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beaucoup de choses nouvelles. Ce sont les mêmes procédés, ce sont les mêmes appareils, mais perfectionnés et montrant une fois de plus que chaque découverte, chaque progrès scientifique de l'hygiène trouvent immédiatement leur application pratique.

Le domaine de l'hygiène est des plus vastes; il s'étend partout. Nul ne sera donc surpris de voir cette science exercer son influence sur toutes les industries et de trouver réunis, dans le palais de la classe 64 ou dans ses annexes, les appareils les plus divers et les applications les plus variées du génie sanitaire.

Altendons, avant de dresser l'inventaire de toutes ces richesses, qu'elles soient complètement prêtes : il est difficile de se livrer à un examen sérieux au milieu des allées et des venues des maçons et des tapissiers; un compte rendu prématuré serait forcément incomplet et m'obligerait à revenir plusieurs fois sur le même sujet.

Je dirai seulement qu'en dehors de l'exposition particulière de la direction de l'assistance publique (service des enfants), le palais de la classe 64 (hygiène et assistance publiques) contient une remarquable collection de conduites en grès, en poterie et en fonte de fer pour la canalisation des eaux vannes et des eaux ménagères; des installations de cabinets d'aisance à chasse d'eau automatique, avec ou sans application du système du tout à l'égout; de nouveaux filtres pour l'eau potable; des poêles et des calorifères de tous genres; des lits, des fauteuils et des sommiers hygiéniques. Les murs sont couverts des plans et des tracés de la canalisation d'eau potable exécutée pour les villes de Naples, Venise, Vérone, Bergame, la Spezzia, Constantinople et Porto, par la compagnie générale des eaux pour l'étranger; par les tableaux de mortalité par maladies épidémiques et autres de la vi le de Paris; par les tableaux de la statistique démographique de la ville de Reimsqui expose, en outre, le plan en relief du champ d'épuration de ses eaux d'égout; par des plans sur papier et un plan en relief du lazaret du Frioul, etc.

L'étude de tous ces tracés et de tous ces graphiques peut paraître un peu ardue au grand public qui va de préférence aux objets qui frappent mieux ses regards. Mais l'hygiéniste y trouve un grand attrait. Il y constate en effet les progrès incessants de la science de son choix et il suit pas à pas la salubrité croissante de son pays, de la prospérité future duquel elle est la plus sûre et la plus légitime garantie.

Aujourd'hui, sans sortir de l'enceinte même de l'Esplanade des Invalides, je vais rapidement passer en revue celles des expositions particulières installées tout autour du palais de l'hygiène qui ont pour le médecin et pour l'hygiéniste un intérêt puissant et qui sont complètement terminées.

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Rien n'est plus déplorable pour l'ouvrier, quel que soit son travail, de n'avoir pas un intérieur propre et salubre. Lorsqu'il est logé dans un taudis sordide, où sa famille est à l'étroit, il prend l'habitude de passer ses soirées au cabaret, il y entraîne sa femme et ses enfants. S'il reste chez lui, il ne se délasse pas du labeur de la journée dans ce logis enfumé et encombré, il y respire un air plus vicié souvent que celui de l'atelier qu'il vient de quitter.

Dans les deux cas sa moralité et sa santé souffrent cruellement et risquent de sombrer.

La plupart des grands industriels ont compris qu'ils n'auraient d'ouvriers sains, robustes et honnêtes que s'ils leur procuraient un intérieur convenable. La révolution pacifique, opérée en ce sens par Jean Dolfuss à Mulhouse voilà bientôt cinquante ans, a porté ses fruits et à chaque nouvelle exposition nous voyons des types nouveaux d'habitations ouvrières.

Il est inutile d'insister sur les différentes manières dont les propriétaires d'usines ont envisagé la question. Soit que le patron fasse construire une série de maisons saines et coquettes qu'il loue, moyennant une redevance modique,

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à ses ouvriers, soit que les ouvriers les construisent avec leurs économies ou avec des retenues effectuées sur leur salaire, soit qu'ils deviennent propriétaires de la maison louée en la payant peu à peu, par acomptes mensuels, le résultat est le même L'ouvrier bien logé se tient chez lui; il a une maison salubre, hygiénique où sa famille tient à l'aise, où l'air et la lumière circulent abondamment, et du même coup il s'éloigne du cabaret. Il prend plaisir à embellir sa demeure, à la perfectionner, à cultiver son jardin. La même influence salutaire s'exerce sur la femme de l'ouvrier. Elle tient mieux ses enfants, elle a mieux « le cœur à sa besogne » et elle ne recule plus devant des nettoyages que l'encombrement et la promiscuité de la famille rendaient avant absolument illusoires.

Je me souviens des changements survenus dans les mœurs des ouvriers de la grande usine du Zornhof, près de Saverne, où je suis né, lorsque ses propriétaires construisirent la cité ouvrière qui s'étend tout autour des ateliers. C'était un sentiment d'émulation aussi bien parmi les hommes que parmi les femmes. Les travaux de jardinage absorbèrent le temps autrefois passé chez le débitant de vins. Les hommes exposés toute la journée à la chaleur des fourneaux, ou courbés sur leurs établis, respiraient à l'aise, les femmes et les enfants renaissaient dans ces chambres spacieuses et salubres, et du coup la morbidité et la mortalité s'abaissèrent considérablement parmi eux.

De plus l'ouvrier, du moment où il devient propriétaire, s'attache à sa maison, il veut la laisser à ses enfants; il se gardera donc de dépenser en libations l'argent qui lui est nécessaire pour payer les annuités qu'il doit : il devient économe.

Dans le cours d'une des visites que j'ai faites à la petite agglomération d'habitations ouvrières à l'Esplanade je me rencontrai avec un homme d'une cinquantaine d'années, ayant toutes les apparences d'un ouvrier aisé; il voyait bien que j'examinais ces maisons dans tous leurs détails, aussi

finit-il par me dire que le plus grand plaisir qu'il éprouvait à l'exposition était de parcourir cette cité ouvrière en miniature: «Voyez-vous, ajouta-t-il, je possède moi-même aujourd'hui une maison pareille, qui fait mon bonheur et mon orgueil! J'y ai mis le temps, mais elle est bien à moi, maintenant! » et il venait là, de bien loin, pour s'assurer par lui-même de quels perfectionnements hygiéniques il pourrait embellir sa maison.

Est-il nécessaire, après cet éloge inconscient, d'ajouter qu'on ne saurait trop encourager, au point de vue de l'hygiène et de la morale, l'édification d'habitations ouvrièrès modèles, partout où cela est possible.

Les maisons exposées autour du palais de l'hygiène sont presque toutes du même type, quoique appartenant à des compagnies diverses. Elles sont en général pour deux ménages.

Maison ouvrière de Noisiel (usine de M. Ménier). Cette maison est construite en briques. L'extérieur en est coquet, sans qu'il y ait cependant un motif de décoration quelconque; elle se compose d'un rez-de-chaussée, d'un premier étage et d'un grenier. Elle est divisée en deux logements, ayant chacun une entrée séparée. Chacun de ces logements se compose au rez-de-chaussée d'une cuisine carrelée et d'une grande chambre parquetée, au premier de deux pièces, dont l'une plus pelite. La cave, dont l'entrée est en dehors de la maison, dans le bûcher, ne s'étend que sous la cuisine, ce qui est peut-être un avantage au point de vue de l'économie, mais est une faute au point de vue de l'hygiène absolue. La fosse d'aisance est située en dehors de la maison; l'appareil employé est une cuvette émaillée, à fermeture bermétique.

Les pièces d'habitation, parquetées, ont chacune une grande fenêtre, elles sont tapissées et peuvent être chauffées; elles sont garnies de meubles simples et solides, suffisants pour les besoins de la famille et pas assez nombreux pour lui enlever une quantité d'air appréciable.

A chaque logement sont annexés un bûcher et une petite. construction pouvant servir d'étable, à une chèvre par exemple. Il vaudrait peut-être mieux que les cabinets d'aisances fussent un peu plus éloignés de la maison, et transportés à quelque distance, dans le jardin. A part ce détail, ces habitations remplissent toutes les conditions hygiéniques désirables.

Maison ouvrière de la compagnie des mines d'Anzin. Construites également en briques, les maisons ouvrières de la compagnie d'Anzin n'ont aucune ressemblance avec les bouges infects que décrit M. Zola dans Germinal. Leur rezde-chaussée se compose de deux chambres parquetées et tapissées, dont l'une sert de cuisine, de deux chambres au premier, mansardées, et d'un grenier. Une cave et un cellier règnent sous le rez-de-chaussée dont le parquet repose sur une couche de matière imperméable. Les fenêtres du rez-de-chaussée sont hautes et larges, celles du premier sont plus étroites.

A côté de la maison s'élève un bûcher auquel sont accolés les cabinets d'aisances, à cuvette émaillée. Le jardin règne tout autour.

Les chambres sont grandes, celles du rez-de-chaussée surtout; mais celle qui sert de cuisine devrait, à mon sens, être peinte à l'huile au lieu d'être recouverte d'un papier et franchement transformée en cuisine, afin qu'on n'ait pas l'idée d'y installer un lit.

Habitations ouvrières de la maison de Naeyer à Willebroeck (Belgique) et à Lille. - Le type adopté par M. de Naeyer pour ses maisons ouvrières se rapproche sensiblement de celui de Noisiel: Cependant on y sent un je ne sais quoi de « flamand » qui en rend l'aspect plus coquet et plus confortable. Une grande maison, construite en briques, divisée en deux logements parfaitement semblables, ayant chacun sa porte d'entrée; au rez-de-chaussée, sous toute l'étendue duquel se trouvent les caves, la cuisine et une grande chambre, au premier étage deux pièces dont l'une

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