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et nous vous offrons de partager avec nous l'honneur d'assurer, non pas à I inconduite des dédommagements, ny l'aliment à la fainéantise, mais à l'indigente probité des secours, à la vertu malheureuse des ressources, à l'honnête industrie des avances.

Nous vous envoyons la copie d'un arrêté provisoire que nous avons fait concernant la Caisse de bienfaisance générale, dont nous avons fait les premiers fonds.

-Aidés-nous, citoyens, à élever cette fille de notre patriotisme; expliqués au peuple les espérances qu'elle donne; excités les citoyens aisés et les riches à garnir son berceau de leurs offrandes; vos exhortations seront d'autant plus efficaces que vous y joindrés la meilleure des leçons, votre exemple!

Ah! si la piété patriotique et l'amour de l'humanité, qui sont la vraye religion de l'honnête homme et du vray républicain, remplaçoient enfin dans tous les cœurs la dévotion susperstitieuse et les extravagances du fanatisme, vous feriés aisément reflüer dans la caisse générale de bienfaisance l'argent perdu pour le peuple, que des procureurs tonsurés lui soutiroient constamment sous le nom de casuel. Bientôt la mendicité disparaîtroit et la misère cesseroit de fouiller le sol de l'Égalité, de la Fraternité et de la Liberté.

Écoutons, citoyens, la voye de l'intérêt public qui nous crie de nous rapprocher, de nous aimer, de nous unir: notre union sera le rocher où viendra se briser la rage impuissante de nos ennemis; notre union nous défendra contre les calamités qui attaquent l'espèce humaine.

Ah! quel est l'insensé qui se croit sûr que ny lui ny les siens ne seront jamais dans la peine, qu'ils n'auront jamais besoin du secours de leurs frères ?

Quelle est la commune égoïste où l'on peut dire : jamais es orages ne dévasteront nos champs, jamais l'incendie ne consumera nos habitations; jamais les maladies contagieuses, ny la guerre, ny la famine n'apporteront dans nos familles la désolation et la mort ?

I importe donc à toutes les communes du cantou d'avoir des représentants dans la Société populaire du chef-lieu. Engagés quelques-uns de ces hommes sans reproches qui habitent votre commune, de ces patriotes qui vous ressemblent et dont la besogne plus que le bruit distingue le patriotisme à s'attacher à notre société, à suivre nos séances; leurs places y sont retenues par leur bonne réputation.

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En bons républicains, nous nous devons les uns aux autres, et à la patrie entière le tribut, non seulement de notre bienfaisance, mais encore de nos idées et de nos connoissances locales sur les personnes et les choses, sur les besoins et les ressources.

-Alors le civisme, en circulant avec vivacité dans toutes les parties de notre territoire, y portera le bonheur, comme le sang porte la vie dans tous les membres du corps humain.

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Suit la teneur de l'arrêté de la Société populaire d'Harcourt :

ARTICLE PREMIER. Les fonds versés ou qui le seront par la suite dans la caisse de bienfaisance ne pourront dans aucun cas ny sous quelque prétexte que ce soit être appliqués à d'autres usages,

ART. 2. Les offrandes des sociétaires ou autres sont entièrement libres et toute taxe à cet égard est proscrite.

ART. 3. Les dons ou prêts provoqués par les sociétaires en faveur de la vertu indigente sont délibérés et mis aux voix, séance tenante, et sont effectués sur un arrêté de la société, signé du président et d'un socié– taire.

ART. 4. Les sociétaires ne seront reçus à invoquer les secours de la société que pour les indigents domiciliés dans leur commune respective.

ART. 5. Celui qui ayant reçu les secours de la société rapporte à la caisse la somme dont l'usage l'a mis à portée de rien avoir plus besoin, est inscrit au procès-verbal, et il est honorablement recommandé à l'estime de ses concitoyens.

ART. 6. Le trésorier tient un registre séparé des citoyens non sociétaires qui déposent leurs offrandes dans la caisse de bienfaisance; leurs noms, quelle que soit la somme qu'ils donnent, sont proclamés pendant la séance et inscrits au procès-verbal.

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ART. 7. Le trésorier rend compte, le premier decadi de chaque mois, des sommes qu'il a payées, de celles qu'il a reçues, et de l'état de la caisse. ART. 8. Il sera écrit par le comité de bienfaisance à toutes les... etc. etc. (1).

Le 11 floréal, en effet, les membres du bureau de la Société populaire d'Harcourt envoient à celle de Bernay l'arrêté concernant la caisse de bienfaisance générale qu'ils voudraient bien établir d'une manière solide; ils y joignent un exemplaire de l'adresse qu'ils ont en conséquence résolu d'envoyer aux municipalités du canton. Ils ont envie de bien faire et, pour cela, ils s'appliquent à suivre les traces de la Société populaire de Bernay dans la carrière patriotique.

Est-il besoin de dire que la piété patriotique d'Harcourt ne parvint pas à élever sa fille", ni à remplacer les merveilles de la charité que la Société populaire d'Harcourt appelait les extravagances du fanatisme»?

Les fameuses caisses de bienfaisance civique ne purent triompher de l'égoïsme, et elles disparurent, en 1795, avec les Sociétés populaires.

A l'occasion du projet soumis à la Chambre et tendant à la (1) Arch. de la mairie de Bernay. (Soc. populaire.)

suppression de l'article 298 du code civil, M. VUACHEUX, publiciste au Havre, rappelle le travail qu'il a lu au congrès de Toulouse de 1899 et tendant à la modification des articles 228, 238 et 296 du même code.

M. LE PRÉSIDENT fait savoir que le travail de M. Vuacheux, compris dans la publication des travaux du précédent congrès, doit paraître prochainement et que la discussion soulevée à nouveau par lui, n'étant pas à l'ordre du jour de la Section, ne peut donner lieu à un échange de vues approfondies.

SÉANCE DU VENDREDI 8 JUIN 1900.

SOIR.

PRÉSIDENCE DE M. CH. TRANCHANT.

Assesseur M. le conseiller Pascaud, de la Société de législation comparée.

:

Secrétaire M. Georges Harmand, avocat à la Cour, membre de la Société de législation comparée.

La séance est ouverte à 2 heures.

M. FLOUR DE SAINT-GENIS, président de la Société des sciences historiques et naturelles de Semur, lit le mémoire suivant sur la 8 question du programme: Rechercher dans une région de la France et pendant une période déterminée, à partir du xv siècle, l'effort de la population rurale pour acquérir la terre.

La propriété individuelle, dernière et suprême étape de la civilisation libre, a été créée, en ce qui concerne l'exploitation rurale, par les exigences de l'utilité générale; elle n'a reçu sa consécration définitive que par la Révolution française, qui la mit, avec la liberté civile, au rang des droits naturels et imprescriptibles de l'homme.

Il est donc particulièrement intéressant, pour l'histoire générale de l'humanité, de rechercher quelles sont les époques où l'effort de la population rurale, pour acquérir la terre, s'est manifesté avec le plus d'intensité et d'énergie.

Du Ix au XI° siècle, le besoin de protection accumula dans les mêmes ma'ns la propriété territoriale; les petits propriétaires, les laboureurs, les fugitifs se remirent, eux et leurs biens, à la discrétion du seigneur laïque ou ecclésiastique qui leur assurait paix et défense. Il y eut en même temps, sous la pression des circonstances, sur tous les points du territoire, un mouvement universel de concentration, d'agglomération.

Au xir siècle, nouvelle évolution, à la concentration succède le morcellement. A cette époque, l'homme était devenu rare, les friches et la forêt avaient repris possession des cultures gallo-romaines, les croisades dépeu

plaient le pays de tous les bras valides, tandis que les seigneurs, endettés les frais de ces expéditions lointaines, cherchaient à s'assurer des revenus par des concessions de toutes sortes.

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L'abolition du servage, à partir du xI° siècle, ne fut qu'un expédient financier qui prit, selon les régions et les temps, les formes les plus variées (1). Il y eut toujours des affranchissements individuels et isolés, motivés par des considérations religieuses ou personnelles; mais l'affranchissement économique, quasi universel, qui s'accentue en France au x1° siècle, a pour conséquence immédiate une transformation radicale dans le mode d'exploitation du sol. Après avoir appartenu au seigneur féodal et, concurremment avec lui, aux moines et aux prêtres), la terre allait enfin retomber aux mains des laboureurs.

On admet généralement que l'affranchissement ou, pour parler avec plus de précision, le rachat du servage à prix d'argent (pour un capital ou une rente) a précédé le morcellement par le bail à cens (); il est malaisé de fixer à ces changements des périodes et des règles qui ne seraient pas hypothétiques; et il est permis de croire, au vu de certains textes, que dans nombre de cas les deux évolutions furent simultanées et qu'en fait le serf affranchi se racheta en contractant une nouvelle forme d'engagement.

Le serf censitaire n'était maître ni de son corps ni de son héritage, et le cens auquel il était tenu pouvait varier au gré du seigneur, d'où l'expression de homme taillable et corvéable à merci.

Le bail à cens du paysan affranchi est une vente définitive, effectuée moyennant un revenu invariable au lieu de l'être pour un prix principal une fois payé. Le travail étant plus rare que la terre se mettait en quelque sorte à l'enchère, et les deux contractants y avaient avantage. Le seigneur ou le couvent, possesseur d'espaces stériles, meublait sa terre, comme on disait alors, en y attirant des laboureurs qui faisaient souche et créaient

(1) Telle charte de grâce ou de libération, accordée par une abbaye de Bénédictins à ses serfs et que relate M. d'Avenel (Histoire économique, I, 169), est un expédient financier. Le monastère était criblé de dettes, dit le rédacteur du document, pour s'excuser de laisser dépérir ses droits, de manger en quelque sorte son capital, en aliénant la mainmorte pour de l'argent.

(2) Les trois étapes du progrès sont nettement caractérisées : ce vaste domaine, aux trois quarts inculte, qui nourrissait maigrement un guerrier et des serfs inertes, des centaines de moines y avaient trouvé la vie, et aujourd'hui, morcelé et divisé, son prix allait décupler sous le rude effort du manant travaillant pour lui-même. (3) Les auteurs qui ont approfondi ces questions spéciales, et notamment M. Léopold Delisle, constalent qu'en Bretagne, dès le 1x siècle on ne trouvait plus de serfs que dans le pays de Léon; qu'en Normandie, dès le x11° siècle, on ne cite plus de trace du servage, pas plus que dans le Languedoc et le Roussillon, au XIII. Par contre, il y avait encore en Bourgogne, à la veille de la Révolution, des paroisses tout entières restées serves.

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