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presses, qui livrèrent au public, en langue exclusivement bretonne, les deux curieux mystères de sainte Barbe et de saint Guennolé'. Vannes eut encore vers la même époque un premier établissement typographique. Il était dirigé par Jehan Bourrelier, et livra à l'impression entre autres livres de valeur le Breviarium ad usum insignis Eccles. venetensis. VENETIE, 1589 2.

Enfin le seizième siècle ne se termina pas sans que le même avantage n'eût été procuré à la ville de Dinan.

Le chef de la nouvelle imprimerie s'appelait Aubiniaire. Il donna au public, entre autres ouvrages, les opuscules du jurisconsulte Boisgelin de la Toise, originaire de Taden 3, ainsi qu'une lettre de l'évêque de Saint-Brieuc à son collègue du Mans, etc., 1593 et 1597*.

Il ne sera pas inutile d'ajouter ici, pour être complet, que la Bretagne fournit dès le commencement de ce même siècle, à la capitale de la France et sans doute à d'autres villes du royaume et de l'étranger, un certain nombre d'imprimeurs qui ont acquis une grande réputation, par l'élégance de leurs impressions et par l'éclat des miniatures dont ils enrichissaient leurs publications. Nominons parmi eux Thielman Kerver, Allain Lotrian, Yves Quillivère, Jean Kerbriand, Didier Maheu, etc. 3.

Quant à Simon de Colines, c'est à tort, selon toute apparence, qu'on a voulu en faire également un Breton en prétendant que le bourg de Collinée lui avait donné naissance. Il était né plus proba blement à Pont-de-Colines près de Montreuil en Picardie.

VI. Le XVIIe siècle, époque de tous les genres de gloire pour la France, se trouva être aussi la période sans contredit la plus glorieuse des annales de l'imprimerie en Bretagne. C'est alors en effet

1 V. M. Gautier, Hist. de l'imprimerie en Bretagne, p. 34.

2 Renseignement communiqué par M. l'abbé Chauftier (Vaunes). Le même corres pondant nous apprend aussi que le Missel de Vannes de 1535 fut imprimé à Paris par les soins de Michel les Papolins, libraire à Nantes, et de Guill, Brunel, libraire à Vannes.

3 Biographie Bretonne, art. Boisgelin.

"M" Jaus., n° 2, p. 22.

5 Ibidem, n° 2, p. 16, et n° 8, p. 28.

6 Cf Maittaire: Vitæ typographorum, etc.

qu'on vit les établissements typographiques s'y multiplier de tous côtés, et acquérir en outre cette fixité et cette stabilité, dont ils avaient été privés précédemment.

La ville de Rennes en particulier donna asile, dans le cours des vingt-cinq premières années de ce siècle, à quinze ou vingt nouveaux ouvriers typographes venus de Paris, de Caen, de Rouen, de Nantes, de Troyes, etc. Or, la plupart d'entre eux, comme Tite Haran, Pierre Hallaudays 2, Pierre Durand 3, Pierre Garnier, surent se faire une nombreuse clientèle et transmirent leurs presses à leurs descendants pour de longues années. On a cependant à regretter que le plus illustre de tous, Christophe Beys, petit-fils du célèbre Christophe Plantin, n'ait fait qu'un trop court séjour dans la capitale de la Bretagne, et lui ait préféré la cité flamande de Lille 5.

En retour, Jean Vatar ou Valart, se fit recevoir en la compagnie des imprimeurs de Rennes, le 5 juin 1631. D'où venait ce Vatar? Était-il originaire soit d'Auxerre, soit de Tours, deux villes où le nom des Vatar n'est pas inconnu, où ils ont même exercé avec honneur les fonctions d'imprimeur ? C'est une question restée sans solution, mais ce qui est certain, c'est que ce personnage, grâce à son habileté, à son esprit de justice et d'équité, à toutes ses belles qualités, ne tarda pas à conquérir un rang à part parmi les hommes de sa profession dans la ville qu'il habitait, et à mériter le titre fort recherché alors d'imprimeur ordinaire du roi et des États de Brelagne. La maison Haran, qui en avait joui précédemment, après Thomas Mestrard et Julien du Clos ", se voua alors plus spécialement à l'impression des livres classiques, ou des ouvrages de droit, de piété et de théologie. Ainsi firent semblablement les maisons Denys, Yvon, Coupard, Hardy, Garnier, Gaisne, etc. 1o, qui conti

P.

↑ M" Jaus., n° 1, 16. 5 Ibid., p. 15.

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Les premiers arrêts royaux portent VATART. Actuellement on écrit VATAR.

7 M" Jaus., n° 5, p. 41. — Ibid. p. 6.

9 Ibidem, n° 2, liste des imprimeurs du roi à Rennes, Duclos, Logeroys, deux Haran, J. Vatar.

10 M Jaus., n° 1, p. 33, etc.

TOME XXXVIII (VIII DE LA 4e SÉRIE.)

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nuèrent néanmoins à prospérer. Quant à Denys Lesné, il donnait au public. en 1628 un Missel Romain, et un Manuel des Confesseurs 1, ce qui permettrait de penser qu'il était l'imprimeur ordinaire de l'Evêché. Cependant le premier, si nous ne nous trompons, qui prit ostensiblement ce titre n'est autre que Jean Durand (1644) 2. Il demeurait rue Saint-Germain à l'enseigne Notre-Dame 3.

Quoi qu'il en soit de ce point de détail, Jean Vatar venait de fonder une maison appelée à un brillant avenir et destinée à laisser bien loin derrière elle les maisons rivales, qui existaient antérieurement dans la capitale de la Bretagne. Disons de suite à cet égard et pour ne pas revenir sur ce sujet, que peu après la mort de son premier chef, la famille Vatar se trouva de fait en mesure de se scinder, et de diriger en même temps dans la même ville, deux, et quelquefois trois imprimeries; les unes et les autres continuèrent également d'être entourées de l'estime et de la considération publiques et deux d'entre elles ont subsisté dans la même famille. jusqu'en 1847 4.

Il y a cependant cela de remarquable, que ce fut la branche cadette qui eut le privilége de conserver dans sa lignée le titre d'imprimeur du roi, du Parlement et des États. En revanche, la branche aînée, qui reconnaît pour chef Alain Vatar, fonda au XVIIIe siècle trois nouveaux établissements: l'un à Nantes, le second à Lyon' et le troisième à Paris . Cette branche a d'ailleurs survécu à sa rivale et continue encore actuellement d'exercer à Rennes avec éclat l'honorable profession d'imprimeur.

DOM FRANÇOIS PLAINE,
Bénédictin de Ligugé.

(La suite à la prochaine livraison.)

1 M" Jauss., n° 1, p. 26. 2 Ibid., p. 36. Ibid., n° 1, p. 29, 57 et n° 5, f. 41-47.

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5 lbid., n° 8, p. 20, et lettre de M. Hippolyte Vatar en date du 27 août 1875. 6 lbid., n° 1, P. 64.

BIOGRAPHIES VENDÉENNES

CRÉTINEAU-JOLY

III*

Crétineau-Joly avait publié les Chants romains, en 1826; les Inspirations poétiques, en 1829; les Trappistes, en 1829; Charette, drame politique, les Poésies vendéennes et Mélanges, en 1833; les Episodes des guerres de la Vendée, en 1834; l'Histoire des généraux et chefs vendéens, en 1838; Un fils de pair de France, en 1839; le Voyage à la vapeur, en 1840.

On devine par ces titres quelles avaient été les préoccupations d'esprit de l'auteur et quel avait été l'objet principal de ses réflexions et de ses études. Catholique et royaliste de conviction, Vendéen d'affection comme de naissance, il avait vu comme se résumer dans les guerres de la Vendée tous les épisodes religieux et politiques depuis 1793. Le triomphe de la Vendée, c'eût été le triomphe de l'Eglise et de la monarchie; la défaite de la Vendée, ç'avait été le triomphe de la révolution, et cette révolution impie, Crétineau-Joly la poursuivra jusque dans la manière dont elle feindra un certain respect pour l'Eglise et dans ses moyens fraudu leux pour faire signer au représentant du Pape un faux concordat, au lieu du vrai concordat. La main impitoyable de l'historien vendéen enlèvera tous les voiles et exposera nue la révolution dans toute sa laideur aux regards effrayés des générations. République,

* Voir la livraison de septembre, pp. 161-173.

bonapartisme, orléanisme : trois formes diverses d'une unique et même chose, la révolution, apparaîtront tour à tour sur la sellette au tribunal des siècles, en compagnie du protestantisme, cette première forme révolutionnaire dont l'examen privé n'est que le frère de la libre-pensée.

Racine disait que, lorsque son sujet était choisi et médité, sa tragédie était faite. Crétineau-Joly avait, toute sa vie, médité sur les guerres de la Vendée, dont il avait entendu les premiers récits sur les genoux de sa mère, au sein même de la Vendée. Il avait connu les anciens soldats et les anciens chefs, les nouveaux chefs et les nouveaux soldats; il avait vécu dans leur intimité; il avait répété leurs chants de gloire et leurs gémissements; il avait vu leurs yeux s'animer au souvenir des victoires et se voiler de larmes au souvenir des défaites et des ingratitudes; son cœur s'était identifié avec celui de ces héros, et sa plume avait déjà écrit les pages principales de son chef-d'œuvre lorsqu'il quitta peu à peu les luttes du journalisme pour y mettre la dernière main.

Ce fut de 1840 à 1842 que parurent successivement les quatre volumes de l'Histoire de la Vendée militaire. La cinquième édition, la dernière que nous connaissions, parut en 1865, il y a dix ans.

Le monde n'aurait peut-être jamais eu Virgile, s'il n'avait eu Mécène. La France n'aurait peut-être jamais eu Crétineau-Joly avec son Histoire de la Vendée militaire, si elle n'avait d'abord eu le baron Dudon, ancien ministre de Charles X. Crétineau-Joly, homme de mérite supérieur, mais encore humble écrivain de province, avait connu à Nantes le baron Dudon, qui l'avait compris. Une circonstance avait encore rapproché davantage l'homme puissant et le modeste écrivain.

L'Histoire des traités de 1815 avait vengé le baron Dudon des injustes accusations dont il avait été l'objet, et CrétineauJoly, en publiant ce livre, avait eu un double but. « Le but premier, nous le connaissons, dit le P. E. Régnault: il fallait apprendre à tous « quel fut le rôle que chacun s'assigna dans ce drame de << toutes les misères d'un pays occupé jusqu'à deux fois en quinze

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