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Francis. Nommé membre du conseil de la province du Bengale, il dut se rendre aux Indes, où il passa huit ans et s'arrangea de manière à amasser une fortune considérable tout «en courtisant la brune et la blonde. » Mrs Francis était restée en Angleterre, où elle vivait trèsretirée, s'occupant exclusivement de ses devoirs de famille et ne justifiant sous aucun rapport les folies d'un époux peu digne d'elle. On sait qu'une des plus scandaleuses escapades de Philip Francis se rattache à la trop illustre Mme Grand, qui devint ensuite princesse de Bénévent. Revenu en Angleterre en 1780, il fut élu membre de la Chambre des communes, et y siéga sans interruption jusqu'en 1818, année de sa mort.

D'après le court résumé que nous venons de donner, on peut voir que les deux volumes de biographie publiés par M. Merivale sont fort intéressants; disons toutefois qu'ils se recommandent moins au lecteur comme souvenirs d'un individu, que par le tableau qu'ils nous présentent de l'Angleterre pendant l'époque qui précéda immédiatement la Révolution. Devenu sir Philip Francis, comblé d'honneurs, de richesses et de gloire, l'élève de lord Chesterfield et de Pitt ne cessa jamais d'être cynique, égoïste et grossier. Sa maxime favorite, et qui, selon lui, résumait l'expérience de sa vie entière, était celle-ci :« Pour rien au monde, ne donnez, ne prêtez, ne payez vos dettes à qui que ce soit. » Là-dessus nous prendrons congé de lui.

GUSTAVE MASSON.

With Maximilian in Mexico, from the Note-book of a Mexican Officer, by Max, baron von Alvensleben. London, Longmans and Co. In-8.

Lorsque la guerre civile fut terminée aux États-Unis, il se trouva toute une armée d'officiers de fortune sans emploi et disposés à vendre leurs services au plus offrant. Habitués à la vie aventureuse des camps, incapables de se résigner au repos, ils ne demandaient pas mieux que de reprendre l'uniforme et de faire blanc de leur épée sur quelque théâtre que ce fût. Parmi ces enfants perdus de l'an de grâce 1866, on remarquait le baron Max d'Alvensleben. L'expédition mexicaine arrivait juste à point pour servir ses goûts belliqueux; il ne balança pasun instant, et, après avoir réglé ses comptes avec le gouvernement des Etats-Unis, il s'embarqua afin de rejoindre le quartier général de l'empereur Maximilien.

« J'avais contemplé, dit-il, l'héroïsme chevaleresque qui lui faisait entreprendre ce qui était une tâche impossible. Honnête, sincère, sans

dissimulation, d'une probité scrupuleuse, bref, gentilhomme dans toute l'acception de ce mot si souvent prostitué, l'empereur Maximilien désirait du fond du cœur régénérer sa patrie d'adoption; son grand défaut consistait en ceci : il ne pouvait pas comprendre les profondeurs hideuses de corruption et de bassesse où certaines natures sont capables de se ravaler. »

Les scènes auxquelles le baron d'Alvensleben nous fait assister sont pleines d'intérêt, mais on ne saurait s'empêcher d'éprouver une impression pénible en les lisant. Le Mexique, en effet, a toujours été une des terres classiques de révolutions et d'agitations de toute espèce. Aujourd'hui il est devenu le repaire de tous les bandits du monde civilisé.

Venamo morir por la republica de Mejico! Tel est le cri fameux qui sert de mot d'ordre à un ramassis de brigands fort peu soucieux de la république, mais habitués au pillage et prêts à tout risquer pour une poignée de pièces d'or. Les régiments qui combattaient sous le même drapeau pendant la guerre des États-Unis, se trouvent très-souvent maintenant dans les rangs opposés, et les guérillas se recrutent de nègres, d'Egyptiens, d'Arabes. C'est un pêle-mêle dont on ne pourrait se faire une idée. M. d'Alvensleben chargé d'escorter de Matamoras à Mexico un convoi de munitions, est attaqué par une bande d'insurgés qui tombent sur lui,l'environnent et le somment de se rendre. «Nous ne nous rendons jamais à des brigands! Caracho Austriaco! matemos a los estranjeros! » L'attaque commence, ou plutôt un véritable massacre. « Nous apprimes ensuite, écrit M. d'Alvensleben, que pendant cette affaire, un fort détachement de troupes françaises était dans la ville de Mier, sur le Rio de San Juan, à huit heures de distance du champ de bataille. Ils ne firent aucun effort pour venir à notre secours. Lorsqu'ils eurent appris notre défaite, ils livrèrent la ville au pillage, puis retournèrent à Mexico. >>

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M. d'Alvensleben se trouva plusieurs fois dans des situations trèsperplexes, et lui, général impérialiste, admirateur de Maximilien, dut se faire passer pour un aide de camp d'Escobedo et un champion de Juarez. Il faut lire la description qu'il donne des bravos republicanos, corps de cavalerie irrégulière dont la seule occupation était le meurtre, le viol et le pillage. Toujours à l'arrière-garde lorsqu'il s'agissait de se battre, ces messieurs ne prenaient les devants que s'ils pouvaient mettre le pays à contribution sans risque aucun de leur part. Point d'uniforme; chacun a son revolver, et en outre une arme blanche quelconque, prise Dieu sait où. Et les conversations:

« La paix ?... allons done! croyez-moi : le président Juarez ne nous a pas fait venir de l'autre côté du Rio Bravo pour conclure la paix. Voyez les différents partis qui divisent le Mexique, sans compter les

impérialistes Juarez, Ortega, Canales, Cortinas et Carvajal, un tas de chiens archarnés sur le même os. Ajoutez à cela les exigences des grosses punaises de toutes les nuances qui ne se soucient pas le moins du monde de l'empire. Que ce soit un prêtre ou un soldat qui fasse l'enterrement du Mexique, peu leur importe, pourvu que ces voleurs aient une part de l'héritage. Croyez-moi, camarades, quand la fin de tout cela arrive a, et que Maximilien aura fait le saut périlleux, il y aura de jolis petits bénéfices à prendre pour ceux qui auront la chance de se trouver là.

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Mais ce diable de Dupont nous a joliment menés tambour battant à Monterey. »

«Bah! réplique le premier interlocuteur sur le ton du plus suprême mépris, qu'importent une ou deux défaites, lorsque nous nous battons avec les Français ou les Autrichiens! se fasse échiner qui voudra; nous autres, nous nous tenons prudemment à l'écart, et nous arriverons ensuite pour notre portion du butin. D'ailleurs le vomito est notre fidèle allié. Dans un ou deux ans d'ici il nous aura débarrassé de tous les estranje os, et le pays nous appartiendra. »

M. d'Alvensleben fut trop heureux de se séparer de ces aimables republicanos, et finit par arriver à Matamoras. Là, les précautions les plus grandes étaient indispensables: car, comme on vient de le voir, chaque chef de bande se croyait un personnage politique et prétendait vendre aux enchères ses talents et sa popularité. Cortinas, par exemple, ne tenait pas à régner: mais il aurait bien voulu s'emparer de Matamoras, afin de conclure un marché avantageux soit avec Juarez soit avec Maximilien. Carvajal, nommé par Juarez gouverneur de la ville, ne réussissait pas à rétablir l'harmonie entre les différentes parties, et le colonel Canales, espérant pècher en eau trouble et arriver au pouvoir, entretenait sous main le mécontentement universel.

Le départ du corps expéditionnaire français paralysa les efforts de l'empereur du Mexique; la lutte pouvait se prolonger encore un peu; mais il était bien certain que l'héroïsme le plus dévoué ne réussirait pas à sauver de l'anarchie une nation foncièrement dégradée. Le baron d'Alvensleben fut, comme tant d'autres, obligé de céder, et retourna à New-York après une campagne de seize mois.

GUSTAVE MASSON.

Histoire littéraire de la France, par les Religieux Bénédictins de la congrégation de Saint-Maur. Nouvelle édition, publiée sous la direction de M. Paulin PARIS, membre de l'Institut. Paris, Victor Palmé, 1867, 2 vol. in-4 t. VI, de xv-700 pag.; t. VII, de xcix-716 p. le vol.

Prix: 20 fr.

Cette belle publication, entreprise il y a quatre ans à peine, marche avec une parfaite régularité, et, dans peu de temps, nous en posséderons les douze volumes. Cette rapidité d'exécution n'aura nui en rien à la valeur de l'édition nouvelle à quelque point de vue, en effet, qu'ils l'examinent, les juges les plus sévères ne pourront s'empêcher de louer le soin minutieux autant que l'infatigable activité de ceux qui auront eu l'honneur d'y travailler.

En rendant compte ici des sixième et septième volumes de l'Histoire littéraire, récemment publiés, j'insisterai sur les additions dues à M. Paulin Paris. Préparé par les études de toute sa vie à une semblable mission, le doyen de la commission chargée, au nom de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, de continuer l'œuvre des bénédictins, a enrichi de notes excellentes les sept premiers volumes de dom Rivet. Je signalerai dans ce tome VI les notes sur le roman provençal de Philomelu et plusieurs autres romans au sujet desquels certaines erreurs ont été commises par dom Rivet (p. 685); sur Eugraphius, grammairien latin qui vivait avant la fin du xe siècle, quoi qu'en ait dit la Nouvelle Biographie générale d'après le Greek and Roman Dictionary de Smith, puisque Gerbert recueillait ses ouvrages comme ceux d'un auteur ancien (p. 686); sur tout ce que la Chronique de Richer, si elle avait été connue de dom Rivet, aurait permis à cet éminent critique d'ajouter, soit dans le Discours préliminaire, soit dans la Notice d'Adalbéron, de renseignements relatifs aux oeuvres d'art, à l'architecture, à la sculpture (p. 687); sur la fausse interprétation donnée par dom Rivet du mot séquences (p. 690); sur l'assertion par laquelle il prétend que les Gaules n'avaient pas reçu le bienfait de l'Évangile avant le milieu du Ie siècle (p. 700); sur la Chronique de Richer, retrouvée en 1833 par M. Pertz, dans la bibliothèque publique de Bamberg, en Bavière, et sur les trois éditions publiées de cette Chronique : la première, par le même M. Pertz, daus les Monumenta Germaniæ; la seconde, par M. Guadet, pour la Société de l'histoire de France; la troisième, sous les auspices de l'académie de Reims, par M. Poinsignon (p. 705); sur le surnom de Martel donné au fils de Pepin, surnom au sujet duquel la postérité aurait pris le change, le mot que l'on a traduit par Martel signifiant bien plutôt grosse tête. A la fin du tome VII, nous trouvons (p. 689 et seq.) diverses observations sur des questions philologiques qui n'ont pas reçu de dom Rivet une solution

satisfaisante. A la page 693, M. Paris a complété l'article sur S. Abbon, abbé de Fleury, en résumant ce qui, dans les recherches de M. Chasles, de l'Académie des sciences, sur l'origine de l'abacus, concerne le commentaire fait par Abbon, sous le titre de De ratione Calculi, d'un traité de Victorius sur le cycle pascal. A la page 695, M. Paris soutient que le poëme de Waltarius, composé par Gérard, moine de Fleury, n'est pas aussi méprisable que la prétendu «l'estimable auteur des Épopées françaises, M. Léon Gautier. » Un peu plus loin (p. 702), il établit, s'appuyant sur l'édition de la Vita Gauzlini du moine André, publiée par M. Léopold Delisle dans le deuxième volume des Mémoires de la Société archéologique de l'Orléanais (1853), que la véritable date de la mort de Gauzlin, malgré les remarques de dom Rivet, est le 8 mars 1030.

S'il m'était permis d'adresser ici une prière à M. Paulin Paris, je lui demanderais de nous donner plus de notes de ce genre dans les volumes suivants. Tous ceux qui connaissent son érudition, non moins vaste que sûre, le trouveront, comme moi, infiniment trop discret. Sur une foule d'écrivains remarquables du moyen âge, il lui aurait été facile, sans trop dépasser le programme primitif, d'ajouter des renseignements précieux à ceux qu'avait reunis dom Rivet.

PH. TAMIZEY DE LARROQUE.

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