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étonné que cela durât dix ans, tout le temps qu'il plaira au pape de prendre pour achever ses réformes '. » Voilà jusqu'où allait sa clairvoyance. Comment s'étonner, lorsqu'on connaît si peu la révolution, qu'on soit parfois disposé à désarmer devant elle?

Et cependant le père Lacordaire savait bien où conduisent les principes révolutionnaires. « Voyez, écrivait-il en 1846, l'état où est la France, après cinquante ans d'essais et d'efforts pour vivre du seul sens humain. Quel pitoyable état que celui du libéralisme, et comme il trouve la mort dans sa victoire! Point de principes, point de cœur, point de gloire: voilà, depuis quinze ans, toute sa vie. Non qu'il n'ait eu des pensées généreuses, et qu'il n'ait accompli des réformes utiles; mais il n'a jamais voulu de l'Église pour compagne de ses desseins, et il expire, après cinquante ans, dans le vide et la platitude. Si l'Église n'était pas là, nous toucherions au Bas-Empire et, malgré elle, on sent partout une odeur d'eunuque. Je ne crois pas qu'une doctrine et un parti aient jamais reçu de châtiment plus sanglant de la Providence 2. »

Cette lettre date de vingt-huit ans; ne la dirait-on pas écrite d'hier et pour aujourd'hui 3 ? Qu'on ne me parle plus désormais des professions de foi libérales du père Lacordaire; j'ai celle-là signée de son nom et je m'y tiens *.

EUGÈNE DE LA GOURNERIE.

1 P. 436.

2 P. 176..

3 N'entendons-nous pas, aujourd'hui méme, un des principaux organes du libéralisme, la Presse, attribuer à son parti, comme titre d'honneur, de s'être désencléricalisé? Style et pensée, tout se vaut dans cette école.

Montalembert parlait des rugissements de lion blessé que contenait la correspondance inédite du père Lacordaire. En voilà un qu'il ne connaissait pas. Il y en a bien un autre, et, ce qui l'étonnerait peut-être, il est des plus stridents et à son adresse. Que conclure de là? que les rugissements ne sont pas des raisons. La vie politique n'était point faite pour l'ardente imagination de Lacordaire. Elle m'eût anéanti moralement, disait-il, et il disait vrai. Son grand mérite, en 1848, fut de rompre avec elle. L'amour-propre peut avoir des regrets, disait-il alors, le cœur n'en a pas. P. 180 et 181.

Un livre de Jacques de Vernant.

Un ecclésiastique de la Vendée nous adresse les lignes suivantes:

Plusieurs des lecteurs de la Revue connaissent peut-être déjà l'ouvrage que je me permets de leur signaler; il m'a semblé toutefois qu'il ne serait pas sans intérêt de mentionner un livre qui a mérité d'être protégé par un Souverain-Pontife. L'auteur a dû laisser un nom dans le diocèse de Nantes. Sa doctrine sera mieux appréciée encore, maintenant que le concile du Vatican a mis fin au gallicanisme. Ce livre a échappé à mes recherches: j'ose espérer que quelqu'un de nos chers confrères et voisins de la Bretagne pourra le retrouver dans une des bibliothèques de Nantes, nous en donner l'analyse et nous en retracer l'histoire; car ce livre a aussi une histoire.

» Une réimpression serait-elle favorablement accueillie? Je l'ignore. Il me suffit de poser la question et d'appeler l'attention de nos lecteurs sur cet ouvrage, dont voici l'histoire résumée en quelques mots :

Jacques de Vernant. Défense de l'autorité de N. S. P. le Pape, de NN. SS. les cardinaux, archevêques et évêques contre les erreurs du temps. Imprimé à Metz, en 1658, un vol. in-4o, qui fut réimprimé à Louvain, en 1669.

» Jacques de Vernant est le pseudonyme du P. Bonaventure de Sainte-Anne, carme de Nantes; son nom de famille était Heredie; il était né à Oudon.

» Cet ouvrage fit grand bruit; il fut, sur la demande de curés du diocèse de Poitiers, examiné par la Sorbonne, qui le censura. Alexandre VII réclama contre cette censure, dans un bref en date du 6 avril 1665, adressé à Louis XIV. N'ayant pas obtenu satisfaction, le Souverain-Pontife publia, à la date du 25 juin 1665, une bulle solennelle, où il prit la défense de l'ouvrage de Vernant, cassa et déclara nulle la sentence de la Sorbonne, et se réserva le jugement de l'affaire.

› Le Parlement osa interdire la publication de cette bulle, et, à raison des préjugés de l'époque, elle fut regardée comme non

avenue.

» Comme vous le voyez, d'après ce rapide aperçu, une notice détaillée sur Vernant et son ouvrage aurait son prix, au point de vue des doctrines et aussi au point de vue de l'histoire des auteurs nés dans l'Ouest de la France. >>

Voir, sur la troisième page de la couverture, l'annonce du tirage à part des Débris de Quiberon, par M. Eugène de la Gournerie.

CHRONIQUE

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Les Hospitaliers Le concours des

SOMMAIRE. Nécrologie MM. de la Borderie père; Edouard Duclos; le général de Bremond d'Ars; Testard du Cosquer; Félix Thomas; l'abbé Fouchard. Le Tombeau de M. Meslé. sauveteurs bretons et la Société de sauvetage. Jeux-Floraux et la réunion des Sociétés savantes à la Sorbonne. — L'Association Bretonne.

Au moment même où nous adressions notre précédente livraison aux lecteurs de la Revue, notre honorable directeur assistait aux derniers instants de son père, qui est mort entouré de l'estime et de la vénération de tous ses compatriotes. Nous ne pouvons mieux témoigner à M. de la Borderie la part que nous avons prise à son affliction, qu'en reproduisant les lignes suivantes, par lesquelles le Journal de Rennes s'est associé à son deuil:

Mardi matin, 23 mars, la ville de Vitré tout entière rendait les honneurs funébres à un respectable vieillard dont la mort a été vraiment, pour la population, un deuil public.

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M. Le Moyne de la Borderie avait atteint sa quatre-vingt-quinzième année. Cette longue existence a été vouée exclusivement aux affections de la famille et aux œuvres de charité. A son inépuisable bienfaisance, à sa chrétienne prodigalité, à son dévouement acquis à toute œuvre bonne et utile, M. de la Borderie joignait une exquise délicatesse, une discrétion singulière dans la façon de faire le bien. La bonté de son âme et la bienveillance de son caractère se reflétaient dans toutes ses relations. C'était le juste aimable et modeste: aussi était-il l'objet de la vénération générale.

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Une foule énorme a suivi et escorté le convoi du bon vieillard. L'église paroissiale de Notre-Dame était trop étroite pour contenir la population qui s'y pressait autour des parents et des amis de l'honorable famille du défunt.

› Le deuil était conduit par ses deux fils: M. Waldeck de la Borderie, ancien maire de Vitré et membre du Conseil Général d'Ille-et-Vilaine, et M. Arthur de la Borderie, député du département à l'Assemblée nationale. Le clergé de la ville et des paroisses voisines, les bonnes religieuses de Saint-Vincent de Paul, dont le pieux et charitable vieillard était le plus généreux auxiliaire, toutes les autorités locales assistaient aux funérailles.

Il convenait que l'excellent homme qui, pendant sa vie, a pu être appelé « le père des pauvres », eût le dernier hommage de ceux qu'il a tant aimés et secourus. Pensée touchante! on avait confié à de jeunes enfants pauvres, élevés dans un des établissements soutenus par les largesses du vénérable défunt, la mission de porter les cordons du poêle de son cercueil.

Quinze jours après, l'Ille-et-Vilaine perdait un autre de ses enfants, M. Edouard Duclos, ancien député de ce département, dont le cercueil, apporté de Paris, reposait le 12 avril sous le catafalque de l'église Saint-Germain. M. Duclos était une notabilité à Rennes, où sa famille, de vieille bourgeoisie, sa profession, héritage séculaire, les positions qu'il a occupées comme conseiller municipal, conseiller général du département, député au Corps Législatif, lui avaient créé d'excellentes et

nombreuses relations, et l'avaient mis à même de rendre bien des services. On l'aimait et on appréciait en lui l'affabilité du caractère, l'obligeance infatigable, l'activité et l'aptitude aux affaires. Il était chevalier de la Légion d'honneur et commandeur de l'ordre pontifical de Saint-Grégoire le Grand. Cette dernière distinction, à laquelle M. Duclos attachait avec raison un grand prix, se reliait à une des circonstances les plus mémorables de sa carrière parlementaire : le vote des QUATRE-VINGT-ONZE en faveur de la Papauté, car M. Duclos était toujours resté fidèle aux traditions catholiques de sa famille.

M. le général comte de Bremond d'Ars, père de M. Anatole de Bremond d'Ars, ancien sous-préfet de Quimperlé, et qui, sous les ordres du duc de Nemours, avait, en 1843, commandé la cavalerie du camp de Plélan en Bretagne, est décédé à Saintes, sa ville na'ale, le 12 mars, à l'âge de 88 ans. Chevalier de Saint-Louis et commandeur de la Légion d'honneur, il avait été deux fois inspecteur général de cavalerie. Les obsèques de cet homme de bien ont eu, comme celles de M. de la Borderie, tous les caractères d'un deuil public. De touchants discours y ont été prononcés par le sous-préfet de la ville, et par M. de Bonsonge, capitaine de frégate, qui a pu dire, à propos du vénérable défunt: « C'est une grande et noble manière de servir Dieu que de bien servir sa patrie. > Signalons encore la mort regrettable, à Lorient, de M. le commissaire général de la marine Testard du Cosquer; à Nantes, de M. Félix Thomas, architecte, grand prix de Rome et paysagiste, sur le talent duquel nous reviendrons quelque jour; à Vannes, de M. l'abbé Fouchard, vicaire général de la cathédrale, et donnons un souvenir à l'un de nos morts passés. On termine dans ce moment à l'église Notre-Dame, dit le Journal de Rennes, le tombeau que la paroisse a voulu élever à son pasteur, M. le curé Meslé, de vénérable mémoire. Imité des monuments funéraires si nombreux dans nos cathédrales et nos abbayes du moyen âge, il a le mérite de s'identifier au style qui domine dans la majeure partie de la vieille abbatiale de Saint-Melaine. Il est construit tout entier en calcaire des environs de Poitiers, d'une solidité et d'une finesse de grain remarquables. Le sarcoaphge, abrité sous un arc gothique sobrement décoré, porte la statue du pieux défunt, agenouillé entre les images de la sainte Vierge et de saint Joseph. Des inscriptions françaises et latines rappellent, avec les noms et les titres de M. Meslé, les principales qualités qui lui ont mérité pendant son long ministère l'estime et la vénération de ses ouailles et de la ville tout entière. Deux artistes de la paroisse, MM. Valentin frères, l'un ornemaniste distingué, l'autre statuaire connu dans toute la Bretagne par ses œuvres religieuses, ont exécuté ce beau travail avec un talent et un succès incontestables. Les visiteurs qui, chaque jour, s'y rendent en foule, admirent l'ensemble et les détails du monument, mais surtout la statue, qui réunit au mérite de la ressemblance et de l'expres

sion du visage celui d'une pose si naturelle et si vraie que tous ceux qui ont vu le saint vieillard en prière dans son église croient le retrouver encore vivant au milieu de son troupeau, et implorant pour lui les grâces du ciel.

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Quels applaudissements n'eût pas accordés ce pasteur dévoué à l'œuvre si patriotique de la société des Sauveteurs et hospitaliers bretons, fondée, peu après sa mort, au milieu de ses paroissiens! Le samedi soir 10 avril, un concert a été donné à Nantes dans la salle des Beaux-Arts, au profit de la caisse des retraites de cette société, et M. Nadault de Buffon, avocat général à Rennes, a exposé avec une éloquence émue et pénétrante le but si noble de l'œuvre dont il est le fondateur. L'avant-veille, la Société générale de sauvetage des naufragés tenait à Paris sa réunion annuelle au cercle d'Horticulture de la rue de Grenelle-Saint-Germain, sous la présidence de S. E. le cardinal de Bonnechose. Après un discours du prélat sur le caractère chrétien de la fondation de la Société, et les compte rendus de MM. le marquis de Turenne et Camille Doré, le président du Comité d'administration a annoncé que M. le contre-amiral, marquis de Montaignac, ministre de la Marine, avait décerné une médaille d'or de première classe à un Breton, M. Meilhard, patron du canot de sauvetage de Camaret (Finistère). La médaille a été remise au brave sauveteur par S. E. le cardinal, et cette cérémonie a été saluée par les plus vifs applaudissements.

Presque au même moment, mais sous d'autres voûtes, des travailleurs bretons recevaient des couronnes. Au concours des Jeux-Floraux de Toulouse, M. d'Audeville, de Nantes, aujourd'hui sous-préfet de Villefranche, obtenait un œillet d'argent pour son idylle les Lucioles, en même temps qu'on acclamait une ode de M. Maury sur la Statue de Châteaubriand ; et la réunion des délégués des Sociétés savantes, à la Sorbonne, se terminait par une distribution solennelle de récompenses dans laquelle M. le ministre de l'Instruction publique remettait la palme d'officier de l'Instruction publique à M. Ortolan, mécanicien en chef de la Marine, et secrétaire de la Société académique de Brest, dont il était un des délégués; à M. Borius, médecin de la Marine, une médaille d'argent pour ses travaux sur la météorologie du Sénégal; à M. Durrandi, professeur à la faculté des sciences de Rennes, une médaille en argent pour des travaux de mathématiques, et à M. Sirodot, doyen de la faculté des sciences de Rennes, la palme d'officier d'Académie.

Mais les concours étrangers ne doivent pas nous faire perdre de vue les concours bretons. On sait que le concours régional annuel pour la région de l'Ouest doit se tenir à Vannes au mois de mai, et que le concours hippique s'est déjà tenu à Nantes au mois de mars, avec le plus grand succès. On annonce la prochaine session d'un congrès annuel de l'Association bretonne à Guingamp, pour les derniers jours du mois

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