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NOTICE

(SUR LA

CONSTRUCTION D'UNE CARTE

DE L'ILE DE CHYPRE.

Tout voyageur, en parcourant un pays dont on n'a pas encore de carte détaillée et mathématiquement exacte, peut rendre de grands services à la géographie par les plus simples observations, sans avoir besoin d'effectuer les opérations rigoureuses de la triangulation. Il lui suffit, la boussole et le crayon à la main, de noter avec attention et intelligence la direction et les accidents de sa marche. Les plus simples mentions, dans cet ordre de faits: l'orientation réciproque de deux villages, la distance de deux localités voisines, l'élévation ou la déclivité du terrain entre l'une et l'autre, le passage d'un pont ou d'un gué, la rencontre d'une fontaine, d'un bois ou d'une vieille chapelle, toutes ces circonstances, en apparence insignifiantes, de l'itinéraire, réunies en un journal ou résumées sur une carte, apportent un contingent extrêmement profitable à la géographie et souvent à l'histoire. Pococke, Drummond, Tournefort, Peyssonnel, Shaw, n'ont pas employé d'autres méthodes, et l'on sait de quelle utilité sont les cartes et les relations de ces savants voyageurs.

Si je me permets de citer mes travaux après des noms si recommandables, c'est que, d'une part, je crois n'avoir rien négligé, en dehors des procédés géodésiques, de tout ce qui pouvait m'aider à constituer une carte actuelle de l'île de Chypre, et que, d'autre part, les résultats auxquels je suis arrivé, par des moyens à la portée de tout le monde, ont obtenu l'approbation des géographes les plus compétents. Qu'il me suffise de nommer IV. (Cinquième série.)

1

M. Walckenaer, le colonel Lapie, le général Pelet, le capitaine Graves, de la marine britannique, et M. Jomard.

Je vais donc décrire la manière dont j'ai dressé ma carte et expliquer comment je l'ai successivement augmentée, je puis dire enrichie, mais non complétée, d'indications nouvelles, indépendantes de mes premières observations faites directement dans le pays. Ma description ne sera qu'une mention rapide de la méthode que j'ai suivie et des matériaux géographiques ou statistiques que j'ai eus à mettre en œuvre. Un volume serait nécessaire pour exposer en détail et pour discuter, avec quelque suite, les observations et les documents qu'il m'a fallu rapprocher et combiner.

1. Périmètre de l'île.

Quand je me rendis en Chypre pour la première fois, en 1845, le meilleur contour de l'île était celui qu'avait donné le capitaine Gauttier, dans sa carte du Bassin oriental de la Méditerranée, publiée par le dépôt de la marine, sous le ministère de M. d'Haussez. L'échelle adoptée par le capitaine Gauttier étant infiniment trop petite pour un travail spécial et détaillé, j'en demandai et obtins au ministère de la guerre un agrandissement à l'échelle de 250.000. C'est un développement bien suffisant et très-commode pour tous les itinéraires. Je l'ai toujours conservé depuis, et il forme la mesure normale de ma carte définitive.

Pour donner une idée de la grandeur relative de cette échelle, je rappellerai que la carte de France dressée par l'état-major est au quatre-vingt-millième so.boo; c'est-à-dire qu'un millimètre de cette carte répond à 80 mètres du terrain. Son échelle est donc un peu plus grande que celle de Cassini, dans laquelle une ligne représente 86,400 toises. Ma carte étant au deux-cent-cinquantemillième, c'est-à-dire un millimètre y répondant à 250 mètres de terrain, son échelle est un peu moindre que le tiers de la grande carte de France de l'état-major. Elle a cependant une surface très-suffisante, comme je le disais, et toutes les particularités saillantes d'un itinéraire peuvent y être facilement figurées ou mentionnées, jusqu'aux plus simples accidents du terrain. Une lieue commune, de 25 au degré, y occupe un espace de dix-sept millimètres.

J'ai obtenu, en 1849, tout ce que l'on pouvait désirer de plus exact pour le périmètre de l'île de Chypre, par la publication de

la carte marine de l'île due à l'amirauté anglaise, et grâce à la connaissance que je m'estime heureux d'avoir faite de son auteur, le capitaine Graves, mort depuis quelques années à la Floriane, faubourg de Cité La Valette, où il goûtait le repos dû à ses longs voyages, en remplissant les fonctions de commandant du port de Malte. Cet excellent homme voulut bien mettre à ma disposition entière ses notes sur les côtes de Chypre, ses dessins, son itinéraire et une précieuse nomenclature des villages de l'île avec leurs noms grecs et turcs, bien plus détaillée que les listes que j'avais précédemment obtenues de l'archevêché grec de Nicosie, bien que cette nomenclature elle-même ne soit pas tout à fait complète encore, comme je le montrerai plus loin.

Le tracé maritime du capitaine Graves, dont l'échelle se trouvait être la même que j'avais précédemment adoptée, est devenu le nouveau tracé de ma carte actuelle. Cette amélioration du contour de l'île n'a pu d'ailleurs influer sur le détail de mes itinéraires et de mes observations dans l'intérieur, qui tous avaient été d'abord portés dans l'ancien périmètre agrandi du capitaine Gauttier.

2. Procédé employé pour tracer mon itinéraire.

Après avoir marqué, sur les bords et dans l'intérieur de l'île, les positions bien déterminées de Larnaca, Nicosie, Famagouste, Cérines, Limassol et Paphos, voici comment j'ai procédé pour tracer mes itinéraires et pour y rattacher, chemin faisant, le plus d'observations que je pouvais recueillir.

J'avais, avant mon départ, étudié la vitesse de ma monture, et calculé qu'elle parcourait, en moyenne, 1 kilomètre par quart d'heure dans la plaine; ce kilomètre et ce quart d'heure, qui répondent à peu près, dans l'échelle actuelle de ma carte, à 0,004 millimètres ou presque un demi-centimètre, a été mon unité. C'est d'après cette base que j'ai calculé toutes mes distances, notant attentivement, la montre à la main, l'heure et la minute du départ, les moments de halte et le moment où je me remettais en route, tenant compte, aussi exactement que je le pouvais, des accidents qui modifiaient la marche, en l'accélérant ou la retardant dans les pays de montagne. Tout cela, je le sais, n'est qu'approximatif. J'ai cependant la confiance que mon itinéraire et ma carte, si l'on veut bien les comparer aux cartes anciennes

M. Walckenaer, le colonel Lapie, le général Pelet, le capitaine Graves, de la marine britannique, et M. Jomard.

Je vais donc décrire la manière dont j'ai dressé ma carte et expliquer comment je l'ai successivement augmentée, je puis dire enrichie, mais non complétée, d'indications nouvelles, indépendantes de mes premières observations faites directement dans le pays. Ma description ne sera qu'une mention rapide de la méthode que j'ai suivie et des matériaux géographiques ou statistiques que j'ai eus à mettre en œuvre. Un volume serait nécessaire pour exposer en détail et pour discuter, avec quelque suite, les observations et les documents qu'il m'a fallu rapprocher et combiner.

1. Périmètre de l'île.

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Quand je me rendis en Chypre pour la première fois, en 1845, le meilleur contour de l'île était celui qu'avait donné le capitaine Gauttier, dans sa carte du Bassin oriental de la Méditerranée, publiée par le dépôt de la marine, sous le ministère de M. d'Haussez. L'échelle adoptée par le capitaine Gauttier étant infiniment trop petite pour un travail spécial et détaillé, j'en demandai et obtins au ministère de la guerre un agrandissement à l'échelle de 250.000. C'est un développement bien suffisant et très-commode pour tous les itinéraires. Je l'ai toujours conservé depuis, et il forme la mesure normale de ma carte définitive.

Pour donner une idée de la grandeur relative de cette échelle, je rappellerai que la carte de France dressée par l'état-major est au quatre-vingt-millième so.000; c'est-à-dire qu'un millimètre de cette carte répond à 80 mètres du terrain. Son échelle est donc un peu plus grande que celle de Cassini, dans laquelle une ligne représente 86,400 toises. Ma carte étant au deux-cent-cinquantemillième, c'est-à-dire un millimètre y répondant à 250 mètres de terrain, son échelle est un peu moindre que le tiers de la grande carte de France de l'état-major. Elle a cependant une surface très-suffisante, comme je le disais, et toutes les particularités saillantes d'un itinéraire peuvent y être facilement figurées ou mentionnées, jusqu'aux plus simples accidents du terrain. Une lieue commune, de 25 au degré, y occupe un espace de dix-sept millimètres.

J'ai obtenu, en 1849, tout ce que l'on pouvait désirer de plus exact pour le périmètre de l'île de Chypre, par la publication de

la carte marine de l'île due à l'amirauté anglaise, et grâce à la connaissance que je m'estime heureux d'avoir faite de son auteur, le capitaine Graves, mort depuis quelques années à la Floriane, faubourg de Cité La Valette, où il goûtait le repos dû à ses longs voyages, en remplissant les fonctions de commandant du port de Malte. Cet excellent homme voulut bien mettre à ma disposition entière ses notes sur les côtes de Chypre, ses dessins, son itinéraire et une précieuse nomenclature des villages de l'île avec leurs noms grecs et turcs, bien plus détaillée que les listes que j'avais précédemment obtenues de l'archevêché grec de Nicosie, bien que cette nomenclature elle-même ne soit pas tout à fait complète encore, comme je le montrerai plus loin.

Le tracé maritime du capitaine Graves, dont l'échelle se trouvait être la même que j'avais précédemment adoptée, est devenu le nouveau tracé de ma carte actuelle. Cette amélioration du contour de l'île n'a pu d'ailleurs influer sur le détail de mes itinéraires et de mes observations dans l'intérieur, qui tous avaient été d'abord portés dans l'ancien périmètre agrandi du capitaine Gauttier.

2. Procédé employé pour tracer mon itinéraire.

Après avoir marqué, sur les bords et dans l'intérieur de l'ile, les positions bien déterminées de Larnaca, Nicosie, Famagouste, Cérines, Limassol et Paphos, voici comment j'ai procédé pour tracer mes itinéraires et pour y rattacher, chemin faisant, le plus d'observations que je pouvais recueillir.

J'avais, avant mon départ, étudié la vitesse de ma monture, et calculé qu'elle parcourait, en moyenne, 1 kilomètre par quart d'heure dans la plaine; ce kilomètre et ce quart d'heure, qui répondent à peu près, dans l'échelle actuelle de ma carte, à 0,004 millimètres ou presque un demi-centimètre, a été mon unité. C'est d'après cette base que j'ai calculé toutes mes distances, notant attentivement, la montre à la main, l'heure et la minute du départ, les moments de halte et le moment où je me remettais en route, tenant compte, aussi exactement que je le pouvais, des accidents qui modifiaient la marche, en l'accélérant ou la retardant dans les pays de montagne. Tout cela, je le sais, n'est qu'approximatif. J'ai cependant la confiance que mon itinéraire et ma carte, si l'on veut bien les comparer aux cartes anciennes

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