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antiseptiques employés. La conséquence directe de l'assertion de Gerlach est qu'on peut vendre sans danger cette substance au public. Malheureusement l'expérience prouve que l'on ne peut admettre sans réserve cette opinion de Gerlach, et les cas d'intoxication accidentelle ou de suicide par le lysol sont trop nombreux pour venir appuyer l'idée émise par cet auteur. Fagerlund, Hoffmann, Haberda, Burgl (1) ont publié des cas d'intoxication de ce genre. Haberda cite même un cas de meurtre par le lysol commis par une mère sur la personne de son enfant âgé de deux ans et demi. Il est acquis, du reste, que le lysol est extrêmement dangereux pour les enfants et que quelques grammes suffisent pour amener la mort. Quant à l'adulte, la dose mortelle est excessivement variable et peut dépendre de différentes conditions, notamment de l'état de vacuité ou de réplétion de l'estomac, de la composition du liquide ingéré, etc. Nous n'avons malheureusement pas pu, dans les observations que nous citons, déterminer d'une façon exacte ou du moins savoir la quantité de liquide ingéré, sauf peut-être pour l'observation IV, où la dose remise par le pharmacien avait été de 60 grammes. En ce qui concerne les cas I et II, on a retrouvé dans la chambre de R. et B... une bouteille à bière d'un litre contenant du lysol acheté dans une droguerie, mais il en manquait un peu plus que la quantité d'un bon verre à vin. Le verre à boire qui avait servi à ces deux malheureux était resté à leur domicile et n'a pas accompagné leurs cadavres à la Morgue.

Disons enfin, d'une manière générale, que les lésions anatomo-pathologiques constatées sur les 4 cadavres que nous avons observés se rapprochent de celles de l'acide phénique. Nous donnerons maintenant le résultat des quatre autopsies que nous avons pratiquées en le faisant suivre de quelques réflexions.

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(1) Cités par Kratter, Beitr, zur Lehre von den Vergiftungen, Leipzig, Vogel, 1905, p. 84.

son arrivée à la Morgue. La taille était salie sur le devant par des vomissements répandant une odeur un peu vineuse. Sur la jupe, le jupon, la camisole, plusieurs taches brunâtres, humides, un peu onctueuses au toucher, avec odeur de lysol prononcée.

Voici le résultat de l'examen extérieur et de l'autopsie.

Femme bien constituée. La rigidité cadavérique est très prononcée ; la putréfaction n'est pas commencée. Sur les parties déclives, quelques taches dues aux lividités cadavériques. La face, inclinée du côté droit, a une teinte violacée tandis qu'à gauche elle est pâle. Autour de la bouche, sur le menton, la partie antérieure du cou et antéro-supérieure de la poitrine, on note une large tache brunâtre, diffuse. On dirait que la partie inférieure de la figure a été lar-, gement badigeonnée avec du lysol pur. Sur les parties latérales du cou, traînées horizontales, brunâtres, dues à l'écoulement du liquide toxique. Du cou partent deux traînées verticales formant sur la poitrine une tache diffuse beaucoup moins prononcée que sur la figure. Au niveau des parties atteintes par le liquide, on remarque un certain état parcheminé de la peau; toutefois cet état parcheminé ne se voit pas sur toute l'étendue de la tache, qui, à certaines places, conserve encore de la souplesse. Nous ferons encore observer que, sur la poitrine, il y a comme une véritable brûlure, la peau étant soulevée par des phlyctènes (fig. 15).

Au-dessus du lobule du nez et sur l'aile gauche, on voit également deux petites taches jaunâtres, dues au lysol.

Sur le bras et l'avant-bras droit, taches brunâtres, diffuses, moins prononcées que celles de la face. Ces taches sont surtout visibles sur la partie externe de l'avant-bras et dans la région du coude. Si nous ajoutons que la camisole que portait cette femme présentait sur les manches des taches dues au lysol, et correspondant à celles constatées sur la peau elle-même, on a facilement l'impression que R... a dû s'essuyer la bouche avec le revers de la manche et a dû cracher à ce moment une certaine quantité de liquide.

Sur la partie interne du coude droit, cinq petites taches de couleur brun rougeâtre, disséminées et entourées d'un liséré rosé de 0,004 de largeur. Sur la partie inférieure et antérieure du bras gauche et sous le pli du coude, amas de petites taches brun rougeâ re, formant de petites traînées parallèles et verticales et entourées d'un petit liséré rosé de 0,004.

Sur le pouce droit, face dorsale, tache rouge brunâtre dirigée verticalement et mesurant 0,05 de longueur. Cette tache est plus foncée au centre que sur les bords.

On remarquera enfin la limite très nette de la tache formée par

le liquide sur la lèvre supérieure, ainsi que le démontre la photographie ci-jointe. Cette tache présente des angles légèrement relevés au-dessus des commissures labiales, comme cela se voit quand on

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Fig. 15. Photogaphie de la femme R... avec large brûlure du menton, du cou et du haut du thorax. Taches de lysol sur les bras et les avant-bras.

boit avec un verre. Il y a en effet au-dessus du lobule une petite marque laissée par le bord du verre taché de lysol.

Al'autopsie, pratiquée le 6 février à neuf heures, on constate une coloration rouge vif de la musculature du thorax. Le diaphragme remonte à droite à la sixième côte, à gauche à la cinquième. Il n'y

a pas de liquide dans l'abdomen. L'estomac et le gros intestin sont fortement abaissés. Du côté de la séreuse, l'estomac a une coloration gris rosé. Cette coloration se voit également sur les anses de l'intestin grêle. Celui-ci est contracté.

Nombreuses adhérences entre le foie et le diaphragme (périhépatite ancienne).

Dans le péricarde, un peu de liquide citrin.

Le cœur est bien contracté. Légère surcharge graisseuse sous l'épicarde.

Dans les gros vaisseaux et l'oreillette droite, il y a une grande quantité de sang liquide rouge foncé, visqueux, avec quelques caillots mous, noirâtres. Dans les deux ventricules, caillot couenneux. Le musculature du cœur a une coloration rouge brun, mais ́sans altération appréciable macroscopiquement. Tous les orifices du cœur sont normaux.

Le poumon gauche présente des adhérences anciennes avec la paroi thoracique. La plèvre est épaissie, dépolie. A la coupe, coloration rouge vif du lobe supérieur avec fort œdème. Le lobe inférieur est fortement engoué; il est résistant au doigt. La muqueuse des bronches a une couleur brunâtre; dans les bronches de gros calibre, elle se détache facilement.

Le poumon droit est très emphysémateux dans ses lobes supérieur et moyen. Sur la coupe, coloration rosée du lobe supérieur. Les lobes moyen et inférieur sont engoués et œdématiés, La muqueuse des grosses bronches est recouverte d'un enduit rouge brunâtre, mou, friable.

La rate est légèrement augmentée de volume. Coloration grisâtre à la coupe.

Les reins se décortiquent facilement. Sur la coupe, coloration rouge brun très marquée.

La capsule du foie est épaissie, fibreuse. Le foie présente une coloration jaune brunâtre ; il a un peu l'aspect du foie muscade.

Dans la vésicule biliaire, un peu de bile verdâtre liquide. L'estomac (fig. 16) contient une grande quantité de matières alimentaires non digérées et constituées par des champignons (helvelle ?), débris de viande, macaronis, nageant dans une matière liquide, crémeuse, de couleur gris cendré, opalescente, et donnant une forte odeur de lysol. La muqueuse de l'estomac a un aspect chagriné; elle est cautérisée sur toute sa surface et se détache par places en lambeaux. La coloration générale de la muqueuse est gris rosé reposant sur un fond violacé.

L'œsophage a une coloration gris sale; il est complètement lisse intérieurement, sauf au niveau du larynx, où il présente

quelques plissements. Les culs-de-sac du larynx et l'épiglotte sont hyperémiés et de couleur rose diffuse. Dans le larynx débris

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Fig. 16. Estomac de la femme R... État granité avec foyers étendus de nécrose de la muqueuse. Partie inférieure de l'œsophage très lisse.

de matières alimentaires, avec mucus épais et lambeaux de

muqueuse.

La muqueuse du voile du palais est hyperémiée et œdématiée. La langue est blanchâtre mais sans ulcération ni cautérisation. Dans l'intestin, on note un peu d'hyperémie de la muqueuse du duodénum dans sa première portion avec coloration générale gris

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