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qui sont sortis et qui sortiront de l'Institut de médecine légale, créé par le ministre de l'Instruction publique. Or l'application de ce diplôme dépend du ministère de la Justice, et il nous semble tout d'abord qu'une entente devrait être faite entre ces deux pouvoirs pour régler aussi rapidement que possible l'efficacité de ce diplôme. On ne verrait plus alors les médecins diplômés écartés systématiquement, comme le fait s'est produit jusqu'à présent, de toutes les opérations faites par des commissaires de police ou par des juges de paix.

Ces notions ont pénétré un peu partout. Ainsi, au Conseil municipal, M. Jollibois avait fait un rapport sur la nomination des médecins experts, rapport qui fut renvoyé à l'administration et à la deuxième commission.

M. Boucher-Cadart, au Conseil général du Pas-de-Calais, au mois d'avril, et au mois d'août 1905, avait fait voter le vœu que les noms des docteurs diplômés fussent publiés chaque année par le Journal officiel.

A la Société de médecine légale de France, Me Henri Robert demandait une garantie scientifique des agents commis non seulement en son nom personnel, mais au nom du bureau tout entier.

Enfin, Messieurs, je ne pourrai que vous rappeler la discussion soulevée à l'Académie de médecine au mois de janvier 1908, sur la nomination des médecins experts, et je me permettrai de citer les paroles mêmes des rapporteurs : « Le dangereux régime actuel doit cesser. Tout expert au criminel doit, avant de se voir confier sa redoutable tâche, avoir donné des gages absolus de sa compétence, gages que personne ne lui demande aujourd'hui. »>

En toute sincérité, la sérieuse préparation faite à l'Institut de médecine légale, le travail constant consacré dignement par des épreuves rigoureuses, ne sont-ils pas le gage absolu de compétence demandé par les magistrats et les avocats.

Donc, nous vous demandons de vouloir bien voter: 1o le vœu adopté par l'Académie de médecine dans la séance du

28 janvier 1910, vœu proposé par MM. Pinard, Lacassagne et Thoinot, vœu ainsi conçu :

L'Académie émet le vœu que des dispositions soient introduites au plus tôt dans la législation pour donner toutes garanties de la compétence des experts au criminel et toutes garanties au corps médical dans les questions de responsabilité médicale.

Ce vœeu, mis aux voix, est adopté à l'unanimité.

Et nous vous demandons de le compléter après approbation de ma communication, en reconnaissant que les médecins diplômés remplissent toutes les conditions formulées par l'Académie de médecine.

L'EXERCICE DE LA MÉDECINE LÉGALE
EN ALGÉRIE

Par le Dr J. CRESPIN,

Professeur d'hygiène et de médecine légale

à la Faculté de médecine d'Alger.

La pratique de la médecine légale en Algérie donne lieu à des considérations que le Ier Congrès des médecins légistes ne doit pas ignorer.

Je distinguerai l'exercice de la médecine légale dans les villes et dans les centres de colonisation.

C'est un décret du 3 mai 1897 qui est le décret fondamental en la matière. Il s'inspire dans ses grandes lignes de la législation française; mais, en ce qui concerne la désignation des experts médecins, il n'exige pas les cinq années d'exercice de la médecine, ou le diplôme de psychiatrie et de médecine légale comme en France. Puisque le législateur a voulu, dans la métropole, que l'expertise soit entourée de plus de garanties, il était juste de faire bénéficier l'Algérie de cette mesure, pour les villes tout au moins; car, dans les centres de colonisation, si l'on avait des exigences rigoureuses, il serait impossible de trouver un expert qui pût y satisfaire; mais le décret organique français prévoit les cas où il y a manque absolu d'ex

perts réalisant les conditions demandées ; par conséquent, il n'y a pas de difficulté à appliquer purement et simplement le décret à la colonie.

Les médecins de colonisation se plaignent à juste titre que les honoraires leur soient marchandés par l'autorité judiciaire. Ceux qui ont quelque peu fréquenté l'Algérie savent l'importance des services rendus par ces modestes praticiens qui ont une existence des plus fatigante, avec des avantages matériels peu en rapport avec leur travail, et souvent, hélas! une grande servitude! Dans le domaine de la médecine légale, ils sont en butte à des tracasseries, dont certaines sont tout à fait topiques.

Une circulaire du Procureur général en date du 24 juillet 1909 montre que la préoccupation principale du Parquet algérien est l'économie à outrance. Je cite les principaux passages: «En matière de délit, à moins de blessures vraiment graves, le médecin n'a pas à être requis par l'officier de police judiciaire, qui doit laisser au blessé, si celui-ci surtout n'est pas indigent, le soin de se faire visiter à ses frais. D'autre part, lorsqu'il y a lieu de requérir l'examen des blessures de la victime et que celle-ci n'habite pas la localité du médecin, il importe, à moins de circonstances exceptionnelles, motivées par la gravité du fait, d'attendre, pour éviter les frais de déplacement onéreux, que le blessé soit en état de se présenter lui-même devant le praticien. >>

Tout cela se passe de commentaires; en pays indigène, l'assistance se confond avec la police judiciaire, et si le blessé n'est pas l'objet d'une visite médico-légale, il ne sera pas davantage soigné. Les subordonnés du Procureur général exagèrent naturellement encore la portée de la circulaire; si le Trésor y gagne sur les frais d'expert, il est permis de se demander si la bonne marche de la justice en est favorisée et si l'humanité y trouve son compte. Il arrive souvent même, dans les villes, qu'un indigène blessé plus ou moins va au commissariat pour demander d'être visité par un médecin légiste. Le commissaire ou l'agent de planton choisit une

de ces deux méthodes: ou bien renvoyer l'Arabe avec des mots énergiques, ou bien lui dire d'aller chez un médecin, en évitant d'envoyer une réquisition à ce médecin, en sorte que, dans ce cas comme dans l'autre, le blessé ne peut trouver le moyen de faire constater ses blessures. C'est le commissaire de police, le garde champêtre qui doit, d'après la circulaire précédente, apprécier la gravité de la blessure et dire s'il y a lieu de requérir un médecin.

C'est ce souci d'économie de la part du Parquet qui a fait imaginer le rapport « global ». Dans une même affaire, s'il y a huit, dix blessés ou morts, il est prescrit de ne demander qu'un rapport, et le médecin expert n'est payé que pour un seul rapport. Il en résulte sans doute des économies considérables au détriment des médecins de colonisation; mais il y a là une pratique susceptible de nuire à la confection même des rapports. Et ces faits sont fréquents, en Algérie, quand certains différends mettent aux prises les membres de deux ou trois familles.

Enfin, d'après le Dr Guers (de Mouzaiaville), le Parquet applique une taxation qui ne manque pas d'originalité. Ce confrère avait parcouru 16 kilomètres en voiture, en contournant une montagne. Il est taxé pour 8 kilomètres, cette dernière taxation ayant été faite, selon le magistrat, « d'après l'axe ». A cela, le praticien a répondu que, tant qu'il n'y aurait pas de locomotion aérienne, la taxation « d'après l'axe » n'était pas légitime. Il n'eut pas gain de cause, du reste, et, après une nouvelle protestation de sa part, on lui répondit que les distances étaient calculées de chef-lieu à chef-lieu, et qu'on n'avait pas à s'occuper de la distance réelle parcourue. En Algérie, cette mesure, si elle se généralise, portera un grave préjudice aux médecins de colonisation, qui peuvent perdre le bénéfice de plus de 40 kilomètres parfois, parcourus à cheval, à mulet, dans des conditions d'inconfortabilité notoires. Comment exiger un travail sérieux de praticiens harassés, mal payés et mal considérés ?

En somme l'arbitraire le plus absolu semble régner en

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Algérie dans le domaine de l'exercice de la médecine légale, et je dépose le vœu suivant :

Considérant que rien ne justifie une législation spéciale concernant la pratique de la médecine légale en Algérie ;

Considérant que les médecins de colonisation sont à l'heure actuelle taxés d'une manière insuffisante et arbitraire;

Le Congrès

Émet le vœu :

Que la législation française soit appliquée sans modifications à l'Algérie, en ce qui regarde l'exercice de la médecine légale.

M. LE PRÉSIDENT propose de renvoyer le vœu de M. Crespin à la Commission que le Congrès à nommée pour étudier la réforme des honoraires des experts. (Adopté.)

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Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Paris, Médecin des Hôpitaux et de l'Infirmerie spéciale de la Préfecture de police.

J'ai l'honneur de communiquer au Congrès, à propos d'un homicide que j'ai étudié comme expert, quelques considérations sur le rôle de la suggestion dans le déterminisme du crime; sur la distinction de la suggestion criminelle et de la suggestion hystérique ; enfin sur les rapports de l'hystérie et de la mythomanie.

Ces considérations seront brèves, parce que le long rapport médico-légal, dont elles représentent le commentaire, fournira au lecteur tous les éléments intéressants du problème psychologique et médico-légal qu'il soulève.

RAPPORT MÉDICO-LÉGAL.

Je, soussigné, professeur agrégé à la Faculté de médecine, médecin des hôpitaux et de l'Infirmerie spéciale de la Préfecture de police, commis, le 19 février 1909, par M. le Juge d'instruction Larcher, à l'effet d'examiner, au point de vue mental, le nommé

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