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Une femme, décédée à la maison Dubois, a dénoncé la maîtresse, avant de succomber à une péritonite généralisée, consécutive à un avortement pratiqué par injection intra-utérine.

Autopsie de la femme. - Deux jours après la mort, putréfaction au début. Péritonite généralisée; pus jaune verdâtre dans lequel on trouve le streptocoque à l'état de pureté.

L'utérus mesure 10cm,5 de longueur, 9 centimètres de largeur et 3 centimètres d'épaisseur; on trouve à l'intérieur la trace de l'insertion placentaire. Le pus roussâtre, prélevé à la surface de l'utérus, renferme quelques chaînettes de streptocoques mêlées à de nombreux microbes différents.

L'enquête de police apprend qu'une femme a succombé un an auparavant, probablement à la suite de manœuvres abortives pratiquées par le pharmacien.

L'exhumation du cadavre de cette femme est ordonnée, et l'autopsie est faite quatorze mois après la mort.

Autopsie. Le cadavre paraît être dans un état de putréfaction extrêmement avancé; mais, après avoir éliminé les couches superficielles, on trouve les organes profonds assez bien conservés. De nombreux spécimens d'un coléoptère, le Rizophagus parallelocolis, sillonnent les matières grasses, soit à l'état de larves, soit à l'état adulte. Pas de débris de diptères (mort à la maison Dubois, où les cadavres sont protégés par une mousseline contre l'atteinte des mouches).

Le foie, la rate, les reins sont bien reconnaissables, non déliquescents et seulement diminués de volume. L'intestin est bien conservé, l'appendice est normal.

L'utérus est volumineux, en parfait état de conservation; il mesure 14 centimètres de longueur et 11 centimètres d'une corne à l'autre. Sa cavité renferme un drain de caoutchouc entouré de compresses de gaze (un curettage a été pratiqué avant la mort).

Nous recueillons un peu de pus sur le drain ; l'examen microscopique montre, au milieu de détritus, les microbes habituels de la putréfaction, longs bâtonnets, bacilles en navette, etc. Mais on trouve également un très grand nombre de microbes en grains, disposés de façon à former des chaînettes de six à huit grains, se colorant par le Gram et qui ne sont autres que des streptocoques.

Ainsi, après une inhumation de quatorze mois, il a été possible de déterminer les causes précises de la mort, due à une infection puerpérale à streptocoques.

Le pharmacien a été condamné par la cour d'assises de la Seine à cinq ans de prison et sa maîtresse à deux ans.

DIAGNOSTIC HIstologique de CROÛTELLES SUR UN VÊTEMENT CERVELET HUMAIN. Sur le veston d'un individu, soupçonné de meurtre et vol, on trouve une petite croûtelle desséchée, dont le juge d'instruction nous demande de déterminer la nature. Nous examinons, en outre, le pantalon de l'inculpé, sur lequel nous trouvons des taches de sang d'origine humaine.

Examen de la croûtelle. Un petit fragment, qui paraît constitué par du sang desséché, existe sur la face antérieure du veston de lustrine noire, entre le premier et le second bouton; il mesure 8 millimètres de largeur et 4 millimètres de hauteur.

Prélevant d'abord une parcelle de la croûtelle en un point très coloré en rouge, nous avons montré que cette parcelle renfermait du sang d'origine humaine (réaction de Meyer, spectre de l'hémochromogène, réaction du sérum précipitant).

Une autre parcelle de 2 millimètres de diamètre a été placée dans la solution physiologique de chlorure de sodium, où nous l'avons laissée macérer pendant deux heures.

Au bout de ce temps, la croûtelle était gonflée et présentait l'aspect translucide et jaunâtre de la substance nerveuse.

Le fragment a été fixé par l'alcool à 90o, puis déshydraté par l'alcool absolu, éclairci par le xylol et inclus dans la paraffine. Nous l'avons ensuite débité en coupes minces d'un centième de millimètre dépaisseur, et les coupes ont été colorées par la méthode de Nissl (coloration par le bleu de méthylène, traitement par le liquide de Gothard, essence de cajeput et créosote, décoloration élective par l'alcool absolu).

Les coupes montrent la structure typique du cervelet humain : couche superficielle, finement granuleuse, dans laquelle quelques cellules nerveuses possèdent un noyau vésiculeux de grandes dimensions et un protoplasma peu abondant, parsemé de granulations chromatophiles; couche profonde des grains, formée de cellules petites, opaques, et de cellules plus volumineuses et plus claires; à la limite de séparation des deux couches, existent de grosses cellules nerveuses émettant un prolongement cylindraxile dirigé vers la périphérie. Ces dernières cellules ne sont autres que les cellules de Purkinje et présentent dans leur protoplasma un grand nombre de granulations chromatophiles.

La victime avait été tuée d'un coup de feu tiré à très courte distance, dans la région occipitale. La balle a fait

gicler la substance cérébelleuse, dont un fragment, traversant l'orifice fait par la balle dans une casquette épaisse et dans une bonnette, est venu se plaquer sur le veston du meurtrier. De nombreuses éclaboussures de matière cérébelleuse ont été retrouvées à la face interne de la bonnette. Les coupes du fragment présentaient une netteté remarquable, et les détails histologiques y étaient aussi précis que sur une coupe du cervelet fixé à l'état frais; ce fait tient à lạ rapide dessiccation de la croûtelle sur le veston. Au contraire, les débris de la face interne de la bonnette, encore bien reconnaissables à l'examen histologique, étaient moins bien conservés, leur dessiccation s'étant poursuivie plus lentement. Notre expertise constituait la charge la plus précise contre l'accusé, qui a été condamné à mort par la cour d'assises de Seine-et-Oise, et qui a avoué son crime sitôt après que son avocat eut obtenu du jury la signature d'un pourvoi en grâce.

LES EMPREINTES DIGITALES ET PALMAIRES INVISIBLES

Par le Dr EUG. STOCKIS (Liége).

On sait tout le parti que l'enquête judiciaire a tiré, dans ces dernières années, de l'étude des empreintes digitales laissées par les malfaiteurs sur les lieux d'un crime ou d'un délit. Tous les médecins légistes, s'ils ne se sont pas intéressés longuement à cette étude, savent cependant qu'il est nécessaire, dans la levée des lieux, de rechercher ces indices qui livrent souvent l'identité d'un coupable. De nombreux succès de ce genre ont été publiés; nous en obtenons fréquemment à Liége, où la seule preuve dactyloscopique a permis de retrouver le coupable et d'obtenir sa condamnation.

Au dernier Congrès de médecine légale de Bruxelles en août 1910, nous avons étudié également les lignes papillaires

de la paume de la main, au point de vue de l'identification judiciaire, et montré qu'à côté de la dactyloscopie il convient, dès à présent, d'envisager l'étude des empreintes palmaires, étude à laquelle Näcke, dans une analyse de notre mémoire (Arch. de Gross., t. XLI-XLII, p. 150) propose de donner le nom de « cheiroscopie ».

Le médecin légiste ne peut, actuellement, se désintéresser de ces études; aussi, en démontrant au Congrès quelques documents typiques, croyons-nous utile de donner un aperçu de la technique du relevé de ces traces si importantes.

Nous ne nous occuperons ici que des empreintes - digitales et palmaires laissées par les doigts ou les mains enduits de sueur; ce sont les empreintes dites «< latentes », invisibles à l'observation simple, et qui nécessitent un traitement spécial pour apparaître et se laisser photographier. Il ne s'agit donc pas des empreintes de doigts sanglants ou enduits d'une souillure artificielle quelconque, ni des impressions en creux dans une substance plastique.

Les procédés proposés pour faire apparaître les empreintes latentes sont nombreux; ils varient suivant la nature du support, suivant la diversité très grande des cas de la pratique. Certains n'ont qu'une valeur théorique et n'ont jamais rendu de services dans les recherches courantes. D'autres ne donnent que des résultats défectueux. Frappés de l'insuffisance des moyens habituels, nous avons cherché à perfectionner cette technique assez spéciale, et, loin de donner ici une énumération complète de tous les traitements préconisés, nous résumerons les procédés employés dans notre laboratoire, et dont la valeur a été reconnue par une pratique déjà longue et confirmée par divers collègues des laboratoires de police scientifique de l'étranger.

Pour faire apparaître les empreintes incolores et permettre leur reproduction et leur étude, on peut les traiter par divers réactifs pulvérulents, gazeux ou liquides, ou à l'aide d'artifices d'éclairage, les photographier sans coloration.

A, Poudres colorées. Ces poudres opacifient les lignes

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papillaires transparentes, en s'attachant à la graisse par adhérence mécanique. Un grand nombre de ces substances ont été proposées. Nous utilisons surtout le Scharlach-Rot, mélangé au lycopode, dans la proportion de 1 à 10 ou davantage, qui, outre son adhérence mécanique, diffuse dans les traits gras et les teinte chimiquement. Cette substance a été choisie parce qu'elle constitue un excellent colorant des matières grasses. Depuis l'époque, en 1906, où nous avons publié ce procédé, l'application du réactif aux usages médicinaux a amené dans le commerce plusieurs variétés chimiques différentes et à action inégale sur la coloration des graisses. Il faut utiliser un produit insoluble, de teinte vive carminée, comme le Scharlach-Rot medicinal de la fabrique Kalle, à Biebrich (combinaison de l'amidoazotoluol diazoté avec le naphtol ẞ), ou encore le Soudan R. M. B. de la marque A. G. F.A. (de Berlin). Le produit est saupoudré sur l'empreinte à colorer, puis on secoue l'objet pour enlever l'excès de réactif; pour les empreintes un peu vieilles, desséchées sur le papier, et les objets poreux, on insuffle au préalable sur les empreintes la buée de l'haleine, ou l'on expose à la vapeur d'eau. On peut aussi chauffer l'objet saupoudré; sur le papier, la poudre diffuse; le Scharlach se volatilise et teinte très bien les empreintes anciennes. Les empreintes colorées au Scharlach seront vernies à la solution de gomme arabique et, dès lors, sont solidement fixées.

Les poudres qui s'attachent mécaniquement aux empreintes grasses sont très variées. Des essais nombreux nous ont montré que, pour fournir de bons résultats, une poudre doit être lourde, en même temps que très fine; l'examen microscopique permet de trier les produits à grains trop volumineux, qui pourraient détériorer le dessin papillaire. A ce point de vue, la céruse, recommandée par Bertillon, réussit très bien; saupoudrée en poudre bien sèche, ou appliquée au blaireau doux, elle forme avec la graisse des lignes papillaires une sorte de mastic résistant; les lignes se détachent en blanc

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