NOS ARTISTES AU SALON I Le Salon vient de fermer ses portes; c'est le moment d'en dire un mot, surtout au point de vue spécial de nos exposants bretons et vendéens. Au point de vue général, qu'en pourrions-nous dire, sinon que ces bazars annuels, plus ou moins artistiques, se ressemblent par la qualité, sinon par la quantité, de plus en plus croissante et encombrante? Près de quatre mille œuvres diverses, en tout genre, se sont étalées pendant six semaines aux yeux toujours avides d'une foule plus curieuse que raffinée de goût; car jamais peut-être la peinture ne fut plus à la mode; et ce mot dit tout dans ce pays où l'on s'engoue si vite de certaines choses et de certains hommes, quitte à les délaisser demain pour courir à de nouveaux favoris. Aussi, voyant le métier si honoré et si lucratif, tel qui autrefois n'aurait osé élever ses rêves plus haut qu'un comptoir d'épicerie, se fera peintre sans plus de vocation que sa fantaisie ou l'amour du lucre. Plusieurs, en effet, arrivent à vendre leurs toiles et leurs couleurs, celles-ci appliquées sur celles-là, à un prix bien autrement élevé que si, bonnetiers ou droguistes, ils les eussent vendues séparées. Les enchères véritablement folles, auxquelles nous fait assister l'Hôtel des Ventes, cette halle centrale de l'art européen ou plutôt universel, enflamment les imaginations. Quand il voit un informe barbouillage de Fortuny se payer, au poids, non point de l'or, — ce serait trop peu pour nos enragés amateurs, mais du diamant, le dernier des rapins se prend à rêver millions. |