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çant, vu la disette des documents, à recourir à beaucoup d'inductions et à faire une large part à l'imagination. Vouloir préciser la doctrine d'un auteur en s'appuyant sur quelques lignes seulement qui nous restent de lui, est très-périlleux: ainsi on a reproché à M. l'abbé Michaud de s'être plus d'une fois trompé sur le fond même de l'opinion philosophique attribuée à Guillaume de Champeaux. M. l'abbé Michaud a tort également de suivre beaucoup trop les opinions d'auteurs rationalistes, dont les données ne peuvent être acceptées sans réserve lorsqu'il s'agit du catholicisme et du rôle de la sophistique vis-à-vis du catholicisme. L'auteur s'abuse peut-être un peu sur les véritables tendances de la science contemporaine, mais il faut lui rendre cette justice qu'il a groupé de nombreux témoignages de savants en faveur de l'idée réaliste du xII° siècle, c'est-à-dire en faveur de l'unité de la matière, et victorieusement réfuté les accusations portées par Mme Guizot, MM. de Rémusat, Rousselot, Hauréau, etc. Ces auteurs avaient prétendu que Guillaume de Champeaux fut hypocrite, vindicatif, envieux ; ils l'avaient accusé d'avoir travaillé dans un but intéressé, d'avoir enseigné le panthéisme, le fatalisme, voire même l'athéisme. Pourquoi donc M. l'abbé Michaud, qui a si bien reconnu sur ce point les erreurs des écrivains rationalistes, se laisse-t-il si facilement influencer par leurs jugements, lorsqu'il parle d'autres écrivains, de S. Augustin, par exemple? HENRI DE L'EPINOIS.

Histoire de la Terreur (1792-1794), d'après les documents authentiques et des pièces inédites, par M. MORTIMER-TERNAUX, de l'Institut. T. VI. Paris, Michel Lévy, 1867. In-8 de 616 pages. - Prix: 7 fr. 50.

L'historien de la Terreur continue son œuvre érudite et loyale. Le présent volume embrasse la période comprise entre le 21 janvier 1793 et le 4 avril suivant et comprend les livres xxvi à xxxn. Fidèle à sa méthode, l'auteur a préféré suivre rigoureusement l'ordre chronologique plutôt que la succession logique des faits. L'intérêt va toujours croissant à mesure que de nouveaux volumes s'ajoutent aux premiers. Les événements si dramatiques de cette époque parlent assez par euxmêmes pour qu'il suffise de les présenter dans leur vrai jour : on ne peut donc faire un reproche à l'auteur de cette impartialité qui lui a interdit toute appréciation, tout jugement sur les faits qu'il rapporte ou les personnages qu'il met en scène. M. Ternaux s'est souvenu que l'histoire n'est point une œuvre de parti, et que l'historien est un témoin et non un avocat.

La mort du roi fut le signal des plus graves désordres. Tout d'abord se leva menaçante la question des subsistances, qui provoqua l'émeute du 25 février, et fut pour ainsi dire la première cause des terribles embarras financiers que la guerre ne devait pas tarder à aggraver encore. Pendant ce temps la coalition, d'abord spectatrice muette

et hésitante de la Révolution française, s'organisait en une sorte d'universelle croisade contre la France. Le gouvernement anglais ayant brutalement renvoyé notre ambassadeur, la Convention décrète une déclaration de guerre immédiate. On commencera par envahir les Etats du Stathouder.

Tandis que Dumouriez réorganise son armée de Belgique, une première expédition est envoyée contre les îles de Sardaigne et de la Madelaine. C'est là, et non à Toulon, que Napoléon Ier fit ses premières armes, en qualité de lieutenant-colonel en second d'un bataillon de volontaires corses. M. Ternaux entre à ce sujet dans les détails les plus circonstanciés et les plus curieux.

Avec le livre suivant commence l'histoire des opérations de Dumouriez. La coalition, profitant de la misère et du désordre de l'armée française, reprend l'offensive et force bientôt Dumouriez à évacuer Liége et à rentrer à Bruxelles. A la nouvelle de l'évacuation d'Aix-laChapelle et de la levée du siége de Maëstricht, la Convention, voulant imprimer un nouvel élan à l'enthousiasme patriotique, décrète l'envoi des fédérés au secours de Dumouriez. Mais en même temps, comme pour mettre, à l'intérieur aussi bien qu'à l'extérieur, la patrie à l'abri des attaques et des conspirations, le tribunal révolutionnaire est organisé dans toute l'étendue de la France d'après le programme de Robespierre.

Pendant ce temps, Lyon s'insurgeait contre la Révolution, mais pour retomber bientôt sous le joug. Il n'en était pas de même des provinces de l'Ouest, où le mouvement, commencé en mars, s'agrandit si rapidement, que l'insurrection, quelques jours après, était maîtresse de la presque totalité du territoire de huit départements. M. Ternaux a rendu un signalé service à la vérité historique en établissant, par la citation des premiers manifestes des paysans de l'Ouest, le caractère exclusivement religieux de leurs premiers soulèvements. Il n'hésite pas à déclarer que, pour soutenir dans tous les diocèses, dans toutes les paroisses, le schisme résultant du serment constitutionnel imposé aux prêtres, la Convention employa les procédés les plus draconiens de l'intolérance; mais il n'en produit aucune preuve. Une omission aussi complète est fort regrettable, d'autant plus que, poursuivant son récit, « il choisit, dit-il, quelques épisodes et dénonce les meurtres déplorables qui souillèrent les premières victoires des Vendéens. »

Dans ses livres XXXI et XXXII, l'auteur reprend l'histoire de Dumouriez à partir de la défaite de Nerwinde (18 mars), jusqu'à la fuite du général dans le camp autrichien. Toute cette partie du volume est parfaitement traitée et du plus haut intérêt. L'entrevue de Danton avec Dumouriez, les relations que celui-ci commençait déja à entretenir sous main avec les chefs de la coalition, notamment avec Mack, l'arrivée des commissaires de la Convention lui apportant le décret qui le

mande à sa barre, la résistance et les apostrophes violentes du général, le coup de théâtre par lequel il livre les commissaires avec le ministre de la guerre qui les accompagne au prince de Cobourg; enfin sa fuite dans le camp autrichien, où il arrive accompagné des dragons de la Tour, tel est le tableau qui se déroule sous les yeux du lecteur; les détails inédits y abondent et sont complétés par une foule de documents qui occupent à la fin du volume la majeure partie des 200 pages consacrées aux notes et éclaircissements.

Le principal mérite du livre de M. Ternaux vient des nombreux documents qu'il a recueillis. Par malheur, sauf pour une petite partie de ceux relatifs aux intrigues et à la défection de Dumouriez, l'auteur néglige d'indiquer les sources où il a puisé. Une note de quelques lignes, placée au commencement du livre XXXI, fait seulement connaître en bloc que certains détails sur l'arrestation des commissaires de la Convention et sur la défection de Dumouriez, ainsi que les correspondances se rattachant à ces deux faits, sont tirés des papiers du ministère de la guerre en Autriche, et des archives particulières de l'archiduc Albert, lesquelles ont été généreusement ouvertes à M. Ternaux. Ce défaut d'indication de sources, si capital dans un livre basé comme celui-ci sur des textes inédits pour la plupart, avait été déjà signalé dans les premiers volumes. Il est regrettable que l'auteur n'ait pas déféré sur ce point aux critiques qui lui ont été adressées. Espérons que dans les volumes suivants, et surtout dans une édition nouvelle, il comblera cette lacune. F. DE ROQUEfeuil.

La Démagogie en 1793 à Paris, ou Histoire jour par jour de l'année 1793, accompagnée de documents contemporains rares ou inédits, recueillis, mis en ordre et commentés per C. A. DAUBAN. Ouvrage enrichi de seize gravures de Valton et d'autres artistes, d'après des desseins inédits et des gravures du temps. Paris, H. Plon, 1868. In-8° de xxiv-644 pages. Prix : 8 fr.

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« Ce livre, dit quelque part M. Dauban, n'est pas une histoire de la Convention et de la lutte des partis, mais plutôt le tableau du jacobinisme triomphant à Paris en 1793. » L'auteur «< aime et admire la grande époque de la Révolution; » selon lui, la Convention, bien que « cruelle et injuste dans les moyens,» a été « généreuse dans le but; « elle a d'ailleurs un titre à notre indulgence: elle a décrété l'unité des poids et mesures (p. 304). Les montagnards ont versé bien du sang; ils ont mis la France à deux doigts de sa perte; mais enfin ils l'ont sauvée (p. 432). Pourtant M. Dauban n'accepte l'héritage de la Révolution que « sous bénéfice d'inventaire. « Que de ruines publiques et privées! nous dit-il. La France a été sauvée, mais la république a été perdue, et la liberté est restée mutilée,

C'est par un plaidoyer contre la Terreur, adressé au citoyen

Ch. Dugast Matifeux, ami robespierriste de l'auteur, que commence ce livre sur la Démagogie en 1793. Mais le meilleur plaidoyer, ce sont les pages émouvantes que reproduit M. Dauban et qui forment le fond de son livre. Beaulieu paraît être l'auteur d'un curieux ouvrage, devenu rare, et que j'ai sous les yeux : Les Souvenirs de l'Histoire, ou le Diurnal de la Révolution de France pour l'an de grâce 1797; contenant pour chaque jour, un précis analytique et succint des principaux événements qui ont eu lieu, le jour correspondant, pendant le régime revolutionuaire (Paris, chez G. Bridel. 2 vol. in-12). M. Dauban nous donne une réimpression de ce livre, qu'il trouve bien un peu injuste, un peu excessif contre les bommes de la Révolution, mais qui au fond est vrai et sincère, comme son ami robespierriste le reconnaît lui-même (p. xvi). Au texte du Diurnal sont joints des compléments, insérés à leur ordre chronologique, extraits de Prudhomme, de Mercier du Rocher, de Sirey, des Anecdotes d'Harmand, de la feuille des rapports de police, etc. Parmi ces compléments, nous citerons les détails sur Charlotte Corday et sur Marat (p. 271284); le récit de l'exécution de Louis XVI, extrait du Magicien républi cain, et où se trouve ce mot : « Allez, fils de Saint-Louis, le Ciel vous attend » (p. 33); la piquante histoire de Mme de Charry et de ses amours avec le montagnard Osselin (p. 541-558); les détails et les documents. inédits, réunis dans un appendice, sur le procès de Mme du Barry (p. 588-638); les notes sur la guillottine (p. 162), et le divorce (p. 355). pour lequel, remarquons-le en passant, l'auteur ne dissimule pas ses sympathies. Une part importante est faite à l'inédit dans ces additions: mentionnons une lettre de Lacroix à Danton (p. 123); plusieurs documents sur Roland et sa femme (pp. 137, 149, 211); le récit d'une séance de la Convention, par Valazé (p. 143); plusieurs ordres du jour d'Henriot; une lettre du cordonnier Simon (p. 4.9), et la protestation d'Isnard en date du 8 octobre (p. 445).

A cette histoire de l'année 1793, écrite par des témoins oculaires, M. Dauban a joint de curieuses gravures qui ajoutent beaucoup à l'intérêt du livre. Voici le crayon de David représentant notre infortunée reine dans la fatale charrette; voici la danse des jacobins autour de l'échafaud de Louis XVI, cette ronde furieuse dont parle Rouy l'aîné dans le Magicien républicain; voici le supplice de Marie-Antoinette; voici, dans sa hideuse nudité, la Vérité révolutionnaire, image trop vraie de l'époque qu'elle représente; voici les soupers fraternels dans les sections, et les fêtes révolutionnaires qui, nous dit l'auteur, « réussirent à charmer, à entraîner, à consoler le peuple de tant de souffrances, et dont la république a emporté avec elle le secret de l'attrait populaire » (p. 317); voici l'enceinte de la Convention, le tribunal révolutionnaire, la charrette des suppliciés, le départ des Girondins, etc.

M. Dauban parle à plusieurs reprises des «assertions chagrines et FÉVRIER 1868.

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rarement bienveillantes du Diurnal (p. 432), » et proteste quelque part contre la qualification de« sauvages insensés» donnée aux membres de la Convention. Malgré sa loyauté et sa sincérité, il n'a pu se résigner à reproduire toutes ces «assertions chagrines. » Nous pourrions en donner de nombreuses preuves; quelques-unes suffiront. A ce texte du Diurnal, (t. II, p. 67) : « Dans la séance du 17, Barrère, après un rapport qui, aujourd'hui, ne paraîtra qu'extravagant et burlesque, mais qui alors pouvait entrainer les plus monstrueuses atrocités, fit rendre le décret suivant, » M. Dauban substitue (p. 342) le texte suivant : « Dans la séance précédente, Barrère avait fait rendre le décret suivant. » A la p. 375, M. Dauban passe tout un membre de phrase, ainsi que ce paragraphe : « Toutes ces abominations furent consacrées par l'assentiment de la majorité de la Convention (t. II, p. 99). A la p. 413, il supprime l'énumération des «brigands subalternes, » des noms desquels, dit Beaulieu, il est inutile de souiller ces pages (t. II. p. 138). Enfin, à la p. 462, M, Dauban se borne à dire que « Marie-Antoinette... fut traduite devant le tribunal révolutionnaire, » omettant tout ce passage du Diurnal (p. 161): «... fut traduite devant un conciliabule de misérables, appelé tribunal révolutionnaire, dont la postérité ne pourra lire les forfaits sans frémir. >>

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La tâche d'éditeur impose un premier et absolu devoir l'intégrité. Il est regrettable que M. Dauban n'ait pas complétement rempli ce devoir. G. DE BEAUCOURT.

Histoire de l'abbaye et du collége de Juilly, depuis leurs origines jusqu'à nos jours, par Charles HAMEL, avocat, docteur en droit, ancien élève de Juilly. Paris, Douniol, 1868. In-8 de 688 p. - Prix: 7 fr.

Le collége de Juilly restera célèbre dans les annales de l'instruction publique en France; il était digne d'avoir un historien et de le trouver parmi ses anciens élèves. Juilly fut d'abord une abbaye, fondée en 1182 par Foucauld de Saint-Denis, qui la donna aux chanoines de Saint-Augustin de l'abbaye de Chaage, à la condition de suivre la règle de Saint-Victor de Paris. Son rôle fut peu important, et les notices sur ses vingt-cinq abbés n'ont rien qui puisse fixer l'attention : elles ne sont guère qu'une reproduction du travail donné par dom Plessis dans son Histoire du diocèse de Meaux, et inséré dans la Gallia Christiana, avec les corrections de l'abbé Thomé, chanoine de l'église de Meaux.

L'histoire du collége, fondé en 1638, après la cession faite à l'Oratoire par le dernier abbé, est la partie vraiment originale et curieuse

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