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prend la forme vésiculaire, et il en résulte la production du phénomène de la buée.

En faisant l'hypothèse d'un renouvellement très restreint de l'air du local, on n'en arriverait pas moins assez rapidement à une sursaturation de l'atmosphère intérieure, et, pour peu que la température du point de rosée de l'air extérieur fût relativement élevée, en même temps que l'état hygrométrique voisin de la saturation, on aurait un milieu assez comparable à une chambre de sudation (Hammam). En hiver, par les jours froids, la porosité des murs, les interstices des huis, vitrages, etc., ne permettent jamais à l'air de ne pas se renouveler d'une façon permanente, de sorte que les considérations ci-dessus exposées expliquent facilement la formation de la buée. On comprend ainsi combien étaient peu rationnelles ces tentatives de certains patrons teinturiers consistant à aspirer, par l'emploi de ventilateurs mécaniques à grand débit et à faible dépression, disposés à la partie supérieure de l'atelier, les buées produites en cours de travail, et qui, dans les zones d'air élevées, paraissaient plus intenses. Cette aspiration par ventilation générale avait pour effet d'amener un renouvellement de l'air du local, et la buée ne s'en montrait pas moins d'une façon abondante, soit pendant les jours froids de l'année, soit encore lorsque la fraction de saturation de l'atmosphère du dehors était voisine de l'unité.

Les buées des ateliers de teinture sont-elles vraiment inoffensives pour la santé de l'ouvrier, en dehors de la présence dans l'air de gaz ou vapeurs nocifs? Nous allons essayer de démontrer que la présence de la buée dans l'air peut nuire considérablement à la santé des personnes ; que, si un séjour passager dans un milieu saturé de vapeur d'eau ne peut avoir qu'une influence limitée, par contre, il n'en est pas de même pour le personnel obligé de fournir un travail ou de séjourner longuement dans un milieu sursaturé par la présence de la buée.

Avant d'exposer par quel mécanisme notre organisme est

influencé lorsqu'il séjourne dans un milieu humide, citons l'opinion de quelques sommités de l'hygiène sur les conditions optima d'état hygrométrique et de température et sur l'influence fâcheuse des milieux humides.

Le Dr H. Wolpert, professeur à l'Institut d'hygiène de Berlin, dans un savant traité (1), conclut, d'après ses propres expériences et celles de savants spécialistes (Scherrer, Erismann, Rietschel, Winter, Rubner, Prausnitz, Hartmann, H. Recknagel, etc.), que l'état hygrométrique optimum de l'air respirable doit être compris entre 40 et 60 p. 100, et que la température du point de rosée de l'air ne doit pas être plus élevée que 14o C. Il est même d'avis qu'il serait préférable de maintenir cette température aux environs de 13° C.

Le Dr Fleischer, dans 'son travail sur l'air sain (2), après avoir recherché par une méthode paraissant à l'abri de la critique quelles sont les conditions optima du milieu dans lequel l'homme est appelé à séjourner, conclut :

1o Que la température du point de rosée de l'air qui convient le mieux à notre organisme est celle qui est voisine de 12,50 C. ;

2o Que la température de ce point de rosée ou de saturation ne doit jamais excéder 15o R. (18°,75 C.);

3o Que l'humidité relative de l'air doit être comprise entre 40 et 80 p. 100, ou mieux entre 50 et 70 p. 100.

Les déductions de ce savant sont à rapprocher de celles. du Dr Casimir Wurster (3), qui a suivi une méthode différente et a voulu déterminer quelle était la manière la plus rationnelle de se vêtir afin que notre corps soit dans les meilleures conditions possibles au point de vue du maintien de la santé. Il a fait construire un instrument spécial, combinaison du

(1) H. Wolpert, Die Luft und die Methoden der Hygrometrie, Berlin, 1898.

(2) Dr E. Fleischer, Gesunde Luft, Göttingen, 1897.

(3) Dr Casimir Wurster, Kleiderhygrometer und Kleidung, London,

thermomètre et de l'hygromètre à faisceau de cheveux (Kleiderhygrometer), permettant d'obtenir à la fois la température et l'état hygrométrique climatériques de la peau sous les vêtements.

A l'aide de cet instrument, il a fait pendant plusieurs années un grand nombre d'expériences sur des individus de constitution normale, dans leur activité habituelle, dans la période de plein sommeil ou au moment du repos; les résultats de ces expériences sont indiqués ci-dessous :

1° État de veille, avec activité moyenne :

Température..

Humidité relative..

31° C.

30 p. 100.

Ce qui correspond à une température du point de rosée de 12° C. ;

29 Plein sommeil :

Température

Humidité relative.

35°.5 C.
60 p. 100.

Ce qui représente une température du point de rosée de 26,5 C.

Dans le sommeil, la consommation d'oxygène étant moins grande qu'à l'état de veille, les combustions dans l'intimité des tissus, au sein de l'organisme, sont ralenties; cette augmentation de la température du point de rosée de l'air ambiant en même temps que de son état hygrométrique a pour conséquence de s'opposer à la déperdition de calorique par évaporation cutanée (perspiration).

On peut conclure que la température du point de saturation de l'air la plus convenable pour que l'homme puisse se livrer à un travail physique modéré est voisine de 12 à 13o C. Des méthodes d'expérimentation toutes différentes ayant conduit à ce résultat, il est permis d'accepter ce chiffre, comme base, pour des individus ayant une constitution normale.

Nous verrons plus loin que les procédés employés pour l'assainissement des ateliers de teinture, en particulier ceux qui sont à recommander pour l'élimination des buées, ont

pour effet de modifier l'atmosphère du lieu du travail, de telle manière que l'on tend à se rapprocher de ces données; qu'en tout cas, avec une installation bien comprise d'enlèvement des buées, la température du point de rosée de l'air ne doit jamais dépasser 18 à 19o C. (loi de Fleischer).

Si, laissant de côté, pour un instant, la température du point de saturation de l'air, nous ne considérons que son humidité relative, nous pourrons citer ici les recherches faites par le Dr Pierre Lesage, maître de conférences à la Faculté des sciences de Rennes (1).

Cet expérimentateur, ayant construit un hygromètre respiratoire ou plutôt un indicateur du point de rosée de l'air expiré, est arrivé à mettre en relief un facteur par trop négligé jusqu'à ce jour, l'hygrométrie des voies respiratoires, et montré l'influence que ce facteur peut avoir dans l'établissement des mycoses de ces voies.

Les mesures opérées lui ont montré :

1o Que l'air expiré n'est pas saturé à sa température; 2o Que la tension de la vapeur d'eau de cet air varie de l'entrée à la profondeur des voies respiratoires ;

3o Que cette tension est sous la dépendance de l'humidité relative de l'air extérieur;

4o Qu'e le varie encore avec l'état d'activité du sujet.

La germination de cultures sur gélose de Sterigmatocystis nigra, placées au voisinage de la glotte d'un canard, se fait plus rapidement chez l'animal placé dans un air très humide que lorsqu'on opère dans des conditions identiques, mais dans un air sec..

Avant d'exposer le mécanisme du fonctionnement de la perspiration de la peau et de la respiration pulmonaire dans un milieu plutôt froid et sursaturé de vapeur d'eau, citons les opinions de quelques hygiénistes sur le travail dans les mi ieux humides :

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Layet, dans son Traité d'hygiène industrielle (1), s'exprime ainsi :

« L'influence générale d'un milieu humide sur l'organisme des ouvriers s'accuse par une tendance marquée au relâchement de tous les tissus, en d'autres termes, par une sorte d'amoindrissement des activités fonctionnelles conduisant au ralentissement des phénomènes de nutrition générale. La prédisposition au lymphatisme et à la scrofule se remarque chez la plupart des ouvriers qui travaillent dans les sous-sols, dans les caves, dans les ateliers humides. Par une influence moins immédiate, l'humidité conduit au refroidissement, et, comme conséquence du froid humide, il se manifeste et s'affirme une certaine tendance professionnelle aux affections catarrhales et rhumatismales, telles que la bronchite catarrhale, le catarrhe intestinal, les douleurs rhumatismales, le lumbago, la névralgie sciatique, parfois la néphrite catarrhale. »

Dans le Traité d'hygiène industrielle de Léon Poincaré (2), nous lisons (p. 304), sous la rubrique Hygiénologie des teintureries:

Ajoutons que l'atmosphère de tous les ateliers est sursaturée d'humidité, entraînant avec elle des particules irritantes. De là, des angines et des bronchites chroniques et de l'hydrohémie. La station debout sur un sol toujours très mouillé détermine à la longue un tremblement des jambes, des crampes dans les mollets et même des ulcères atoniques. » Tar lieu (3), un des premiers qui se soit occupé de l'influence sur l'organisme de l'humidité relative de l'air, s'exprime ainsi :

<< Il est bien entendu que l'humidité ne se mesure pas par la quantité absolue de vapeur d'eau que l'air contient, mais

(1) Encyclopédie d'hygiène et de médecine publique, du Dr Jules Rochard, liv. VI, Paris, 1897.

(2) Léon Poincaré, Traité d'hygiène industrielle, Paris, 1886.

(3) Ambroise Tardieu, Hygiène publique, vol. I, p. 351, Paris, 1852.

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