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cher sans bouleverser toute notre société française contemporaine. L'orateur se déclare partisan de la suppression pure et simple du baccalauréat, mais sans croire qu'il y ait en France une puissance capable d'exécuter une telle réforme.

Le mémoire suivant de M. VAUTHIER, ingénieur des ponts et chaussées, membre de la Société de statistique de Paris, est lu par M. H. Combes :

C'est, semble-t-il, au premier abord, employer un bien gros mot que de parler d'importance sociale à propos du baccalauréat. La question ainsi posée vaut cependant la peine d'être examinée.

Le baccalauréat, en son sens positif actuel, est un brevet dont le but est de constater que celui qui l'obtient a fait, avec succès, dans l'ordre littéraire ou scientifique, certaines études, sans application pratique immédiate, définies dans des programmes déterminés. C'est, à la fois, le couronnement, pour ses diverses branches, de l'enseignement secondaire que distribue l'Université française, et le témoignage que celui à qui le brevet est décerné a été capable d'accomplir certains efforts de gymnastique intellectuelle.

Les épreuves à la suite desquelles ce brevet est accordé sont-elles judicieusement réglées?

La sélection qui en résulte donne-t-elle de suffisantes garanties? Les programmes des matières sur lesquelles portent les examens sont-ils bien établis et dans un rapport convenable avec les besoins de la vie moderne?

Ce sont là certainement des questions fort importantes. Mais elles peuvent être débattues, et résolues autrement qu'elles ne le sont aujourd'hui, sans que cela touche à l'institution du baccalauréat elle-même. Sous ce rapport, les discussions pro et contra des spécialistes passent à côté de la question.

Qu'au lieu de faire dépendre l'obtention du brevet d'un examen unique -soumis, en dehors de toute appréhension de faveur illicite, à des aléas dangereux tant en ce qui touche l'examiné que les examinateurs, attribue une certaine valeur nettement définie aux résultats constatés dans

on

le cours des études par des livrets scolaires bien tenus; qu'on perfectionne, à cet égard, autant que la différence des situations le comporte, les errements routiniers usuels par l'imitation de ce qui se pratique dans nos grandes écoles savantes, tous les partisans du baccalauréat y applaudiront, et les garanties que le brevet est justement accordé en deviendront plus complètes. Mais, si les défectuosités réformables de la procédure suivie diminuent, en fait, la valeur qui s'attache au brevet accordé, elles n'en infirment pas le principe.

Il en est de même des programmes des matières enseignées sur lesquelles portent les épreuves.

Pour les brevets de diverses sortes, les sciences et les lettres sont-elles bien choisies, bien pondérées, et leur enseignement est-il, pédagogiquement, sans reproche ? Quid de l'étude des langues anciennes ? Lui fait-onla place trop large ou trop étroite? Quelle part donner à l'étude des langues modernes ? Ces questions et mille autres peuvent être examinées, débattues et tranchées, et les programmes aussi bien que les modes d'enseignement modifiés selon ce qu'on estime mieux s'adapter aux nécessités de la vie pratique. Mais évidemment, comme pour les procédés d'examen, cela reste en dehors de la question du principe lui-même.

C'est cependant, presque toujours, sur ce terrain à côté que se porte le débat, et le baccalauréat trouve son delenda Carthago à la suite de toutes les études qui arrivent à y signaler quelque vice de forme ou de fond. Que certaines institutions spéciales, sortes de fours à éclosion, entraînent aux examens à l'aide de la mémoire seule, de ce ce fait constaté jaillit, contre le baccalauréat, un arrêt de proscription. D'illustres autorités sont invoquées. On prête à un éducateur éminent, longtemps grand maître de l'Université, ces mots : «Nous voudrions faire des hommes à la bourgeoisie française; elle nous demande des bacheliers; nous lui en donnons." Qu'est-ce donc qui empêchait Victor Duruy, s'il en savait le moyen, difier ses programmes de façon à viriliser le baccalauréat? Le mot qu'on lui prête est absurde. D'autres bouches surgissent des arguments d'un genre différent. Il semble que le baccalauréat soit lié indissolublement au grec et au latin; et, des langues anciennes, il n'en faut plus! Elles n'ont aucune utilité dans la vie pratique, et d'ailleurs on les oublie. Elles ne servent qu'à former des lettrés. Sus donc au baccalauréat! Qu'on demande ce que pensent de tout cela les Universités allemandes et les grandes institutions de nos voisins d'Outre-Manche, qui bourrent de grec, avant de les lancer sur le globe, leurs entreprenants disciples. Quant à déclarer inutiles les matières d'enseignement qu'on oublie, songe-t-on en parlant ainsi aux services de gymnastique intellectuelle qu'elles ont rendus, et qu'elles étaient plus que d'autres aptes à rendre?

Laissons de côté ces polémiques fragmentaires, portant presque toutes à faux, et envisageons la question sous son vrai jour. En principe, quelle est-elle ?

Est-il exact, en prenant les choses d'enseignement de haut, qu'il y ait, pour qui veut s'élever au-dessus de l'enseignement primaire, lequel fournit des outils de travail, mais ne contient rien ou presque rien de la science, une phase d'élaboration intermédiaire acheminant aux études d'application, mais qui ne donne elle-même, directement, aucune connaissance immédiatement utilisable? Ce n'est pas là une fiction logique. C'est un fait d'observation. C'est pour cette phase que se sont créées les Universités du

moyen âge, d'où est sorti par une évolution presque inconsciente notre enseignement secondaire.

Qu'on abrège autant que faire se peut cette phase du développement intellectuel, stérile en elle-même, mais si utile, par les forces que l'esprit y gagne, à ceux qui l'ont fructueusement traversée; rien de mieux. Que sous la pression de certaines nécessités pratiques, on réduise, pour une part des cerveaux, la durée normale de cette phase, par des bifurcations constituant des arrêts regrettables de développement; cela peut s'admettre encore. Mais, s'il est vrai que cette phase existe forcément, ainsi que le confirme l'étude objective du développement cérébral, dans son passage de l'enfance à la pleine adolescence, il faut en prendre son parti, et ne pas essayer maladroitement d'abolir cette période intermédiaire.

La convenance d'y avoir égard démontrée, et toutes réserves faites, tant au sujet de l'appareil de gymnastique intellectuelle à employer que relativement au moyen de constater l'usage qui en a été fait, convient-il ou non que cette constatation ait lieu, et qu'il existe un signe qui en fournisse témoignage? C'est là la vraie question, et il semble — tant l'évidence s'impose que la poser soit la résoudre.

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Comment rendre évidente l'élaboration intellectuelle accomplie? Le résultat ne s'en lit pas sur le visage. Celui qui en voudra la preuve procédera-t-il à des essais? Ce serait retomber, avec mille chances d'erreur, dans le système des examens que certains ennemis du baccalauréat proscrivent. Une seule objection est valable. Le diplôme, non accessible à tous, confère à ceux qui le possèdent une supériorité qui, décevante peut-être, constitue dans tous les cas une inégalité contraire aux principes fondamentaux de notre statut civil et politique.

C'est ici, justement, que la question prend de l'ampleur et que se justifie la forme dans laquelle elle est posée.

Oui, le baccalauréat constitue un classement et, par là même, une inégalité. Oui, il importe que ce classement soit bien fait. Oui, il est regrettable que tous ne puissent pas, si leur aptitude intellectuelle s'y prête, concourir à l'acquisition de cette marque distinctive.

Mais, cette dernière réserve faite, et il ne peut entrer dans le cadre de cette courte étude de résoudre, à propos du sujet qu'elle ébauche, la question sociale, ne fût-ce qu'en ce qui touche aux moyens, pour la société, d'assurer à tous ses enfants l'égalité au point de départ, - affirmons la convenance d'un classement, et ne craignons pas de réagir contre l'utopie déprimante d'une égalité absolue que la nature des choses repousse.

Dans sa déclaration des droits, la grande Constituante a proclamé des principes abstraits, qui ne sont pas tous d'une justesse indiscutable. Inclinons-nous néanmoins devant le puissant et magnifique mouvement philosophique de l'immortel xvII° siècle, d'où ces principes sont sortis.

Mais la Révolution n'est pas un Sinaï; la déclaration des droits n'est pas un évangile au sens des croyants. Conservons, en face d'elle, notre liberté d'esprit, et n'adorons rien. L'absolu en toutes notions est une erreur funeste. Pas de société sans liens hiérarchiques. Pas de hiérarchie sans classement.

Le mal qui nous étreint, c'est l'état inorganique de la nation républicaine. En brisant avec raison - les institutions du passé, la Révolution a fait de la France une poussière humaine. Il faut que cette poussière s'organise. Elle y tend par bien des côtés. Parfois ces tendances prennent un essor subversif. Il appartient au sain esprit sociologique de rectifier ces faux essors sans les étouffer. Ce sont des germes précieux.

Ce serait exagérer beaucoup l'importance du baccalauréat que de lui faire une large place dans ce mouvement organique. Mais il en est un élément dans le sens voulu. Il prend, par là, dans une certaine mesure, un caractère social.

Conservons-le donc, tout en nous gardant du mandarinat.

En l'absence de M. DODANTHUN, de l'Union Faulconier de Dunkerque, empêché, M. Salefranque, de la Société de législation comparée, fait un exposé sommaire d'un travail consacré à l'histoire du collège Jean Bart de Dunkerque.

Ce mémoire emprunte un intérêt tout particulier à la situation. de la ville de Dunkerque, d'abord à l'époque de la Réforme, et d'Henri IV, ensuite sous la domination successive de la France et de l'Angleterre.

M. l'abbé BLAZY, de la Société ariégeoise des lettres, sciences et arts, lit le mémoire suivant sur l'instruction publique à Foix aux dixseptième et dix-huitième siècles.

L'instruction primaire intéresse à un haut degré, parce qu'elle s'adresse au peuple. De bons travailleurs de province l'ont étudiée un peu partout dans ces dernières années; leurs recherches ont donné lieu à des mémoires très documentés et fort curieux.

Aucun travail de cette nature n'a été fait, jusqu'à cette heure, pour le chef-lieu du comté de Foix. Nous nous proposons de montrer ce qu'a été l'enseignement dans cette petite ville, pendant les xvII et XVIII siècles.

Les archives de la mairie, notamment les registres municipaux, rôles d'impositions, correspondances administratives, et les minutes notariales nous ont fourni la plupart de nos matériaux. Nous condensons en ces quelques pages les notes recueillies dans les divers dépôts publics, espé

rant qu'elles offriront quelque intérêt pour ceux qui s'occupent de l'ancienne histoire de nos écoles populaires.

ENSEIGNEMENT DES GARÇONS.

I. DE L'ORIGINE AU XVII SIÈCLE.

Les documents manquent totalement pour préciser les lointaines origines de l'enseignement primaire à Foix. Il ne paraîtra pas téméraire, toutefois, de croire qu'on en doit le premier bienfait aux religieux de l'abbaye de Saint-Volusien (1). Au moyen âge, écrit l'abbé Duclos, Saint-Volusien contribuait à la vitalité du pays; Charles le Chauve l'enrichit de dons considérables, ce que devaient faire plus tard les comtes de Toulouse et de Carcassonne (2).»

On sait qu'une école était attachée, dès les premiers siècles du moyen âge, à toutes les cathédrales comme à toutes les abbayes (3). Un chanoine, le précenteur, que l'on appelait dans certains chapitres le capiscol (caput scholæ), était chargé de surveiller ces écoles et de donner aux maîtres, aux régents, la licence d'enseigner. Ne pouvons-nous pas penser, après bien d'autres, que l'abbaye de Saint-Volusien ait offert à nos pères un foyer d'instruction, si modeste qu'on veuille le supposer?

Dans un travail sur l'instruction publique à Orthez (^), M. L. Batcave écrit : Le xiv° siècle s'ouvrait. Un prince amateur des lettres, poète à ses heures, et l'un des bons écrivains français de cette époque par la netteté de l'expression, dont le nom reste toujours populaire, Gaston-Phœbus, régnait sur le Béarn. La cour d'Orthez brillait d'un vif éclat. Froissard y venait soit chercher des sujets de chronique, soit lire son roman de Méliador : poètes et troubadours devenaient les hôtes du donjon de Moncade. Est-il raisonnablement possible d'admettre que ces vaillants chevaliers qui se plaisaient. en leur compagnie et qui, tel Ernauton du Puy avec Froissard, leur fournissaient la matière de contes qui nous récréent encore, fussent des corps sans âme, enfermés et pétrifiés en quelque sorte dans de lourdes cuirasses,

(1) L'origine de la célèbre abbaye est expliquée de différentes manières : fondée, selon les uns, peu de temps après la mort du saint martyr, c'est-à-dire après l'année 498, elie s'éleva sur le lieu où furent déposées ses reliques, au pied du rocher de Foix. (Abbé Duclos, Histoire des Ariégeois: tome des administrateurs et hommes scientifiques, p. 211.) Les auteurs du Gallia Christiana disent que Charlemagne aurait fait bâtir cette abbaye à la suite d'une victoire remportée sur les Sarrasins. (Gallia Christiana, t. XIII, p. 181.)

(2) Abbé Duclos, op. cit., p. 211 et 212.

(3) M. Jules de Lahondès: Semaine catholique de Pamiers, du 21 juin 1895. (4) Bulletin de la Société des sciences, lettres et arts de Pau, IIa série, t. XXV,

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