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est noble et rare, libre aussi de réaliser tous ses projets, ce qui est plus rare encore, compose sa fortune en éclectique.

Le résultat est tantôt le morcellement excessif du sol, tantôt la vente. On voit chaque jour deux enfants d'un ouvrier, propriétaires indivis d'un champ de 50 ares et d'un livret de 500 francs à la caisse d'épargne, se partager l'argent et découper le terrain en deux figures géométriques destinées à se subdiviser après une autre génération, quoique la localité ne se prête nullement à la toute petite culture et qu'il paraisse naturel de mettre en regard du lot mobilier la terre de valeur égale. Mais non! le principe serait méconnu, parce que le champ est divisible. S'il s'agit d'une locature impartageable en nature, le même principe commande de liciter. Il a été dit que l'aliénation d'un bien de famille ne touchait en rien à l'intérêt général. Je persiste à penser que l'espoir de transmettre aux descendants le produit du travail est le stimulant de la vie, qu'une propriété précaire n'invite jamais à de grands efforts, que le détenteur ne songe guère à l'améliorer, enfin qu'une vente forcée à un moment inopportun est une cause de ruine et que l'acquéreur n'en profitera pas longtemps, puisque son patrimoine subira le

même sort.

Aussi, par crainte des difficultés inhérentes au partage d'immeubles, beaucoup de familles s'éloignent de la propriété foncière, qui n'avait pas besoin de cette nouvelle cause de dépréciation. D'autres, rivées au sol, évitent le partage judiciaire à l'aide d'expédients, tels que la transaction simulée, illégale, mais admise par la pratique. Un texte est condamné lorsque les honnêtes gens sont contraints de le violer.

Pourquoi le législateur tient-il autant à la composition des lots en biens de même nature? Il y a trente ans encore, on croyait à la prépondérance nécessaire de la propriété immobilière. Préjugé, sans aucun doute. Des biens d'égale valeur ne sont pas toujours des biens semblables.

Assurément tous ces dangers n'apparaissent guère dans les partages amiables. Mais les héritiers, s'ils sont majeurs et d'accord entre eux, peuvent payer cher leur convention, le fisc percevant le droit de vente sur la soulte qui sort de la bourse d'un copartageant.

Ne rêvons pas de panacée contre la licitation souvent inévitable, mais supprimons deux obstacles. Tout acte ayant pour effet la cessation totale ou partielle de l'indivision, soit qu'un copartageant

acquitte la soulte de ses propres deniers, soit même qu'avant le partage il achète la portion indivise d'un cohéritier, ne doit plus être soumis au droit de vente. Ainsi, les conventions seront plus faciles; la soulte, qui ne sera qu'un appoint dans le partage judiciaire, puisque nul ne peut être forcé de donner ce qu'il n'a pas, sera, dans le partage amiable, ce que permettront les circonstances et ce que décideront les intéressés: forte ou faible, payable immédiatement ou à terme. Nous restituerons au partage son caractère de contrat familial très distinct de la spéculation.

Le second obstacle est, en cas de partage judiciaire, le principe de la similitude des lots qu'il convient de subordonner à l'intérêt agricole, commercial ou industriel, en modifiant nos textes de la manière suivante :

Art. 832. Dans la formation et la composition des lots, on doit éviter, autant que possible, de morceler les héritages, de diviser les exploitations et de les liciter; on doit d'abord considérer l'intérêt des établissements et des exploitations, sans être tenu de faire entrer dans chaque lot la même quantité de meubles, d'immeubles, de droits ou de créances.

Art. 826. Chacun des cohéritiers peut demander sa part en nature des biens de la succession, le mot biens» remplaçant les mots t meubles et immeubles ».

M. Raoul DE LA GRASSERIE, correspondant du Ministère de l'instruction publique, membre de l'Académie de législation de Toulouse et de la Société de législation comparée, passe rapidement en revue les dispositions de la loi civile qui régissent actuellement les partages.

Il établit combien nombreuses sont les prescriptions qui entravent la liberté des contrats. Cet état de choses est très préjudiciable aussi bien pour les individus que pour la société; il ne l'est pas moins pour l'autorité nécessaire du père de famille. Plusieurs des dispositions en vigueur ont été l'objet de vives critiques. On a maintes fois fait remarquer combien les législations étrangères offraient de systèmes plus libéraux. En Prusse, notamment, on s'est efforcé de régler la question par des lois partielles et spéciales.

La liberté est génée surtout sur les points suivants : 1° le partage dans chaque lot doit comprendre une quantité égale de meubles

et immeubles, sans quoi il est rescindable; il est impossible de tenir compte des convenances particulières; 2° à plus forte raison est-il défendu de donner à un seul des héritiers tous les immeubles ou la totalité de la succession, sauf à payer aux autres leur part en nature; 3° il est interdit de frapper d'inaliénabilité, ou de substituer la part formant la réserve et de constituer ainsi une sorte d'interdiction au profit de successibles peu dignes; 4° on ne peut convenir qu'on restera dans l'indivision pendant cinq ans; 5° les étrangers sont toujours admis à la licitation, et l'exploitation peut sortir de la famille; 6° il est interdit de constituer une part au successible en rente viagère, même avec son consentement; 7° le payement par attribution n'est permis, s'il y a des mineurs, qu'avec l'homologation.

De son côté, la loi fiscale grève lourdement les partages lorsqu'un successible ne reçoit pas toute sa part en nature. L'orateur examine les diverses prescriptions fiscales à ce sujet, le montant des frais du partage judiciaire, les droits proportionnels frappant les licitations à la fois de mutation et, dans certains cas, de transcription, les droits sur les soultes.

Beaucoup de législations étrangères ont proclamé le principe de liberté des conventions. Il suffit de citer le homestead, l'hœfereche, et surtout l'article 2303 du Code civil allemand. En France la loi du 30 novembre 1894 a fait un essai timide de ce régime

nouveau.

L'auteur indique en terminant les améliorations urgentes et faciles dont la loi générale serait susceptible pour faire cesser un état de choses dangereux à la fois au point de vue économique et au point de vue familial. Au point de vue civil, M. de la Grasserie voudrait notamment que le père de famille demeurât libre de disposer en nature de tout son patrimoine, et de le répartir à son gré entre ses successibles, pourvu qu'il nantît les réserves, mais en valeur seulement. L'indivision pourrait être, à son avis, maintenue jusqu'à la majorité de l'enfant le plus jeune. Les héritiers euxmêmes, dans le cas de partage amiable, pourraient procéder dans les mêmes conditions.

Au point de vue fiscal, l'exemption de tous droits fiscaux serait accordée à la licitation et au partage. De plus, les ventes et les licitations pourraient avoir lieu sans autre formalité de justice que l'homologation.

M. PASCAUD, de la Société de législation comparée, met en relief les inconvénients qui résultent du principe de l'égalité absolue dans la composition des lots en objets de même nature, quantité et valeurs, dans les partages soit faits en justice, soit émanant des ascendants, surtout étant donnés le défaut de netteté des prescrip tions légales et l'interprétation extensive qu'elles ont reçue dans la jurisprudence, et propose, pour y remédier, les modifications sui

vantes :

L'orateur estime que pour trouver une base rationnelle de la composition des lots, ce n'est pas à la nature, ni à la quantité, ni à la valeur combinées des meubles et immeubles successoraux qu'il faut s'attacher, mais uniquement à la valeur, au sens économique du mot, qui résume les utilités diverses de l'objet à partager, et s'apprécie en argent. Les ayants droit n'ont rien à perdre par suite de ce mode de partage; les sûretés que la loi leur accorde peuvent se compléter par l'inscription d'office du privilège du copartageant. A ceux qui prétendent que le cohéritier qui a reçu sa part en immeubles est dans une situation meilleure que celui qui l'a touchée en argent, il est aisé de répondre que rien n'empêche ce dernier d'acheter des immeubles, que, d'ailleurs, loin de bénéficier d'un accroissement continu sans travail et sans efforts, la propriété foncière a subi depuis quelques années une dépréciation de 20 à 35 p. 100, et qu'enfin la loi, après avoir assuré les garanties nécessaires aux droits des copartageants, n'est pas tenue de surveiller l'emploi plus ou moins utile qu'ils peuvent faire de leur lotissement. Le partage, compris de la sorte, aurait l'avantage d'éviter le morcellement indéfini de la propriété immobilière, et d'empêcher l'établissement industriel créé par le père de famille de passer dans des mains étrangères.

M. Pascaud analyse rapidement les dispositions du Code suédois de 1734, de la législation russe, du Code de Zurich de 1887 et du nouveau Code civil allemand qui se rapportent à la question.

En vue d'obvier au danger de l'égalité matérielle des lots, l'orateur propose d'admettre les partages d'attribution pour les successions mêmes auxquelles sont appelés des mineurs et des interdits, à la condition qu'une procédure déterminée sera suivie pour la protection de ceux-ci devant la tribunal. C'est un emprunt que l'on peut faire à la législation de la Belgique et de la Hollande.

Au point de vue fiscal, M. Pascaud se prononce pour la modification des dispositions actuelles de la législation qui exigent le droit de vente sur les soultes à payer par les copartageants. L'hypothèse d'une aliénation soumise à un droit de 4 p. 100 n'est pas admissible en principe, puisque le partage n'étant ni translatif ni attributif, mais simplement déterminatif de propriété, les droits des cohéritiers prennent naissance dans l'exécution de la loi ou la volonté du disposant, qu'il s'agisse d'une succession ab intestat ou d'une succession d'une autre nature. Si donc l'acte de partage oblige un des copartageants à payer un retour de lot, il se borne à constater une obligation qui devrait supporter le droit de libération de 1 p. 100 au moment de son extinction. Mais comme cette taxe, bien que d'une modération assez grande, pourrait nuire à l'efficacité des réformes proposées en ce qui touche la libre composition des lots, il serait bon de la supprimer.

M. DE LA GRASSERIE, de la Société de législation comparée, a ensuite la parole sur la 5 question du programme: Étudier en ellemême et dans les applications législatives et pratiques qui en ont été faites en France et à l'étranger, la question du warrantage des récoltes.

L'orateur analyse tout d'abord les récentes dispositions législatives sur le warrantage des récoltes qui ont fait l'objet de la loi du 18 juillet 1898; il en rapproche les prescriptions de celles contenues dans la loi belge de 1884 et dans la loi italienne de 1887, et s'attache à faire ressortir leurs différences essentielles.

M. de la Grasserie recherche ensuite de quelle manière le warrantage peut, dans la pratique, être utile à l'agriculture. Enfin, au point de vue théorique et juridique, il examine la portée de l'innovation consistant à permettre le gage mobilier sans dessaisissement, à l'instar d'une hypothèque, quelle application elle a déjà reçue et de quels développements elle serait encore susceptible.

L'orateur distingue deux hypothèses qui doivent être réglées différemment, celle où l'emprunteur est un propriétaire cultivateur, et celle où il s'agit d'un fermier. La première est la plus simple. Il y a lieu d'étudier successivement: 1° quels produits ou quels objets peuvent être warrantés; s'il n'y aurait pas lieu d'y comprendre les instruments et les bestiaux ainsi que les produits pendants par racines; 2° quelles sont les garanties nécessaires du prêt, notamment,

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