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sons. Les signes phonétiques, ceux qui représentent des sons, figurent des syllabes entières et non pas telle ou telle consonne, telle ou telle voyelle; on les transcrit facilement en caractères latins, mais il ne peut, naturellement, en être de même des signes idéographiques. La valeur phonique de l'idéogramme ne peut-être découverte, en effet, que par des renseignements accessoires. Pour tourner la difficulté on est convenu de transcrire ces derniers caractères tout comme s'ils étaient des signes phonétiques, seulement on emploie dans cette transcription des lettres latines capitales.

Les textes assyriens que possèdent les musées d'Europe sont déjà fort nombreux et il est certain que leur quantité s'augmentera encore dans une très-grande proportion. L'on rencontre dans le pays même une foule de monuments gravés parmi lesquels il en est de considérables. La troisième colonne des inscriptions des Achéménides est, comme l'on sait, rédigée en assyrien; nous avons dit quelques mots sur la langue de la seconde colonne, p. 147, et nous parlerons à son temps de la langue perse qui était celle de la première colonne.

M. Oppert, dont les travaux ont contribué en une mesure notable au déchiffrement des cunéiformes assyriens (1), peut être appelé à juste titre le fondateur de la grammaire assyrienne (2). Ses écrits ont marqué une période nouvelle dans l'assyriologie. D'autres grammaires ont paru depuis ses écrits et l'étude de l'assyrien n'offre plus aujourd'hui de difficulté considérable (3).

(1) Expédition scientifique en Mésopotamie, t. II. Paris, 1859. (2) Éléments de la grammaire assyrienne, 2e éd. Paris, 1868.

(3) MÉNANT, Exposé des éléments de la grammaire assyrienne › Paris, 1868. Le syllabaire assyrien. Paris, 1869-74. Leçons d'épigraphie assyrienne. Paris, 1873.— SAYCE, An Assyrian Grammar. Londres, 1872.

§ 5. Le groupe chananéen.

Les langues chananéennes sont mieux conservées, dans leur ensemble, que les idiomes araméens, ainsi que le montrent très-clairement les formes de l'ancien hébreu, del'hébreu classique.

I. L'hébreu.

L'hébreu а connu trois périodes successives queM. Ewald caractérise de la façon suivante (1). Les fragments qui datent de l'époque de Moïse nous font voir la langue hébraïque toute formée et essentiellement la même que celle des temps plus modernes. A cette époque elle devait donc être déjà fort ancienne. Dans la seconde période, dès le temps des rois, elle tend à se différencier en deux sortes de style, l'un plus vulgaire, l'autre plus artistique. La troisième période commence au septième siècle avant notre ère ; c'est l'époque de la décadence, c'est l'époque à laquelle l'araméen s'étend de plus en plus.

Les différences, cependant, sont peu considérables entre chacune de ces périodes. « Ce qu'il importe de maintenir, dit M. Renan, c'est l'unité grammaticale de la langue hébraïque, c'est ce fait qu'un même niveau a passé sur les monuments de provenances et d'àges si divers qui sont entrés dans les archives des Israélites. Sans doute il serait téméraire d'affirmer avec M. Movers qu'une seule main a retouché presque tous les écrits du canon hébreu pour les réduire à une langue uniforme. Il faut reconnaître, toutefois, que peu de littératures se présentent avec un caractère aussi impersonnel, et ont moins gardé le cachet particulier

(1) Ausführliches lehrbuch der hebræischen sprache. se édit., p. 23. Gættingue, 1870.

d'un auteur et d'une époque déterminée. » Op. cit., liv. II, chap. 1er.

ère

C'est seulement à partir du onzième siècle avant notre que des écrits hébreux se présentent à nous sans avoir été remaniés postérieurement; trois ou quatre cents ans plus tard la langue hébraïque entre dans son âge d'or, puis vers le sixième siècle commence à se perdre comme langue populaire. Bien avant l'époque des Macchabées l'araméen était devenu prépondérant en Palestine. On continua cependant à rédiger encore des livres en hébreu jusqu'à une centaine d'années, environ, avant notre ère. M. Renan divise en deux périodes distinctes l'histoire de l'hébreu moderne, c'est-à-dire de l'hébreu post-biblique. La première s'étend jusqu'au douzième siècle et a pour monument principal la Michna, recueil de traditions rabbiniques, espèce de seconde Bible; on y rencontre un certain nombre de mots araméens hébraïsés, des mots grecs et des mots latins. Après avoir adopté au dixième siècle la culture arabe, les Juifs virent renaître leur littérature quand leurs compatriotes chassés de l'Espagne musulmane gagnèrent la France du sud. La langue de cette époque est encore aujourd'hui l'idiome littéraire des Juifs.

Le système des voyelles hébraïques est des plus simples, comme celui de l'araméen. Le système des consonnes est riche en sifflantes et en aspirations, comme c'est le cas dans toutes les langues sémitiques. Les sifflantes sont au nombre de quatre; elles répondent à notre ch (de « chercher »), à notre s (de « sensé »), à notre z et à une sorte de s assez proche du «ts » français. L'hébreu a donné à ses sifflantes, en général, une bien plus grande importance que ne leur en ont attribué les autres langues sémitiques. On compte également quatre aspirées; deux d'entre elles sont assez douces, les deux autres, le « heth » et le « ghaïn », sont gutturales et permutent parfois avec k, q. Outre les

trois paires d'explosives k-g, t-d, p-b, l'hébreu possède un q plus énergique que le simple «k», et un th (ainsi transcrit par certains auteurs) plus énergique que «t». Il existe également une explosive labiale distincte de « p» et que l'on transcrit souvent f. Il est bon de noter, d'ailleurs, que les consonnes qui, par nature, sont susceptibles d'être aspirées, le sont en réalité, dans la prononciation, lorsqu'elles se trouvent précédées d'une voyelle. L'hébreu possède en outre les vibrantes r, l, les nasales n, m, les demi-voyelles y (souvent transcrit «j» à la façon allemande) et v.

La formation du féminin, dans les noms, a lieu, en principe, par l'adjonction d'un élément at. Nous disons en principe, car cette désinence peut souffrir quelques modifications. Parfois le t final se change en une simple aspiration, parfois c'est la voyelle a qui tombe. Cette formation du féminin dans les noms est un sujet assez particulier que les grammaires bien faites doivent traiter en détail.

Les noms masculins forment leur pluriel, en principe, par l'adjonction de l'élément im, que remplace parfois la forme araméenne în; la désinence du pluriel féminin est ôt. Ici encore nous ne donnons que la règle générale. Le duel, moins vivace en hébreu qu'en arabe, mais mieux conservé qu'en araméen, se forme par l'adjonction de l'élé ment aim.

Le nominatif n'est plus indiqué, en hébreu, par aucune désinence spéciale. Nous avons parlé ci-dessus des suppositions qui ont été faites par différents auteurs pour restituer la forme primitive des cas sémitiques. Quoi qu'il en soit, il ne reste plus, en hébreu, que des traces fort douteuses de l'ancien suffixe du nominatif et il en est de même pour l'accusatif et le génitif.

Indépendamment du nominatif qui est rendu par la forme la plus simple du nom, c'est-à-dire par le thème, les

-cas de l'hébreu sont exprimés au moyen de prépositions ou au moyen de ce que l'on appelle l'état construit. Un mot, dans cette dernière forme, opposée à l'« état absolu », affiche, vis-à-vis d'un autre mot, une condition véritable de dépendance. On voit déjà que la fonction principale de l'état construit est d'exprimer l'idée du génitif. Au singulier, les noms masculins à l'état construit restent, en principe, tels quels et précèdent immédiatement le mot qu'ils gouvernent. Au pluriel ils perdent, en principe, la consonne terminale m, parfois même la voyelle qui précède. Nous avons vu plus haut que le t final des noms féminins se changeait parfois en une aspiration; à l'état construit le t organique de ces mots féminins apparaît dans toute sa rigueur. Au pluriel, les féminins gardent leur désinence ôt. Nous n'indiquons ici, bien entendu, que les règles générales de l'état construit; dans les grammaires spéciales il comporte des explications assez minutieuses qui ne peuvent nous arrêter en ce moment. Ajoutons, toutefois, que le nom à l'état construit peut être suivi non-seulement d'un autre nom, mais encore d'un pronom : gham & « peuple de lui, son peuple », ben i « fils de moi, mon fils » .

En employant, comme il le fait des propositions dont la fonction est de suppléer aux terminaisons casuelles, l'hébreu présente une physionomie tout à fait analytique. Il est inexact, en somme, de parler avec les grammaires ordinaires, d'un datif, d'un locatif, d'un ablatif hébreux ; les formes auxquelles on se plaît à donner ce nom ne sont autre chose que des composés d'une préposition et d'un nom ou d'un pronom. Certaines de ces prépositions, les plus usitées, ne sont formées que d'une simple consonne : l« à, vers », b « dans ». On connaît l'origine de presque toutes ces particules, qui, à l'inverse des prépositions indo-européennes issues pour la plupart de pronoms, proviennent, en principe, de racines verbales.

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