THÉOLOGIE La Divine Synthèse, ou l’Exposé rationnel, au double point de vue apologétique et pratique, de la religion révélée, suivi de Monde el Dieu, par Mgr GUILBERT, archevêque de Bordeaux. Paris, Plon et Nourrit, 1889, 2 vol. in-8 de x-457 et 427 p. - Prix : 10 fr. Exposer le fait historique de la révélation avec toutes les preuves, tous les témoignages divins qui le manifestent avant Jésus-Christ, dans les siècles d'attente, mais surtout dans la personne du divin Rédempteur et dans l'Église catholique; montrer ensuite quelle est dans son dogme, dans sa morale, dans son culte, la religion révélée, quelle action elle exerce sur l'individu et sur la société, quelle réponse elle apporte à tous les besoins, à toutes les aspirations de l'humanité; enfin comparer à la religion ainsi considérée les divers systèmes religieux et philosophiques connus: tel est, dans ses grandes lignes, le plan qu'a suivi Mgr Guilbert. Sa Divine Synthèse est tout à la fois un excellent résumé d'apologétique et l'un des meilleurs ouvrages d'enseignement religieux pour les gens du monde. Toutes les parties de cet ensemble sont parfaitement enchaînées et s'éclairent réciproquement. Ce n'est ni trop long ni trop court. Tout est approprié à l'état d'esprit des lecteurs que l'on veut atteindre. Grâce à cette troisième édition, publiée quelques mois avant la mort de l'auteur, cet ouvrage paraît écrit d'hier. Très enclin à bien espérer des hommes et des choses de son temps, mais très désireux de détruire les préjugés qui éloignent et les malentendus qui divisent, Mgr Guilbert n'a rien négligé de ce qui pouvait maintenir son œuvre au niveau des besoins actuels. Il l'a revue et remaniée, s'inspirant ici de l'encyclique de Léon XIII sur la constitution chrétienne des États, là des travaux les plus récents sur l'histoire des religions et sur la critique biblique, ailleurs de tel ouvrage remarquable sur la liberté. Avec quel respect nous lui aurions signalé, s'il vivait encore, deux taches qu'il a laissées par inadvertance et que nous prions ses éditeurs de faire disparaître! Tome I, p. 17, il définit le miracle: « l'action d'une force, d'une puissance supérieure aux forces connues de la nature. » Il n'entre pas évidemment dans la pensée du vénérable auteur d'adopter la théorie d'après laquelle le miracle serait l'effet de forces naturelles inconnues. Tome II, p. 102, il traite en passant des explications données sur la permanence des espèces ou accidents du pain et du vin après la consécration; il s'exprime ainsi : « Plusieurs docteurs scolastiques ont cru pouvoir admettre des espèces ou accidents absolus se soutenant par eux-mêmes; d'autres les font soutenir par l'air ambiant qui prend alors les propriétés du pain et du vin; d'autres enfin leur donnent pour sujet ou substratum la substance du corps et du sang de Jésus-Christ..... Il n'y a évidemment en tout cela rien qui implique contradiction. » D'abord la doctrine des accidents absolus, c'est-à-dire qui ne sont pas seulement des modes, mais des réalités distinctes de la substance, n'est pas l'opinion de plusieurs, elle est la doctrine commune. Ceux qui ont enseigné que ces accidents après la consécration demeuraient in aere, n'entendaient pas autre chose; aucun auteur dont on ait conservé les œuvres ou même le nom n'a enseigné que l'air ambiant devient la substance des accidents eucharistiques de manière à prendre les propriétés du pain et du vin; une telle assertion ne se trouve mentionnée que trois fois par les docteurs scolastiques comme étant l'erreur de quelques inconnus. Enfin l'opinion d'après laquelle la substance du corps de Jésus-Christ deviendrait, au sens philosophique du mot, le substratum des accidents du pain et du vin, est une erreur dogmatique renouvelée des Monophysites corrupticoles. Mgr Guilbert n'a point pensé à tout cela, mais la moindre distraction en pareille matière est grosse de conséquences. L'appendice intitulé Monde et Dieu, le fini, l'infini et leurs rapports, est, en trois chapitres, un remarquable petit traité de haute métaphysique dont le point de départ est la connaissance du monde tel que l'état actuel des sciences nous le révèle. Ces pages sont fort belles et plairont aux esprits élevés. LAMOUREUX. Notions élémentaires d'apologétique chrétienne, par l'abbé GOURAUD, licencié ès lettres, professeur de philosophie à l'externat des Enfants-Nantais. Ouvrage approuvé par Mgr l'évêque de Nantes. Paris, Belin, 1889, in-12 de 396 p. Prix : 3 fr. - Dieu, les preuves de son existence, l'exposé de ses perfections et de ses œuvres, d'où la nécessité de la religion tout ou moins naturelle; - La Révélation chrétienne en général, sa possibilité et sa nécessité, ses signes principaux, ses monuments, leur authenticité, leur véracité; La Divinité du christianisme prouvée par la révélation mosaïque, par la réalisation en Jésus-Christ des anciennes prophéties, par le témoignage, les miracles, la résurrection, les prophéties de Jésus-Christ luimême, par l'établissement, la consécration et les bienfaits nouveaux, matériels et sociaux du christianisme, enfin par le témoignage des martyrs; L'Église, son existence, les caractères de la véritable Église, ses pouvoirs, son infaillibilité, son autorité, ses droits de répression, ses rapports avec la société civile et avec la famille ; finalement les Enseignements de l'Église dans leurs rapports avec la raison et les sciences, comprenant une partie philosophique sur les erreurs positiviste, matérialiste, athée, panthéiste et du rationalisme, et une partie scientifique où sont envisagés les rapports de la foi avec les théories aujourd'hui les plus en vogue dans les sciences naturelles; - voilà, très succinctement résumées, les questions traitées dans le substantiel petit volume dont le titre figure ci-dessus. Écrit suivant une méthode strictement didactique, ce livre est, pour ceux qui ont étudié déjà ces importantes matières, un memento commode où les recherches sont d'autant plus faciles que, à une table extrêmement détaillée, correspondent des numéros d'ordre permettant de retrouver immédiatement le paragraphe du texte auquel chaque numéro correspond. Quant à ceux qui ont besoin, au contraire, de se familiariser avec toutes ces questions, si importantes en nos jours d'attaques aussi variées que haineuses contre la vérité religieuse et philosophique, ils trouveront dans ce petit volume l'indication très claire et très nette de ce qu'il importe le plus de connaître en matière apologétique. Telle qu'elle est, cette indication est suffisante pour éclairer et calmer au besoin les esprits troublés mais sincères et de bonne foi. Que si l'on tient à aller au fond des choses et à entrer dans tous les développements que le sujet comporte, on aura là un guide facile à suivre en se reportant aux écrivains et orateurs apologistes sur lesquels s'appuie l'auteur lui-même, et dont il donne, à la fin de chaque chapitre, la liste avec indication de ceux de leurs ouvrages qui sont à consulter. L'esprit dans lequel ce livre est écrit est un esprit de modération et d'impartialité. Tout y est discuté avec le calme et la sérénité qui conviennent à la vérité sûre d'elle-même, laquelle n'a pas besoin du concours de la passion et de l'entraînement. S'il nous était permis de faire un choix parmi tant d'excellents exposés, nous signalerions dans la première division, intitulée Dieu, le chapitre, ou plutôt la « conférence» (car cet ouvrage est la réunion en un volume de cinquante conférences préalablement parlées) sur les Perfections divines; dans la deuxième, les conférences relatives à l'authenticité et à la véracité du Pentateuque; dans la quatrième, l'exposé de la vraie position et solutions de la question, en ce qui concerne le fameux procès de Galilée ; enfin, dans la cinquième, les sept dernières conférences sur la Foi et les Sciences. Toutefois, dans cette partie de l'ouvrage, nous nous permettrons de relever quelques erreurs de détail, faciles, d'ailleurs, à faire disparaître dans une prochaine édition. Ainsi, p. 347, on donne comme probable la théorie d'Arago sur l'opacité du soleil, théorie complètement abandonnée aujourd'hui. De niême, p. 348, pour le système également abandonné de Beudant et du Dr Molloy sur la création antérieure aux six jours. P. 366, l'auteur suppose que les « pierres taillées » pourraient n'être pas l'œuvre de l'homme, confondant sans doute les silex taillés» de l'époque paléolithique quaternaire, avec les pierres éclatées » trouvées dans les formations tertiaires par l'abbé Bourgeis, et ensuite chaudement adoptées par M. de Mortillet, à l'appui de son bypothèse gratuite sur les prétendus anthropopithèques. Ce sont là de minces détails et de plus minces défauts qui n'infirment point les mérites très réels de ce petit mais substantiel volume. JEAN D'ESTIENNE. JURISPRUDENCE Le Droit des gens ou des nations considérées comme communautés politiques indépendantes, par sir TRAVERS TWISS, docteur en droit et ancien professeur de droit romain à l'Université d'Oxford. Paris, Pédone-Lauriel, 1887 et 1889, 2 vol. in-8 de xxx1-499 et xxx-593 p. Prix 18 fr. «En publiant cette nouvelle édition, l'auteur a voulu offrir un aperçu à la fois systématique et pratique des règles qui sont actuellement en vigueur et universellement reçues et qui forment « le droit positif. » L'auteur n'a point la prétention d'avoir comblé les lacunes qui existent dans le système actuel par des conceptions juridiques qui, tout en portant quelque lumière sur certains points obscurs ou défectueux, pourraient aussi bien induire le lecteur à confondre dans son esprit ce qui est désirable avec ce qui est reçu comme droit positif (Avant-propos). » Ces simples paroles font ressortir quel intérêt pratique s'attache à la nouvelle publication de sir Travers Twiss. Ce qu'elles ne disent pas, c'est que la profonde érudition historique et juridique de l'auteur donne à ce simple exposé une autorité qui ne saurait être contestée par personne. Le domaine réellement positif de la diplomatie, celui qui résulte des faits internationaux, s'est singulièrement agrandi ou modifié depuis 1856 un copieux appendice, dont l'utilité pratique sera fort appréciée, en reproduit les actes principaux. Chaque volume est terminé par une table analytique, qui gagnerait à être complétée. J'appellerai l'attention sur quelques points. La portée de la déclaration de principes signée à Londres le 17 janvier 1871 n'apparaît pas à première vue. A quoi bon réunir l'heptarchie européenne pour reconnaître qu'aucune puissance ne peut se délier des engagements d'un traité ni en modifier les stipulations qu'à la suite de l'assentiment des parties contractantes? C'est la base du droit international et de toute espèce de droit. Or, sir T. Twiss démontre historiquement qu'une telle déclaration n'est pas un « truïsm » et qu'elle a fixé un des points contestés du droit des gens. Il s'agissait, en effet, de fixer la valeur des conventions séparées qui ont été visées dans un Acte général, avec la mention d'avoir la même force et valeur que si elles étaient insérées mot à mot dans le traité général (118 de Vienne, 1815) » ou une toute autre mention de même sens. En 1846, la Russie, l'Autriche et la Prusse avaient contesté à la France et à la GrandeBretagne le droit d'invoquer dans les affaires de Cracovie les conventions séparées visées par l'art. 118. Or, en 1871, la Russie et la Turquie étaient d'accord pour supprimer des conventions séparées annexées à l'Acte général de Paris, sous la mention dont il s'agit. La déclaration européenne de 1871 a pour effet d'établir, d'une manière principielle, que les contractants séparés ne peuvent modifier leur situation qu'avec l'assentiment des contractants généraux. Sir Travers Twiss m'a fait saisir la portée de la déclaration de Londres, laquelle m'avait échappé ainsi qu'à la généralité des publicistes. Le principe est entré dans le « droit positif » et pourra être invoqué par tous les signataires. Par exemple, lorsque l'Autriche viendra réclamer pour ses sujets polonais le droit de posséder des immeubles dans toutes les parties de l'ancienne Pologne, on ne pourra pas lui objecter que les deux traités séparés du 3 mai (art. 15 et 13) ne sont pas insérés textuellement dans l'Acte général. Sir Travers Twiss invoque lui-même le principe de 1871 pour affirmer l'obligation qu'en y adhérant la Porte a contractée de respecter les anciennes capitulations visées par des traités ultérieurs. L'auteur a été bien inspiré en reproduisant à ce sujet une observation du baron J. de Testa. C'est aussi avec une grande satisfaction que j'ai trouvé en sir T. Twiss un juste appréciateur de cette Sainte-Alliance, dont nos libérâtres arriérés continuent à méconnaître la haute valeur. Ils ne veulent pas comprendre notamment que le protocole d'Aix-la-Chapelle est le seul acte de « droit positif » que les faibles aient à invoquer pour empêcher que les forts disposent d'eux sans leur consentement. L'auteur anglais du Droit des gens exprime le plus bel éloge de la Sainte-Alliance qu'on ait jamais formulé, en disant que « le ton qui y règne est plutôt d'un rescrit du Pape que d'un traité politique » (I, p. 365). Il indique, ainsi, peut-être sans le vouloir, quelle est la voie à suivre dorénavant. Je ne comprends pas, du reste, sur quoi on pouvait appuyer l'idée que le protocole du 15 novembre soit devenu caduc par la mort des souverains signataires : il n'a pas été enterré, et il était encore invoqué de nos jours, à Londres, dans un acte public. Ces mentions, que je pourrais multiplier, suffiront, je l'espère, à faire ressortir la valeur et la portée pratique du livre. Il me reste à présenter plusieurs observations sur quelques-unes seulement des innombrables indications historiques de sir Travers Twiss. La Prusse a incorporé, d'abord dans la confédération de l'Allemagne du nord, puis dans l'empire allemand, la totalité de ses possessions européennes (Revue catholique des institutions et du droit, 1886). Il n'est pas exact que, depuis 1574 « jusque dans ces derniers temps,» Tunis ait été régie par une suite de Valïs nommés par la Porte. La mise en avant |