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sur l'usage de la langue vulgaire en Sicile au XII et au XIIIe siècle. Elle a été provoquée par les manuscrits d'Arborea dont on a tant parlé. M. di Giovanni n'en examine pas l'authenticité, mais prouve que, leur antiquité fût-elle réelle, la Sardaigne n'aurait pas à citer des titres philologiques antérieurs à ceux de la Sicile. Les deux dissertations suivantes : La langue vulgaire et les Siciliens. De la prose vulgaire en Sicile aux XII®, XIV et XVe siècle complètent ce travail. On comprendra l'intérêt qu'offrent ces pages en se rappelant le grand rôle que la patrie de M. di Giovanni eut au moyen âge dans l'histoire littéraire de l'Italie :

I Siciliani

che fur gia primi...

disait Pétrarque en parlant des vieux poëtes siciliens auxquels Dante a aussi rendu hommage dans un passage souvent cité du De Vulgari eloquio, passage qui, expliqué avec quelques restrictions par Fauriel, a attiré à ce dernier, de la part de l'auteur italien, une réfutation assez vive et peut-être imméritée, car, après tout, Fauriel faisait encore la part belle à l'influence sicilienne. Un morceau fort intéressant est le chapitre que M. di Giovanni a écrit sur les traces incontestables que le génie oriental a laissées dans la poésie antique et même moderne de son pays. Dans le second volume nous avons surtout remarqué des recherches sur la poésie sicilienne à différentes époques, sur diverses représentations théâtrales, sur plusieurs écrivains et enfin un travail sur Jean de Procida et le rôle, récemment contesté, qu'il eut dans la délivrance de sa patrie. Ce travail pourrait sembler s'éloigner un peu de l'inspiration générale du livre, il s'y rattache cependant par la chronique du Ribellamenta di Sicilia que M. di Giovanni a publié pour la R. commissione dei testi di lingua, et dont il donne ici une version italienne, dans laquelle l'original a été souvent modifié par un partisan du comte d'Anjou.

M. di Giovanni aurait pu assez facilement fondre dans un ouvrage méthodique les matériaux qu'il a employés, il aurait ainsi évité quelques répétitions, glissé davantage sur certains détails, négligé des pages d'un intérêt secondaire, mais, d'un autre côté son livre aurait eu moins de variété et peut-être aurait été d'une lecture plus difficile.

TH. DE PUYMAIGRE.

Studi di poësia popolare, par G. PITRE. Palermo. Pedone-Lauriel, 1872. In-12 de vi-398 p. (Bibl. delle tradizione popolari siciliane.) —Prix : 4 fr. M. G. Pitrė tient un rang des plus honorables parmi les littérateurs

siciliens, et son nom n'est plus inconnu en France des amis de la poésie populaire. Ils ont lu la belle collection de chants publiés par lui et les observations judicieuses dont il les a fait précéder. Il vient d'ajouter à ce recueil un nouveau volume: Studi di poesia popolare. C'est un vaste appendice aux dissertations et aux textes antérieurement donnés par M. Pitrè; c'est le développement de questions qui, au gré de l'auteur n'avaient pas été suffisamment approfondies et aussi l'exposition de questions non encore traitées. Les divers points sur lesquels M. Pitrė a voulu revenir et ceux qu'il aborde pour la première fois, sont examinés dans des articles isolés et dans des lettres adressées à des littérateurs italiens et étrangers et, entre autres, à M. d'Ancona, à M. Milà y Fontanals et à M. Liebrecht. Avec les deux premiers, M. Pitrė discute de la manière la plus courtoise des opinions qui n'avaient pas été entièrement admises par eux sur l'ancienneté et l'origine populaire de certains chants siciliens; au troisième, il donne de curieux renseignements sur une colonie lombarde qui, transportée en Sicile à une époque reculée, y a conservé sa langue, sans que ses poésies offrent aucune ressemblance avec les petits chants narratifs si répandus dans le nord de l'Italie. Dans une autre lettre on trouvera des détails intéressants sur la poésie populaire sarde, jusqu'ici bien peu connue. Depuis l'Etude critique qu'il a publiée en 1868, M. Pitrè a découvert dans les chants siciliens de nouvelles traces de notre littérature chevaleresque; il les rapporte dans le chapitre intitulé: Ricordi e reminiscenze. Toutefois, nous ne pensons pas que les noms de Charlemagne et de Roland soient arrivés directement à la Sicile. Il ont dû être empruntés à Pulci, à Boiardo et à l'Arioste. Dans un fragment de poëme sur Renaud de Montauban, il est parlé d'Angélique, ce qui indique une origine tout italienne. La notice sur Pietro Fullone, qui vivait dans la première partie du XVII° siècle, montre avec quelle promptitude l'imagination populaire peut altérer la physionomie d'un personnage. Le peuple semble avoir étrangement dénaturé la vie et le caractère de ce poëte et a même orné sa 1 égende d'une anecdote qui figure dans la vie de Dante.

Nous ne pouvons nous arrêter autant que nous le voudrions sur tous les sujets dont s'occupe M. Pitrè, mais nous espérons en avoir assez dit pour appeler l'attention des amis de la poésie populaire sur son dernier livre. Bien que pouvant être lu isolément, il forme le tome III de la collection que l'auteur a entreprise sous ce titre : Biblioteca delle tradizioni popolari Siciliane.

TH. DE PUYMaigre.

The Life and Correspondence of captain Marryat, by FLORENCE MARRYAT (Mistress CHURCH). London, Bentley. 1872. 2 vol. in-8 de 1100 p. Prix: 30 francs.

The Life of Charles Dickens, by JOHN FORSTER. Vol. II. 1842-1852. London, Chapman and Co. 1872. In-8 de 600 pages. Prix 18 francs.

La biographie du capitaine Marryat vient trop tard; c'est il y a vingt-quatre ans, immédiatement après la mort de l'aimable écrivain, qu'il eût fallu la publier; aujourd'hui toute une génération nouvelle se présente, guidant ses romanciers favoris dans une direction où l'auteur de Japhet à la recherche d'un père aurait dédaigné de s'aventurer. Les amateurs de la littérature frelatée et des mœurs équivoques se groupent autour de miss Braddon et de miss Thomas; ne leur parlez pas de comique de bon aloi, ni de ces pochades qui font mourir de rire, mais dont on ne rougit jamais. D'ailleurs, et Mistress Church, qui s'est fait honneur d'élever ce monument à la mémoire de son père, l'avoue ellemême, la mort a moissonné presque tous les anciens amis du capitaine Marryat; les renseignements ont, par conséquent, fait défaut; les correspondances sont brûlées, dispersées ou perdues; bref, la composition des deux volumes en question a souffert beaucoup de difficultés. Ils sont intéressants, néanmoins, et j'aime à voir que le nom d'un écrivain de talent, d'un romancier distingué ne périra pas tout entier.

Le second volume de la biographie de Charles Dickens vient de paraitre; il comprend l'histoire des dix années qui s'écoulèrent depuis 1842 jusqu'en 1852; c'est-à-dire qu'on y voit Dombey père et fils, David Copperfield, les Notes d'un voyage en Italie ajouter successivement à la réputation du conteur populaire, et l'établir d'une manière définitive sur la liste des grands romanciers anglais. Il faut dire cependant que les Pictures from Italy n'ont jamais eu beaucoup de succès, et cela se conçoit à merveille. Dickens ne comprend pas le beau, et est tout à fait incapable de sentir ce qu'il y a d'émouvant dans les ruines où la poésie se mêle à l'histoire, et où le passé tout entier se déroule devant nous. Naples, Rome même ne lui disent rien; il ne voit au pied du Vésuve que de sales Lazzaroni déguenillés et repoussants; il voudrait retrouver dans la ville éternelle le macadam de Piccadilly et les allées de Kensington-Garden's. Malgré tout cela, ce deuxième volume est amusant, et lorsque Charles Dickens a l'occasion de décrire des caractères excentriques ou des scènes de la vie privée à Londres, il reprend tous ses avantages. Je vois avec plaisir que les nombreuses erreurs qui s'étaient glissées dans le tome premier sont corrigées; il y en avait de quoi remplir trois bonnes pages, ce qui est passablement scandaleux.

GUSTAVE MASSON.

HISTOIRE

Une Excursion en Espagne, par R. BAUMSTARK, traduite par M. le baron DE LAMEZAN. Paris, Tolra, 1872. In-8 de 473 p. Prix : 6 fr.

Ce livre ne s'adresse particulièrement à aucune classe de lecteurs, et par cela même peut être lu par toutes avec un certain intérêt. C'est Don Quichotte qui a conduit M. Baumstark en Espagne. Il a souvent vu ce pays, quoiqu'il l'ait parcouru rapidement, et rapidement aussi il a dû écrire son volume. L'auteur a cette apparente bonhomie germanique dont nous étions dupes avant 1870. Toutefois la France est dans ce volume l'objet de quelques épigrammes par lesquelles on reconnaît de toutes les manières que l'on a affaire à un Allemand. M. Baumstark l'est au point de regretter, en admirant la bonne tenue des soldats espagnols, qu'ils ne portent pas le casque à pointe prussien, et ne trouve pas de plus beaux compliments à adresser au ciel de Burgos que de le comparer à celui de la Bavière. Les détails sur les diners et les couchers révèlent aussi l'origine de l'auteur. Peut-être eussent-ils cédé avantageusement la place à quelques réminiscences historiques et littéraires. Ces dernières surtout sont très-clairsemées dans le livre de M. Baumstark. Cordoue n'amène même pas sous sa plume le nom de Juan de Mena, Barcelone ne lui rappelle pas Henri de Villena, et à peine s'y souvient-il des troubadours qui eurent là un célèbre consistoire de la gaie science. L'auteur ne semble pas trop se douter que le Catalan soit une langue qui longtemps a lutté contre le Castillan, et il s'impatiente d'entendre les habitants de Barcelone parler leur idiome, qui ressemble trop au français. Si M. Baumstark n'est pas bienveillant pour nous, il l'est beaucoup pour l'Espagne. Il y trouve tout bien, les Posadas et le gouvernement qu'elle avait en 1867. Les événements se sont chargés de lui montrer que sur ce dernier point il était trop optimiste. Nous désirons vivement qu'il ait été bon prophète en annonçant la régénération des Espagnols. Il arrive du reste à cette conclusion plutôt par une sorte d'inspiration que par des considérations politiques, philosophiques et morales, mais croit que cette régénération, -et ici nous sommes parfaitement d'accord, ne peut se produire que par le catholicisme et la monarchie. M. le baron de Lamezan nous paraît s'être acquitté avec beaucoup de succès de sa tâche. On ne croirait pas que l'on a sous les yeux une traduction tant le style est aisé et naturel. Faut-il, par une observation bien minutieuse, montrer à M. de Lamezan que nous l'avons lue avec attention? Pourquoi emploie-t-il plusieurs fois le mot rancuneux? Espérons que cette petite remarque ne lui inspirera aucun sentiment rancunier à notre égard. Espérons aussi qu'il fera encore passer dans notre langue d'autres livres allemands. Ce ne sont pas seulement ceux que l'on aime qu'il faut bien

connaître. En lisant, il y a cinq ans, le livre de M. Baumstark, nous y aurions trouvé quelques indices d'une haine que nous ignorions, et dont, comme député à la chambre badoise, l'auteur d'Une excursion en Espagne a, nous le croyons, donné d'autres preuves en 1870.

TH. Р.

A search after Sunshine, or Algeria in 1871, by lady HERBERT. London, Bentley, 1872. In-8 avec grav. Prix: 23 fr.

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livres publiés en Angled'abord la difficulté de se

Nous connaissons trop peu en France les terre, et cette ignorance a plusieurs motifs procurer ces ouvrages, puis leur prix toujours élevé, enfin l'ignorance trop fréquente de la langue anglaise. Les catholiques français auraient pourtant profit et plaisir tout ensemble à lire les œuvres de Lady Georgiana Fullerton et de Lady Herbert of Lea. Le volume dont nous parlons ici, contient le récit d'un voyage en Algérie, fait dans l'hiver de 1871, au moment de la guerre entre la France et l'Allemagne. L'intrépide voyageuse se soucie peu des dangers; elle n'a pas peur des insurrections; du littoral au désert, elle parcourt le pays tantôt à cheval, tantôt en voiture, tantôt en chemin de fer; elle demeure dans les palais, dans les auberges et sous la tente. Les établissements catholiques, les maisons de sœurs, les orphelinats, les asiles attirent particulièrement l'attention de lady Herbert, dont le voyage est un véritable pèlerinage. Il est curieux de connaître les jugements d'une voyageuse aussi intelligente et aussi distinguée sur notre colonie française. De beaux dessins, dus aux crayons de l'auteur, contribuent à faire de ce volume, édité avec luxe, un ouvrage particulièrement intéressant. CH. DE FRANQUEVILLE.

Handbuch der universal Kirchengeschichte (Manuel d'histoire ecclésiastique universelle), von Dr JOHANNES ALZOG. Neuvième édition. Mayence, Kupferberg, 1872. 2 vol. in-8 de 744 et 676 pages. Prix: 13 fr. 25.

Un ouvrage auquel échoit en partage la rare fortune d'arriver à sa neuvième édition, et qui a été traduit dans tant de langues, n'a plus besoin d'être loué. Qu'il nous suffise de dire quelques mots de la différence qu'il y a entre les huit premières éditions et celle que nous annonçons. Les sept premières éditions n'étaient qu'un précis (Lehrbuch) destiné plutôt à servir d'auxiliaire aux cours du professeur, qu'à en dispenser. Mais comme la masse des matériaux dont se compose une histoire ecclésiastique universelle va s'accroissant d'une édition à l'autre, l'auteur se vit, dès la huitième édition, forcé de faire de son Lehrburch un Handbuch (manuel), de le faire paraître en deux volumes,

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