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OBSERVATION III. Il s'agit d'un homme décédé à l'Hôpital Cantonal, le 20 février 1911, et dont l'autopsie fut faite le 21 å neuf heures du matin. A la suite d'une discussion qu'il aurait eue avec la femme avec laquelle il vivait et qui l'avait menacé de le quitter en emmenant l'enfant issu de leur union, cet homme, après avoir avalé le contenu d'une petite bouteille de rhum, aurait bu ensuite le contenu d'une fiole renfermant du lysol. Notons qu'il avait déjà fait une tentative de suicide longtemps auparavant avec du laudanum.

Th... M..., électricien, né en 1884. Mort le 20 février à trois heures vingt-cinq du matin. Le corps est celui d'un homme bien constitué. La rigidité cadavérique est très prononcée. La putréfaction n'est pas commencée. Lividités cadavériques très marquées sur les parties déclives. Les lèvres sont sèches, de couleur rouge brunâtre, avec liséré nettement marqué sur le bord cutané. Ce liséré est particulièrement visible sur la lèvre inférieure, qui est plus sèche que la lèvre supérieure. Du milieu de la lèvre inférieure part une traînée brunâtre descendant directement sur le menton, au-dessous duquel elle se bifurque pour former un V très élargi et renversé. La peau présente, le long de cette traînée, une consistance cornée. Tout comme dans l'observation de B..., on a l'impression d'une goutte de liquide qui a coulé le long du menton.

A l'autopsie, on note une coloration rougeâtre de la musculature du thorax. Celle-ci est un peu sèche. Il n'y a pas de liquide dans l'abdomen ni dans les plèvres. Le cœur est largement découvert.

Dans le péricarde, petite quantité de liquide citrin.

Le cœur, qui mesure 0,105 sur 0,10 à sa base, présente une petite plaque laiteuse sur sa face antérieure. Sa pointe est formée par le ventricule gauche. Les oreillettes, particulièrement la droite, sont fortement distendues par du sang liquide rouge foncé noirâtre et visqueux. Le ventricule droit renferme aussi beaucoup de sang foncé, comme celui des oreillettes, mais on ne note pas la présence de caillots.

L'oreillette droite est agrandie et amincie. L'aorte mesure 0,06 de circonférence; l'artère pulmonaire, 0TM,075. Le musculature du cœur est d'une couleur rouge très marquée.

Sur la face postérieure du cœur, on note huit ecchymoses ponctuées de la grandeur d'une petite tête d'épingle sous l'épicarde.

Le poumon gauche est fortement emphysémateux au sommet. Sur la coupe, il offre une hyperémie intense avec coloration rouge brun.

Le lobe supérieur est aéré, crépitant; le lobe inférieur, consistant

au toucher, a une coloration foncée. Les vaisseaux pulmonaires sont gorgés de sang rouge foncé noirâtre, visqueux. Dans les bronches, matières blanc jaunâtre, ressemblant à du café au lait et granuleuses.

Le poumon droit offre les mêmes caractères que le gauche, mais son lobe supérieur est fortement œdématié. Dans le lobe inférieur, plusieurs noyaux apoplectiques.

La rate est un peu hyperémiée.

Les reins se décortiquent facilement. Ils ont une couleur rouge violacé, brunâtre sur la coupe; mais on ne distingue pas d'altération à l'œil nu. Le foie est gros, hyperémié (1 580 grammes). Dans la vésicule biliaire, un peu de bile verdâtre.

Le pancréas est mou; hyperémie par stase.

La langue est blanchâtre, de consistance cornée au toucher. La luette est dématiée ainsi que le palais mou. La trachée est fortement hyperémiée avec teinte rose violacée diffuse, généralisée ; sa muqueuse est couverte d'un enduit jaune blanchâtre granuleux semblable à du lait caillé.

La paroi interne de l'œsophage, souple, a une couleur gris cendré. Elle se desquame par places. L'œsophage est plissé dans le sens longitudinal. L'estomac renferme 200 centimètres cubes de matières gris rosé à odeur de lysol, tenant en suspension des débris de la muqueuse nécrosée. La muqueuse elle-même offre un aspect granité; elle est plissée, mamelonnée. A certains endroits, elle a une coloration blanc jaunâtre et gris rosé à d'autres, avec foyers de nécrose.

La muqueuse du duodénum est grisâtre, sale, nécrosée par places et granitée. Ces lésions de la muqueuse s'étendent sur une distance de 0,50 à partir du pylore.

Le reste de l'intestin ne présente rien de particulier, sauf un développement très marqué des follicules clos à la partie inférieure de l'intestin grêle et au niveau du cæcum.

Dans la vessie, 250 grammes d'urine ressemblant à du vin blanc nouveau. Notons enfin que les ganglions lymphatiques du cou et du mésentère sont très développés.

Rien de spécial à la tête.

OBSERVATION IV. —M... Adèle-Louise, âgée de vingt-neuf ans, se présente le dimanche 19 février vers onze heures et demie du matin dans une pharmacie pour demander du lysol. Elle disait avoir une plaie au coude gauche et voulait y faire un pansement. La quantité demandée au pharmacien avait frappé ce dernier, et il ne consentit à lui liver que 60 grammes de lysol 'pur. Vers midi et demi,

une femme entrait en courant dans la pharmacie pour demander un contrepoison; la personne qui peu de temps auparavant était venue chercher du lysol l'avait avalé. Un médecin, immédiatement appelé, ordonna un vomitif, mais retournait précipitamment chez lui pour chercher une pompe stomacale. Le vomitif prescrit n'avait produit aucun effet. Il fit passer environ 12 litres d'eau dans l'estomac. Au début, l'eau retirée sentait fortement le lysol. Au douzième litre, elle était encore teintée, opalescente. Pendant les lavages, la femme était déjà dans le coma absolu et ne sentait absolument rien. Vers les deux heures et demie, elle fut transportée à l'hôpital, où elle mourut le lendemain à minuit.

Elle avait repris connaissance entre temps et avait reconnu son médecin, qui était venu lui rendre visite dans la matinée, mais elle ne devait pas tarder de succomber à une pneumonie catarrhale. L'autopsie fut faite le 22 février à neuf heures.

Le corps est celui d'une femme bien constituée. Les fosses iliaques présentent une légère teinte verdâtre. Sur les parties déclives, nombreuses taches violacées dues aux lividités cadavériques. La rigidité est encore très marquée.

Les lèvres sont desséchées, de couleur brunâtre, surtout la lèvre inférieure et l'angle gauche de la supérieure. La dessiccation est moins prononcée sur la partie moyenne de la lèvre supérieure que vers les commissures. On note encore sur les lèvres et sur le thorax des taches jaunâtres analogues à celles que fait le laudanum, mais elle n'en a pas reçu à l'hôpital. Les deux avant-bras portent les traces de nombreuses piqûres médicamenteuses.

La musculature du thorax est d'une couleur rouge brun foncé ; elle est un peu sèche. Les intestins sont fortement distendus par des gaz et ont une coloration gris rosé en général; les anses qui plongent dans le petit bassin présentent de l'hyperémie par stase. On note une forte ptose de l'estomac et du côlon transverse. Ce dernier est fortement contracté sur une certaine longueur. Il n'y a pas de liquide dans l'abdomen.

Le péricarde renferme une petite quantité de liquide citrin.

Le cœur est gros. L'oreillette et le ventricule droits sont fortement gorgés de sang. Sur la face antérieure du cœur, une plaque laiteuse et, dans le cul-de-sac péricardique, adhérences anciennes.

A l'ouverture des cavités du cœur, il s'échappe de l'oreillette gauche du sang coagulé en caillots mous, gélatineux. Dans l'oreillette droite, un gros caillot couenneux considérable, de même dans le ventricule droit et l'artère pulmonaire. La petite quantité de sang liquide qui s'échappe en ouvrant le cœur est de coloration rouge foncé, brunâtre.

Les orifices sont normaux. La musculature du cœur, notamment celle du ventricule gauche, est rouge brunâtre.

Le poumon gauche est emphysémateux au sommet et sur son bord antérieur. Sa face postérieure est gris violacé. Il est irrégulier à sa surface, et on a nettement au toucher la sensation de foyers d'induration; la plèvre n'est pas dépolie, mais sur le bord antérieur elle est soulevée par des bulles d'emphysème sous forme de traînées.

Sur la coupe, coloration rouge brun avec foyers gris jaunâtre plus ou moins confluents, faisant saillie et surtout marqués dans le lobe supérieur (pneumonie lobulaire). Dans le lobe inférieur, quelques foyers de même nature. Les bronches sont couvertes de mucus jaunâtre.

Le poumon droit présente quelques adhérences pleurales. Le lobe supérieur est dur, résistant au toucher, irrégulier, donne la sensation de noix dans un sac. Le lobe supérieur, presque complètement hépatisé, a une coloration grisâtre à la coupe. Le lobe inférieur contient aussi quelques foyers de pneumonie lobulaire avec matières jaunâtres. Dans les petites bronches, contenu gris rosé d'aspect un peu purulent.

La rate présente quelques adhérences; coloration rouge brun. Pulpe molle. Le rein gauche se décortique facilement. Le tissu rénal est mou, se déchire facilement. Sur la coupe, il présente un aspect marbré. La substance corticale est gris jaunâtre; la substance médullaire, gris-ardoise. Il est atteint de néphrite parenchymateuse.

L'œsophage est souple; ses parois sont amincies.

L'estomac contient 50 centimètres cubes de matières ressemblant à de la purée de courge. La muqueuse est souple, sans trace d'hyperémie. Par places seulement, quelques petits foyers de nécrose et de la grandeur d'une tête d'épingle. La face interne de l'estomac est lisse, sans aucune trace de plissement; elle a une coloration uniforme, jaunâtre (fig. 19).

Le foie, de volume normal, est hyperémié. Dans la vésicule biliaire, bile épaisse, vert sale.

La muqueuse de l'intestin grêle est un peu œdématiée, mais sans autre lésion appréciable. Le gros intestin n'offre rien de spécial. Dans la vessie, 30 centimètres cubes d'urine, trouble, brunâtre.

A l'ouverture de la tête, on note que la dure-mère est tendue, violacée, bleuâtre. Dans le sinus longitudinal supérieur, caillot sanguin fibrineux. Les méninges sont fortement injectées et œdématiées. Le cerveau est mou; le liquide céphalo-rachidien est augmenté dans les ventricules. Sur la coupe, la substance

grise du cerveau est

dématiée; les vaisseaux de la substance

blanche sont gorgés de sang.

Nous notons enfin que la langue est souple; sa muqueuse a une

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Fig. 19.

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Estomac de la femme M.. Aspect un peu gélatineux des parois de l'estomac. Quelques petits foyers de nécrose ponctués.

coloration jaune verdâtre. La partie supérieure du pharynx et la luette sont hyperémiées, mais sans œdème. Cette hyperémie se voit aussi sur le larynx, mais partiellement, et sur l'épiglotte. Ce sont surtout les sinus piriformes qui sont intéressés. Vers la bifurcation des bronches, forte hyperémie de la trachée.

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