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DES

FILLES DE NOTRE-DAME DE MEZIN

SA FONDATION

Marie de Castillon, fondatrice de ce couvent, était fille de Jean III de Castillon, seigneur de Mauvezin, et de Marguerite de Bezoles. Elle épousa François de Gères, seigneur de Sainte-Gemme1. Pendant son mariage, elle fit vœu d'entrer en religion si elle survivait à son mari, sans néanmoins arrêter son choix sur aucun ordre en particulier. Devenue veuve sans enfants à l'âge de trente-six ans, elle pensa efficacement à tenir sa promesse. Elle entra d'abord chez les religieuses de Sainte-Claire à Lectoure et elle y prit le voile; mais au bout de six mois, elle sentit renaître les inclinations qui, précédemment, l'avaient portée vers l'ordre des Filles de Notre-Dame, institué à Bordeaux par la bienheureuse Jeanne de Lestonnac. Elle consulta un religieux de l'observance de saint François celui-ci lui répondit que Dieu voulait qu'elle fût religieuse de Notre-Dame, et mème qu'elle devînt fondatrice d'une maison de cet ordre dans la petite ville de Mézin. Marie de Mauvezin suivit l'inspiration du ciel et les conseils de son confesseur, retourna dans ses terres qui avaient précédemment été le théâtre de sa charité, et prit toutes les mesures pour établir à Mézin une maison de Filles de Notre-Dame'.

(1) De La Chenaye-Desbois, Dictionnaire de la Noblesse; Paris, 1775, t. ix, p. 655. (2) Histoire de l'Ordre des religieuses Filles de Notre-Dame; Poitiers, 1700, t. 11, p. 35. Cet ouvrage a été publié par le P. Jean Bouzonié, jésnite, né à Bordeaux le 23 octobre 1645, mort à Poitiers le 30 octobre 1726. Pour la liste de ses ouvrages, voir la Bibliothèque de la Compagnie de Jésus; Bruxelles, 1891, t. 11, col. 59, 60.

Après en avoir obtenu la permission de Jean d'Estrades, évêque de Condom, dans le diocèse duquel la ville de Mézin était située, la future fondatrice écrivit à la mère Quitterie de Tuquoy, supérieure du couvent de Bordeaux depuis le 31 mars 1655, pour en obtenir des religieuses qui lui communiqueraient les règles et l'esprit de l'institut. La mère de Tuquoy, à son tour, en écrivit à l'archevêque de Bordeaux, alors à Paris pour l'assemblée générale du clergé. Henry de Béthune approuva et loua le dessein de la fondatrice, et chargea ses vicaires généraux d'envoyer, à cette fin, les mères Anne de Lange, Suzanne de Billy et Marie Duboscq, toutes trois religieuses professes du couvent de Bordeaux. Leur lettre d'obédience, signée des vicaires généraux d'Henry de Béthune, est datée du 1er août 1657. Le même jour aussi, dans le même couvent de Bordeaux, fut passé par devant notaire l'acte de fondation du couvent de Mézin: on en trouvera le texte à la suite de cette notice.

Les trois religieuses envoyées pour la fondation arrivèrent à Mézin en même temps que l'évêque de Condom venu dans cette ville exprès pour les recevoir. Il bénit l'emplacement sur lequel devait être construite l'église du couvent, et donna l'habit religieux à la fondatrice impatiente de le recevoir. La mère de Lange, comme plus ancienne, fut la première supérieure de cette nouvelle communauté, et la mère de Billy maîtresse des novices. La cérémonie de leur installation se fit le jour de la Nativité de la Sainte Vierge, 8° du mois de septembre 1657.

Sous la sage direction de la maîtresse des novices, Marie de Mauvezin devint bientôt un modèle de vertu; et après deux ans de noviciat, elle fut admise à faire les vœux de religion. « Mais sa profession, en mettant le

(1) Mézin est aujourd'hui un chef-lieu de canton dans l'arrondissement de Nérac (Lot-et-Garonne), et une paroisse du diocèse d'Agen.

dernier sceau à la fondation, suscita en même temps, dit le P. Bouzonié, une affaire qui pensa la renverser. Le seigneur de Sainte-Gemme, beau-frère de notre illustre fondatrice, refusa de payer la rente qui était constituée sur le fonds dont il était possesseur, et il fallut en venir à un grand procès qui réduisit la nouvelle professe et la petite communauté à une grande extrémité. Les mères de Lange et Duboscq, craignant de ne pouvoir jamais sortir de cette affaire, retournèrent dans leur maison de Bordeaux. La seule mère de Billy, qui n'avait pas moins de courage et de résolution que sa novice, dont elle connaissait parfaitement la vertu et le pouvoir qu'elle avait par ses prières auprès de Dieu, tint ferme avec elle et quelques autres filles qui avaient été reçues pour commencer cet établissement.

«La nouvelle professe défendit ses droits en justice, sollicitant bien moins ses juges que l'auteur de sa vocation. Le gentilhomme perdit sa cause et il fut condamné à rendre les biens qu'il avait injustement retenus. La maison de Notre-Dame de Mézin se releva bientôt de cette secousse d'un procès qui dura assez longtemps. La mère de Billy la gouverna six ans, et la mère de Mauvezin lui succéda. Son gouvernement fut de neuf ans, au bout desquels la mère de Billy, en vertu d'une troisième élection, reprit le gouvernement, qu'elle céda de nouveau à sa compagne, soutenant ainsi tour à tour, par la sagesse de leur conduite et par les exemples de leurs vertus, une maison chancelante dans ses commencements, mais qui, malgré ses ennemis visibles et invisibles qui en avaient conjuré la ruine, subsista longtemps avec honneur.

<< Marie de Mauvezin mourut un an et deux mois après sa dernière élection, le 9 décembre de l'année 1680. Marguerite de Mauvezin, sa nièce, lui succéda dans la charge de supérieure, et elle en imita parfaitement toutes les

vertus. C'est elle qui nous a instruit des circonstances de la vie de son illustre tante, et elle a joint à son éloge celui de la mère Marguerite de Montesquieu, fille d'un président à mortier du Parlement de Bordeaux, laquelle mourut, au couvent de Mézin, le 17 mars de l'année 1684, âgée de soixante ans, dont elle avait passé vingt-quatre dans la religion avec beaucoup de sainteté1. »

L'année suivante (1685), au mois de novembre, le roi accorda aux Filles de Notre-Dame de Mézin des lettres patentes, qui furent enregistrées au Parlement de Bordeaux le 24 juillet 1686.

Le couvent de Mézin subsista jusqu'en 1792. Il n'a pas été rétabli au XIXe siècle aujourd'hui l'ordre de NotreDame possède une de ses principales maisons à Masseube, dans l'arrondissement de Mirande, au diocèse d'Auch. L. BERTRAND,

Bibliothécaire du Grand Séminaire de Bordeaux.

ACTE DE FONDATION

Comme ainsin soit que dame Marie de Castillon, veuve de messire François de Gère, vivant seigneur de Sainte-Gemme, se sentant appelée de Dieu à une vie plus parfaite, se fut proposé de passer le reste des années de sa vuidité en religion, eut considéré que la charité, qui est la Reine des vertus, s'exerce très parfaitement dans l'ordre des Religieuses dites les Filles de Notre-Dame, dont l'institution a pour l'un de ses principaux motifs de dresser les jeunes filles au service de Dieu, et de leur enseigner à faire leur salut; ce qui l'auroit déterminée à fonder et doter une maison religieuse dudit ordre dans la ville de Mézin, diocèse de Condom, avec résolution de s'y rendre religieuse et d'y faire les fonctions d'iceluy; pour l'exécution duquel dessein ladite Dame se seroit adressée à Monseigneur l'Illustrissime et Révérendissime Evêque et Seigneur de Condom, et l'auroit très humblement supplié de lui en accorder la permission, en considération du grand bien qui en reviendroit pour l'éducation des filles de ce pays-là. Et après en avoir obtenu la licence dudit seigneur, en auroit écrit à la Révérende Mère supérieure du monastère de Bordeaux, première maison dudit ordre, pour lui demander trois des Mères religieuses professes d'icelle, pour l'effet de

(1) Bouzonié, Histoire de l'Ordre des religieuses Filles de Notre-Dame, t. II, p. 37-39.

cette fondation. De quoi ladite Révérende Mère supérieure ayant incontinent donné connoissance à Monseigneur l'Illustrissime et Révérendissime archevêque de Bordeaux et primat d'Aquitaine, de présent à Paris, et ledit seigneur ayant loué et approuvé le dessein de ladite fondation, pour l'advancement d'icelle il auroit donné ordre à Messieurs ses Vicaires généraux audit Bourdeaux, de consentir en son nom à ce que ladite fondation soit faite par les Révérendes Mères Anne de Lange, Suzanne de Billy et Marie Duboscq, religieuses professes dudit ordre; à ces fins, de leur expédier les obediences nécessaires pour sortir dudit monastère de Bourdeaux et se rendre à Mézin, sous l'autorité, puissance et juridiction de Monseigneur l'évèque dudit Condom, et d'autoriser en son nom le contrat qui en doit être passé avec ladite Mère supérieure dudit monastère de Bourdeaux et lesdites trois mères religieuses susdites, en la forme ordinaire; à condition néanmoins qu'il leur apparoisse que ladite fondation a été acceptée dûment par ledit seigneur évêque de Condom; de quoi ladite dame de Castillon l'ayant supplié, a fait voir la procuration par elle faite à M. Me Jean Dartances, hebdomadier en l'église cathédrale dudit Condom, aux fins de faire ladite fondation et passer le contrat nécessaire; ensemble à autre procuration de noble Michel de Castillon, seigneur de Mauvezin, son frère; datées du dix-neuvième du mois de juillet dernier, retenues par Caille, notaire royal dudit Mézin; ledit seigneur évêque auroit accepté et autorisé ladite fondation par sa procuration du vingt-unième dudit mois de juillet dernier, retenu par de Rizon, notaire royal dudit Condom; et par icelle donné pouvoir audit Dartances d'intervenir pour ledit seigneur évêque au contrat qui en doit être passé pour faire ladite acceptation et autorisation, conduire et emmener lesdites dames de Lange, de Billy et Duboscq dans ledit Mézin et mais on destinée pour l'établissement dudit monastère, sous le bo. plaisir de nondit seigneur l'archevêque de Bourdeaux ou messieurs ses vicaires généraux, et l'approbation et consentement de la communauté dudit Mézin, dont et du tout ne reste que passer contrat.

Pour ce est il que aujourd'hui premier d'août mil six cens cinquantesept avant midi, par devant moi notaire royal à Bourdeaux et en Guyenne, soussigné, présents les témoins bas nommés, ont été présents en leurs personnes ledit maître Jean Dartances, prêtre, docteur en théologie, hebdomadier en l'église cathédrale dudit Condom, faisant au nom et comme procureur spécialement fondé par ladite dame Marie de Castillon et par ledit seigneur évêque de Condom, ainsi que de leurs procurations ledit sieur Dartances a présentement fait apparoir, et icelles remises vers moi dit notaire, pour demeurer attachées aux présentes et insérées aux expéditions qui en seront faites, datées dudit jour dixneuvième et vingt-unième juillet dernier, retenues par lesdits Caille et de Rizon, notaires royaux; auxquels seigneur évêque et dame de Castillon il promet encore, par tant que de besoin, de faire agréer et ratifier ces présentes dans huit jours prochains, et toutes les clauses, à peine de tous dépens, dommages et intérêts, d'une part; et Révérende Mère

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