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sans cesse progressants, ce qui se fera si, par exemple, la proposition du czar tendant à la réduction des armements est agréée par l'Europe; c'est qu'au lieu d'employer des milliers d'ouvriers à fondre des canons, à fabriquer des fusils, à construire des cuirassés, on voie ces bras apporter leur main-d'œuvre aux grandes entreprises particulières ou nationales; c'est que pendant trois années un aussi grand nombre d'hommes ne prive pas non plus de ses forces et de sa vigueur le commerce et l'agriculture. Et cela, quel homme de cœur ne le souhaiterait de toutes ses forces ?

Nous arrivons au second point.

Vienne la guerre! Voilà que le matériel de guerre reçoit toute l'utilisation que la paix lui avait refusée.

Immédiatement, ces réserves accumulées entrent en valeur économiquement, et cette valeur leur vient de l'utilisation même qu'elles reçoivent du fait de la guerre.

Il y aura fatalement un vainqueur et un vaincu.

Quels sont les résultats du côté du vainqueur?

1° Une énorme indemnité de guerre;

2° L'acquisition de riches territoires;

3° L'obtention de traités de commerce éminemment favorables et qui affaiblissent d'autant la concurrence économique possible de la nation vain

cue;

4° Ouverture de débouchés nouveaux à la faveur surtout et du temps et des capitaux qu'absorbe, pour se refaire, le peuple désemparé, aussi de l'influence plus grande acquise dans le monde à la suite de la victoire.

Dans ces divers ordres d'idées, on pourrait énumérer longuement, citer de nombreuses observations économiques et passer en revue certaines théories qui se sont fait jour, extrêmement intéressantes d'ailleurs, sur les conséquences générales des guerres dans nos sociétés. M. Leroy-Beaulieu a donné là-dessus de curieux aperçus.

Il est bon encore d'ajouter que, même en temps de paix, des nations comme la France utilisent et leurs troupes, et leur matériel de guerre, et leur flotte qu'elles font servir à leur œuvre d'expansion coloniale. Des acquisitions comme le Tonkin, la Tunisie, le Dahomey, Madagascar, le Centre africain sont bien faites pour compenser largement les sacrifices qu'elles ont coûté.

Quelles sont donc les conclusions à tirer de ces observations?

Tout d'abord, on se rend compte que l'armement d'une nation a bien tous les caractères d'un capital national, qu'il s'évalue, qu'il est payé, qu'il s'utilise, qu'il se consomme et se transforme, que, richesse par lui-même, il peut ajouter de nouvelles richesses à celles déjà existantes.

Ce travail appliqué à la production de l'armement n'a pas été improduc

tif et ce serait une erreur, selon nous, d'y contredire; quant à son résultat, il est une valeur au sens économique du mot.

Seulement, la constitution de ces armements aura été un placement plein d'aléas et à longue échéance. L'échéance, c'est la guerre. Elle ne tombe pas tous les 30 ou tous les 31 du mois. C'est ce dont nous avons à nous féliciter, et je crois avoir dégagé suffisamment au début de ces considérations les raisons pour lesquelles, heureusement, la guerre est devenue une incidence de plus en plus rare dans nos sociétés modernes.

M. VUACHEUX, publiciste au Havre, rappelle la discussion, au Congrès de 1898, des causes de la criminalité précoce, et fait connaître les résultats obtenus, depuis cette époque, au Havre, par le Comité de défense et de protection des enfants traduits en justice.

Au Congrès de 1898, dit-il, il a été traité cette question: Des causes de la criminalité précoce. J'ai fait connaître alors la création toute récente, au Havre (25. mars 1898), d'une association sous le nom de Comité de défense et de protection des enfants traduits en justice. Les statuts ont été approuvés par arrêté préfectoral le 18 juillet suivant. Le 15 novembre de la même année, une assemblée générale a été tenue.

Le rapport du secrétaire M, Capelle, juge suppléant au tribunal civil du Havre, avocat, nous fournit les renseignements suivants :

Ce Comité comptait 220 membres à la fin de 1898; 87 enfants lui avaient été signalés.

38 ont été remis par le parquet ou par le tribunal aux parents.

15. considérés comme irrémédiablement pervertis, ont été envoyés en maison de correction.

3 ont été condamnés, 2 avec sursis et 1 sans sursis.

2 ont été confiés à l'Assistance publique et 1 à la Ligue fraternelle des enfants de France, sur la demande du Comité.

23 ont été laissés à leurs parents sur l'engagement pris par le Comité de s'en occuper.

6, conformément à la loi du 19 avril 1898, ont été confiés directement au Comité de défense.

En ce qui concerne les 29 derniers enfants, la tentative a été couronnée

de succès.

En outre, le Comité a eu également l'occasion de s'occuper d'un certain nombre d'enfants non déférés à la justice. Les résultats obtenus de ce chef ont été également très favorables.

La pensée qui a fait agir ce Comité dans cette voie a été exprimée en ces termes dans le rapport: ") "Nous pensons que dès qu'un enfant est moraelement abandonné, dès qu'il est exposé, soit par le défaut de surveillance,

" soit par le milieu dans lequel il est élevé, à devenir presque fatalement un client du tribunal correctionnel, notre devoir est de nous occuper de lui et de l'empêcher de devenir un malfaiteur.»

Ce comité a été aidé dans son œuvre par diverses institutions: la Société Saint-Vincent-de-Paul, l'Orphelinat de Sanvic, le Bon-Pasteur, le Patronage de l'enfance de Paris, l'Orphelinat d'Auteuil et par l'OEuvre de l'assis

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Il y a lieu de souhaiter que des comités analogues se créent promptement dans toute la France, comme il en avait été exprimé le désir au Congrès de 1898.

Le Comité établi au Havre prouve l'utilité de son existence par le résultat acquis en l'espace si court de huit mois.

L'initiateur de cette œuvre philanthropique, M. Capelle, est mort jeune encore, mais son œuvre subsiste et subsistera, grâce au concours assuré d'âmes généreuses.

M. Gustave PÉRÈS, de la Société de topographie de France, présente sur les effets économiques produits, dans l'ordre physique par l'union de l'économie politique et de la morale, une note complémentaire de deux études antérieures sur l'évolution économique des pays neufs dont l'exploitation de l'or a précipité la colonisation au XIXe siècle.

L'or, richesse inattendue ou trop facilement acquise, sans profit réel pour un État en formation ou même normalement organisé, devient pour lui une calamité. Ce n'est que quand la vie se développe régulièrement à l'intérieur par le travail et l'épargne, que cet État devient progressivement prospère, solide et indépendant. Fécondés par la paix sociale et garantis par des institutions fondées sur la morale et la justice, le travail et l'épargne sont donc les seules vraies sources de la richesse.

Puisqu'une harmonie, que le philosophe découvre, lie les phénomènes du monde de la matière aux lois du monde moral, l'économie politique et la morale doivent parler même langage.

Unies sans se confondre, ces deux sciences démontrent finalement que nos véritables intérêts sont, en réalité, conformes à nos devoirs et qu'il y a identité des obligations de la conscience et des pratiques indiquées par l'intérêt. Cette étroite corrélation seule pourra produire, dans l'ordre physique, les heureux effets économiques indispensables au profit de la véritable richesse commune. Dans une société, au point de vue économique comme dans le

monde physique considéré au point de vue matériel, au premier aspect, les phénomènes semblent dériver tout naturellement les uns des autres par des transformations successives. Mais un examen plus attentif, plus philosophique, permet d'apercevoir, par delà les phénomènes constatés, les agents et les causes véritables qui sont du domaine moral, c'est-à-dire émanent de l'intelligence qui veut, qui agit, qui dirige ou crée.

La séance est levée à 5 heures trois quarts.

SCIENCES ÉCONOM.

13

SÉANCE DU JEUDI 6 AVRIL 1899.

MATIN.

SOUS-SECTION DE PHILOSOPHIE.

re

PRÉSIDENCE DE M. DARLU.

1 question: De la classification des phénomènes sociaux.

M. DE LA GRASSERIE, correspondant du Ministère, délégué de la Société de législation comparée, membre de l'Académie de législation de Toulouse, recherche quelle est la classification la plus exacte des phénomènes sociaux, après avoir fait ressortir l'importance de ce classement. Suivant lui, ces phénomènes se répartissent d'abord en deux grandes classes, ceux concrets, ressortissant à l'histoire, et ceux abstraits, ressortissant à la sociologie. C'est surtout de ces derniers qu'il s'occupe. Adoptant la théorie organique et considérant la société comme douée d'une personnalité véritable, il étudie, en empruntant à la biologie et à la psychologie leurs divisions, les phénomènes de la société considérée dans ses éléments internes, dans son unité centrale, enfin dans sa vie externe. Dans le premier cas, il s'agit des molécules sociales consistant dans les individus composants, socialement envisagés et concourant par leur ensemble à constituer la société. Les phénomènes qui les concernent se rangent en deux classes: ceux normaux et ceux anormaux.

Les premiers comprennent les divers phénomènes de la nutrition avec ses subdivisions, de la reproduction et de la relation. Les seconds sont ceux de pathologie, de tératologie, de thérapeutique et d'hygiène sociales. Ils n'émanent point de la société considérée dans son unité supérieure, mais de ses divers membres constituants, envisagés non pas biologiquement ou psychologiquement, mais comme éléments sociaux; dans le second cas, la société est considérée dans son ensemble, ainsi que dans son sensorium, comme un être unique. Les phénomènes, alors analogues aux phénomènes cérébraux, sont relatifs aux idées, aux volitions et aux sensations; l'orateur les énumère en détail, y reliant la plupart des productions

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