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généreux des tribus gauloises non domptées par César coulera dans ses veines, elle ne le permettra; avant tout, elle est fière et indépendante.

Si, en 1830, Charles X avait fait un appel à son cœur ; si le vieux roi lui avait présenté le jeune Henri V, en faveur duquel deux abdications venaient d'être faites; s'il avait déclaré que la duchesse de Berry, princesse si justement populaire, étaít nommée régente; s'il avait ajouté que, chassé de Paris par la révolution, il demandait à la Vendée une de ses landes pour y combattre la révolution dans un dernier combat, les Vendéens se seraient spontanément levés contre les révolutionnaires de 1830, comme ils s'étaient levés contre ceux de 1793, comme leurs ancêtres s'étaient levés jadis à la voix d'Eudes, duc d'Aquitaine, contre les Sarrasins. Soutenant l'armée fidèle, ils auraient combattu la révolution de concert avec elle; ils auraient décidé du sort de la France et tué la révolution. Les chances du moins étaient très-sérieuses en 1830; en 1832, elles étaient nulles: tout était changé. On ne le comprit pas.

Pendant que les fils des croisés combattaient avec plus d'héroïsme que de clairvoyance, le barde soutenait dans le pages du Vendéen et les vaillants de l'épée et les vaillants de la parole, vaillant lui-même de la plume. Ses articles chaleureux lui attiraient les visites domiciliaires, les amendes et les peines trop souvent réservées, en temps révolutionnaires, à ceux qui disent hautement, loyalement, la vérité.

Crétineau-Joly avait vu le côté faible de l'entreprise : il n'était pas parmi les enthousiastes; il n'était pas non plus parmi les pessimistes i croyait le succès difficile, sans le croire absolument impossible. Tenter le coup, puisqu'il était lancé, le tenter avec ensemble, ne rien négliger pour le faire réussir, ni la prudence, ni l'audace tel nous semble avoir été son sentiment. :

La guerre dans les champs vendéens une fois terminée, il fallait, avec la parole et la plume, la maintenir dans les champs de la pensée. C'est ce que Berryer fit admirablement à la tribune; c'est ce que firent avec non moins de zèle dans la presse une foule d'écrivains d'élite, tant de Paris que des départements. Parmi ceux-ci,

Crétineau-Joly s'était créé une place brillante, en attendant que, parmi ceux-là, son mérite l'élevât aux premiers rangs.

Personne mieux que lui n'avait apprécié l'héroïsme de la duchesse de Berry, disputant à la fois la France et la couronne de son fils à la Révolution. En 1833, il fit paraître ses Mélanges; il les dédia, « comme un témoignage de respect, d'admiration et de dévouement», à l'auguste mère de son roi. En même temps le jeune écrivain, comme le dit si bien le R. P. Émile Régnault, faisait << feu de toutes pièces dans le Vendéen, de Niort, contre le gouvernement usurpateur de Juillet. Le gouvernement irrité « fit, au nom de la liberté, dit Crétineau Joly lui-même, apposer les scellés sur les Gazelles de Bretagne, du Maine et d'Anjou. Casimir Merson, rédacteur de l'Ami de l'Ordre, de Nantes, qui expiait déjà sous les verrous sa courageuse indépendance, voyait l'émeute rugir à sa porte et tuer son fils. A cette Saint-Barthélemy des journaux monarchiques, il ne survécut que le Vendéen, rédigé par le comte Joseph de Liniers, le vicomte de Lastic-Saint Jal, Biraud et J. CrétineauJoly.

Le Vendéen était devenu une arme trop faible dans les mains d'un géant. M. le comte de Sesmaisons, qui relevait courageusement à Nantes les ruines de la presse royaliste, songea à lui pour en faire le porte-drapeau de la Bretagne : il remit l'Hermine dans ses mains vaillantes. Pendant quatre ans, Crétineau-Joly fut directeur de l'Hermine; pendant quatre ans, il affirma dans ce journal sa foi religieuse et sa foi politique par un nombre considérable d'articles, dont beaucoup furent remarqués et dont plusieurs n'échappèrent pas aux poursuites orléanistes.

En 1837, Crétineau-Joly quitta Nantes et se rendit à Paris, où l'attendait l'apogée de sa gloire. Il écrivit dans les premiers journaux royalistes de la capitale, et consentit à être le rédacteur en chef de l'Europe monarchique. Il eut comme collaborateur M. le vicomte de la Guéronnière, qui depuis a passé dans le camp bona

Histoire de la Vendée militaire, t. IV, c. x.

partiste. Crétineau-Joly, toujours Vendéen, est resté royaliste jusqu'à la mort. Son indépendance de caractère, en contribuant à fortifier ses convictions, et en le tenant à l'abri de tous les petits calculs d'ambition personnelle, n'a fait que donner à sa fidélité une fermeté plus inflexible, en même temps qu'une plus noble fierté. De la rédaction de l'Europe monarchique, Crétineau-Joly passa à la direction de la Gazelle du Dauphiné, où il resta peu de temps. De plus importants travaux l'appelaient sur un autre terrain. Après avoir combattu pour les saintes causes dans la presse périodique, il devait combattre pour ces mêmes causes avec la plume que l'histoire confiait à son talent, à son courage, à son impartialité. Dix ans s'étaient écoulés déjà depuis la pacification de la Vendée; le calme régnait extérieurement en France; la monarchie révolutionnaire de Juillet cherchait dans les idées conservatrices un remède à son vice d'origine. Pour elle, le remède était un poison, et le moment approchait où, ne pouvant vivre ni par la révolution ni par les idées conservatrices, elle allait, dans une mort violente, recevoir la peine du talion. Crétineau-Joly, toujours dévoué à l'Eglise et à la monarchie légitime, composait ces immortels ouvrages qui sont comme l'épopée des trois derniers siècles.

(La fin à la prochaine livraison.)

ABBÉ DU TRESSAY.

DOCUMENTS INÉDITS

COMPTES

DE LA

FABRIQUE DE SAINT-MARTIN DE CHANTENAY

1481-1506

Tous les Nantais connaissent Chantenay, bourg agréablement situé à l'ouest de la ville, sur une colline du haut de laquelle la vue découvre au loin le cours de la Loire et les riantes prairies qui émaillent la vallée de notre beau fleuve.

Cette paroisse doit être fort ancienne. Elle était bornée à l'est par la rive droite de la Chézine, qui, par sa rive gauche formait la limite de Saint-Nicolas, dont elle fut séparée en 1792, lors de l'érection de Notre-Dame de Chézine (aujourd'hui Notre-Dame-de-Bon-Port), puis plus récemment par Sainte-Anne.

La fabrique de Chantenay possède un Livre de comptes, comprenant une période de vingt-cinq années (1481-1506). Ce vieux registre était enfoui sous un amas de pièces des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, empilées sans ordre au fond du tiroir d'une commode reléguée dans une arrière sacristie. Il est composé de cahiers de papier vergé, petit in-folio (papier de luxe maintenant, alors le seul communément employé), recouverts d'une ample feuille de parchemin. Les premières pages sont en partie rongées par le temps et l'humidité.

Les anciens comptes présentent toujours beaucoup d'intérêt, en ce sens qu'ils nous initient aux détails intimes de la vie privée, et font connaître les coutumes, les mœurs, les usages de l'époque à laquelle ils se rapportent. L'indifférence qui sembla longtemps s'attacher à ces documents, aujourd'hui très-appréciés, l'incurie, les révolutions religieuses et civiles en ont fait disparaître un grand nombre; aussi les paroisses du diocèse de Nantes sont-elles très-pauvres en pièces de dates un peu reculées.

Le Livre de Chantenay n'est donc point à dédaigner. Parmi les renseignements qu'il nous offre, se trouvent les dépenses faites pour l'entretien du franc-archer; dépenses supportées moitié par la paroisse, moitié par la recette des fouages, c'est-à-dire l'impôt levé, au nom du duc, sur chaque feu ou ménage roturier de la paroisse.

Le roi Charles VII, l'organisateur des armées permanentes, ordonna que chacune des paroisses de son royaume présenterait un de ses hommes les plus valides, pour faire campagne, avec l'arc et les flèches, dès qu'il en serait requis. Par lettres patentes, signées au Montils-lèsTours, en 1448, il affranchit ces archers de tout subside et impôt, d'où leur vint le nom de franc-archer, et celui de franc-taupin, tiré peutêtre des taupinières qui remplissent les champs, pour les distinguer des archers appartenant à la noblesse. En effet, dès 1420, nous voyons les compagnies d'archers et les archers de la garde ducale recrutés parmi les membres des familles les plus distinguées.

En Bretagne, les ducs ne tardèrent pas à adopter cette innovation, et nos comptes donnent, à l'égard de ces soldats, des détails que nous croyons assez peu connus, sur leur solde, leur armement et leur entretien.

Pendant cette période de vingt-cinq années, depuis laquelle quatre siècles se sont écoulés, la paroisse eut pour recteurs :

1° 1481-1485, Johannes Godevin, qui se dit modestement: << Dom Jehan Godevin, serviteur dudict lieu de Chantenay » en latin Chantenaio. C'est lui qui a écrit le premier compte, sur les dix premiers feuillets du registre; probablement chaque recteur en faisait autant.

2o 1485-1493, Franciscus Galli (Le Jau).

30 1493-1500, Nicolaus Galli (Le Jau).

Ces deux prêtres étaient également chanoines de la Collégiale de Nantes, et nous croyons qu'ils appartenaient à la famille de notre célèbre bibliophile Pierre Le Gallo.

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