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qualités d'esprit et d'audace intrépide... Mais de moins intolérants que Rochemont et le prince de Conti purent être d'avis que le théâtre, malgré le coup de foudre final, ne montrait pas sans inconvénient une si brillante peinture du dangereux scepticisme qui dès lors avait envahi beaucoup d'âmes » (p. 324). En parlant des misères, « imparfaitement connues d'ailleurs, » de la vie domestique de Molière, l'auteur écrit (p. 358-59): « Tout ce qui est regrettable dans sa vie privée, tout ce qui a blessé non seulement le bonheur, mais la dignité de cette vie, est venu des liaisons avec les Béjart, du mariage qui les a rendues plus étroites encore. Il n'en est sans doute pas moins resté chez notre grand poète de nombreuses marques du caractère de l'honnête homme : mais on ne les reconnaît pas toujours au milieu des mœurs, trop acceptées par lui, de ce monde du théâtre auquel étaient étrangères les délicatesses d'un cœur capable de trouver en lui-même l'image du noble Alceste. De là entre telles et telles faiblesses de la conduite de Molière et le sentiment qu'il avait certainement de l'honneur, un désaccord qui dut être une de ses souffrances. >>

Nous croyons avoir donné une idée suffisante du remarquable travail de M. Paul Mesnard, où nous avons été heureux de rencontrer une élévation de pensée qui lui fait honneur. Terminons par cette réflexion placée à la suite du récit de la mort de Molière, assisté de deux religieuses qu'il avait recueillies dans sa maison: « Visitandines, Bénédictines ou Clarisses, deux servantes de Dieu et des pauvres, en prières près du lit de mort de Molière et encourageant sa dernière pensée, on aimera toujours à se représenter ce tableau touchant, ne pouvant douter qu'il ne soit vrai. » G. DE B.

Les Comédies de Molière en Allemagne, le Théâtre et la Critique, par AUGUSTE EHRHARD, ancien élève de l'École normale supérieure, chargé de cours à la Faculté des lettres de Grenoble. Paris, Lecène et Oudin, 1888, in-8 de XXVIII-545 p. Prix : 8 fr.

L'auteur des Comédies de Molière en Allemagne prend le théâtre allemand à ses débuts dans les Haupt- und Staatsactionen. Selon lui, Shakespeare n'étant pas encore découvert, et nos tragiques ne devant jamais être compris des Allemands, le seul Molière pouvait être utilement proposé comme modèle pour la réforme nécessaire; il avait beaucoup puisé dans le fonds commun des nouvelles italiennes et n'était, d'ailleurs, point un inconnu de l'autre côté du Rhin. Les acteurs et les auteurs de comédies lui empruntèrent beaucoup, en effet, soit ouvertement, soit en cachette. Mais s'il eut quelques admirateurs passionnés, il eut encore plus de détracteurs, et je serais tenté de croire que nos comédies classiques, pas plus que nos tragédies, n'étaient à la portée des Allemands. Les maîtres de la critique, Gottsched, Lessing, Schle

gel, pendant trois générations successives, furent constamment hostiles à l'idée d'une réforme du théâtre par l'étude et l'imitation de Molière. M. Ehrhard ne leur pardonne pas ce manque d'égards pour son poète favori. Il oublie trop que l'Allemagne était alors, au point de vue intellectuel et littéraire, de plus d'un siècle en arrière sur la France. Or, quand une nation se met au pas de ses voisines plus avancées en civilisation, elle ne s'arrête pas aux stages intermédiaires et cherche à s'assimiler le bon et le mauvais de ses modèles tels qu'ils s'offrent actuellement à elles. Ce qui arrive en ce moment et sous nos yeux à la Russsie est l'histoire de l'Allemagne au siècle dernier. L'Allemagne s'éveillant en plein dix-huitième siècle, n'a pu avoir d'âge classique à Molière, Gottsched devait préférer Destouches, et Lessing, Diderot. Avec toute son indépendance d'esprit et de cœur, Goethe luimême est bien moins un classique qu'un homme de son pays et de son temps. M. Ehrhard est obligé de reconnaître vers la fin de son livre, à propos du Don Juan de Paul Heyse, que l'imitation de Molière n'est pas tant à recommander et que notre grand comique est resté incompris. « Il est extrêmement dangereux, de nos jours, dit-il, de faire des emprunts aux comédies de Molière, même si l'on se réserve le droit d'altérer et de renouveler les types ou les situations qu'il fournit. Il vaut mieux que les auteurs dramatiques rompent toute attache avec lui, et qu'ils nous donnent résolument du moderne. » — «<< .... Quand on est témoin, dit-il encore, de cette réaction brutale contre le culte des moliéristes, quand on voit d'autre part les plus grands admirateurs de notre poète lui adresser des reproches ou parfois des éloges immérités, quand Baudissin condamne ses farces, quand Laun incline à préférer à ses comédies celles de Shakespeare, quand Schweitzer exalte en lui un champion avancé du Kulturkampf, on se demande si Molière sera jamais vraiment compris et définitivement populaire en Allemagne. » Conclusion un peu découragée qu'il eût été bien de prévoir plus tôt. Il n'en faut pas moins louer M. Ehrhard de la patience qu'il a déployée à compulser et analyser une énorme quantité de documents; mais l'ouvrage se ressent un peu de la fatigue de l'écrivain, laquelle se communique parfois jusqu'au lecteur. L'érudition et l'agrément ne sont pas d'irréconciliables ennemis. M. Ehrhard a lu trop de dissertations allemandes il lui en reste quelque chose, même dans le style, qui manque de cette élégante légèreté, de cette concision lumineuse, auxquelles nous attachons, en France, tant de prix. Certaines négligences étonnent chez un professeur de l'Université et s'accordent mal avec le ton grave du livre : « blaguait leur gloire,» «un tas de façons, » ◄ à force de vivre avec Gottsched,» «une de Sévigné allemande. » EMM. DE SAINT-ALBIN.

Shakespeare, par JAMES DARMESTETER, professeur au Collège de France. Un volume orné de deux portraits et de plusieurs reproductions. Paris, Lecène et Oudin, 1889, in-8 de 239 p. · Prix: 1 fr. 50.

Le Shakespeare de M. James Darmesteter fait partie de la collection des Classiques pour tous dont il a souvent été parlé ici avec éloge. Le grand poète anglais méritait de n'être pas oublié dans ces tentatives de vulgarisation, et M. Darmesteter ne pouvait que se montrer à la hauteur de sa tâche. Le cadre cependant étant un peu étroit pour une œuvre si considérable et si variée, le commentateur a dû sacrifier les ombres et ne conserver que les parties lumineuses: il ne nous donne pas tout Shakespeare, mais le meilleur de Shakespeare. Après avoir rappelé en quelques pages les faits connus de la vie du poète, M. Darmesteter, dans une étude d'ensemble, ingénieuse et intéressante quoique non inédite, justifie la division qu'il a adoptée, en années d'apprentissage, période d'épanouissement, période pessimiste, période optimiste. Ce groupement a l'avantage d'établir une classification synthétique sans rompre l'enchaînement de l'ordre chonologique. L'analyse de chaque pièce, forcément succincte, mais agrémentée de fréquentes citations heureusement choisies et parfaitement traduites, rend bien, par son côté le plus brillant, la physionomie de l'original. Mais ne manque-t-il pas quelques ombres au tableau, un grain de critique à une juste appréciation? Le lecteur non prévenu du décompte à faire entre ce qui appartient en propre au poète et ce qui défaut ou qualité était alors du domaine public, ne sera-t-il pas choqué, s'il veut connaître par lui-même un de ces chefs-d'œuvre de Shakespeare, « du comique grossier et ennuyeux où il se complait souvent sans nécessité... des raffinements, des pointes, des jeux d'esprit? »> Gardera-t-il seulement un souvenir bien net des visions aperçues dans ce kaléïdoscope si rapidement tourné devant son œil ébloui? EMM. DE SAINT-ALBIN.

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Nicola Spedalieri publicista del secolo XVIII, por G. CIMBALI. Città di Castello, tip. S. Lapi, 1888, 2 vol. gr. in-8 de cx-664 p. Prix 10 fr.

L'abbé Nicolas Spedalieri, né à Bronte, en Sicile, en 1740, mort à Rome en 1795, tient une place importante dans l'histoire littéraire du XVIIIe siècle. Prêtre pieux, professeur de théologie au séminaire de Montréal, puis bénéficier de Saint-Pierre, et jouissant de l'amitié de Pie VI, il a écrit successivement une dissertation contre le fanatisme théologique, des réfutations de Fréret et de Gibbon, et enfin un traité Dei diritti dell' Uomo, publié en 1791, au moment où la Révolution triomphante menaçait le gouvernement pontifical. Spedalieri voulait combattre Rousseau; mais sa réfutation est elle-même fortement impré

gnée des idées du siècle. Il démontre que le prétendu état de nature n'a jamais existé, mais il admet la théorie du pacte social et la souveraineté du peuple la plus absolue. Comme correctif, il montre la nécessité de la religion chrétienne. L'excellent abbé personnifie une phase de l'état des esprits à Rome pendant cette fin du XVIII° siècle, où les âmes les plus droites étaient désorientées, et où les défenseurs de la religion restaient timidement sur la défensive. C'est en France, avec Joseph de Maistre, Bonald, Châteaubriand, que la vérité devait reprendre l'offensive. Cependant, dès son apparition, l'ouvrage de Spedalieri souleva de vives polémiques dans le monde romain. Elles se sont continuées longtemps après la mort de l'auteur. Taparelli d'Azeglio, Rosmini, Audisio l'ont encore discuté; car, même dans ses erreurs, Spedalieri a une vigueur de pensée qui lui assure une place sérieuse dans la science et en même temps une candeur qui imposait l'estime. L'auteur de ces deux volumes analyse l'œuvre de Spedalieri sous tous ses aspects, et suit dans le plus grand détail les polémiques qu'elle a soulevées. Malheureusement son enthousiasme pour son héros est tel qu'il n'admet même pas de discussion. Cet ouvrage est surtout intéressant comme histoire du temps. L'Introduction, qui a près de cent pages, est un tableau très brillant de la littérature italienne dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, et de l'influence de la philosophie nouvelle sur les études politiques, juridiques et économiques. L'Italie a fait preuve à cette époque d'une grande vitalité intellectuelle, et elle a eu une originalité très marquée à côté de la France et de l'Allemagne.

Le chapitre premier raconte l'histoire de la petite ville de Bronte, en Sicile, et d'un collège fameux en son temps qu'y fonda le vénérable Capizzi, dont M. Cimbali fait, à titre d'épisode, une biographie fort intéressante. L'histoire littéraire lui convient mieux que la philosophie. Si nous pouvions faire abstraction des chapitres où il s'est solidarisé avec les thèses de Spedalieri, et les dépasse même parfois, nous recommanderions volontiers ces deux volumes comme une œuvre de valeur et d'une lecture fort agréable. Des notes bibliographiques très exactes ajoutent à son utilité pratique. CLAUDIO JANNET.

HISTOIRE

Campagne du « Cassini » dans les mers de Chine (18511854), d'après les rapports, lettres et notes du commandant DE PLAS, par le R. P. MERCIER. Paris, Retaux-Bray, 1889, in-8 de 433 p., accompagné de plusieurs cartes. Prix 7 fr. 50.

Le commandant de Plas, un des capitaines de vaisseau les plus distingués de la marine française, était en même temps un grand chré

JANVIER 1890.

T. LVIII. 4.

tien. Ramené à la pratique de la religion par les conseils de son ami Marceau, mort en odeur de sainteté en 1850, il était alors chef d'étatmajor du ministre de la marine, l'amiral Romain-Desfossés. Il conçut le projet de visiter les missions catholiques avec un navire de guerre qu'il commanderait et qui aurait pour mission d'affirmer sur tous les points du globe le protectorat religieux de la France. Il obtint bien, en effet, le commandement de la corvette à vapeur Cassini; mais les instructions qu'il reçut ue répondaient pas absolument au noble but qu'il se proposait; il était simplement envoyé en station dans les mers de Chine. Il ne s'en livra pas moins à un véritable apostolat, d'abord à l'égard de ses officiers et de ses matelots, puis dans toutes les localités où il relâcha. Partout il se mettait en relations aussi étroites que possible avec les missionnaires et s'efforçait de leur apporter tout son concours. Les événements politiques auxquels il se trouva mělé ne manquaient pas d'intérêt; il vit les débuts de la grande insurrection des Taï-pings et dut protéger les établissements catholiques à la fois contre les rebelles et contre les impériaux. Il s'acquitta de cette tâche délicate avec tact, énergie et prudence, s'inspirant constamment des conseils des missionnaires. Une autre partie très curieuse de ses correspondances est celle relative à ses hésitations et à ses scrupules lorsqu'il s'agit d'adhérer au coup d'État de décembre 1851. Il y avait une grande répugnance à cause de ses opinions franchement légitimistes, mais il se résigna en haine des socialistes et parce qu'il reconnut les avantages que la religion pouvait retirer du rétablissement d'une autorité respectée. Dans la suite de sa carrière, le zèle apostolique du commandant de Plas ne se ralentit pas et il finit par déposer ses épaulettes pour entrer dans la Compagnie de Jésus, comme l'avait fait avant lui un des officiers du Cassini, le R. P. Clerc, martyr de la Commune. Il mourut en 1888 à Brest, entouré de la sollicitude de ses frères en religion et de l'affection de ses anciens compagnons d'armes. Le R. P. Mercier, qui prépare une biographie de ce grand chrétien, a voulu en donner un avant-goût en racontant avec beaucoup de talent, d'après les notes et lettres du commandant, l'intéressante campagne de Chine du Cassini. C'est une lecture attrayante autant qu'édifiante facilitée par de bonnes cartes des parages visités. COMTE DE BIZEMONT.

Vie de Mgr Jean-Baptiste Bouvier, évêque du Mans (1793-1854), par Mgr ALEXANDRE-LEOPOLD SEBAUX, évêque d'Angoulême. Paris, Retaux-Bray, 1889, in-12 de VII-420 p. et portrait. Prix : 3 fr. 50.

Si Mgr J.-B. Bouvier avait pu songer à se désigner un biographe, il n'aurait su en choisir un plus digne et plus capable que Mgr l'évêque

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