ainsi que les grâces. Jouissez longtems des faveurs des unes et des autres.

Je ne vois plus votre ami, Monsieur T., et j'en suis fâché, car je l'aimois pour lui-même et par reconnoissance des avantages qu'il m'a procurés en me liant avec MONTESQUIEU.

vous.

Ces deux courtes missives, je me garderais bien de le dissimuler, n'ajoutent rien de notable à la vie et aux oeuvres du grand écrivain bordelais. Il me semble pourtant que, grâce à leur tour élégant et spirituel, elles ne feront pas mauvaise figure dans sa Correspondance.

LÉONCE COUTURE.

(1) On a essayé naguère de réhabiliter la mémoire politique du duc d'Aiguillon. Mais le travail récent de M. Pocquet (Le duc d'Aiguillon et la Chalotais. Paris, Perrin, 1900, 2 v. in-12) a mis la question au vrai point, sans grand profit pour d'Aiguillon.-Jules Andrieu affirme que Brescon eut une « correspondance suivie » avec le duc d'Aiguillon comme avec Montesquieu.

FAUDOAS LE MAURE

EST-IL UN PERSONNAGE Historique ou ROMANESQUE?

Tel est le titre d'une question adressée, il y a plusieurs années, par mon toujours regretté collaborateur Philippe Tamizey de Larroque, à la Revue de Gascogne.

Je l'ai retrouvée depuis peu et je l'offre aujourd'hui aux lecteurs comme une vraie friandise de nouvel an. Je ne puis me rappeler sans remords les regrets exprimés par mon excellent ami sur une perte que j'avais lieu de croire définitive et qu'il n'était plus en son pouvoir de réparer. Je donne en même temps sa lettre d'envoi, retrouvée avec l'article. Il y fait mention d'une réunion de savants dont il ne me reste aucun souvenir précis. Quant à la question à laquelle s'intéressait M. Cabié, c'est celle du lieu de Buzet où saint Vincent de Paul dit sa premiére messe, question sur laquelle T. de L. craignait de n'avoir pas dit le dernier mot dans son article de la Recue de G. de mars 1890. Je donnerai, j'espère, le mois prochain, les renseignements qui me manquent encore.

On ne s'étonnera pas que je laisse subsister le post-scriptum qui termine la lettre de T. de L. On y verra une preuve de plus de son empressement et de sa générosité à « encourager les bons travailleurs ». - L. C.

« MON CHER AMI,

<< Gontaud, lundi 3 mai.

« Le plus gros et le plus intempestif de tous les rhumes m'a privé du plaisir d'aller à Saint-Maurin et au château d'Andas. Je l'ai bien regretté, je l'eusse plus regretté encore si vous eussiez été de la fête. Voici une babiole où j'ai dit un mot, en passant, de la partie manquée pour moi. Voyez si vous pouvez insérer cela dans votre prochaine livraison. C'est un peu humoristique, mais vous ne détestez pas ce qui est original. Je joins à mon ms. -la lettre de M. Cabié. Remerciez cet aimable érudit de ses observations qui ont été communiquées au Berceau de saint Vincent et au château de Buzet. Nous verrons bien ce que l'on répondra de ces deux foyers de lumière. Mille chaudes amitiés. - T. de L.

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« P.-S. Dites s. v. p. au chanoine Douais que je n'empresse de souscrire à son nouvel ouvrage. Encourageons les bons travailleurs, mème quand notre bourse est aussi maigre que celle d'un rat de gleize.

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L'histoire de la maison de Faudoas intéressant à la fois la Gascogne et le Languedoc, j'avais formé le projet de profiter de la réunion de divers savants gascons et languedociens à Saint-Maurin et au château d'Andas, pour interroger l'aimable groupe sur un mystérieux chapitre de cette histoire. Une fatalité que je déplorerai toujours n'ayant privé du plaisir d'assister à la fête archéologique et... gastronomique du

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