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précis sur la décoration de cet édifice, dorique à l'extérieur, corinthienne à l'intérieur; il insiste sur l'originalité du plan et sur le mérite de l'exécution, et, pour donner une idée de l'ensemble, signale les analogies qui existent, à certains égards, entre ce monument, tel qu'il se le représente, et celui qui est vulgairement appelé à Athènes la Tour des

vents.

Deville mourait à la fin de 1867, avant même que n'eût paru le rapport qui était le dernier témoignage de sa curiosité et de son ardeur. M. Coquart demeurait seul en face d'une tâche qui, pour être menée à bonne fin, eût réclamé le concours des deux explorateurs, d'une part l'expérience et les connaissances spéciales de l'architecte, de l'autre la science de l'helléniste et de l'historien; tout au moins pouvait-on espé rer qu'il ne tarderait pas à exposer la restauration promise de l'édifice circulaire. Dans la restitution de cette œuvre élégante d'un siècle qui ressemble au nôtre à tant d'égards, il y avait de quoi tenter le goût fin et subtil d'un artiste qui passe pour ne point détester la recherche, pour la préférer, en tout cas, à ce qui risquerait de paraître banal et plat. La guerre vint tout interrompre et tout ajourner. Sous la douloureuse impression que lui avait laissée la mort de son compagnon de fatigue et de travail, M. Coquart avait déjà perdu du temps; il en perdit encore au sortir du mauvais rêve qui nous avait tous ébranlés et désorientés; il était d'ailleurs absorbé, à l'Ecole des beaux-arts, par d'importantes entreprises. Des amis le sommaient pourtant de rouvrir son riche portefeuille; mais, dans l'intervalle, d'autres, plus actifs et plus pressés, s'étaient chargés de poursuivre les recherches si brillamment commencées par les missions françaises, de les compléter par de nouvelles découvertes et d'en tirer, pour l'histoire de l'art, les conclusions qu'elles comportaient.

M. Conze, dans le cours d'une laborieuse carrière remplie d'utiles travaux que connaissent tous les lecteurs des Annales publiées par l'Institut de correspondance archéologique, n'avait jamais perdu de vue ces îles de la Thrace où, jeune encore, il avait goûté les premières joies du voyage et de la découverte scientifique; sur ce terrain dont il connaissait tous les accidents, parmi ces décombres dont il avait compté les pierres, il ne cessait de suivre des yeux les récents explorateurs. C'était lui qui, jadis, avait décrit le premier les ruines de la cité et des sanctuaires de Samothrace; aussi le cœur lui battait-il quand d'autres en tiraient des œuvres aussi remarquables que la Victoire trouvée par M. Champoiseau, quand MM. Deville et Coquart reconnaissaient le caractère et fixaient la date d'édifices dont il n'avait pu jadis qu'indi

quer l'emplacement. Devenu professeur d'archéologie à l'université de Vienne, il obtint du gouvernement autrichien, au printemps de 1873, un crédit suffisant pour entreprendre à Samothrace une campagne de fouilles dans laquelle il serait aidé par une corvette de guerre détachée de l'escadre du Levant. Comme collaborateurs, il s'adjoignit deux architectes distingués, MM. Aloïs Hauser et Georges Niemann, versés l'un et l'autre non-seulement dans la pratique, mais aussi dans l'enseignement et la théorie de leur art. M. Conze séjourna dans l'île pendant six semaines, du 1o mai au milieu de juin, et il employa, pendant tout ce temps, de quarante à soixante ouvriers. Ce sont les résultats obtenus dans cette première expédition qui ont été exposés dans la belle publication dont nous avons transcrit le titre en tête de ce travail.

Ces résultats avaient paru assez importants, les morceaux de sculpture dégagés des ruines et rapportés au musée de Vienne avaient assez frappé les connaisseurs, la publication du voyage avait eu assez de succès, pour que son principal auteur ait dû obtenir aisément les moyens d'achever son œuvre, de compléter le déblayement de ce champ de ruines et de lui arracher ses derniers secrets. Dans cette première expédition, deux édifices surtout avaient été étudiés : l'un était un temple dorique de marbre qui avait déjà attiré l'attention de M. Coquart; l'autre, ce bâtiment circulaire qui l'avait surtout retenue et fixée. A l'automne de 1875, M. Conze repartait pour Samothrace; à son fidèle associé du premier voyage, M. Hauser, s'étaient joints de nouveaux compagnons, parmi lesquels nous remarquons M. Otto Benndorf, savant archéologue, professeur à l'université de Prague.

Le travail fut facilité aux explorateurs par les souvenirs de leur campagne de 1873. Les ouvriers affluèrent; on en occupa, cette fois, plus de cent par jour. Aussi, en un mois de travail, put-on résoudre toutes les questions que n'avaient point encore éclaircies les recherches précédentes. Les résultats de ces dernières fouilles, nous ne les connaissons encore que par une relation sommaire, lue devant l'Académie de Vienne le 20 octobre 1875. En attendant qu'ils soient exposés avec plus de détail, nous pouvons, dès maintenant, essayer de donner une idée générale des faits que nous ont révélés des édifices que nous ont fait connaître ces recherches successives.

GEORGES PERROT.

(La suite à un prochain cahier.)

REPORTS of the Royal Commission on historical manuscripts.— Londres, 18701876, 6 vol. in-fol., cx pages d'introduction, 2532 pages à deux colonnes d'analyses et d'extraits.

DEUXIÈME ARTICLE 1.

Il serait injuste d'accuser les historiens anglais modernes d'avoir entièrement méconnu les richesses des archives particulières de la Grande-Bretagne. La perspicacité de Macaulay ne lui avait pas permis de les négliger: des correspondances et des mémoires inédits, et en première ligne la collection de sir James Mackintosh, l'avaient aidé à éclairer d'un jour nouveau plusieurs des points les plus controversés jusqu'à lui. D'autre part, les sociétés savantes, Camden Society, Percy Society, Early english text Society, Bannatyne Club, éditent chaque année quelques-uns de ces documents, et il y a lieu d'espérer que les collections épistolaires et les mémoires les plus intéressants des XVII et XVIII° siècles seront successivement imprimés par leurs soins ou par ceux des héritiers actuels. Il n'en est pas moins vrai qu'une grande partie de ces trésors était inconnue des propriétaires eux-mêmes, que Macaulay n'a pu en consulter qu'un nombre assez restreint, et que plusieurs des publications entreprises en Angleterre depuis six ans ont été provoquées par les travaux de la Commission royale.

Histoire proprement dite. - Les premiers siècles de l'histoire d'Angleterre ne sont que faiblement représentés dans ce recueil. On y trouve cependant la mention de chartes anglo-saxonnes et des documents ecclésiastiques importants encore garnis de leurs sceaux (Coll. Hatton, Rapp. V, Wynne of Peniarth, Rapp. II). Les archives du doyen et du chapitre de Canterbury renferment toute une série de donations originales des rois et grands personnages de l'époque anté-normande : après la conquête, le duplicata de l'accord intervenu entre les archevêques de Canterbury et d'York sur la primauté du premier siége (A. Thierry, livre V, 3), où sont apposées les croix formant les signatures autographes de Guillaume et de Mathilde (Rapp. V, 452). Dans une charte de la collection Hare, du 4 des calendes de janvier 1077, sous la croix du roi ont signé vingt-quatre témoins, dont les archevêques Lanfranc et Thomas et l'évêque Odon de Bayeux (Rapp. III, 250). Canterbury possède encore un dossier sur les luttes des monarques Plantagenets avec les barons; des copies contemporaines de la sentence arbitrale de Louis IX, des réformes imposées à Édouard II par le clergé et les partisans du comte de Lancastre, ainsi que des deux formes du serment du couronnement, une en latin : « Si le Roi est lettré,» l'autre en français: Si le roi est illettré» (Rapp. V, 455); une lettre d'Édouard III, 1373, à l'archevèque Guillaume, l'engageant à résister au cardinal de Cluny venu d'outre-mer comme médiateur entre Jean de Montfort et Charles de Blois, et qui prétendait être défrayé par le clergé anglais. Le roi promet de soutenir le clergé dans sa résistance aux exigences du nonce, dont les censures ecclésiastiques doivent nécessai«rement être sans effet, puisque la cause est si injuste. Le peuple d'Angleterre « n'est intéressé en rien à la guerre de la succession de Bretagne. (Rapp. V, 453.)

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1 Voir, pour le premier article, le cahier d'avril, p. 249.

A cette même époque se rapporte le Liber epistolaris quondam domini Ricardi de Bury, episcopi Dunelmensis de la collection Ormsby Gore; nous réservons ce manuscrit pour la section suivante avec tout ce qui a trait à la domination anglaise en France.

C'est à partir des Tudors, et surtout de Henri VIII, que l'on consultera ce recueil avec le plus de fruit. On signale dans la collection Calthorpe un résumé clair et substantiel de tous les actes du conseil de la reine Marie, de 1553 à 1558. Sous Élisabeth, laissant ici de côté les négociations matrimoniales de la reine, nous insisterons sur l'importance des dossiers relatifs à Marie Stuart.

Comme on devait s'y attendre, les historiens, même les plus récents et les plus consciencieux, sont loin d'avoir épuisé toutes les sources d'information; les collections imprimées les plus complètes n'ont reproduit qu'une partie des lettres de la reine et des innombrables pièces que renferment sur elle les Cecil Papers et les grandes archives scigneuriales et ecclésiastiques de l'Écosse.

Les documents encore inédits, remontant aux premières années du règne, sont, il est vrai, d'un intérêt secondaire, si l'on en excepte la lettre du duc de Norfolk au duc de Châtellerault et aux lords sur la négociation de M. de Randan, 30 mai 1560 (collection Malet, Rapp. V), et quatre pièces sur l'assassinat du cardinal Beaton (collection de Rothes, IV, 504). L'absolution accordée aux meurtriers par François I est déclarée insuffisante dans les instructions en dix-huit articles données à l'évèque Ross, ambassadeur en France, 27 mai 1547 (collection Maxwell, V, 651). Depuis le retour de Marie en Écosse jusqu'à sa fin tragique, les pièces abondent. Pour ne citer que les principales, c'est dans les chartes et correspondances des comtes et ducs de Lennox, appartenant au duc de Montrose, qu'il faut suivre les incidents de son union avec Darnley (voir la lettre originale de Marie à son beau-père, 30 septembre 1566 sur les malentendus entre les époux, reproduite Rapp. III, 395), et dans les archives du comte de Morton, à Dalmahoy (Rapp. II), ceux de sa captivité à Lochleven. La municipalité de Coventry conserve la lettre par laquelle Élisabeth lui recommande la garde de sa prisonnière; le Rév. Sneyd, la copie olographe d'une des requêtes adressées par Marie à Catherine de Médicis. (Rapp. III, 287.) Le duc de Hamilton a douze volumes de lettres originales et de papiers d'État des règnes de Jacques V et de Marie qui ont dû appartenir au conseil privé d'Angleterre, et un volume de mélanges où il est question des intrigues de la reine avec les puissances catholiques. (Rapp. I, 112.) Le lieutenant-colonel Carew possède la dissertation: «S'il « convient de mettre à mort la reine d'Écosse ou de la laisser en prison; » lord Mostyn, «l'Apologie de la reine Élisabeth (Rapp. IV, 361), et le marquis de Bath, dans les archives provenant du château de Sheffield, beaucoup de lettres sur ce sujet, écrites par Élisabeth, Burleigh et Walsingham. (Rapp. IV.) La collection de lord Čalthorpe a été formée en majeure partie par son ancêtre Robert Beale, secrétaire du conseil d'Élisabeth, chargé par elle de plusieurs missions auprès de Marie, au procès et à la mort de laquelle il assista. Le volume XXXI (analysé au Rapp. II, p. 41) se rapporte presque en entier aux complots de Norfolk et de Babington, au procès et à l'exécution de Marie. La lettre datée Sheffield, 14 novembre 1581, rend compte d'une entrevue avec elle. Un coup de ciseaux a été donné au travers de la requête des comtes de Kent, de Shrewsbury et autres demandant à être dispensés de leur charge pour son exécution; un grand dessin à la plume représente le procès de Fotheringay, avec les noms des principaux personnages. Dans le volume LIV de la même série, consacré à l'Écosse et à la reine, nous citerons les instructions données, en 1583 et 1584, à Shrewsbury et à Beale pour leurs négociations avec Marie, et sept lettres d'elle qui manquent au recueil du prince Labanoff.

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La collection de sir Alex. Malet, à Kensington, renferme des pièces d'un haut intérêt les instructions originales données, en 1589, par les lords du conseil à Lethington, envoyé auprès d'Élisabeth; une déclaration signée de Morton et de Mar, en 1568, pour la délivrance de la reine; toute la procédure contre Norfolk, janvier 1571; une copie du testament de Marie; et, parmi les nombreuses correspondances, une lettre du roi Jacques à sa mère, 15 février 1584, pour répondre à ses reproches : « Il la reconnaîtra toujours comme reine mère pendant sa vie.» (Rapport V, 310-312.) A cette vie de sa mère Jacques ne paraît pas avoir beaucoup tenu. Une lettre de lui à Leicester, olographe, signée, en date du 4 décembre 1586, est tristement instructive: il se réjouit que Leicester ait été absent d'Angleterre lors de la condamnation de Marie, «ne nie pas que sa cause doive être haïe par tous bons «chrétiens et amis de cette île, mais assure que le procédé est injurieux pour tous les princes de l'Europe et déshonorant pour Élisabeth. Il lui demande de faire suspendre « le reste de la tragédie » jusqu'à l'arrivée de son ambassadeur, qui aura « lieu aussitôt que possible. Si ses offres ne sont pas trouvées raisonnables, Élisa«beth pourra faire alors ce qu'il lui plaira. » (Rapport V, 311.)

Les manuscrits de lord Bagot contiennent vingt et une lettres intimes de sir Ralph Sadler, sir Amyas Paulet et autres, datées de Tutbury, Chartley et Fotheringay, sur les changements de résidence, la garde, le procès, la mort et les obsèques de la reine, ainsi qu'un intéressant compte rendu du procès de Davison, accusé à dessein d'avoir fait exécuter la sentence malgré la volonté d'Élisabeth. (Voir analyse, Rapport IV, 340.) Le prince Labanoff n'a imprimé que quarante-six des soixante-douze lettres de Marie à l'archevêque de Glascow, qui, du collège écossais de Paris, ont passé entre les mains de l'archevêque catholique du nord de l'Écosse. (Mss. de Buckie, Rapport I, 120.) La correspondance sur les affaires de la reine avec les autorités ecclésiastiques à Rome paraît inédite.

Enfin les Cecil Papers même sont loin d'avoir livré tous leurs trésors. Murdin n'en a reproduit qu'une faible partie, et le registre dressé par les soins du marquis de Salisbury promet d'importantes révélations. Déjà l'on a retrouvé la copie des deux lettres de la cassette qui manquaient au Record Office. En parcourant la table par ordre de dates, insérée dans les Rapports III et IV, il est aisé de se convaincre que c'est de mois en mois, souvent de jour en jour, que ces archives de Burghley permettent de suivre l'histoire de la lutte suprême entre Élisabeth et Marie. En 1568. pendant les conférences d'York et de Westminster, en 1571 et 1572, et surtout à partir de 1580, il faudrait tout signaler.

Peu de temps après la mort de Marie, l'ambassadeur d'Angleterre en France s'efforce de rassurer sa souveraine sur le peu d'impression causé par cet assassinat juridique.

La lettre de l'archevêque de Glascow au roi Jacques, en date de Paris 7 avril 1587, répond mieux à la réalité des faits : « Cet acte inhumain et détestable a touché les « cœurs de tous les bons Français. » Il propose d'affecter ce qui reste du douaire au payement des dettes de la reine en France et en Angleterre. (Coll. Maxwell, Rapport V, 651.)

Quelques années plus tard, par une lettre en français datée du 17 février 1615, Turquet de Mayerne rapportait au roi Jacques l'entretien qu'il venait d'avoir avec de Thou au sujet de Marie Stuart. Le monarque était inquiet du jugement que T'historien porterait sur sa malheureuse mère; il l'avait abandonnée aux vengeances d'Élisabeth, mais il voulait la savoir défendue devant la postérité : « De Thou écrira ⚫ sur la reine Marie aussi favorablement que les temps le permettent. Il désire que

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