Page images
PDF
EPUB

par la maison Hachette, et confiée à la direction de M. Ad Regnier: il est inutile d'en faire l'éloge. Cette collection promet de n'être pas moins profitable à l'histoire qu'aux lettres, et, pour ma part je ne saurais me plaindre que l'on en élargisse un peu le cadre. A vrai dire, en effet, le cardinal de Retz, qui vient y prendre place aujourd'hui ne mérite peut-être pas le titre de grand écrivain: ce n'est pas du moins un classique. Mais peu importe, sa prose mérite assurément d'être étudiée, et au point de vue de l'histoire, une édition des œuvres du cardinal de Retz, vraiment complète et nouvelle, est une bonne fortune pour les travailleurs, car il va sans dire que ces sortes d'éditions ne s'adressent point aux bibliothèques de famille: elles sont faites pour les lettrés, presque pour les érudits.

Cette édition doit comprendre 1o les Mémoires; 2° les Pamphlets; 3o les Œuvres mêlées (Conspiration de Fiesque, mandements, factums, circulaires, etc. ; et enfin 4o la Correspondance. Les Pamphlets n'ont pas été complétement recueillis jusqu'à ce jour, une bonne partie des OEuvres mêlées et presque toute la Correspondance sont inédites. Pour l'ensemble donc, c'est ici, non pas une nouvelle, mais une première édition. Elle n'en obtiendra que plus de faveur.

Les deux volumes parus ne contiennent que les Mémoires, et encore jusqu'à l'année 1649 seulement. Le texte en a été établi, pour l'ensemble, sur le manuscrit autographe que possède la Bibliothèque nationale, et sur l'édition de 1719 pour la partie où l'autographe fait défaut. Pour cette partie, l'éditeur a placé au bas des pages un relevé complet des variantes; pour l'ensemble, où l'autographe sert de guide, il s'est borné aux variantes qui, tirées soit de quatre copies que l'on possède, soit des premières éditions, peuvent faire croire à des rédactions antérieures, différant çà et là du texte de la main de Retz qui nous est parvenu. A coté de ces variantes, M. Feillet s'est efforcé de donner, dans ses notes, un commentaire historique des Mémoires, en tête desquels il a placé une notice bibliographique de 70 pages, et une liste des manuscrits et des éditions dont il s'est servi. A la fin de chaque volume des Mémoires un appendice vient compléter les notes par des pièces inédites ou rares, ou extraites d'autres ouvrages, pour être groupées autour de Retz auquel elles ont trait. L'appendice du premier volume est divisé en deux paragraphes, les pièces sont groupées sous deux chefs. I Retz et les gens de lettres. II. Pièces relatives à la coadju torerie de Paris; Celui du second volume comprend treize chefs: I. La journée des Barricades; II.Conférences de Saint-Germain et déclaration des 22-24 Octobre 1649; III. Triolets de la Fronde; IV. Emprunts et dettes de Retz; V. Serments d'union des chefs de la Fronde avec le Parlement; VI. Défaite du régiment de Corinthe; VII. Instruction du héraut; VIII. Caumartin réviseur du manuscrit Caffarelli; IX. Notes de Mazarin sur

Retz, X. Traité de Rueil; XI. Une page de l'histoire de la presse en 1649; XII. Affaire Joli-la Boulaye; XIII. Récusation de Molé par Retz et con

sorts.

La notice biographique, qui doit prendre place dans le premier volume à la suite de l'avertissement, ne sera livrée au public qu'après l'achèvement de l'édition qui se terminera par un lexique de la langue de Retz, précieuse contribution à l'histoire de la langue française, comme les lexiques déjà parus de la langue de Corneille, de Mme de Sévigné, etc. Nous reviendrons sur cette édition à propos des volumes suivants, et nous désirons vivement que, malgré les divers obstacles qui jusqu'ici l'ont retardée, elle arrive promptement à bonne fin. MARIUS SEPET.

Belfort, Reims, Sedan. Le 7o corps de l'Armée du Rhin, par le prince GEORGES BIBESCO, officier supérieur de l'armée française, attaché au 7 corps. Paris, H. Plon. 1873. In-8 cavalier de 212 p. avec pl. - Prix 8 fr.

[ocr errors]
[ocr errors]

<< Ceux qui ont gardé fidèle mémoire des événements auxquels ils ont été mêlés, doivent à l'Histoire leur tribut de renseignements... Tel est le sentiment qui nous a dicté ces quelques pages. » Ainsi débute ce travail, dont le titre indique suffisamment la matière, et auquel les relations bien connues du prince Bibesco avec le général Douay donnent presque un caractère officiel. C'est un récit détaillé des marches et des opérations du 7° corps, depuis la première station de son « douloureux calvaire, » Belfort, jusqu'à la dernière, Sedan. Dans le désordre général qui suivit la déclaration de guerre, le 7° corps fut peut-être le plus dénué de ressources de toute nature; mais à peine était-il un peu organisé, que le général Douay dut revenir sur Châlons et Reims, et suivre la fortune de Mac-Mahon. Le maréchal, on le sait, avait à suivre un plan qui n'avait pas son approbation. Il était favorable à la retraite sur Paris d'abord, sur Mézières plus tard. Mais s'il consentait à s'inspirer, à contre-cœur, des vues du comte de Palikao, au moins fallaitil exécuter la marche sur Montmédy avec une rapidité qui était ici une condition absolue de succès. Le duc de Magenta ne sut pas s'y résoudre, et la perplexité de son esprit se traduisit par des lenteurs et des hésitations fatales. Le 7° corps, pour ne prendre qu'un exemple, fait le 25 août une marche de 7 kilomètres, séjourne à Vouziers le 26 et le 27, bat en retraite le 28, reprend le 29 la marche en avant. Le commandant Bibesco explique, avec une grande lucidité, les revirements qui, se produisant dans les décisions du commandant en chef, causaient les fluctuations de la marche « oscillatoire » de l'armée. En vain le maréchal, qui voit les choses de plus près, essaie-t-il de lutter contre

[ocr errors]

les inspirations du ministère; après avoir déjà commencé son mouvement de retraite, il cède à la fameuse dépêche : « Au nom du conseil des ministres et du conseil privé, je vous demande de porter secours à Bazaine en profitant des trente heures d'avance (?) que vous avez sur le prince royal de Prusse, » et donne contre-ordre. C'était marcher à l'abime, et lorsque le matin du 1er septembre l'ennemi parut de toutes parts devant Sedan, il n'eut qu'à entourer d'un infranchissable cercle de feu le centre fatal autour duquel s'étaient massés les débris d'une armée. Par une cruelle disgrâce de la fortune, les hésitations, les tiraillements auxquels nos troupes avaient été en proie pendant les marches, ne leur furent pas épargnés à l'heure de la lutte suprême : avant dix heures du matin, trois commandants en chef avaient successivement donné à l'armée des impulsions différentes. Dans cette fin lugubre, le 7° corps eut sa part de défaillance et d'héroïsme, de dévouement et d'humiliation. Il appartenait au commandant Bibesco de le redire, et son récit, généralement simple, coloré parfois, s'anime, dans quelques-unes de ses dernières pages, du souffle puissant des batailles. C'est, en somme, un bon et intéressant ouvrage. Quant à l'exécution matérielle, le livre sort des presses de M. Plon; c'est assez dire. J. GOUETHAL.

Memoir of Count de Montalembert. A chapter of recent french history, by Mrs OLIPHANT. London and Edinburg, Blackwood and Sons, 1872. 2 vol. in-8 de 760 p. Leipzig, Tauchnitz. 2 vol. in-16 de 318 et 304 p.) - Prix: 4 fr.

C'est d'Angleterre que nous arrive la première biographie complète de Montalembert. L'auteur est une protestante d'une haute intelligence et d'un esprit élevé, qui, depuis longtemps, apprécie l'homme illustre dont elle écrit l'histoire, et qui a déjà publié une excellente traduction anglaise des Moines d'Occident. On comprend que le livre de Mme Oliphant est un récit de la vie intime plus encore que de la vie publique de Montalembert. Rien n'est assurément oublié dans le récit, ni les admirables discours à la chambre des Pairs, ni les triomphes oratoires à l'Assemblée nationale, ni la lutte pour la liberté de l'enseignement, ni les ouvrages politiques et religieux de l'illustre académicien. Mais la partie la plus détaillée et la plus charmante, comme aussi la plus curieuse, de l'ouvrage est celle qui nous initie à l'existence privée de Montalembert, et notamment à l'histoire de ses premières années.

Obligé d'analyser en quelques lignes ce récit si plein de charme et d'intérêt, si émouvant parfois, toujours si noble, nous nous bornons à signaler le chapitre sur les premières années de Montalembert, et le

tableau touchant de la vie de cet enfant, seul compagnon de son vieux grand-père. La scène de la séparation et de l'entrée au collége, puis le voyage au milieu duquel le vieillard succombe dans une chambre d'auberge sont, comme dit l'auteur, des scènes « du drame le plus émouvant de la vie domestique. » Il semble voir ensuite, ce jeune homme studieux, intelligent, curieux, s'intéressant à tout, faisant à treize ans l'éducation politique de son jeune frère qui en a dix, lisant et annotant les auteurs classiques, jugeant Homère et Salluste, Racine et Shakspeare. Puis viennent les années de Sainte-Barbe, le séjour en Suède, enfin le retour en France et le départ pour l'Angleterre, peu de jours avant la révolution de 1830. Le récit du voyage en Irlande est trèsfinement traité : la visite à O'Connell, celle au vieux Lord Donoughmore oncle de trois ravissantes jeunes filles en forment deux charmants épisodes. De retour à Paris, Montalembert entre en relations avec La Mennais et Lacordaire, et alors commence l'histoire de l'Avenir « Ce roman du journalisme, la seule page poétique dans les annales de la presse, » qui finit par le pèlerinage de Rome. Il faut lire les passages si curieux et si nobles qui contiennent l'histoire de cet épisode : il est impossible de ne pas admirer l'impartialité de cette protestante et les pages vraiment belles qu'elle a écrites sur la Papauté et sur le catholicisme, celles surtout où elle juge si admirablement les enfants rebelles de l'Eglise.

Mme Oliphant loue la soumission de Lacordaire et de Montalembert, et, après nous avoir parlé des voyages d'Allemagne et d'Italie, elle achève son premier volume par le récit du mariage de Montalembert, nous appelons l'attention sur les pages charmantes relatives aux moments de bonheur qui suivent cette heureuse union.

Dans le deuxième volume, se trouve l'histoire des vingt-cinq dernières années de la vie de Montalembert; ici, nous avons moins à apprendre. Montalembert est devenu un homme public, sa vie appartient à l'histoire, elle est connue de chacun. Mais ce qui est fait pour charmer, c'est le récit de la vie de famille des longs séjours à La Roche-enBrény, ce vrai home de la famille, des dernières années de cette belle vie, années de souffrances, de luttes et d'épreuves.

Nous espérons qu'une traduction française paraîtra prochainement, et que chacun pourra lire ce livre si intéressant et si curieux.

CH. DE FRANQUEVILLE.

Dictionnaire encyclopédique des anecdotes modernes, anciennes, françaises et étrangères,par EDMOND GUÉRARD. Paris, Dicot, 1872. 2 vol. gr. in-18 de x-656 et 476 p. - Prix : 8 fr.

En publiant ces deux gros volumes, imprimés en petit texte, l'auteur

n'a peut-être pas répondu à un besoin impérieux, mais il a satisfait le goût du public très-nombreux qui cherche l'esprit des autres pour suppléer au sien et qui préfère dans les lectures ce qui amuse à ce qui instruit. 11 a été fouiller dans un grand nombre d'ouvrages anciens et modernes, même dans les journaux qui profiteront de son travail et sauront rajeunir ses anecdotes pour les servir les jours où ils seront pris au dépourvu. On y trouve de tout, et le plus souvent, c'est un mérite à signaler, les sources sont indiquées. M. Guérard a disposé ses anecdotes par ordre alphabétique de matières; mais, c'est un classement très-superficiel et très-arbitraire qui n'offre pas un grand avantage : il est peu de traits qui ne puissent être placés sous plusieurs rubriques différentes. Un autre classement est celui de la table, indiquant à chaque nom les anecdotes qui se rapportent au personnage en question. L'auteur a puisé un peu partout, mais ses choix sont-ils toujours heureux et intelligents? Dans combien de citations ne cherche-t-on pas et l'esprit et l'intérêt? M. Guérard prétend avoir eu surtout en vue les anecdotes historiques,un grand nombre cependant ne sont rien moins qu'historiques; il en convient lui-même plus d'une fois dans des notes, trop rares, qui passeront inaperçues et n'empêcheront pas l'erreur de se propager. Combien surtout, dépourvues de tout intérêt historique, sont d'une moralité vraiment déplorable! Un petit volume, composé d'un choix fait avec un grand discernement, aurait pu avoir une sérieuse utilité, tandis que nous serions vraiment tenté d'adresser à l'auteur le reproche que Tallemant des Réaux faisait à Bassompierre d'aimer mieux perdre un ami qu'un bon mot. RENÉ DE SAINT-MAURIS.

OEuvres posthumes de J. M. Quérard, publiées par G. BRUNET, Livres à clef. Bordeaux, Ch. Lefebvre, 1873. 2 vol. in-8 de 224 pages. Prix : 10 fr. (Tiré à 300 exemplaires numérotés.)

M. Gustave Brunet tient la promesse qu'il faisait au public dans la préface du premier volume des OEuvres posthumes de Quérard (voir notre t. VIII, p. 115). Au mois de juillet dernier, il publiait ce que les papiers de l'éminent bibliographe renfermaient sur ces livres introuvables dont on connaît à peine un ou deux exemplaires. Il nous donne aujourd'hui les notes que l'auteur des Supercheries littéraires dévoilées avait réunies sur cette série de livres singuliers où les noms déguisés sous le voile plus ou moins transparent de l'anagramme et de la paronymie, ou même totalement imaginaires, demandent à être expliqués, pour être compris du plus grand nombre des lecteurs.

Ces livres dont quelques-uns ont leur importance pour l'histoire politique et littéraire et qui sont l'objet des ardentes convoitises des érudits et des bibliophiles ont de tout temps exercé la sagacité des biblio

« PreviousContinue »