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SÉANCE DU JEUDI 6 AVRIL 1899.

SOIR.

PRÉSIDENCE DE M. OCTAVE NOEL,

MEMBRE DU COMITÉ DES TRAVAUX HISTORIQUES ET SCIENTIFIQUES.

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Sont nommés assesseurs : MM. Eugène Rochetin et de la Grasserie.

M. le PRÉSIDENT fait connaître à la Section que, dans sa séance du jeudi matin 6 avril 1899, et sur la proposition de M. Creissels, la section d'histoire et de philologie a émis l'avis qu'il y avait lieu, non seulement dans l'intérêt des familles, mais aussi dans l'intérêt public, - notamment au point de vue des études historiques, archéologiques et économiques, - de mettre à la disposition des chercheurs les ressources offertes par les anciennes archives notariales et, par suite, d'effectuer la remise des vieilles archives des notaires aux archives départementales ou aux dépôts déjà créés dans certains centres importants.

La Section a pensé que, notamment en ce qui concerne la ville de Toulouse, qui possède un dépôt d'archives notariales très considérable (10,000 volumes, 20,000 dossiers), et dont les notaires ne peuvent plus subvenir aux frais de classement de ces archives et à l'entretien d'un employé permanent, il serait vivement à désirer que le conseil général de la Haute-Garonne sanctionnât les propositions de la chambre des notaires de Toulouse, le 10 novembre dernier, tendant à cette remise et assurât le fonctionnement du dépôt à créer.

La section des sciences économiques et sociales s'associe, sur ce point, aux conclusions de la section d'histoire.

M. HAMON, en l'absence de M. Émile CACHEUX empêché, donne connaissance du mémoire consacré par celui-ci à la question de la coopération appliquée à l'amélioration du sort des marins pêcheurs.

M. CACHEUX expose les résultats obtenus au point de vue de la réunion de documents précieux et intéressants sur la situation des marins.

Les mémoires présentés au concours ouvert par la Société d'enseignement professionnel et technique des pêches maritimes s'accordent à réclamer les mesures propres à accroître le bien-être matériel des marins des côtes; ils ne font pas mention, au contraire, des marins d'Islande et de Terre-Neuve qui donnent cependant à la mortalité une moyenne de 17 p. 100 plus élevée que celle de l'industrie terrienne la plus dangereuse.

Il serait nécessaire de créer des débouchés pour la consommation du poisson. Les auteurs de quelques mémoires émettent, d'un autre côté, l'avis que l'armée pourrait être appelée à consommer du poisson un jour par mois.

La région du Nord ne paraît pas s'être intéressée à la question, elle n'a pas fourni de mémoire. Cette abstention paraît provenir de ce fait que l'industrie de la pêche est très prospère dans cette partie de la France. Les armateurs y disposent de grands capitaux, possèdent de beaux bateaux et accordent à leur personnel des avantages que ne compensent pas ceux que donne l'État par la caisse des invalides et par la récente loi sur les accidents professionnels.

Les maisons habitées par les marins de nos côtes présentent un aspect navrant.

On constate, dans l'intérieur de ces demeures, la méconnaissance des règles les plus élémentaires de l'hygiène, de la salubrité: c'est pour remédier à un état de choses aussi regrettable qu'une société coopérative a été créée à Brest.

En appliquant rigoureusement la loi du 30 novembre 1894 sur les habitations à bon marché, cette société espère obtenir une amélioration sérieuse de la situation des marins de cette ville.

Grâce aux encouragements de l'administration de la marine, le nombre des sociétés de cette espèce augmente tous les ans. Elles fonctionnent dans de bonnes conditions.

D'un autre côté, des sociétés de production tendant à fournir des bateaux à vapeur aux marins pourraient être utilement créées. On peut citer, dans ce sens, la maison Johnston, d'Arcachon. Cet armateur dispose de six bateaux à vapeur qui pratiquent continuellement la pêche pendant que l'un d'eux fait l'office de

chasseur, c'est-à-dire qu'il apporte à terre journellement le poisson pêché.

Les marins de la maison Johnston sont largement rémunérés et ils sont assurés contre la maladie, les accidents et la vieillesse.

Pour amener une élévation du prix du poisson, plusieurs tentatives ont été faites, des syndicats de pêcheurs de sardines et de maquereaux ont été fondés. Dans un seul exercice, celui de Douarnenez a pu, grâce à son règlement, placer 30,000 francs.

Les avantages de l'inscription maritime incitent bien les paysans des côtes à faire la petite pêche; mais, comme les débouchés manquent, la production sur certains endroits du littoral est supérieure à la consommation. Afin de remédier à cette tendance, il est question de fonder des chambres de pêche analogues aux chambres d'agriculture, dont l'objet principal serait de restreindre la production.

Notons que restreindre la production d'un produit sain est reconnaître l'impuissance dans laquelle on se trouve de créer des débouchés et, pour un grand pays, constitue une preuve d'infériorité commerciale. Dans le même objet, quelques sociétés coopératives ayant un centre à Paris ont été créées; la dernière, intitulée la Pêche coopérative, fonctionne depuis quelques mois; les résultats sont encore inconnus. La formation de sociétés coopératives pour la vente du poisson dans les grands centres paraît être l'objectif à rechercher en vue d'amener l'amélioration de la situation de ceux de nos marins qui effectuent la petite pêche.

M. DUMAS, professeur à la Faculté des lettres de Toulouse, communique un mémoire sur la situation des corporations de Toulouse au XVII et au XVIIIe siècle. L'orateur s'attache à démontrer que l'autorité des capitouls sur les corps de métiers avait sensiblement diminué au xvi° siècle. Ces magistrats n'ont plus le droit de conférer un seul privilège aux corporations, ils n'ont plus qualité pour édicter les règlements de police les concernant.

Les maîtres défendent énergiquement leurs privilèges, ils sont soumis à des charges considérables. Les compagnons n'ont aucune liberté. Ils ne peuvent ni choisir leur maître, ni le quitter à leur gré. Leur salaire, fixé à 7 ou 8 sous par jour, est inférieur au salaire moyen des diverses régions de la France. Ils se syndiquent, ils se mettent en grève, mais leurs revendications ne sont presque jamais écoutées.

La durée de l'apprentissage est plus longue qu'au xvr° siècle, parce que les maîtres veulent éviter la concurrence. Le maître ne peut prendre qu'un apprenti. Le prix de la lettre de maîtrise est élevé, les maîtres se trouvant dans la nécessité de grossir les fonds de la caisse commune.

La situation des corporations à cette époque est lamentable. Elles sont ruinées. La royauté, qui a inventé tous les moyens possibles pour extorquer de l'argent aux corps de métiers, est responsable de cette situation.

M. LE PRÉSIDENT signale l'intérêt du mémoire de M. Dumas pour l'histoire des corps de métiers.

M. Georges HAMON analyse son mémoire sur les institutions de secours mutuels et d'assurances sur la vie en Hollande depuis le xvr siècle. Les caisses d'enterrement et de maladie sont nombreuses dans les Pays-Bas. Elles ont donné lieu à des critiques sérieuses, à raison de leur manque de bases scientifiques, mais elles n'en ont pas moins été une source très réelle de bienfaits pour les habitants de

ce royaume.

En 1885, d'après une enquête effectuée par la Société générale néerlandaise d'assurances sur la vie, il existait 271 clubs d'enterrement et de maladie, comprenant 960,267 membres.

En 1891, une seconde enquête, organisée par la Société d'utilité publique, enregistre 430 clubs d'enterrement, donnant des secours en cas de maladie, des allocations hebdomadaires aux membres âgés, des indemnités pour appareils de deuil, etc.

Ces sociétés sont fondées par actions; elles sont aussi mutuelles; elles fonctionnent dans leur paroisse, dans leur province ou dans le pays tout entier.

L'enquête a surtout porté sur 247 caisses. Le nombre de leurs membres est de 1,942,716, avec 126,487,435 florins de risques

en cours.

L'administration et les conditions de l'assurance varient dans chaque caisse.

Pour le payement des primes, il s'effectue à chaque décès; les membres sont appelés à payer une somme fixe; les primes sont hebdomadaires, elles peuvent être ou élevées ou réduites; il en est de même pour l'indemnité mortuaire ou de maladie.

Les cas de déchéance, dans quelques sociétés, sont les suivants : suicide, guerre, duel, exécution capitale, inconvenance devant le collecteur (l'encaisseur).

Les membres de ces caisses sont recrutés parmi les travailleurs. Les primes hebdomadaires sont très réduites, elles s'élèvent à 10, 20, 50 pfennigs.

Plusieurs de ces sociétés ont transformé leur objet et sont devenues sociétés d'assurances populaires sur la vie, constituant des petits contrats.

A côté de l'assistance populaire, il existe en Hollande des compagnies ordinaires d'assurances sur la vie qui conservent fidèlement. les traditions scientifiques des grands mathématiciens Jean de Witt, Christian Huyghens, Jean Hudde, Nicolas Struyck, Guillaume Kersseboom, Isaac de Graaf.

M. le Président lit le mémoire suivant consacré, par M. Émile Levasseur, de l'Institut, que son état de santé a empêché de présider le Congrès, aux sources de l'histoire des corps de métiers et de l'industrie à Toulouse (1).

Dans la note que j'ai l'honneur de communiquer au Congrès, je n'ai pas la prétention de tracer, je ne dirai pas l'histoire, mais une esquisse de l'histoire des corps de métiers à Toulouse. Pour le faire, il faudrait avoir préalablement rassemblé et classé les matériaux, en avoir fait une étude critique et avoir dressé un plan d'ensemble: c'est une œuvre qui exigerait plusieurs années de travail. Je n'ai passé à Toulouse que quelques jours pendant lesquels j'ai dû partager mon temps entre les archives départementales et les archives municipales. C'était assez pour me convaincre, par un examen personnel, de l'importance, souvent signalée d'ailleurs, de ces deux dépôts, surtout du second, pour l'histoire de l'industrie et des corps de métiers à Toulouse et de l'intérêt qu'auraient pour, l'histoire économique de la France des travaux spéciaux portant sur certains points du sujet et surtout un travail général embrasssant le sujet entier depuis le x siècle jusqu'à la Révolution de 1789, et exécutés d'après les méthodes précises de l'érudition et avec l'ouverture de vues d'un historien économiste. C'est seulement sur l'intérêt du sujet et sur les ressources que Toulouse offre pour traiter que je désire appeler l'attention.

le

(1) Voir, dans le Bulletin de la section des sciences économiques et sociales (1898, séances mensuelles), des textes de statuts de corporations de Toulouse, p. 91 et

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