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l'ai déjà dit, M. Siers est revenu à Paris longtemps après sa guérison, qui s'était parfaitement maintenue.

Après les observations qui précèdent, je rappellerai les vingt-deux opérations pratiquées au Val-de-Grâce dans les services de MM. Abeille et Lévy, pour des épanchements de différentes natures, dont deux purulents, les autres séreux et séreux hématiques. Voici comment M. Abeille mentionne et résume dans son ouvrage les onze cas qui ont motivé ces vingt-deux opérations :

« En 1850, cet éminent chirurgien a pratiqué la thoracocentèse sur onze malades du Val-de-Grâce dont deux dans notre service et les autres dans le service de notre savant ami M. Lévy,

>>> Les onze sujets ont donné lieu à vingt-deux opérations différentes, cinq d'entre eux l'ayant subie deux, trois et quatre fois. Sur ces vingt-deux opérations il n'y a eu qu'un seul accident à noter, et cet accident a été prédit par M. Guérin pendant qu'il pratiquait l'opération.

>> Sur les onze malades, trois sont morts : l'un à la suite d'accidents survenus après l'opération, mais indépendants de la méthode elle-même; les autres par l'effet de l'hydrothorax reproduit. De ces trois malades, deux avaient un épanchement séreux, l'autre un épanchement séro-purulent. Des huit autres, trois out eu une guérison rapide et durable après une seule opération, trois ont eu le même résultat après un temps un peu plus long; les deux autres n'ont obtenu une guérison définitive qu'après la deuxième opération. Chez tous ces malades il y a eu reproduction partielle de l'épanchement après la ponction, et ensuite résorption quelquefois lente, mais toujours complète du liquide épanché.

» Aucun accident que ceux que nous avons signalés n'a suivi ces belles opérations. >>

Le plus grand nombre de ces cas, dont quelques-uns ont été opérés en présence de notre collègue M. Larrey, ici présent, appartenaient à la catégorie de ceux qu'on désigne sous le nom d'épanchements chroniques rhumatismaux. Ils

dataient en moyenne de six semaines à deux mois; tous avaient été traités préalablement par MM. Lévy et Abeille en vue d'obtenir la résolution du liquide épanché.

Je citerai encore l'observation d'un jeune homme qui a été vu par MM. Louis, Velpeau et Boinet. Il était atteint d'un épanchement purulent compliqué de pneumothorax suite d'érosion tuberculeuse. Je l'ai opéré quatre fois; la matière épanchée était tellement infecte que j'ai contracté à la suite de ces opérations un catarrhe purulent qui m'a duré plusieurs mois. Le malade a succombé à cet état d'infection générale, mais aucune des opérations qu'il a subies n'a donné lieu au moindre accident, et, ce qui est à peine croyable, aucune d'elles n'avait occasionné de fistule.

Enfin, je citerai onze opérations pratiquées à diverses reprises pour des épanchements séreux, dont la dernière chez une dame, traitée par nos confrères MM. Danet et Déneau, pour une affectiou cancéreuse ulcérée; une seule ponction a débarrassé cette malade d'un épanchement qui compliquait gravement son état.

Ces diverses opérations réunies s'élèvent au chiffre de 51, dont 14 chez huit sujets atteints d'épanchements purulents, trois pour des épanchements séro-hématiques et les 34 autres pour des épanchements séreux chroniques.

Des huit sujets atteints d'épanchements purulents cinq ont guéri, les trois autres sont morts d'affection tuberculeuse, le troisième d'un accident étranger à la méthode opératoire. La plèvre, qui avait atteint pius de 2 centimètres d'épaisseur, avait été décollée et poussée au devant de l'in strument avant d'être traversée. Sur ces 51 opérations, une seule a donc été suivie d'accident. Toutes les autres, en tant qu'opérations, avaient donné lieu à la cicatrisation immédiate des plaies, même chez un sujet en proie à une infection tuberculeuse généralisée. Ce sont là des résultats dont il convient de faire ressortir l'importance, au double point de vue de l'innocuité de l'opération et de son efficacité, quelle que fût la nature du liquide épanché.

La première conséquence qui en résulte, c'est que, partageant l'opinion de M. Chassaignac et autres de nos collègues sur la transformation purulente des épanchements séreux par le fait de l'opération, on a tout à la fois la preuve de l'innocuité de la thoracocentèse sous-cutanée, et la preuve de l'impossibilité où sont les autres méthodes de s'opposer sûrement à l'entrée de l'air dans la poitrine, cause de la transformation purulente de l'épanchement séreux; c'est déjà une présomption en faveur de la thoracocentèse sous-cutanée sur les autres modes d'évacuation.

Mais mes observations ne sont pas les seules à témoigner de la possibilité de guérir des épanchements purulents à l'aide de simples ponctions. Presque tous nos collègues intervenus dans la discussion en ont cité des exemples. C'est M. Gosselin, qui en a cité deux; M. Hérard, qui a rappelé les deux cas rapportés par Aran; c'est M. Roger, qui en a cité plusieurs autres; c'est enfin M. Chassaignac lui-même, qui a rappelé les trois cas rapportés dans la thèse de M. Attimont. C'est encore M. Bucquoy, qui a fait dix-huit fois la ponction chez un malade sans produire le moindre accident. On me fait observer que le malade est mort; l'innocuité des dixhuit opérations n'en témoigne pas moins en faveur du mode opératoire. C'était d'abord le premier point à établir, sous toute réserve de l'efficacité de la méthode, laquelle résulte des autres faits cités.

L'Académie voudra bien remarquer que quoique les guérisons que je viens de citer à l'appui des miennes l'aient été par des ponctions ordinaires plus ou moins analogues aux ponctions sous-cutanées, elles n'en témoignent pas moins de la possibilité de les produire par la thoracocentèse sous-cutanée, c'est-à-dire que les unes et les autres concourent à établir qu'il existe des cas d'épanchements purulents susceptibles de guérisons d'emblée, quel que soit le mode de ponctionner, c'est-à-dire que ces cas offrent, anatomiquement, physiologiquement et pathologiquement les conditions matérielles de la guérison.

Cette remarque me conduit à examiner les objections, out plutôt les accusations dirigées contre la thoracocentèse souscutanée. On ne s'est pas borné, en effet, à la taxer d'ignorance anatomique, de viser à l'impossible, d'avoir des prétentions contraires au bon sens, de produire des coups de théâtre, des changements à vue, toutes aménités qui tombent devant un seul fait bien établi. On a été plus loin; on a été, si j'ose le dire, jusqu'à calomnier la méthode. Voici pour justifier cette allégation, quelque grave qu'elle puisse paraître, un passage d'une communication à l'Académie des sciences, qui ne laisse rien à désirer sous ce rapport. C'était en 1857. M. le professeur Sédillot annonçait à l'Institut une invention dont il a eu la modestie de ne pas vous parler. Devant tout naturellement trouver détestables les méthodes qu'il voulait remplacer, voici ce qu'il a dit de la thoracocentèse souscutanée « Cette méthode est peut-être la plus dangereuse; elle provoque une vive congestion du sac pseudo-pleural, une véritable plaie séro-purulente, des hémorrhagies partielles, et l'air pénètre bieutôt le long de la canule dans la poitrine, altère le pus; et des inflammations ulcéreuses, gangréneuses et des infections purulentes et putrides deviennent les causes rapides d'une terminaison funeste. » (Académie des sciences, séance du 9 novembre 1857.)

Comme moyen de s'opposer à de semblables désastres, M. Sédillot proposait, quoi? « La perforation d'une côte dans laquelle on place une canule d'argent ou une sonde de gomme élastique », une sorte de fosset bouchant le trou fait à un tonneau. A l'appui de cette accusation, de ce réquisitoire contre la thoracocentèse sous-cutanée, le savant professeur se dispensait, comme de raison, de toute preuve. La thoracocentèse sous-cutanée lui paraissant détestable, dangereuse, susceptible des plus grands méfaits, il le croyait, cela lui suffisait. Sa nouvelle méthode, renouvelée des Grecs, était parfaite; il le disait, il le croyait, et ne se montrait guère plus préoccupé d'en fournir les preuves. Je me trompe: il citait deux malades dont l'un était mort, et l'autre, je cite

textuellement, «< opéré en janvier, avait pu aller seul aux eaux de Sainte-Amélie, et en était revenu dans un état favorable ».

L'auteur ajoutait, comme conclusion générale, que « la guérison est longue et présente différentes phases et les diverses terminaisons que l'expérience a fait connaître ». Depuis lors notre collègue n'a plus donné de nouvelles du malade revenu des eaux dans un état favorable, mais il est juste d'ajouter qu'il n'a plus parlé non plus de la méthode.

Voyons donc sur quoi reposent les diverses accusations si crûment formulées par M. Sédillot d'abord, mais plus délicatement reproduites par MM. Chassaignac, Gosselin

et autres.

La possibilité des guérisons d'épanchements purulents par la thoracocentèse sous-cutanée ne saurait plus faire doute pour personne. Les faits de ma pratique et ceux que j'ai cités d'après nos collègues eux-mêmes sont une démonstration analogue à celle donnée par le philosophe devant qui on niait le mouvement il a marché; et nous aussi, nous avons marché. Mais, dira-t-on, ces cas de guérisons sont des cas exceptionnels. On oppose à la possibilité d'une plus grande généralité de faits des désordres du côté des plèvres et du poumon qui rendraient ces guérisons impossibles. M. Chassaignac a parlé d'adhérences pleurales; l'imperméabilité pulmonaire qui accompagne des épanchements datant de dix-huit mois ou deux ans. Mais, messieurs, cette allégation porte avec elle-même sa condamnation. Certes, nous ne nions pas que la présence du pus dans les plèvres et enveloppant les poumons depuis dix-huit mois ou deux ans ne soit susceptible des plus grandes et des plus profondes altérations.

Mais sont-ce les cas de cette sorte qui se présentent à opérer? ne sont-ce pas là, au contraire, des cas tout à fait exceptionnels? Je prétends qu'avant six semaines ou deux mois les plèvres n'ont guère contracté d'adhérences, et le poumon de splénisation qui rendent l'opération stérile ou dangereuse. Il y aurait un intéressant travail à faire pour établir l'époque

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