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L'auteur de la Notice fait suivre son exposé d'un certain nombre de vœux tendant à l'adoption de mesures qui, suivant lui, amélioreraient la situation des communes rurales. Une note rappelle, à ce sujet, que la Société des agriculteurs, en couronnant le livre, a entendu laisser à l'auteur l'entière responsabilité de ses opinions. Les propositions paraissent, en effet, comporter plus d'une réserve. On peut facilement tomber d'accord, en principe, avec M. Paul Gleyrose sur divers points, comme la simplification de la justice et la réduction de ses frais, mais il en est d'autres qui touchent à des questions plus complexes encore et sur lesquels il y aurait bien à dire.

Les notes justificatives insérées, en annexe, à la fin du livre de M. Gleyrose, sont assez nombreuses : nous croyons devoir citer les suivantes (nous conservons presque entièrement l'ordre qui n'est pas très méthodique):

Liste des titulaires du prieuré de Peyrusse, remontant à 1396 et tirée des minutes des notaires locaux;

Liste des consuls, échevins et maires remontant à 1249;

Ancien inventaire des archives de la ville dressé en 1539;

Tableau de la valeur des denrées, à diverses époques, de 1343 à 1780, (blé, seigle, avoine, prix divers);

Ressort du bailliage de Peyrusse en 1349 (total: 97 paroisses);
Liste des notaires ayant exercé à Peyrusse, remontant à 1286);
Note sur Peyrusse (1737);

Procès-verbal d'une élection de consuls à Peyrusse (4 novembre 1708, pour l'année 1709):

Lettre adressée, le 17 février 1735, par l'Intendant de la Généralité de Montauban, au maire et aux consuls de Peyrusse au sujet de la régence des écoles de la ville;

Extraits de délibérations de la Communauté en date du 6 octobre 1771 et du 25 janvier 1778;

Arrêts du Conseil d'État, en date du 12 novembre 1752 et du 18 novembre 1778, relatifs à l'hôpital et au château de Peyrusse;

Impôts de la Communauté de Peyrusse pour l'exercice 1780;

Recettes et dépenses pour l'année 1639 et pour les années 1784 et 1884; Déclaration des consuls de Peyrusse faite, le 1 août 1668, sur les droits respectifs du Roy et de la Communauté;

Tableau comparatif de la taille imposée à Peyrusse depuis 1639 jusqu'à 1789.

Charles TRANCHANT.

(1) Les Gleyrose remontent, dans cette liste, à l'année 1578; ils ont exercé sans interruption de 1781 à 1899. Sur la liste des consuls ils figurent, pour la première fois, en 1740.

LA BANQUE DE LAW, D'APRÈS UN CHRONIQUEUR ANGEVIN.

L'histoire de Law et de ses théories économiques est bien connue. Le document que j'ai l'honneur de communiquer au Comité des travaux historiques ne peut modifier en rien l'opinion, plutôt bienveillante, qui s'est établie, depuis quelque temps déjà, sur les idées et sur la personne même du célèbre financier. La portée en est beaucoup plus modeste. C'est tout simplement le récit de la banqueroute de 1720, rédigé, sans aucune prétention littéraire, par un modeste chroniqueur, qui fut le témoin des ruines accumulées dans sa province par la dépréciation du papiermonnaie : aux termes dont il se sert, à l'indignation qui transpire presque à chaque ligne de sa narration, on sent qu'il partage l'animosité de ses contemporains contre le «perfide Anglois"; Law n'est plus pour lui «Monseigneur le controlleur général (1)», c'est l'-bipocrite fils aisné du diable». A ce titre, la pièce est assez curieuse et mérite d'être mise en lumière. Ces quelques pages sont empruntées au Journal (2), qui forme le cinquième livre du Cérémonial de l'Église d'Angers, composé par Mr René Lehoreau, sieur du Fresne, prestre, maire-chapelain de Rüe Chèvre, en la mesme église". L'ouvrage encore inédit, appartient à la bibliothèque de l'évêché d'Angers.

Le Journal de Lehoreau commence au mois de décembre 1699 pour se terminer au mois de mars 1724.

-M. le Régent, voulant rendre la nouvelle Compagnie [des Indes], établie d'abord sous le nom d'Occident et ensuite sous le nom des Indes, la plus florissante de l'Europe, lui attribua par différens arrests toutes les fermes générales, celle du tabac, le bénéfice apartenant à Sa Majesté sur les monoyes, la propriété de la Louisiane (apelée vulgairement le Missisipi, du nom du fleuve qui arose cette grande contrée), avec beaucoup d'autres avantages. Une multitude de François et d'étrangers s'empressèrent de s'intéresser dans cette compagnie. Les actions qui n'étoient d'abord qu'à 500 (encore ne s'achetoient-elles pas pour lors, qui en billet de monoye ou d'état et autres papiers absolument discrédités) montèrent insensiblement jusqu'à 10,000 *. De là vinrent ces richesses énormes de tant de personnes auparavant inconnues qu'il plut à l'aveugle fortune d'élever au haut de sa voüe, tandis qu'elle précipitoit dans une afreuse indigence les plus opulentes familles (").

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(3) Cf. E. LEVASSEUR, Recherches historiques sur le système de Law; Paris, Guillaumin, 1854; P. BONASSIEUX, Les Grandes Compagnies de commerce ; Paris, Plon, 1892, p. 369-377

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Cette compagnie si fameuse ne garda pas longtemps cette première splendeur. La première cause de sa décadence fut son union à la banque du sieur Law, que nous nommons ici Lasse (1), ce perfide Anglois qui avoit été obligé de sortir de sa patrie à cause d'un duel. Après avoir été rebuté dans plusieurs cours, où il fut regardé comme un esprit dangereux, [i] trouva le moien de s'insinuer dans l'esprit du Régent de France, Philippe de Bourbon, duc d'Orléans, par l'espérance qu'il lui donna de rependre en peu de temps l'abondance dans le roiaume. Il fut l'inventeur du système trop meux des billets de banque qui, en ruinant la Compagnie des Indes, que l'on prétendit rendre comptable de tout le papier répendu dans le public par le sieur Law sans sa participation, a aussi jetté toute la France dans la désolation. Le Parlement, dans ses remontrances, remarque fort judicieusement que ce système, en six mois de paix, a fait plus de tort aux sujets du Roy, que vingt années de la guerre la plus cruelle.

On fabriqua en vertu de divers arrests du Conseil d'État pour 2 milliards 600 millions de billets de 10,000, de 1,000, de 100, de 50 et de 10", sans y comprendre ceux que ce scélérat et diabolique homme, qui fut honoré de la charge de controlleur général des finances, fit répendre dans le public, de son autorité privée, et les autres billets des cours souveraines; car il y a un abisme de billets faux, qui causent la totale ruine de la pauvre France. Il essaya de nous endormir par plusieurs beaux projets, tels que l'établissement de cazernes pour le logement des troupes, la réparation des grands chemins qui devoient estre bordez de larges fossez et plantez de beaux arbres, etc.; mais ces magnifiques desseins avortèrent. C'étoit aussi pour nous lurer que cet hipocrite fils aisné du diable donna 50,000 de rente à l'hôpital général de Paris. On peut voir à Angers le commencement de cazernes, dans le champ de foire (2).

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C'était, en effet, la prononciation usuelle: Law's.

(*) La première pierre de cette caserne fut posée solennellement, le 11 mai 1720. Voici d'ailleurs le récit officiel de la cérémonie, d'après le registre des délibérations du Corps de ville M. le Maire a dit que le Roy ayant formé le dessein de faire bastir des cazernes dans les lieux de passage de ses troupes, il a été choisy un lieu, proche l'avant-mail de cette ville pour en bastir; que, les fondements en étant fails, les entrepreneurs desdites cazernes sont venus supplier ce corps d'y poser la même pierre. Sur quoy, la Compagnie a délibéré qu'elle se transportera audit lieu; et au mesme instant toutte la Compagnie est partie de la chambre du Conseil, précédée des maistres entrepreneurs desdites cazernes et jurez des architectes, ayant leurs étendards developpez et portant la pierre sur une espèce de brancard garny de fleurs, des huissiers, des gardes, tambours, fifre et trompette de cet hôtel; et la Compagnie étant arivée audit lieu, lesdits maistres entrepreneurs ont présenté à M. le Maire une truelle, lequel a pozé et massonné ladite pierre; et ensuitte la Compagnie est retournée à cet hôtel, avec le mesme ordre qu'elle étoit allée et a fait une gratiffication auxdits entrepreneurs." (Arch. mun. BB 107 f. 3).

La construction, inaugurée en si grande pompe, ne fut pas continuée.

Le clergé et les États de Bretagne et des autres provinces furent forcez de ruiner leurs créanciers en les remboursant en papier. Le Roy fut subrogé dans les droits de ces créanciers. Le clergé et les États y profitèrent en apparence par la réduction des rentes qu'ils devoient, qui fut faite d'abord à trois pour cent, et ensuite à deux pour cent, c'est-à-dire au denier cinquante.

Mais dans la vérité c'estoit pour eux une pure perte, puisque les particuliers et les compagnies qui composent ces grands corps et qui en étoient créanciers furent par là précipitez dans une ruine totale.

Les hôpitaux, les fabrices des paroisses, les communautéz ecclésiastiques séculières et régulières, surtout celles des filles, et tant d'autres personnes, qui n'avoient pour tout bien que des rentes constituées, furent réduites à l'indigence par l'amortissement qui leur en fut fait en cette malheureuse monoye (billets de banque), que Sa Majeste fut ensuite obligée de décrier au premier novembre 1720 . Les plus heureux furent ceux qui purent faire consentir leurs débiteurs à réduire leurs rentes au denier 50 : ils perdoient par là trois cinquiesmes de leur bien; mais ceux qui furent remboursés en billets en perdront selon toute apparence le total.

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De là vint la nécessité où furent les administrateurs de l'hôtel-Dieu d'Angers, lorsqu'ils se virent chargez de plus de 300,000* en papier, de réduire leurs malades au nombre de cent, quoique par sa fondation le nombre n'en soit point limité, et que tout le monde, même les étrangers, y dussent estre reçus sans distinction (2). On avoit vu jusqu'à cinq cent un pauvres dans cette magnifique maison.

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L'hôpital des Renfermez (3) de la même ville souffre encore plus, n'aiant aucun bien de fond; et se voiant chargé de 200,000 # en billets, le nombre de ses pauvres fut diminué de plus de cent, et on étoit à peine en état de donner du pain à ceux qui restèrent.

(1) Au livre VI de son Cérémonial (p. 142), Lehoreau revient sur le même sujet et ajoute: «En 1720, le chapitre de S. Maurice a réduit au denier trentetrois 40,000 écus qui lui étoient dus par le Clergé. Ainsi les gaignages ont bien diminuez. Le tout par le conseil du plus scélérat des hommes, dit Law ou Lasse. La Lourse des anniversaires y est pour 70,000 livres : le tout selon les mémoires qu'on m'a mis en main.....»

(2) Dans le seul compte de l'année 1790, Louis Thorode, receveur de l'hôtelDieu Saint-Jean-l'Évangéliste demande... luy estre allouée la somme de 11,161 # 5* 1a qu'il a eu de perte sur les espèces d'or et d'argent et monnoye qu'il avoit en main, lors des diminutions arrivées sur lesdites espèces pendant le cours de l'année (Arch. de Maine-et-Loire, H.-D. E 314, fol. 160)". La magnifique salle des malades» de l'Hôtel-Dieu a été conservée. On y a installé le Musée archéologique.

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(3) L'hôpital des Renfermés ou Hôpital général avait été établi dans la seconde moitié du XVIe siècle. Sur la situation financière de l'Hôtel-Dieu et de l'hôpital des Renfermés, en 1720 et 1721, cf. Arch. mun. BB 107, f. 14 et 15.

Les monastères de Sainte-Catherine ("), du Calvaire (2), de la Fidélité (3) de la dite ville eurent plus de part que les autres à cette désolation, et on a tout lieu de craindre de voir ces saintes filles dans la nécessité d'aller chercher dans le monde le pain qu'elles ne trouveront pas longtemps chez elles, si la Providence n'y pourvoit par quelque moyen au-dessus de la prévoiance humaine (").

Les autres provinces ne furent pas plus épargnées que la nôtre, mais je ne parle que de ce qui s'est passé sous mes yeux. Le conseil du Roy est occupé depuis un an (aoust 1721) à chercher les moyens de réparer tant de maux, mais ils paroissent sans remède à presque tous les membres de cette auguste compagnie, qui pensent à les adoucir, plutôt qu'à les guérir. Je n'aurois jamais fait, si je voulois rapporter toutes les variations et

(1) Le monastère de «Notre-Dame de Sainte-Catherine, de l'étroite observance de Citaux, appelé aussi Oratoire de la Tour, avait été fondé en 1634. (2) Les Bénédictines du Calvaire avaient été appelées à Angers par Marie de Médicis en 1619.

(3) Les religieuses de la Fidélité ou de Notre-Dame-de-Bon-Conseil étaient des Bénédictines. Leur maison avait été établie en 1 1632.

(4) A ces trois communautés de la ville d'Angers citées par Lehoreau, il faut ajouter les Carmélites, qui songent, en 1734, à «aliéner leurs fonds: les remboursemens qui leur ont été faits en billets de banque, en 1720, les ont réduittes en cet état».

Les cordelières de Saint-Florent-le-Vieil ont été remboursées, en 1730, en billets de banque, de 14,730# de contrats de constitution provenant des dots qu'elles avoient eu». Dix ans plus tard, elles avaient encore la liquidation qui en a été faite à moitié, dont elles n'ont fait aucun usage». Les religieuses du même ordre, établies à la Flèche et à Château-Gontier, furent réduites à la misère. Les maisons religieuses de Saumur ne furent pas plus heureuses que celles d'Angers. Voici ce qu'écrit, en 1734, Robert de Lesseville, intendant de la généralité de Tours, au sujet de la Fidélité : «De toutes les communautés établies à Saumur, celle cy a le plus à souffrir par les événemens de l'année 1720. Leur revenu consistoit en rentes hipothécaires, dont les principaux leur ont été remboursez en billets de banque, que ces religieuses ont presque totalement perdus par la confiance qu'elles ont eu aux personnes qui avoient bien voulu s'en charger. Ces disgraces ont réduit cette communauté dans une très grande disette. Des personnes charitables, touchées de leur état et remplies de commisération, leur ont procuré dans les premiers temps des secours capables de les soulager, mais ces secours ont cessé.....”

Les Ursulines de la même ville ront pareillement souffert, dit encore l'intendant, des remboursemens considérables, en 1720, en billets de banque, dont elles ne tirent qu'un revenu médiocre».

La Visitation a moins souffert par le remboursement en billets en banque, par la précaution qu'elle a eû d'en placer une partie et de suivre exactement les débouchez qui ont été indiquez».

Cf. Arch. nat., G. 9/619 no 10.

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