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M. Tillaux est donc d'accord avec ses prédécesseurs Dupuytren et Maisonneuve sur ce point, que la forme grave des fractures du péroné arrive dans un mouvement forcé d'abduction du pied; mais il ajoute aux notions fournies par eux, celle de la rupture des ligaments péronéo-tibiaux comme cause des complications de cette forme grave; et c'est parce que, comme le dit avec raison M. Tillaux, l'adduction forcée est plus naturelle et plus fréquente dans les chutes que, fort heureusement, cette variété est plus rare que lest autres, et que, par suite, les fractures des malléoles, bien qu'elles soient articulaires, restent cependant des fractures simples.

Vous avez compris, messieurs, que l'un des points nouveaux et intéressants dans les études expérimentales de notre auteur, c'est d'avoir constaté et interprété les résultats de l'intégrité ou de la déchirure des ligaments péronéotibiaux. Lorsqu'ils se déchirent dans l'adduction forcée, la blessure n'en devient pas pour cela plus grave, parce que leur lésion ne favorise pas un entraînement tel du pied, que la peau soit ou déchirée ou comprimée d'une façon menaçante. Lorsqu'ils ne se déchirent pas, au contraire, leur intégrité peut devenir cause de la fracture sus-malléolaire. Dans l'abduction, c'est l'inverse qui a lieu leur déchirure peut avoir des conséquences graves; leur intégrité n'a que des avantages.

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Tels sont, messieurs, les résultats obtenus par M. Tillaux Permettez-moi de terminer par deux réflexions.

La première est relative à la vérification sur le vivant des faits constatés par l'expérimentation. M. Tillaux paraît avoir pu faire cette vérification. Il rapporte en particulier un cas de fracture de la malléole interne que le malade s'était faite en tournant, a-t-il dit, violemment son pied en dehors, et trois cas de fracture sus-malléolaire qui, d'après les réponses des malades, se seraient produites dans une adduction forcée. J'avoue n'avoir pas été souvent aussi favorisé que M. Tillaux. Si quelques malades ont, en effet, répondu à mes 2e SÉRIE. T. I. N° 27.

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questions d'une façon assez catégorique pour que j'aie pu être certain du sens dans lequel le pied avait tourné au moment de l'accident, je dois dire que le plus grand nombren'ont pu me donner de renseignements catégoriques. Ils ne savaient pas ou avaient complétement oublié le sens dans lequel avait eu lieu la déviation du pied, cause de la frac ture. Ce n'est pas une raison assurément pour ne pas diriger ses investigations dans cette direction. Je veux seulement exprimer à nouveau l'opinion que j'émettais en commençant, savoir qu'il y a une difficulté réelle à confirmer par les commémoratifs, c'est-à-dire par des choses qu'on n'a pas vues, les résultats de l'expérimentation cadavérique.

Cette difficulté est d'autant plus regrettable, que je suis disposé à admettre, pour l'homme vivant, certaines conditions que le cadavre expérimenté ne présente pas, et qui doivent modifier le mode de production des fractures. C'est précisément là l'objet de la deuxième réflexion que j'ai demandé à vous présenter.

J'enseigne depuis longtemps que les fractures par cause indirecte, pour les malléoles comme pour les autres os, ces fractures qui, dans beaucoup de cas, paraissent se produire avec une facilité si surprenante, sont dues à trois causes qui peuvent à la rigueur intervenir séparément, mais qui, le plus souvent, interviennent toutes à la fois. Ce sont :

1o Les positions forcées, qui soumettent les extrémités osseuses à une traction produisant l'arrachement, ou à une inflexion exagérée.

2° La fragilité préexistante du tissu spongieux par altération sénile normale, et par altération sénile prématurée, fragilité qui lui permet de céder aisément à toutes les causes vulnérantes.

3o La pression violente à laquelle cette partie trop fragile est soumise dans les chutes, et qui fait intervenir soit seul, soit concurremment avec l'arrachement et l'inflexion, le mécanisme de l'écrasement. Cette pression est le résultat combiné et du poids du corps sur les leviers osseux entraînés préala-.

blement dans une situation anormale, et de la vitesse de la chute, enfin et surtout des contractions musculaires qui ont lieu inévitablement au moment des accidents.

Eh bien! que donnent les expériences sur le cadavre? Lcs résultats de l'inflexion et de l'arrachement, conséquences des déviations anormales. Mais elles ne donnent pas l'écrasement, si, comme cela est ordinaire, le cadavre expérimenté n'a pas la raréfaction du tissu spongieux qui favorise cet écrasément. Elles ne donnent pas non plus les conséquences du poids du corps, conséquences si variées suivant le mode d'inclinaison de ce poids sur le levier mal placé, et suivant la hauteur de la chute. Elles donnent encore moins les conséquences de la contraction musculaire.

Voilà comment, à l'humble avis de votre rapporteur, les expériences sur le cadavre, tout en donnant des résultats. applicables dans une certaine mesure à la clinique, paraissent incapables de reproduire toutes les circonstances. qui interviennent sur l'homme vivant, et comment, sur ce dernier, les fractures peuvent même se produire par un mécanisme inverse de celui qui a été indiqué par les études cada vériques.

Je comprends, par exemple, qu'une malléole interne, devenue fragile, soit fracturée dans un mouvement d'adduction, tandis que les expériences de M. Tillaux autorisent à les attribuer seulement à l'abduction. Je comprends qu'une extrémité inférieure trop fragile du tibia prenne la fracture susmalléolaire dans l'abduction, tandis que l'expérience ne les reproduit que par l'adduction.

Mais si nous voyons là des difficultés et matière à recher-. ches nouvelles, nous n'en admirons pas moins le zèle, le talent et la persévérance avec lesquels M. Tillaux a fait ses recherches; nous l'approuvons de demander, conformément aux vues d'Amussat et de Malgaigne, aux expériences sur le cadavre et sur les animaux, tout ce qu'elles peuvent donner pour la pathogénie des maladies chirurgicales; nous l'engagerons à persévérer dans cette voie, qui lui a fourni déjà l'occasion de nous communiquer un travail important sur la

torsion des artères, et qui lui permet, nous le savons, d'en préparer d'autres non moins importants.

En résumé, messieurs, votre commission vous propose : 1° D'adresser une lettre de remerciments à M. Tillaux. 2o De renvoyer son travail à votre comité de publication. M. LE PRÉSIDENT met aux voix les conclusions du rapport.

M. BOULEY: Ne vaudrait-il pas mieux remettre la discussion de ce rapport à une prochaine séance? On aurait ainsi le temps. d'en prendre connaissance par le Bulletin de l'Académie.

M. GIRALDES: Je ne crois pas qu'il y ait lieu de discuter bien longuement. M. le Rapporteur a fait lui-même, et mieux que personne, la critique du travail qu'il avait à examiner. Il a montré que l'auteur, dans ses expériences, se plaçait dans des conditions différentes de celles qui se rencontrent dans la pratique, et il a ajouté qu'il était difficile qu'il en fût autrement. Ainsi un homme a le pied pris dans un rail et se brise la jambe en tombant. Voilà évidemment un ensemble de conditions qu'il est difficile de rencontrer dans les expériences de laboratoire. M. le Rapporteur a parfaitement fait ressortir le côté faible des expérimentations sur le cadavre.

M. LE PRÉSIDENT met aux voix les conclusions du rapport. Ces conclusions sont adoptées, et le travail de M. Tillaux sera renvoyé au comité de publication.

L'ordre du jour appelle la discussion sur le choléra. Personne ne demande la parole.

M. J. GUÉRIN annonce que, d'après le Bulletin nécrologique de Londres, la mortalité a pris des proportions effrayantes chez les enfants. Il appelle de nouveau l'attention de l'Académie sur le choléra.

M. DELPAUL annonce, de son côté, qu'à Paris cette mortalité a diminué au contraire d'une façon très-sensible.

--

La séance est levée à quatre heures et demie.

Le Gérant G. MASSON.

PARIS, IMPRIMERIE DE E. MARTINET, RUE MIGNON, 2.

SÉANCE DU 27 AOUT 1872.

PRÉSIDENCE DE M. BARTH.

SOMMAIRE. Correspondance officielle.

Correspondance manuscrite:

- Dis

MM. Abeille, Pigeon, Le Canu. Présentation: M. Boudet. cours de M. Barth à propos de la mort de M. Louis. Ouvrages offerts à l'Académie.

Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.

Correspondance officielle.

M. le ministre de l'agriculture et du commerce transmet à l'Académie :

I. Le rapport final de M. le docteur AUTELLET sur une épidémie de variole qui a sévi en 1870 dans les communes de Brux, Chaunay et Champagné. (Commission des épidémiés.)"

II. La recette d'une préparation à laquelle le sieur MIGNOT attribue la propriété de guérir les maladies de peau. (Commission des remèdes secrets et nouveaux.)

III. Une lettre du sieur MARIANI demandant l'autorisation d'exploiter deux sources d'eau minérale qu'il a découvertes dans sa propriété située au territoire de Vals, quartier des Prades. (Commission des eaux minérales.)

Correspondance manuscrite.

1. M. le docteur ABEILLE adresse au président de l'Académie la lettre suivante :

« Monsieur le Président,

» J'ai l'honneur d'adresser à l'Académie l'observation d'un cas d'empoisonnement par injection sous-cutanée de 9 mil2o SÉRIE, T. I. N° 28. 64

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