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l'imprimerie Charpentier a fait ses preuves, et son propriétaire actuel ne dément pas la bonne renommée justement acquise à son établissement.

Toutefois, M. Henri Lemeignen, un avocat qui à la connaissance pratique du droit, c'est-à-dire à l'utile, sait joindre l'agréable, en prouvant que la littérature ancienne ne lui est point étrangère, ne se bornera pas à deux volumes. Il reste les airs notés, indispensable complément, et sans doute quelques chants oubliés ou omis. Ainsi plusieurs pièces sont signées par Lucas Le Moigne, curé de SaintGeorges du Puy-la-Garde, en Poitou. Nous regrettons de ne pas en voir de Jehan Daniel, dit Mitou, l'organiste de Saint-Pierre et de Saint-Maurice d'Angers, qui appartient un peu à Nantes, sinon par sa naissance, dont jusqu'à présent on ignore le lieu, au moins en qualité d'organiste de la Collégiale de Notre-Dame en 1518, 1519, etc., où il débuta comme poète et musicien.

Faute d'espace, nous ne pouvons, à notre grand regret, citer quelques-uns des noëls, parmi lesquels du reste, le choix est difficile; mais n'oublions pas, du moins, à cette époque de vœux et de souhaits, souvent intéressés et mensongers, l'aimable et gracieuse invitation qui termine ce premier volume :.

Et qui bon Francois si sera,

Point de chanter ne se tiendra
Noël à grand'halenée :
El son bien luy croistra

Moult le long de l'année.

Amen.

Noël! Noël !

LOUIS DE KERJEAN.

CHRONIQUE

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SOMMAIRE. Les Pèlerins de Rennes au Vatican. Adresse de M. le comte de Palys. Les dessins de M. Busnel. - Un hommage aux Bretons et aux Vendéens. Les Contemporains de Molière. Un Suisse

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à'Académie française.

A un mois d'intervalle, Rome a vu deux fois entrer dans ses murs des pèlerins partis du milieu de nous le 14 novembre, des Vendéens; le 12 décembre, des Bretons; mais le bonheur qu'a cu Mgr l'évêque de Luçou de conduire et de ramener les premiers, a été refusé à S. E. Mer SaintMarc, que sa santé a forcé d'abandonner à Paris le petit troupeau voyageur.

Le 12 décembre 1875, dit une très-intéressante correspondance du Journal de Rennes, sera pour les pèlerins de Bretagne une date mémorable. Voir le Pape, recevoir ses bénédictions, entendre sa voix chérie, se nourrir des paroles de vie qui sortent de ses lèvres augustes, tel a été le but final du long et fatigant voyage qu'ils ont entrepris dans la saison la plus rigoureuse de l'année. C'est en ce jour que ce but a été atteint, que leurs vœux les plus chers ont été comblés.

La salle du Consistoire avait été mise à la disposition des pèlerins pour cette audience solennelle. Aux pieux Bretons se sont joints un certain nombre d'étrangers également en pèlerinage à Rome, de sorte que le nombre des assistants s'élevait à plus de 250.

A l'apparition de Sa Sainteté, un frémissement de bonheur a parcouru l'Assemblée. Le Pape était souriant, et sa première parole a été une parole de bénédiction. Lorsqu'il a pris place sur son trône, M. le comte de Palys s'est avancé vers lui, et d'une voix à laquelle l'émotion n'enlevait rien de sa fermeté, il a donné, au nom des pèlerins, lecture de l'Adresse sui

vante:

Très-Saint-Père,

C'est avec un cœur plein de reconnaissance que vos Bretons viennent au pied de votre trône renouveler leur solennels serments de fidélité et d'amour. Nous sommes reconnaissants et fiers, parce que nous savons que Votre Sainteté nous aime. Elle l'a dit en donnant à notre éminent archevêque l'honneur de la pourpre romaine, et cette parole est notre plus douce récompense. Ah! Très-Saint-Père, quel est le lien du monde où vous êtes plus aimé que dans cette noble terre de Bretagne, qui donna

si largement pour le Saint-Siége le sang de ses enfants! Dans nos villes, dans nos familles, nous rencontrons à chaque pas quelques-uns de vos glorieux défenseurs ! Et nous, nous qui n'avons pas eu le bonheur de compter parmi eux, c'est à notre tour de venir aujourd'hui vous affirmer que nous n'avons point dégénéré de ces glorieux devanciers, et vous promettre notre dévouement jusqu'à la mort. La pourpre de notre cardinal a dit à toute la Bretagne que vous comptiez non-seulement sur lui, mais sur elle, usque ad effusionem sanguinis.

Et maintenant, Très-Saint-Père, pour vous dédommager autant qu'il est en nous des amertumes qui vous abreuvent, nous avons encore d'autres promesses à faire : suivant l'exemple de Son Eminence le cardinal de Rennes, qui eût été si heureux de nous présenter à Votre Sainteté; suivant l'exemple de ce père bien-aimé qui, depuis trente-quatre ans, n'a cessé de lutter pour former à Dieu les âmes de ses tils et leur procurer les bienfaits de l'enseignement catholique, nous vous promettons de donner à nos enfants cet inestimable trésor, de former des familles généreuses et chrétiennes, attachées et soumises aux enseignements que vous donnez au monde. Ce sont les hommes de notre âge qui sont chargés d'élever la génération nouvelle pour nous, ce sera la génération des hommes du Syllabus. Nous ferons tous nos efforts pour que les Bretons destinés à nous succéder restent toujours les plus fidèles parmi les enfants du Saint-Siége, et qu'ils méritent à leur tour d'entendre dire de la bouche de Pierre qu'ils sont aimés de lui.

Daignez donc, Très-Saint-Père, bénir tous ceux qui vous entourent; daignez bénir aussi nos familles, qui envient notre bonheur, dont les cœurs et la pensée nous suivent aujourd'hui aux pieds de Votre Sainteté, et que cette bénédiction, après avoir été notre force dans les difficultés de la vie, soit la douceur, l'espérance et la consolation de nos derniers jours.

Le Saint-Père, se levant avec l'air de majesté qui le distingue, a répondu par un admirable discours. If a comparé les temps actuels aux premiers jours de l'Eglise. De même qu'autrefois les fidèles venaient visiter et consoler leurs pasteurs, de même aujourd'hui il se trouve un très grand nombre de catholiques dévoués qui viennent de bien loin apporter leur tribut de consolations au Père commun des fidèles.

Puissions-nous voir, a dit Pie IX, le retour des jours de paix et de tranquillité; pour le mériter, prions beaucoup et opérons autant que possible des actes de charité, et recourons à Marie. Adressez-vous surtout à la Mère de Dieu, vous qui avez en elle, à Rennes, une puissante protectrice sous le nom de Notre-Dame-de-BonneNouvelle. Priez-la de vous apporter bientôt la bonne nouvelle de la paix. Adressezvous à saint Pierre, qui est aussi votre protecteur, afin que du haut du ciel il dise au Seigneur: Salva eos, Domine.

Le Saint-Père

toute paternelle.

terminé en bénissant les pèlerins avec une tendresse

Je vous bénis, a-t-il dit, dans vos personnes, dans vos familles, dans tout ce qui vous appartient. Que cette bénédiction fasse régner la concorde parmi les habitants de votre catholique province.

Je bénis le premier pasteur de votre diocèse, et je prie le Seigneur de remplir son âme de consolations, de fortifier son corps et de lui rendre une santé parfaite. Je bénis la France entière, et je supplie Dieu d'éloigner d'elle les dangers qui l'environnent.

Ce qui rend remarquable l'Adresse des pèlerins de Bretagne, écrit au Journal de Rennes le même correspondant, ce sont les magnifiques dessins à la plume dont a bien voulu l'orner, à la demande de M. de Palys, l'artiste si plein de modestie dont le crayon a produit tant d'œuvres délicates et énergiques qui lui ont fait une place à part parmi les maîtres de l'école bretonne catholique. Nous devons dire que jamais M. Busnel n'a été mieux inspiré. Essayons, malgré notre impuissance, de donner une idée de son petit chef-d'œuvre.

Au-dessus du texte de l'Adresse, il a placé les armes de notre bien-aimé Pie IX, cet écusson sur lequel nos yeux et nos cœurs ont pris l'habitude, depuis bien des années, de se reposer avec tant de bonheur.

L'Adresse de fidélité et d'amour au successeur de Pierre repose sur une solide assise de granit, supportant à son centre l'écusson de la Bretagne avec ses hermines et notre fière devise: Potiùs mori quam fœdari. Ge granit, symbole de notre ferme fidélité aux principes qui font la gloire des vrais Bretons, ce granit porte profondément gravée cette noble et énergique protestation d'attachement à la chaire infaillible du porte-parole de Jésus-Christ: Qui nos separabit a Christo! Qui nous séparera de JésusChrist!

A droite et à gauche, l'Adresse est encadrée par deux vignettes. Celle de droite, la moins importante, est une oriflamme élégante. De la croix qui la surmonte descend en ondulant gracieusement un long ruban portant plusieurs fois inscrite notre devise de fidélité: A ma vie ! Ce ruban entoure tout le côté droit de l'Adresse, et vient s'attacher aux armes de la Bretagne.

Mais le dessin capital se trouve à gauche de l'Adresse. C'est un jeune Breton dans son costume national; ses longs cheveux encadrent son visage, d'une mâle et fière beauté; ses regards, illuminés d'un saint enthousiasme, s'élèvent vers le ciel, où brille l'écusson du Vicaire de Jésus-Christ; une de ses mains est appuyée avec force sur son cœur, l'autre élève bien haut la bannière de la croix, du sommet de laquelle descend, comme dans le dessin qui fait le pendant de celui-ci, une longue oriflamme déroulant autour du jeune Breton ses plis gracieux chargés de nötre fidèle devise : « A ma vie! »...

Au reste, chacun sera, paraît-il, à même de juger de la beauté de cette composition, si, comme on l'assure, elle est reproduite largement par la photographie.

« Dans nos villes, dans nos familles, nous rencontrons à chaque pas quelques-uns de vos glorieux défenseurs! » Ces mots de l'Adresse de Made Palys nous font penser à une belle et énergique pièce de vers de M. Victor Fournel, Les Soldats de Dieu. Pour l'anniversaire de Patay que vient de publier le Correspondant, et où le poète rend la plus complète justice aux « soldats de Charette et de Cathelineau. »

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Et l'élever si haut, dans l'orgueil de leur culte,
Que le rire des sots, le blasphème et l'insulte
Resteraient en arrière et ne l'atteindraient point.
C'est leur foi qui trempa l'acier de leur épée,
Qui, mieux que les Romains sous le pied de Pompée,
Du sol fécond les fit sortir;

Elle que, d'un bras ferme, au-dessus de leurs têtes,
Ils dressaient, comme un phare, au milieu des tempêtes,
Elle qui les fit vivre, et qui les fit mourir!

La plume qui a tracé ces strophes si chaleureuses, et si flatteuses pour chose nos compatriotes, qui devraient tous les lire, est en même temps rare la plume d'un curieux, d'un érudit; et, puisque l'occasion s'en présente, disons aux amateurs que le troisième et dernier volume des Contemporains de Molière, de M. Victor Fournel, va paraître chez Firmin Didot. Il est consacré aux Théâtres du Marais et du Palais-Royal. Entre autres pièces curieuses et rarissimes, sans parler des notes et notices, on lira le Parasite, de Tristan l'Hermite; le Campagnard, de Gillet de la Tessonnerie; la Désolation des filous et les Amours de Calotin (pièce contre Molière), de Chevalier; l'Académie des femmes, de Chapuzeau, etc. Une histoire du théâtre du Marais, qui n'avait jamais été écrite jusqu'à présent, ouvre le volume. Personne ne connaît mieux le XVIIe siècle que M. V. Fournel, et aucune publication n'abonde plus que la sienne en particularités sur les hommes, les écrits et les mœurs de cette époque.

Ne signons pas cette chronique sans y constater le grandissime triomphe d'un Breton, d'un Lorientais, de l'auteur de poésies que vous ne connaissez pas ni moi non plus! les Plaintes du vent; en un mot, de M. Jules-François-Simon Suisse, dit Jules Simon, dit 606, lequel a été bombardé, presque en même temps, membre du Sénat et de l'Acani là démie française! Nous n'en félicitons ni l'Académie, ni le Sénat, Bretagne !

LOUIS DE KERJEAN.

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