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nous éternellement expier les tourments de sa vie et les préjugés de son siècle?

Quant à ces hommes qui se font juges dans leur propre cause, et qui pour la satisfaction de leur vengeance personnelle commettent un homicide, ils ne peuvent être absolument absous. Quoiqu'ils aient obéi au premier mouvement de leur colère, ils ont eu conscience de leurs actes et en sont responsables. La magistrature d'ailleurs, et avec juste raison, n'a cessé de leur en demander compte, tout en ne les confondant point avec ces individus qui sous l'empire des plus bas instincts ont prémédité froidement leurs crimes et commis de véritables assassinats pour arriver à leurs fins.

Quoi qu'il en soit, l'intérêt de la société veut encore ici que l'on pèse le plus possible sur la tête de ces hommes passionnés et qu'on multiplie pour eux les motifs de répression propres à contre-balancer la violence de leurs incitations. Il en est de même pour le jugement à porter sur ces infortunées créatures qui dans leur cruelle position n'ont suivi que leur emportement et voulu venger leur déshonneur et leur abandon par le meurtre de l'homme qui s'est joué de leur faiblesse et de leur crédulité. Elles sont à plaindre, mais lorsqu'elles se sont livrées à sa merci, elles avaient leur liberté morale, et elles la possédaient également lors de la réaction vindicative pour laquelle on invoque contre elles la vindicte des lois.

J'arrive à la femme infanticide. Est-elle responsable cette femme? C'est à nous, médecins, que la question s'adresse, et l'on a cent fois raison de nous la faire, parce que c'est nous qui de temps immémorial avons lutté contre les préjugés du monde et le zèle toujours honorable mais quelquefois aveugle des magistrats, et que c'est nous qui sommes parvenus par la profondeur de nos analyses à adoucir à son égard la sévérité de la législation.

La femme infanticide est coupable, lorsque son accouchement s'est fait tout naturellement, et qu'il n'a point jeté le trouble dans l'économie; lorsque, maîtresse de tous ses sens, elle a pris, pour l'exécution de son crime, toutes les précau

tions possibles pour n'éveiller aucun soupçon, et que pour nieux induire en erreur les personnes au milieu desquelles elle vivait, elle a pu déployer assez d'énergie pour reprendre presque sans difficulté ses travaux habituels.

On ne peut le dissimuler à notre conscience ni à notre intelligence, parmi les femmes infanticides il en est cependant quelques-unes qui ne sont pas comptables de la mort de leur enfant. Cet enfant a été trouvé à côté d'elle, étendu sur leur couche et privé de la vie. Personne n'est entré dans la chambre de l'accouchée, et lorsqu'on y a pénétré, à la première vue du cadavre de son enfant, et tout d'abord, on s'est livré aux plus noires interprétations. On n'a pas remarqué que cette femme avait pu être surprise par les douleurs de l'enfantement, qu'elle a mis son enfant au monde sans la moindre assistance, qu'elle est encore baignée dans son propre sang, qu'elle vient à peine de reprendre connaissance, et que sa malheureuse progéniture, qui ne porte aucun signe de violence, a pu mourir étouffée sous la pression de son corps. Par ce fait exceptionnel, et tout à fait imprévu, il convient, ce me semble, d'abandonner vis-à-vis d'elle les termes ordinaires de comparaison, et de ne pas faire, par une condamnation infamante, un sacrifice à la société qui ne peut changer en rien la fatalité de certains événements. Le doute au moins a son autorité en pareille circonstance.

D'après tous les faits que j'ai déjà pressés les uns sur les autres et les détails dans lesquels je suis entré à leur occasion, il ne peut plus, si je ne me trompe, messieurs, rester de doute dans votre esprit sur l'identité qu'il peut y avoir quelquefois entre les causes des différentes aberrations ou perversions de l'esprit humain. Vous avez pu vous convaincre que, malgré leur origine commune, ils ne donnaient pas lieu aux mêmes résultats; que la nature particulière de chaque individu vous en donnait l'explication satisfaisante, mais qu'il ne s'en suivait nullement que la responsabilité des faits accomplis fût égale pour eux tous.

Si vous me le permettez, messieurs, je vous communiquerai dans une de vos prochaines séances d'autres faits à

l'appui de mon opinion. Je ferai ressortir l'avantage qu'il y a dans nos études à ne point séparer l'homme de l'homme, et j'indiquerai les moyens prophylactiques à l'aide desquels on peut l'armer contre lui-même dans quelques-unes des circonstances douloureuses de sa vie, et le préserver, en partie du moins, de tout ce qui peut le placer presque indistinctement sur les confins du suicide, du crime ou de la folie.

Présentation d'un malade.

M. DEMARQUAY: J'ai l'honneur de présenter à l'Académie un jeune homme de vingt et un ans auquel j'ai réduit une hernie congénitale étranglée, le mardi 7 mai, après avoir pratiqué l'aspiration du liquide et des gaz contenus dans l'anse intestinale étranglée. Voici les circonstances de ce fait : Ce jeune homme avait été passer avec sa famille la journée du dimanche, 5 mai, à Versailles. Le soir, après une journée de fatigues, il fut pris de coliques vives accompagnées de vomissements. Il constata de plus qu'il s'était produit une tumeur assez volumineuse dans l'aine gauche. Les douleurs et les vomissements persistant le lundi, un médecin fut appelé; il déclara qu'il fallait conduire ce jeune homme dans la Maison de santé, ce qui eut lieu le lundi 6 dans la soirée. L'interne de garde, après avoir pratiqué le taxis sans succès, mit sur la hernie une vessie remplie de glace, et attendit au lendemain. La nuit fut mauvaise, le malade fut très-agité; il eut plusieurs vomissements sur la nature desquels je ne fus point fixé. Le mardi, 7 mai, au matin, je vis mon malade; il avait les traits altérés. La fièvre s'était allumée. La tumeur herniaire était volumineuse, allongée, suivant le canal inguinal. Le testicule était au contact de l'intestin. Nous avions donc affaire à une hernie inguinale gauche congénitale étranglée. J'étais très-préoccupé de l'état de ce jeune homme, d'autant plus que je n'ai point encore guéri aucune de ces hernies par l'opération. Je cherchai à réduire la hernie par le taxis. Le malade fut profondément endormi,

et je fis le taxis avec soin, mais ce fut sans résultat. Je me décidai alors à faire l'aspiration des liquides intestinaux et des gaz. Un trocart fin fut placé au centre de la tumeur, et grâce à l'aspirateur de M. Potain, nous vimes les liquides de l'intestin passer dans le vase servant de récipient. J'enlevai environ 120 grammes de liquide intestinal, sans compter les gaz. La tumeur s'affaissa complétement. J'enlevai alors le trocart, et je restai quelques minutes sans toucher à l'intestin, afin de voir si de nouveaux liquides ou de nouveaux gaz n'afflueraient point dans l'intestin étranglé. Aucune tuméfaction ne se produisant dans la tumeur, je me mis en demeure de pratiquer le taxis avec le plus grand soin, afin de prévenir tout accident. Il m'a suffi de presser de bas en haut très-légèrement pour sentir l'intestin rentré dans la cavité abdominale. Le malade a été gardé au repos et à la diète. L'opium à dose fractionnée fut administré, et il ne survint aucun accident abdominal. Le testicule seul fut enflammé par suite des pressions dont il avait été l'objet. Ce fait m'a beaucoup frappé, et je propose d'appliquer de nouveau ce mode de traitement:

1° A toutes les hernies congénitales ou aux hernies récentes qui s'étranglent au moment de leur formation;

2o Aux hernies anciennes et parfaitement réductibles peu de jours avant l'étranglement, et dans les grandes hernies ombilicales récemment étranglées.

3o Cette aspiration des liquides et des gaz, ayant pour but de rendre le taxis plus facile, ne devra être pratiquée que de bonne heure, à une époque où l'on a à peu près la certitude de réduire dans la cavité abdominale une anse intestinale non altérée et susceptible de reprendre ses fonctions.

A quatre heures et demie, l'Académie se forme en comité secret.

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SÉANCE DU 28 MAI 1872.

SOMMAIRE.

PRÉSIDENCE DE M. BARTH.

Correspondance officielle.

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Correspondance manuscrite: MM. les docteurs Voillemier, Théophile Roussel, Compagnon, Em. Mahier, L. Prudhomme, B. Teissier, Fonssagrives, Decroix, Homolle, Boinet, Maurice Reynaud. - Présentation d'appareils MM. Lafargue, Hardon Présentation d'ouvrages manuscrits et imprimés : MM. Demarquay, Tardieu, Amédée Latour, Barth, Gubler. Élection. Lectures: 1° M. Bouisson: Discours prononcé à l'inauguration du buste de Delpech, à Toulouse; 2o M. Marro'te: Sur les complications de la thoracocentèse; accidents dus à la perforation du poumon. Ouvrages offerts à l'Académie.

La procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.

Correspondance officielle.

M. le ministre de l'instruction publique et des cultes communique à l'Académie un travail de M. Maurice DE HERCZEGHY intitulé: Étude médico-philosophique sur le climat de l'Orient et sur sa fièvre endémique. (Commissaires : MM. Fauvel, Pidoux et Delpech.)

M. le ministre de l'agriculture et du commerce transmet à l'Académie :

1. Un nouveau rapport de M. le docteur MALICHECQ Sur une épidémie de variole qui a sévi pendant les années 1870 et 1871 dans la ville de Mont-de-Marsan. (Commission des épidémies.)

II. Le rapport du docteur PicoN sur le service médical des caux minérales de Molitg pendant l'année 1870 (Commission des eaux minérales.)

III. Le rapport du docteur RAYNAL DE CISSONIÈRE sur les 2e SÉRIE. T. I. N° 15.

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