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Le temps, bizarre en ses caprices,
A pour jamais dénaturé
L'autel témoin des sacrifices,
Mais il a respecté toujours
La statue aux chastes contours
De la déesse des Amours.

Deux belles sources murmurantes
Près de l'arbre, dans le jardin,
Forment un clair et frais bassin;
Le bambou, les vertes acanthes,
Le laurier-rose, le jasmin,
S'inclinent sur ses eaux dormantes,
Où la folle brise au hasard
Promène les feuilles flottantes
Et les fleurs d'or du nénuphar.

Tout au fond Vénus est couchée
Sur le sable, dans les roseaux;
Près d'elle, doucement penchée,
S'épanouit la fleur des eaux;
Le soleil, tamisé par l'onde,
Prête une vague teinte blonde
Aux longs rouleaux de ses cheveux;
On dirait que Phébus encore
Vient sur ce beau front qu'il colore
Déposer le baiser des Dieux.
Le moindre souffle de la brise
Trouble son image indécise,
Elle rêve, et de ses grands yeux
Remplis de tristesse éternelle,
Elle voit s'enfuir devant elle

Les siècles dans l'azur des cieux !

M. de Brayer a imité heureusement deux petits chefs-d'œuvre d'Anacréon, un Vou et l'Amour piqué. Il me paraît avoir moins réussi en essayant de s'inspirer de la Bible, dans une pièce assez étendue, les Aigles de Tyr.

La mort de ce jeune poète est une perte véritable pour les lettres. Son nom restera entouré d'un doux éclat parmi ceux des artistes qui ont honoré la Vendée, son pays d'adoption.

JOSEPH ROUSSE.

HISTOIRE DE SAINT PIERRE, PRINCE DES APÔTRES ET PREMIER PAPE, par M. l'abbé Janvier, doyen de l'Eglise métropolitaine de Tours. — Tours, Mame, 1875. In-8° de xvi-384 pages. Prix: 1 fr. 50.

Après Jésus-Christ et la Vierge Marie, saint Pierre est sans contredit la plus grande figure historique de l'Ancien et du Nouveau Testament. Il résume et réunit en lui toutes les vertus et toutes les gloires des patriarches et des prophètes. »

C'est avec cette hauteur de vue que le nouvel historien de saint Pierre entre en matière. Ce début promet, on le conçoit sans peine, une œuvre sérieuse, longuement étudiée et méditée, digne en un mot du grave sujet qu'elle a pour objet. Déjà saint Paul et saint Jean avaient trouvé leurs biographes dans les rangs de notre clergé français contemporain 2. Il était juste que le chef du Collège apostolique ne fût pas traité avec moins d'égards. Mais faire connaître successivement et avec les développements nécessaires le disciple privilégié de Notre-Seigneur Jésus-Christ, le prince des apótres, l'évêque de Rome, le plus grand des martyrs 3, n'était pas une tâche sans labeur, une entreprise de courte durée et de facile exécution.

3

Or M. l'abbé Janvier a su remplir cette tâche avec talent, il a su mener à bonne fin une telle entreprise. Ce n'est pas cependant qu'il ait eu la prétention d'écrire ce qu'on appelle un livre savant. Son but était tout autre; il était uniquement d'édifier en instruisant: aussi a-t-il eu soin de laisser de côté toutes les discussions théologiques, scripturaires et autres, qui s'offraient à lui presque à chaque pas. Il se contente à bon droit de les résumer et de les résoudre d'un mot, mais ses solutions sont toujours claires, empruntées aux auteurs les plus dignes de faire autorité.

Je viens d'indiquer plus haut comment l'ouvrage se trouve tout naturellement divisé en quatre livres. Il serait inutile de vouloir l'analyser plus longuement. Disons plutôt que l'auteur sait se montrer tour à tour profond théologien, archéologue également versé

Histoire de saint Pierre, début de l'avant-propos.

2 MM. Vidal et Baunard, etc.

3 Ces quatre titres résument tout le livre de M. Janvier, et en font le partage.

dans la connaissance de l'antiquité ecclésiastique et de l'antiquité profane, auteur mystique du premier mérite. Ces rares qualités sont encore rehaussées par les charmes d'un style où la simplicité et la concision s'unissent à l'élégance et à la clarté.

Il serait à désirer, si je ne me trompe, que la maison Mame et ses rivales de Paris, et de quelques autres villes de France, qui se dévouent avec tant de zèle à la propagation des bons livres, n'eussent jamais mis entre les mains de la jeunesse chrétienne que des ouvrages de ce genre. La piété et le bon goût y auraient également gagné.

DOM F. PLAINE,
Bénédictin de Ligugé.

CHRONIQUE

SOMMAIRE.

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1. Congrès de l'Association bretonne à Guingamp. II. Inauguration de la statue de Châteaubriand à Saint-Malo. III. Mgr Godefroy Saint-Marc, archevêque de Rennes, promu au cardinalat. La cinquantaine de M. l'abbé Dalin.

I

-

L'Association bretonne a tenu à Guingamp, du 29 août au 5 septembre, son troisième congrès annuel depuis sa résurrection, et toutes les lettres que nous avons reçues des Côtes-du-Nord sont unanimes à constater le succès de plus en plus croissant de ces assises, fécondes en résultats pratiques. Nous avons eu réellement, écrit l'un des membres les plus autorisés de l'Association, « un merveilleux congrès. » Le trop rapide résumé des travaux qu'il nous est permis d'offrir aux lecteurs de la Revue montrera que cette appréciation n'est pas exagérée.

on

Le dimanche soir, 29 août, la séance solennelle d'inauguration eut lieu dans la salle de l'asile Amboise, la plus grande de Guingamp. M. le vicomte de Jouvenel, préfet du département, M. le vicomte Decazes, sous-préfet de Guingamp, M. Robert Surcouf, sous-préfet de Lannion, M. Ollivier, conseiller-général et maire de la ville, siégeaient au bureau avec les membres de la direction; et dans la foule qui se pressait devant eux, remarquait un grand nombre de notabilités bretonnes: députés, conseillers généraux, agriculteurs, poètes, savants ou érudits, heureux de se retrouver encore une fois à cette fête de famille. M. Louis de Kerjégu, directeur de section d'agriculture, ouvrit la séance par un discours remarquable, dans lequel, après avoir déploré l'absence de M. Rieffel, retenu à Grand-Jouan par une sérieuse maladie, il a proclamé l'Association bretonne une œuvre d'apaisement, de rapprochement des esprits, des cœurs et de toutes les forces vives du pays, pour justifier, une fois de plus, cette grande vérité: l'union fait la force. »

Déjà, Messieurs, vos pensées ont remonté à l'origine (1428) de l'institution municipale de cette cité, la plus ancienne des communautés de ville bretonnes, et vous

vous rappelez la patriotique devise de la frérie blanche, patriotique parce qu'elle s'inspirait de l'esprit chrétien:" Un triple câble n'est pas facile à rompre. Ah! bénie, respectée, aimée soit la mémoire de la vieille association qui, comme l'a exprimé excellemment un fils de Guingamp, notre savant collègue, M. Ropartz, dans son beau livre sur sa ville natale, voulait que les membres de chacun des trois Ordres vissent dans les membres des deux autres, non-seulement des compatriotes mais des frères, ce qui était la plus haute inspiration du patriotisme fécondé par la Religion!...

Le pays nous attend, Messieurs, a dit M. de Kerjégu en terminant; unissons donc nos efforts, savants, propriétaires et fermiers, car l'avenir de la France abattue appartient à l'association éclairée, guidée par une instruction saine et s'appuyant sur une force morale que seule la Foi chrétienne peut rendre bienfaisante et durable.

Après une élégante réponse, dans laquelle M. le préfet a exprimé ses meilleurs souhaits de bienvenue au congrès et convié à leur grande mission les agriculteurs et les archéologues, M. le vicomte de Champagny, secrétaire général, rendant compte à l'assemblée de ce qui s'est passé de saillant pour l'Association depuis le congrès précédent, a parlé du progrès de notre agriculture et des modèles féconds que nous offrent les sociétés agricoles anglaises.

L'année de l'Association bretonne, a-t-il dit, se résume dans ce grand fait dont le concours de Guingamp va nous présenter la synthèse et le corollaire, dans l'union des comices avec l'appui du département des Côtes-du-Nord et de la ville de Guingamp, à notre appel et sous notre bannière, pour organiser ici un concours digne des principales industries culturales de ce beau département: concours de la culture et de la préparation des textiles; concours de l'élevage bovin et par dessus tout de l'industrie chevaline, si active sur nos côtes pour la production du cheval de gros Irait, du camionneur fort et puissant, si active aussi dans notre montagne pour l'élevage du cheval de selle, aux allures rapides, au tempérament énergique et résistant.

Messieurs, lorsque je vois se produire près de moi un fait du genre de celui dont je viens de vous parler, une même idée arriver à grouper autour d'elle trente Comices ou Sociétés qui viennent, au prix de sérieux sacrifices, donner la main à notre vieille Association bretonne, et l'aider à réaliser la pensée émanée d'elle, il me revient au souvenir cette vieille histoire du faisceau de flèches, que des hommes robustes, dans toute la vigueur de l'àge, s'efforçaient de briser sans pouvoir y réussir; un vieillard débile délie le faisceau, prend les flèches un à une et les brise sans peine; la flèche isolée se rompt; la force est dans le faisceau. Eh bien, lorsque dans notre France, si déchirée par d'anciennes et funestes divisions, je vois sur un point le faiscean se former; lorsque je sens se serrer autour de cette âme, qui est la pensée agricole, tous les sentiments vrais de patriotisme et toutes les bonnes volontés, alors je me prends à espérer qu'un jour, peut-être, ce que nous avons entrepris, et ce que nous accomplissous ici ensemble s'èten Ira à une sphère plus générale et plus haute, 15

TOME XXXVIII (VIII DE LA 40 SENIE.)

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