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giste, membre aussi de l'Académie française; M. Wurtz, l'éminent professeur de physique à l'Ecole de médecine; M. Balard, à qui la chimie doit la découverte du brome, et l'un des derniers élus de l'illustre Compagnie; notre compatriote, M. Jules de la Gournerie, inspecteur général des ponts et chaussées, examinateur à l'Ecole polytechnique, etc. Voici encore un membre de l'Institut, M. Levasseur, économiste fort estimé; puis des savants de toute classe, MM. Gavarret, Bureau, Cornu, Mannheim, Verneuil, Hureau de Villeneuve, Sirodot, l'abbé Durand, Broca, Ollier..., une foule d'ingénieurs des ponts et chaussées, des mines ou du génie maritime, des ingénieurs civils, des médecins, des professeurs, des naturalistes, des industriels, des économistes, la plupart des membres de notre Conseil général; et, parmi les étrangers à la France, Mahmoud- Bey, membre de l'Institut égyptien, le commandeur Negri, l'amiral Ommaney, les docteurs Brendza (de Buckarest), Grinwis (d'Utrecht), Phené (de Londres), Schmidt (de Copenhague), le général Ricci, etc., etc....

A cette simple énumération, on comprend qu'il s'agit ici de science internationale et cosmopolite; et c'est peut-être une des raisons qui ont engagé l'Association française, née seulement depuis quatre ans, et déjà très-prospère, puisqu'elle dispose d'un revenu de près de quarante mille francs, à ne pas ouvrir ses sessions dans un temple catholique; nous disons une des raisons; car, malheureusement, nous craignons fort que l'esprit général de l'Association ne soit une infatuation beaucoup trop grande de sa propre infaillibilité : la science est ici placée sur un piédestal trop élevé, pour qu'elle songe à s'incliner devant Dieu, et, prétendant trouver en elle-même la vérité absolue, elle dédaigne un peu trop la source incréée de toute lumière et de toute connaissance. Nous avons eu à constater plusieurs fois cette tendance déplorable, et les polémiques qui se sont élevées à ce sujet dans les journaux de Nantes, pendant les séances du congrès, n'ont fait que corroborer notre opinion. Comme si les Ampère, les Cauchy, les Cuvier, les grands parmi les grands, les illustres des illustres, avaient perdu quelque parcelle de leur génie en l'abaissant humblement devant le Créateur; comme si les six grandes lois régissant uniquement tous les phénomènes naturels et vers lesquelles tendent invinciblement les découvertes les plus récentes dans tous les ordres scientifiques: unité de loi chimique unité de loi physique unité de loi astronomique unité de loi de la vie végé

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tative — unité de loi de la vie animale unité de loi de la vie et de la race humaine n'étaient pas précisément indiquées par les six époques de la Genèse !

Combien mieux inspirés nous semblent l'Institut des provinces et l'Association bretonne, promoteurs des grandes assises scientifiques en

France, lorsque ces deux Associations placent, dès le premier jour, leurs travaux sous l'égide de la protection divine! Invoquez Dieu, messeigneurs, et vos discussions, toujours fort instructives, ne dégénèreront pas en polémiques indignes et de la science et de vou

Mais nous voici entraînés bien loin de la séance d'ouverture. Rentrons à la salle Graslin pour écouter M. le Président d'Eichtal, Mécène de la science, qui donnait dernièrement deux mille francs à l'un de nos astronomes pour aller étudier une éclipse de soleil, à Siam, où les finances de l'État ne permettaient point d'envoyer un observateur. Dans un fort bon discours, et remarquablement prononcé, M. d'Eichtal forme des vœux ardents pour la rénovation de notre pays par la propagation et le progrès des sciences. Avec une érudition toute magistrale, il expose tous les bienfaits de la science appliquée aux arts et à l'industrie, et trace un magnifique tableau des découvertes scientifiques faites depuis Pascal, par tant de savants justement renommés. Il montre tout ce que peut faire, par l'étude, le travail et le génie, l'homme, cet être perfectible et perfectionné. Il ajoute, à l'honneur de la France, que le vaste développement des sciences est une des missions principales et particulières de notre pays. Il faut, après tant de catastrophes, tout reconstruire lorsque tout a été détruit. Il faut mettre en commun ses forces et se håter d'arriver, par les graves travaux, à la pacification des esprits, au rétablissement de notre prépondérance.

Après quelques mots d'éloges au sujet de l'excellent accueil fait aux membres du Congrès à Bordeaux et à Lille, M. d'Eichtal s'efforce de démontrer les affreux résultats de nos révolutions successives qui conduisent à la ruine et ramènent la barbarie. Il exprime la crainte qu'on n'en ait pas encore fini de longtemps avec elles; mais il n'en faut pas moins créer avec une ardeur infatigable et développer à force de travail, de zèle et d'émulation, de grands centres scientifiques provinciaux. Les expériences les plus fatales font voir, jusqu'à la dernière évidence, combien il est nuisible au progrès, qui exige une tranquillité parfaite, de jeter à chaque commotion sociale le cri : Décentralisation! La centralisation gouvernementale est une garantie d'ordre ; mais il ne faut pas laisser à Paris le monopole des sciences et des arts. Rien n'est plus facile ni plus salutaire que la création de grands centres scientifiques.

M. le Maire de Nantes, prenant ensuite la parole, a souhaité chaleureusement la bienvenue à ses hôtes, et M. Ollier, chirurgien en chef de l'hôtel-Dieu de Lyon, a fait de la session de Lille un long et savant compte rendu, qu'il a terminé par une belle péroraison:

La science sera notre guide et notre boussole, dans cette lutte où nous n'avons désappris de vaincre que parce que nous nous sommes endormis sur nos victoires

d'autrefois. Il s'agit donc de reprendre nos traditions et de nous laisser guider par cette traînée lumineuse que la fin du XVIII siècle et le commencement du nôtre ont projetée sur notre horizon scientifique, et qui l'éclaire encore. L'Association n'auraitelle d'autre résultat que de réveiller ou d'entretenir en nous ce sentiment, qu'elle remplirait le rôle patriotique qu'ont visé ses fondateurs. Ils ont inscrit sur leur devise Science et Patrie. Ces deux mots sont tout notre programme, disent toute notre pensée; et, en nous voyant aujourd'hui si cordialement accueillis dans la patriotique Bretagne, nous sommes heureux de sentir que le premier y est aussi bien compris que le second.

Après la séance d'ouverture, le congrès s'est rendu au Muséum d'histoire naturelle, pour en faire l'inauguration solennelle, et, le soir, la municipalité offrait aux membres de la session, dans les jardins de l'Hôtelde-Ville une superbe fête de nuit, au milieu des toasts de laquelle nous avons remarqué une belle allocution de M. Eugène Lambert, président de la Société académique de Nantes.

Le lendemain, 20 août, ont commencé les travaux réels du congrès, et, pendant sept jours, nous avons vu se succéder sans interruption des séances particulières dans quinze sections différentes, des séances générales, des excursions scientifiques, des conférences publiques; en un mot, tous les modes possibles de communications ou de discussions. Au milieu de tant de travaux divers, il nous serait impossible de citer tous ceux qui seraient dignes d'une mention, soit par leur intérêt de nouveauté, soit par l'autorité de leurs auteurs: aussi nous bornerons-nous à mentionner pêle-mêle, parmi les mémoires présentés, ceux qui ont pour objet notre province ou qui émanent de travailleurs bretons.

Les salles réservées aux quinze sections: sciences mathématiques; génie civil; physique et météorologie; chimie; géologie et minéralogie; botanique; zoologie; anthropologie, sciences médicales; agronomie; géographie; économie politique et statistique, se trouvaient distribuées à l'École des sciences, au Muséum d'histoire naturelle et à l'école NotreDame (institution Livet). Les réunions générales et les conférences avaient lieu au cercle des Beaux-Arts.

Dès les premiers travaux de la section d'économie politique, nous avons remarqué une longue étude rétrospective de M. Doucin, inspecteur d'Académie honoraire, sur le mouvement scientifique et intellectuel à Nantes, sorte de revue spécialement consacrée à l'histoire de la Société académique; et la même section nous a offert, quelques jours plus tard, une note très-intéressante de M. Auguste Foulon, secrétaire de la Chambre de commerce de Nantes, sur l'origine des Conseils et des Chambres de commerce, en France. L'idée d'accorder une représentation légale au commerce dans les conseils de l'État est fort ancienne et l'on

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en trouve des traces bien avant l'institution du conseil de commerce, en 1607, par Henri IV. M. Foulon a fait l'historique complet de ces conseils et de leurs transformations, en l'appliquant spécialement aux détails de cette institution, dans la ville de Nantes et à l'établissement de la Société d'agriculture et du commerce dans cette ville, en 1791. Enfin, dans une séance de cette section réunie à celle du génie civil, M. Goullin a présenté un important travail sur l'amélioration de la Loire et des canaux maritimes: il a rappelé, en quelques mots, que la profondeur insuffisante de la Loire faisait depuis des siècles l'objet des préoccupations du commerce de Nantes; que, dès le début des tentatives d'amélioration, deux systèmes s'étaient trouvés en présence: l'un consistant en l'établissement de digues ayant pour but de rétrécir le lit du fleuve et d'obtenir, par suite, un approfondissement du chenal; l'autre, en la création d'un canal latéral au fleuve. Il a décrit les projets qui furent présentés sous l'influence de ces deux idées, les travaux qui furent exécutés, leur insuccès, les nouveaux projets étudiés, et, d'une discussion fort instructive qui s'est élevée entre l'orateur et les ingénieurs chargés du service de la Loire, il est résulté que cette question délicate n'est pas près de recevoir une solution qui satisfasse tous les intérêts. A notre humble avis, on devrait surtout penser ce qu'on ne fait pas assez à l'influence que pourront avoir tous les travaux projetės, sur l'embouchure de la rivière; là est le nœud véritable de la question. On sera bien avancé, quand les grands bâtiments auront la faculté d'aller facilement de Saint-Nazaire à Nantes, si, par suite des barres que peuvent occasionner les travaux à l'embouchure, ils n'ont plus celle d'entrer en Loire !

Dans les autres sections et séances générales, nous citerons, en particulier, une conférence fort savante d'un Nantais, M. le docteur Bureau, professeur au Muséum de Paris, sur les progrès de l'histoire naturelle à Nantes depuis le commencement du siècle. M. Bureau avait déjà, dans la section de géologie, présenté une étude sur l'aigle botté (aquila pennata), d'après des observations recueillies dans l'Ouest de la France. Puis voici une notice de M. E. Lorieux, notre ingénieur des mines, sur les ressources minéralogiques et salicoles de la Loire-Inférieure, notice où l'érudition archéologique la mieux amenée côtoie les données des sciences naturelles; où l'on trouve les renseignements les plus intéressants sur nos houilles, nos tourbes et nos sels; où respire enfin un ardent amour du pays, et surtout de la presqu'ile guérandaise, dont l'auteur est originaire.

A la section de médecine, nous avons entendu de savants mémoires de M. le Dr Laennec, sur la structure intime et le développement des tissus osseux et cartilagineux; de M. le Dr Petit sur un idiot microcé

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phale, élevé à l'hôpital de Nantes, et de M. le Dr Bertin sur l'otorrhée cérébrale. Ailleurs, nous signalerons les études de M. Bobierre sur les engrais, en particulier sa note sur la volatilisation de l'azote du guano péruvien; celles de M. le Dr Viaud Grand-Marais sur le venin des serpents de la Loire-Inférieure et de la Vendée; de M. Brissonneau sur la construction mécanique à Nantes; de M. de Mortillet sur la carte préhistorique de la Loire-Inférieure ; de M. le Dr Broca sur un crâne recueilli par notre ami M. René Kerviler, ingénieur du port de SaintNazaire, à sept mètres de profondeur, dans les vases du nouveau bassin de Penhouet, et que le savant anthropologiste a positivement déclaré contemporain des époques les plus extrêmes de l'âge de la pierre polie; - de M. le comte de Limur sur un jade océanien en place dans la petite baie de Roguedas, près Vannes; de M. Laisant sur le service météorologique; — de M. Loriol sur la marine marchande; - de M. de Tromelin sur un catalogue raisonné des fossiles siluriens des départements de la Loire-Inférieure, de Maine-et-Loire et du Morbihan, et sur le tracé automatique de la marche d'un bateau; de M. de Broca, commandant de port à Nantes, sur un nouveau système de pointage applicable à toutes les bouches à feu rayées, et sur un nouveau bateau de sauvetage insubmersible; de M. Paul Guieysse sur la propagation des marées dans les rivières, etc., etc.

Une des conférences générales les plus goûtées a été celle de M. Gavarret, professeur à la Faculté des sciences de Paris, sur l'acoustique, conférence fort savante, accompagnée d'expériences délicates exécutées avec soin. Mais pourquoi faut-il que M. Gavarret ait gâté tout le succès de la séance, en terminant par une péroraison complétement en dehors de son sujet, sur les attaques que l'Université a subies dans ces derniers temps? « Nous ne craignons pas la concurrence! » s'est écrié M. Gavarret. Ne le criez pas si haut, mon cher monsieur, et l'on pourra vous croire; surtout ce n'est pas en déclamant contre la loi de l'enseignement supérieur que vous vous montrerez libéral. N'aimeriez-vous la liberté que pour vous et point pour les autres?

Alternativement avec les travaux ordinaires des sections, des visites générales ont eu lieu aux principaux établissements industriels de Nantes, à la raffinerie Étienne, à la confiserie Philippe et Lechat, à la savonnerie Serpette, à la plomberie Russeil, à la fonderie Voruz, aux ateliers Brissonneau, etc... Le plus bienveillant accueil a été fait aux membres du congrès pendant ces visites; mais la great attraction était celle des excursions au loin: les botanistes et les anthropologistes se sont rendus au bourg de Batz et au Croisic, les agronomes à l'école d'agriculture de Grand-Jouan, les géologues à Ancenis, les métallurgistes à Coueron et

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