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nant les chiffres des décès dans les armées anglaise et française pendant la guerre de Crimée, M. Koch montre que les Français ont été 40 fois plus éprouvés par les maladies infectieuses que les Anglais : ce fait, qui paraît anormal puisque les deux armées étaient placées dans les mêmes conditions, s'explique parce que les médecins français avaient les mains liées, qu'ils ne pouvaient faire exécuter les préceptes de l'hygiène et qu'ils se heurtaient à tout moment à des règlements d'une inflexible rigueur.

Depuis la guerre de Crimée, la science a progressé. On n'attribue plus aujourd'hui la production des maladies infectieuses à l'influence de miasmes gazeux, à la malpropreté, à la misère, à l'encombrement, à la faim; on sait qu'à l'origine de toutes les maladies infectieuses, il y a un micro-organisme; qu'elles ne peuvent se produire que si ce micro-organisme a été transporté, car il ne naît pas de toutes pièces, et s'il trouve un terrain favorable à son développement; les influences climatériques, l'encombrement, la misère physiologique ne sont plus que des agents qui favorisent la pullulation et la transmission de ces micro-organismes.

La nature même de ces germes infectieux organiques rend leur transformation impossible : le microbe de la fièvre typhoïde ne saurait donner le typhus exanthématique, etc.; la maladie a été d'emblée le typhus, elle ne saurait le devenir.

Pendant les sièges de Metz, de Strasbourg et de Paris toutes les conditions requises pour la production spontanée du typhus se trouvaient réunies; il n'y eut aucun cas de typhus cependant, parce que le microbe de cette affection, par un hasard heureux, n'a pas été apporté au milieu des assiégeants, que décimait cependant la fièvre typhoïde.

Il n'y a de différences que dans la virulence des germes infectieux.

Quelques-uns de ces germes conservent leur virulence pendant quelque temps, à l'état sec; d'autres au contraire la perdent bientôt; ils ne se multiplient qu'à l'état humide : ce sont donc en général les liquides ou des substances qui ont un degré d'humidité suffisant qui sont les véritables éléments de propagation de ces germes. Lorsque ces liquides sont vaporisés, qu'ils se dessèchent et que leur résidu se pulvérise, ces organismes se répandent dans l'air, avec les poussières, mais ils ne peuvent s'y reproduire. L'air renferme donc infiniment moins de microbes que l'eau; le sol est pour eux un champ de culture excellent, s'il est suffisamment humide.

La ventilation s'impose par conséquent dans les salles des ca

sernes, des ambulances et des hôpitaux; l'eau, qui est le plus puissant véhicule des microbes, doit être attentivement surveillée; partout où on le pourra, on ne se servira que d'eau de source, naturellement filtrée; si l'on ne peut s'en procurer, il faut faire bouillir l'eau, ou au moins la filtrer; on fera bouillir également le lait; on veillera à la propreté rigoureuse du corps, des vêtements, des chambres ou des tentes. Si, malgré toutes les précautions prises, une épidémie se déclare, il est nécessaire de porter un diagnostic précis sur les premiers cas: on pourra peut-être étouffer le fléau. L'isolement des malades doit être la règle; pour être efficace, il faut qu'il soit suivi d'une désinfection ou d'une destruction totale de tout ce qui a pu être contaminé par les malades. Enfin, le déplacement des troupes s'impose dans les cas où l'epidémie résiste à tous ces moyens.

Dr R.

Les névroses et le pessimisme, conférence faite au palais des Facultés de Clermont-Ferrand, par le Dr A. DESCHAMPS. Paris, O. Doin, 1888. Dans une spirituelle conférence qu'il se décide enfin à livrer à la publicité, M. Deschamps fait justice de ce qu'on appelle la maladie du siècle. Il passe successivement en revue toutes les névroses en s'arrêtant à l'hypnotisme, à la névropathie et à la névrose proprement dite. Il montre que la névrose est un malaise social qui remonte au commencement du dix-neuvième siècle; les découvertes scientifiques, la révolution que l'électricité et la vapeur ont amenée dans l'industrie et dans le commerce, l'égalité de tous les citoyens devant la loi, la puissance de l'argent, ont développé progressivement les ambitions et les désirs; le détraquement de la sensibilité, l'affaiblissement de la volonté, telles sont les deux causes principales du mal général; il faut y ajouter l'abus de la science, la perte de l'idéal, la crise que traversent les religions, l'influence d'une littérature et d'un art qu'inspirent Schopenhauer, Tolstoï, Darwin, Herbert Spencer, Stuart Mill.

Les causes physiques siègent dans des tares héréditaires ou des tares acquises: l'alcoolisme, l'hystérie, l'épilepsie, la morphinomanie; il y a donc deux espèces de pessimistes, les pessimistes par tempérament et les pessimistes par goût : ceux-ci sont surtout des collégiens et des buveurs d'eau. La névrose existe dans les lettres, elle n'existe pas dans les sciences.

M. Deschamps se demande si le siècle tend vers la fatalité. Le pessimisme n'est-il qu'une crise? Le pessimiste convaincu de l'inutilité de l'effort prêche le renoncement général; donc le voulant l'emportera sur le pessimiste : il ne s'agit uniquement, pour triompher de cet état pathologique des esprits, que de vouTOME XXII. 1889,

3e SÉRIE.

No 2.

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loir en triompher. On ne peut modifier de fond en comble les conditions sociales et physiologiques actuelles; mais on peut les transformer par l'éducation et par l'hygiène; il faut raidir les muscles et retremper l'âme; il faut, en un mot, combattre par une hygiène appropriée les dispositions mauvaises, natives ou héréditaires des enfants; donner à ces enfants, en même temps qu'un peu d'idéal, une éducation saine et forte, où les exercices physiques tiennent la plus large place. Ces exercices fortifient l'économie tout entière et permettront à nos fils et à nos filles de résister à la crise que nous.traversons et d'en triompher définitivement. Dr Ꭱ.

Rapport sur les travaux du Conseil central de salubrité et des Conseils d'arrondissement du département du Nord, pendant l'année 1887, présenté à M. le Préfet du Nord, par M. HALLEZ, secrétaire général. Lille, imp. Danel, 1888. Le Nord est un des départements les plus peuplés et les plus industriels de la France; les Conseils d'hygiène y ont par conséquent un rôle important à remplir, car leur surveillance doit être incessante; mais s'ils ont évidemment à se préoccuper, autant qu'il est en leur pouvoir, de l'amélioration des conditions hygiéniques au milieu desquelles vit une population très dense, ils ont aussi à tenir compte des exigences de l'industrie à laquelle le département doit sa prospérité.

Outre le Conseil central de Lille et les conseils d'arrondissement d'Avesnes, de Cambrai, de Douai, de Dunkerque, d'Hazebrouck et de Valenciennes, il existe dans le Nord des commissions cantonales d'hygiène à Bavai, Berlaimont, Landrecies, Maubeuge, Soln-le-Château, Trélon, Cormières, le Quesnoy, Clary, Cateau, Marcoing, Solesmes, Arleux, Marchiennes, Orchies, Bergues, Bourbourg, Gravelines, Hondshoote, Woomhondt, Bailleul, Cassel, Merville, Sterwoorde, Armentières, Cysoing, Habourdin, Launoy, Roubaix, Tourcoing, Saclin, Bouchain, Condé, Saint-Amand, etc. La multiplicité de ces commissions cantonales montre jusqu'à l'évidence avec quelle sollicitude l'administration veille sur les intérêts hygiéniques des populations.

Le Conseil central a eu à s'occuper pendant l'année 1887 de 132 affaires; nous citerons parmi celles-ci les instructions à afficher dans les fabriques de céruse, qui résument toutes les prescriptions faites à ce sujet et qui sont conçues dans un excellent esprit; les mesures à prendre pour remédier à la pollution de divers cours d'eau, et notamment de la Basse-Deûle, mesures qui, décrétées par le préfet le 30 août 1887, ont déjà produit de bons résultats, et en produiraient d'excellents si les égouts de Lille qui

se déversent dans la Basse-Deûle n'annihilaient les efforts faits en vue de son assainissement. Il y a là une question capitale à trancher.

Le Conseil a eu à s'occuper aussi du cas d'un équarrisseur peu scrupuleux, qui fabriquait des saucissons et des saucisses avec de la chair d'animaux tués chez lui et malades et qui les faisait vendre dans les quartiers pauvres de la ville. Le préfet ferma provisoirement l'établissement; le Conseil, consulté par lui, demanda que le conseil d'État ordonnât sa fermeture définitive et qu'une surveillance active fût exercée sur les clos d'équarrissage à l'avenir.

Le rapport du Dr Pilat, médecin des épidémies, contient d'intéressants renseignements; en 1887, le Nord a eu plus d'épidémies que les années précédentes; la variole a sévi avec violence dans 6 arrondissements; la scarlatine, la rougeole, la diphtérie, la coqueluche, ont régné avec assez d'intensité; enfin la fièvre typhoïde a revêtu un caractère assez alarmant à Lille même et dans les communes suburbaines.

Lille est peuplée de 188,272 habitants; en 1887 il y a eu 1,504 mariages, 6,038 naissances, 4,669 décès et 408 morts-nés. La rougeole a fait 310 victimes, la méningite 328, la coqueluche 98, la phtisie pulmonaire 606, la fièvre typhoïde 35, l'entérite 333, la cholérine 222, etc. Le rapport se termine par le rapport général des épizooties dans le département du Nord, présenté par M. Pollet, et par celui de M. le Dr Rey sur les vaccinations. Il résulte de celui-ci que 49,112 naissances, déclarées en 1887, ont fourni 38,711 vaccinations, soit une moyenne de 78,14 p. 100. En 1886, la moyenne n'avait été que de 77,14 p. 100. Les revaccinations, qui n'étaient que de 1888 l'année d'avant, sont montées à 9,011.

Dr R.

Rapport général sur les travaux du conseil central d'hygiène publique et de salubrité de Seine-et-Oise, pendant l'année 1887, par A. Belin, secrétaire du conseil, publié par ordre de M. le Préset. Versailles, Cerf et fils, 1888. Le conseil central d'hygiène publique et de salubrité de Seine-et-Oise a tenu treize séances en 1887. Il s'est occupé de remédier aux causes de l'altération des eaux de l'Yvette, souillées par les eaux résiduaires de diverses usines, mégisseries, tanneries, féculeries, tueries, etc., situées. sur son parcours, il a approuvé les conclusions du rapport de M. Rabot sur le déversement des eaux d'égout de la ville de Paris sur le territoire du Vésinet. M. Pallu, directeur de la Société du Vésinet, avait écrit au conseil pour lui signaler le danger que le

déversement des eaux d'égout sur la plaine d'Achères ferait courir aux habitants de Chatou, du Vésinet et de Croissy, dont l'eau potable serait contaminée par les eaux d'égout. Le rapport de M. Rabot demande que le canal fermé portant les eaux des collecteurs de Clichy à Achères ne soit déclaré d'utilité publique que si les terrains cultivés des communes de Croissy, Chatou et le Vésinet sont réservés et ne pourront recevoir aucune irrigation à l'eau d'égout, même sur la demande de concessionnaires; que si, dans les autres terrains concédés, la ville de Paris ne pourra répandre ses eaux que sur les parties du sol mises en culture sans préjudice de l'utilisation sur d'autres points, par elle-même ou par concessionnaires au moyen des traitements chimiques ou d'un canal dans la direction de la mer; que si toute prise aux canaux pour emploi agricole ou industriel est assimilée à un établissement insalubre de première classe et soumise à la législation spéciale de ces établissements.

Le conseil a étudié le fonctionnement du service médical des indigents; les frais de ce service se sont élevés, pour 1886, à 15,735 francs; le conseil émet le vœu que toutes les communes possédant un octroi ne participent plus à la répartition des fonds votés par le conseil général pour l'assistance médicale gratuite.

Dans la séance du 25 mai, le conseil s'est occupé de l'infection des eaux d'alimentation de l'asile départemental des vieillards aux Petits-Prés du Ru Maldrois; il a émis l'avis que cet asile soit alimenté par une eau pure provenant de la fontaine Saint-Pierre ou des bois de Sainte-Appoline, ou de tout autre captage; que 5 à 6 mètres cubes d'eau par jour assureraient le service intérieur de l'établissement et que l'étude de cette question était urgente; dans la séance du 13 juillet, il a émis le vœu que le canal de Versailles soit assaini, car son infection va croissant; elle est due aux infiltrations des eaux d'égout, et les précautions prises par le service des eaux sont insuffisantes.

A côté de ces affaires importantes, le conseil a eu à statuer sur une foule de demandes d'établissements insalubres et sur des plaintes visant des établissements déjà existants.

En 1887, il y a eu à Versailles 9,82 naissances et 1,397 décès; les maladies épidémiques ont fait plus de victimes que les années précédentes; la diphtérie a causé 49 décès, la rougeole 34, la fièvre typhoïde 11, la variole 11, l'érysipèle 7, etc. Quant aux maladies épidémiques qui ont régné dans le département, il est difficile d'avoir des renseignements exacts, les rapports des médecins chargés du service des indigents devenant de plus en plus rares; quoi qu'il en soit, M. Paris, médecin des épidémies, a constaté une

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