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vrage d'Albert de Brescia Liber consolationis et consilii. Bien que de son vivant la réputation d'Albert de Brescia ait été grande comme écrivain, et qu'il ait joué un rôle important dans les événements politiques de Brescia et de la Haute Italie pendant la première moitié du treizième siècle, peu de renseignements nous sont parvenus sur sa vie, et c'est, avec quelques documents historiques où son nom est mentionné, de ses ouvrages mêmes qu'on peut tirer quelque lumière à cet égard. M. Sundby avait déjà dans l'appendice de son ouvrage sur Brunetto Latino réimprimé l'ouvrage d'Albert de Brescia De arte loquendi et tacendi. Le traité publié aujourd'hui existe dans de nombreux manuscrits; l'unique édition imprimée qui semble en avoir été donnée en 1504 a disparu; mais des traductions italiennes ont été publiées à diverses époques. Les historiens de la littérature italienne, et particulièrement Tiraboschi, ont été sévères pour Albert de Brescia, dont les pensées et souvent les paroles sont si souvent empruntées à l'Écriture et aux écrivains classiques que ses œuvres font parfois l'effet de centons. M. Sundby défend son auteur contre ce jugement et le justifie par les procédés de composition, ou plus exactement de compilation, familiers aux écrivains moralistes du treizième siècle. L'allégorie de Mélibée et de Prudence contenue dans ce traité a eu la bonne fortune d'être mise en français par Jean de Meung, arrangement qui servit de point de départ à maintes imitations, et l'ouvrage d'Albert de Brescia touche ainsi à l'histoire de notre propre littérature. Dans son édition de ce traité, M. Sundby ne s'est pas borné à fournir les variantes du texte ; il a donné en marge les références aux passages de l'Écriture et des moralistes anciens et contemporains cités ou empruntés sans mot dire par son auteur. C'est un labeur considérable et assez ingrat, qui atteste une rare connaissance de la littérature latine, ancienne et médioevale. Malgré les soins de M. Sundby, ce traité aura sans doute peu de lecteurs; mais la notice sur Albert de Brescia et ses œuvres est la monographie la plus complète écrite sur ce sujet et forme un important chapitre de l'histoire de la littérature latine au moyen âge. Cette notice est écrite en anglais, quoique l'ouvrage ait paru à Copenhague. Ce volume, en effet, est publié aux frais de la Chaucer Society de Londres, dont on connaît le zèle pour la littérature du moyen âge. H. GAIDOZ.

Histoire de la littérature espagnole, de G. TICKNOR, traduite de l'anglais en français, par J.-G. MAGNABAL. Paris, A. Durand et PedoneLauriel, 1864-1870-1872. 3 vol. gr. in-8 de xx-667, vш-586 et x1-585 pages. Prix: 27 fr.

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La littérature espagnole a, de nos jours, été le sujet de deux très

los Rios, l'autre, qui l'a précédée, est due à un Américain, à Ticknor. La Historia critica de la literatura española de M. de los Rios qui est loin d'être terminée et qui forme déjà sept gros volumes grand in-8, est une entreprise immense dans laquelle son auteur a montré une vaste érudition et une invincible persévérance. Don José Amador los Rios a fait à lui seul un livre qui eut presque effrayé une association de bénédictins, et quiconque voudra désormais étudier à fond l'histoire littéraire de nos voisins d'au delà des Pyrénées, ne pourra se dispenser de recourir à ce travail si considérable. Mais en raison même de son étendue et de son caractère, la Historia critica ne peut guère se répandre en dehors d'un public erudit et restreint. Le livre de Ticknor, de proportions beaucoup moindres et offrant un ensemble complet, est accessible à un bien plus grand nombre de lecteurs. Il s'adresse à la fois et aux érudits et à ceux qui, sans vouloir faire une étude approfondie et toute spéciale des lettres espagnoles, prétendent en avoir plus sur ce point que ne leur en apprendrait l'ouvrage sommaire de Bouterwek. Ticknor n'est peut-être pas doué d'un esprit critique fort élevé, mais il est remonté aux auteurs dont il s'occupe. Il les a lus soigneusement; il les analyse en général avec exactitude et impartialité. Il a un style clair, précis; il a disposé dans un bon ordre les matières si nombreuses, si diverses qui s'offraient à lui, toutes ces qualités justifient le succès que l'History of spanish literatur a obtenu en Amérique, en Angleterre, en Allemagne, en Espagne, et qu'elle obtiendra aussi en France dans la traduction dont M. Magnabal vient de publier le troisième et dernier volume. M. Magnabal ne s'est pas borné à faire passer dans notre langue l'ouvrage de Ticknor, il a profité encore des nombreuses additions que Don Pascal de Gayangos et D. Enrique de la Vedia ont jointes à l'édition espagnole. La traduction française nous fait donc connaître l'œuvre de Ticknor, moins quelques notes qui, cependant, pouvaient avoir leur intérêt et que contient l'édition de Boston, 1864, et de plus les appendices fort amples et fort curieux que renferme la version castillane.

Malgré ces adjonctions, il faut l'avouer, l'histoire de Ticknor présente des lacunes. M. Magnabal en a signalé quelques-unes dans son introduction, mais il ne les a pas indiquées toutes. Ainsi on cherche en vain dans le critique américain le nom d'un écrivain fort original, Alfonso Martinez de Toledo, l'auteur du Corbacho, livre étrange auquel Wolf a rendu pleine justice (Studien zur Geschichte der spanischen und portugiesischen Nationalliteratur, p. 232 et suiv.) Le règne de Don Juan II n'a pas fourni à Ticknor tout ce qu'il pouvait lui donner. Le Cancionero de Baena a été feuilleté un peu négligemment; comment Ticknor ne s'est-il pas arrêté devant de belles stances de Pray Migir,

amères inspirations de Ruy Paes? Bien que connaissant les littératures romanes, Ticknor n'a pas assez indiqué certains courants d'idées qui circulaient en deçà et au delà des Pyrénées. Il y avait à saisir sur bien des livres espagnols des reflets de nos poëtes français. Il y avait aussi à reconnaître dans ce qu'on a appellé l'école provençale en Espagne, un caractère beaucoup plus original qu'on ne l'a supposé et qui mériterait à cette école le nom de castillane. Sur les romances, Ticknor a été trop bref. Sur la littérature catalane, il est fort incomplet, à peine a-t-il un mot sur Tyrant-le-Blanc dont M. Aguilo y Fuster a commencé à nous donner une édition depuis longtemps désirée. Des œuvres sérieuses de Quevedo, Ticknor ne dit presque rien. N'y avaitil pas lieu de nous avertir que plusieurs d'entre elles ne sont que des traductions et qu'un traité que M. de Ochoa considère comme la plus grande œuvre de cet auteur n'est autre que l'Introduction à la vie dévote de saint François de Sales.

Nous ne blâmerons pas M. Magnabal de ne pas avoir cherché à développer le texte qu'il traduisait, mais nous croyons que sans recourir à de longues adjonctions, il aurait pu quel quefois le compléter à l'aide de courtes notes et souvent le rectifier. A l'époque où Ticknor écrivait, beaucoup des ouvrages dont il traitait n'avaient pas été publiés. Ainsi il parle du livre de D. Sancho-el-Bravo: Castigos y documentos comme n'étant connu que par des extraits: il a été édité en 1861 par Ribadeneira. Même remarque serait à faire pour quantité d'autres écrivains dont les œuvres ont été imprimées postérieurement au temps où Ticknor composait son livre, et c'est ce que M. Magnabal aurait pu faire connaître à la satisfaction de beaucoup de lecteurs. Un point curieux sur lequel M. Magnabal a cru et avec raison devoir donner un article du marquis de Pidal, c'est la question de l'authenticité du Centon epistolario. Il y avait encore sur ce sujet, pour le moins, à rappeler un travail fort bien fait de Don Adolfo de Castro: Memoria sobre la ilegetimidad del Centon epistolario y sobre su autor verdadero (Cadix, 1857, in-8). Quelquefois M. Magnabal a poussé un peu trop loin le scrupule en reproduisant certaines erreurs échappées à Ticknor. C'est ainsi qu'il qualifie Don Enrique de Villena du titre de marquis. L'aïeul de ce personnage, Don Alonso d'Aragon, avait, en effet, été fait marquis de Villena par D. Enrique II; mais dépossédé par Don Enrique III, D. Alonso cessa de porter ce titre qu'il ne transmit ni à son fils ni à son petit-fils. La qualification de marquis ne fut accordée à D. Enrique par aucun de ses contemporains.

Si nous nous sommes permis ces observations dont quelques-unes sont peut-être minutieuses, c'est que nous tenons en très-grande estime le long et beau travail de M. Magnabal. Quand on lit un hon livre,

Académie de Sainte-Croix d'Orléans: Lectures et Mé. moires. Tome deuxième. Orléans, Herluison; Paris, Douniol et Dumoulin, 1872. Gr. in-8 de LXVп-532 p. Prix: 10 fr.

Ce volume de Lectures et Mémoires est un recueil d'articles divers dont plusieurs ont une importance réelle. Nous devons nous borner ici à donner l'énumération bibliographique et une courte appréciation des sujets traités. L'avant-propos, placé en tête du volume, renferme l'historique de la fondation et du développement de l'Académie, son règlement et deux rapports sur ses travaux. C'est avec l'étude de M. l'abbé Bougaud, sur Orléans et le caractère Orléanais (p. 1) que commencent les Lectures et Mémoires. Cette étude a toutes les qualités d'un discours académique; peut-être aussi en a-t-elle un peu les défauts, et l'auteur n'a-t-il pas apporté à l'appui de sa thèse tous les faits propres à caractériser Orléans et les Orléanais. Avec quelques recherches et quelques citations de plus, la démonstration eût été plus complète, mais le discours n'eût pas été plus intéressant.

M. A. Johannet, avocat à la Cour d'appel d'Orléans, dans son mémoire intitulé: Le P. Lacordaire et Frédéric Ozanam d'après leurs correspondances (p. 30), a eu l'heureuse idée d'étudier ces deux hommes dignes l'un et l'autre d'être mis en parallèle, dans les documents où leur âme apparaît avec le plus d'abandon, c'est-à-dire dans leurs lettres. L'auteur exprime avec âme ce qu'ont dû ressentir tous ceux qui ont lu ces lettres admirables. Il est bon, au milieu d'une époque de défaillance, de rappeler ce qu'ont été ces âmes si généreusement dévouées à la défense de la vérité.

Les deux inscriptions tumulaires qui se lisent en l'église de Saint-Pierre le Puellier d'Orléans, par P. Mantellier (p. 63), tel est le titre, beaucoup trop modeste à notre avis que l'auteur donne à son travail. M. Mantellier ne se borne pas, en effet, à un commentaire intelligent de deux inscriptions remarquables, mais, sans sortir en apparence du cadre de son étude, il retrace en réalité l'histoire de Saint-Pierre de Puellier, et nous initie d'une façon très-complète au mouvement littéraire qui se produisit à Orléans à la fin du seizième siècle et au commencement du dix-septième.

Les Pensées diverses extraites d'un manuscrit de M. Defay-Boutheroue, par L. de Buzonnière (p. 119), font connaître comme philosophe et comme penseur ce savant orléanais du dix-huitième siècle, dont on possède quelques travaux d'histoire naturelle.

Dans l'article suivant, portant pour titre : l'Education dans la Comédie; les Adelphes de Térence et l'École des Maris de Molière, notre collaborateur M. G. Baguenault de Puchesse, étudie les rapports des pères avec leurs enfants, tels que nous les présentent les Adelphes de

leurs pupilles dans l'École des Maris. L'auteur a su donner de l'intérêt à cette comparaison. C'est en étudiant la comédie comme il le fait qu'on peut en tirer des enseignements sérieux.

Le volume contient encore un article sur La dernière controverse du P. Gratry avec M. Vacherot (p. 317). M. Vacherot s'était attaqué à la religion, à Dieu et au christianisme. Le travail de M. Baguenault de Puchesse, en résumant et précisant les arguments de la discussion, montre comment la défense, habilement maniée par le P. Gratry, a triomphé de l'attaque.

L'étude de M. Isnard: Coup-d'œil sur la justice criminelle en France avant 1789 (p. 174) a pour objet de faire connaître l'organisation judiciaire criminelle à la fin du dix-septième et du dix-huitième siècle. L'auteur étudie successivement les juridictions et la procédure. Pour la première partie, qui est la moins connue, M. Isnard a tort de ne pas indiquer les sources dont il se sert. Le traité de la procédure criminelle de Pothier fournit à l'auteur les éléments de la seconde, qui est plus complète.

Notre collaborateur M. Maxime de la Rocheterie, a donné sous le titre Trois mois de captivité en Hongrie (p. 232), un récit très-intéressant de la captivité du général de Pimodan à Péterwardein. C'est un travail très-consciencieux que celui de M. Ludovic de Vauzelles: Le prieuré de la Magdeleine-lez-Orléans au quinzième siècle, ou la réforme de l'ordre de Fontevraud par l'abbesse Marie de Bretagne (p. 271). L'auteur a eu recours aux archives du Loiret et du Maine-et-Loire e; il a réuni une foule de renseignements précis qui lui ont permis de donner un récit complet et appuyé sur des documents indiscutables, de la vie et des travaux de la célèbre abbesse Marie de Bretagne, et de la réforme opérée par elle tout d'abord au prieuré de la Magdeleine-les-Orléans.

Dans l'Assistance publique, son origine, ses phases successives (p. 361), le vicomte Maxime de Beaucorps ne donne pas à proprement parler une histoire de l'Assistance publique, mais un aperçu de cette histoire depuis l'antiquité jusqu'aux temps modernes. Il nous fait espérer du reste qu'il complétera un jour ces notes qui suffisent à montrer l'importance et l'intérêt du sujet. M. de Lacombe, dans son étude sur la dernière campagne du maréchal de Villars (p. 425), n'apporte aucun fait bien nouveau: mais il donne des détails intéressants sur la politique du cardinal de Fleury et sur l'expédition de Villars en Italie à l'âge de quatre-vingt-deux ans. Le travail portant pour titre : La première expédition de Jeanne d'Arc, Blois, Cléry, Orléans, 27, 28, 29 avril 1429, par M. Boucher de Molandon (p. 456), termine dignement le volume. Ce travail comprend deux parties: la topographie d'Or

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