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troduit dans leur étude des divisions inutiles qui compliquent la science, dans leur langage des expressions superflues qui effraient par leur rudesse, découragent par l'augmentation du travail, et qui, d'ailleurs, ne s'accordent ni avec la marche de la nature, ni avec la simplicité de ses moyens.

Plus sensible aux qualités du cœur qu'à celles de l'esprit, je mets d'autant plus de prix à vos suffrages, Messieurs, que dans ma position je ne puis les devoir qu'à votre attachement et à votre extrême bienveillance; c'est vous dire que des liens non moins affectueux que sincères, m'uniront constamment à cette Société. Formés par l'estime et la reconnoissance, ils seront annoblis par notre désir mutuel de parvenir à ces découvertes utiles qui consolent l'humanité, servent les hommes de tous les rangs, de tous les pays, et ne portent dans l'ame de tous que plaisir et satisfaction.

Combien vous devez vous estimer heureux d'avoir su vous renfermer dans la sphère des connoissances positives, et combien sont à plaindre ceux qui se laissent éblouir par les subtilités d'une métaphysique abstraite et ténébreuse, ou égarer par les prestiges de la fausse philosophie.

Ils placent le bonheur de l'homme dans la perfection des institutions sociales; eh! que de fois n'ont-ils pas compromis la félicité des peuples, pour n'avoir pas mis leurs institutions en rapport avec leurs mœurs et leurs passions, leur caractère et leur génie, leurs habitudes et leurs usages.

Cette réflexion, Messieurs, nous est pardonnable, puisque nous pouvons accuser les mouvemens politiques d'avoir rendu presque désert le temple des muses, d'avoir diminué le goût des sciences et ralenti les travaux académiques. Cependant il faut en excepter la capitale, qui, si elle ne fut pas toujours dirigée par le flambleau de la saine philosophie, peut encore s'en consoler par la pensée que jusqu'à ce jour elle a conservé dans l'Europe le premier rang pour l'avancement des sciences, l'illustration des lettres et le perfectionnement des arts; mais espérons que bientôt on sentira le besoin, pour ne pas dire la nécessité de revenir à des connoissances de fait.

Espérons que le Gouvernement lui-même trouvera quelqu'intérêt à les encourager; peut-être enseveliroit-on dans un profond oubli bien des sophismes et des paradoxes, peut-être l'esprit humain prendroit-il une nouvelle direction, si l'État s'occupoit davantage des talens vraiment utiles à la so¬ ciété, et si dans cette conviction il ouvroit une carrière où d'éminens services obtiendroient des récompenses et des honneurs.

La protection des grands Princes a fait dans tous les temps la gloire des lettres; eh! quelle Académie, Messieurs, doit être plus convaincue de cette vérité que l'Académie de Dijon, elle qui fut toujours protégée par des Princes non moins distingués par leurs exploits militaires que par leurs vertus civiles, non moins illustres par leur

auguste dévouement à la Patrie que par leur amour sincère pour les lettres, les sciences et les arts.

Il ne faut donc point s'étonner, Messieurs, si vous avez constamment repoussé ces doctrines pernicieuses également ennemies des trônes et des moeurs.

Nous avons pour chef et protecteur un descendant du grand Condé ; le drapeau de l'honneur flotte dans cette enceinte, et sa devise fut et sera toujours

DIEU ET LE ROI.

Qu'il est honorable et flatteur pour moi, Messieurs, de présider une telle Académie : les maximes d'indépendance et d'irreligion sont proscrites de cette enceinte.

Des observations impartiales, une critique éclairée dirigent vos jugemens.

Le piquant de l'épigramme, le mordant de la satyre sont pour vous sans attraits, et ce genre d'écrits n'obtiendra jamais ni votre estime ni vos suffrages.

Ce n'est pas que dans cette enceinte l'indulgence n'ait toujours accueilli et encouragé les premiers essais.

Ce souvenir m'est cher! En 1785 je commençois à peine mon cinquième lustre, que déjà j'avois obtenu l'honneur de m'asseoir parmi. vous; mais, je dois le dire à votre louange, ici l'indulgence est renfermée dans de sages limites, et la sévérité reprend ses droits, du moment que les auteurs oublient dans leurs écrits ce qu'ils doivent à la religion, aux mœurs et à l'État.

C

En invoquant la majesté de l'éloquence pour préconiser les vertus du meilleur des Rois, vous vous êtes montrés bons citoyens et sujets fidelles.

En décernant la palme du triomphe au meilleur éloge sur la vie du Prince de Condé, votre auguste Protecteur, vous avez acquitté le devoir sacré de la délicatesse et de la reconnoissance; et la gloire littéraire, qui se plaît à seconder des vues si légitimes, à couronner de si glorieux souvenirs, vous a prouvé, Messieurs, ce que peut le génie lorsqu'il célèbre la vertu la plus pure, la piété la plus solide, la bonté la plus auguste, ou lorsqu'il consacre le sublime de l'héroïsme et l'excellence des vertus religieuses et civiles.

Consignés dans vos fastes littéraires, ces éloges, Messieurs, attesteront la pureté de vos vues; et sans doute mieux appréciés par la postérité, ils vous réservent dans l'avenir des droits plus authentiques à l'estime nationale et à la reconnoissance des hommes de bien.

Vos sujets de prix, Messieurs, peuvent donc être garans de la sagesse de vos écrits; une morale douce et pure embellira toujours vos talens; vous la puiserez dans la bonté de vos cœurs, et si jamais ils pouvoient connoître le sentiment de l'inimitié, vous le dirigeriez contre cette audacieuse folie, qui, dans les pays étrangers, voudroit propager les principes les plus erronés, les doctrines les plus sophistiques, même les

plus dangereuses pour le repos des peuples et la paix des États.

Indépendamment des qualités dont je viens de vous entretenir, il en est encore d'autres qui n'inspirent point le même intérêt, parce qu'elles ne tiennent ni à l'amour des sciences, ni à la sagesse des doctrines; mais elles n'en sont pas moins dignes des sociétés littéraires, puisqu'elles en font les charmes et le principal ornement.

Je veux parler, Messieurs, de cette décence de ton, de cette aimable bienveillance, d'où découle cette gracieuse aménité, qui répand des fleurs dans le commerce des sciences, prête des charmes à la conversation, et se fait aimer de tous, parce qu'elle est la même pour tous, parce qu'elle respecte toutes les convenances, qu'elle ne froisse aucun préjugé, qu'elle ne choque ni l'amour propre, ni aucune prétention. Je vous parlerois encore de la vraie modestie, si je ne craignois de toujours emprunter votre langage.

Ces qualités, Messieurs, sont l'apanage du véritable homme de lettres, et c'est à elles seules qu'il est redevable de cette conduite sage et mesurée, qui lui concilie l'estime et la bienveillance de tous dans le cercle du monde, comme dans le sein des compagnies littéraires.

Dans le cercle du monde, l'homme d'un vrai mérite ne manifeste ni prétentions, ni désir de supériorité ; il cache ses talens sous le voile d'une vraie modestie, et si l'occasion se présente de montrer son esprit ou ses connoissances, il n'en fait usage que pour l'a

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