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à un et deux binaires ne présentent que peu de différence au point de vue du crassement, qui cependant, dans les deux séances d'essai, a été légèrement plus abondant avec les poudres à deux binaires.

Pour apprécier l'intensité de la fumée, on s'est servi d'un dispositif imaginé par M. l'ingénieur Thibaudau ('), consistant dans l'emploi d'une caisse en bois où l'on recueille la fumée produite par les deux coups de feu du fusil, tirés successivement l'intensité de la fumée est mesurée par le temps qui s'écoule depuis le moment du commandement feu jusqu'au moment où l'évacuation de la fumée permet de lire une lettre affichée contre une paroi de la caisse en regardant par une vitre ménagée dans la paroi opposée : ce temps est déterminé au moyen d'un compteur à secondes.

Cette méthode a permis de constater, malgré la trituration de deux heures donnée aux poudres essayées, qu'avec deux binaires on avait un peu moins de fumée qu'avec un seul binaire : la différence est voisine mais reste cependant au-dessous de celle que donne une augmentation de charge de ou de celle que l'on obtient en passant du grain no 3 au grain no 0 de la même fabrication, en tirant à la même charge.

En résumé, il ressort des expériences d'Esquerdes que la suppression du binaire-salpêtre n'a aucune influence sur le crassement; de celles de Toulouse, qu'elle a bien, sur l'intensité de la fumée, l'effet prévu, mais que cet effet n'est pas assez important pour qu'on proscrive d'une façon absolue l'emploi d'un seul binaire dans la fabrication des poudres de chasse ordinaire.

En conséquence, la Commission émet l'avis que la suppression du binaire-salpêtre dans la fabrication des poudres de chasse n'étant pas susceptible de diminuer d'une façon notable les qualités des produits, peut être autorisée d'une façon exceptionnelle, en raison de circonstances particulières et temporaires; mais l'économie qui peut résulter de cette suppression étant insignifiante, il convient de maintenir, comme procédé normal de fabrication des poudres de chasse, l'emploi des deux binaires, qui a été adopté d'une façon générale pour toutes les poudres en raison des garanties de sécurité qu'il présente, surtout lorsqu'on doit les grener

(1) Mém. des poud. et salp., t. IX,
p. 153

au grenoir à retour, et qui est prescrit par l'Instruction sur la fabrication des poudres de chasse nouveau type, approuvée le 14 mars 1897 par M. le Ministre de la guerre.

Paris, le 25 mai 1898.

Le Rapporteur,

BARRAL.

Adopté par la Commission centrale du service des Poudres et Salpêtres, dans sa séance du 25 mai 1898.

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Par dépêche en date du 27 février 1896, M. le Ministre des travaux publics a soumis à l'examen de la Commission du grisou, en lui demandant son avis, le dossier d'un accident survenu, le 20 décembre dernier, au puits Châtelus, no 1, des mines de houille de Beaubrun, où un ouvrier a été légèrement blessé par l'explosion tardive d'un coup de mine chargé de grisounite.

Il résulte du procès-verbal, établi sous la forme habituelle, que cet accident s'est produit dans les circonstances suivantes :

Trois trous de mine, forés dans une même taille, avaient été chargés chacun d'une cartouche de 100 de grisounite-couche (composition: azotate d'ammoniaque 95,5; trinitronaphtaline 4,5), amorcée avec détonateur de 18, 5 de fulminate. Le feu ayant été mis aux trois mèches, les trois ouvriers du chantier, qui s'étaient garés dans les environs immédiats, entendirent « trois détonations bien distinctes, dont les deux premières presque coup sur coup et

(1) Annales des Mines, livraison de juillet 1896.

la troisième à deux ou trois secondes d'intervalle, cette dernière plus sourde que les deux autres ». Ils revinrent donc au chantier, et au moment où ils arrivaient au front de la taille, un des coups, qui fumait encore, partit et blessa l'un d'eux au visage. Il semblerait donc que ce coup fût parti en deux fois, l'explosion finale ayant été précédée d'une première explosion partielle.

Le fait est d'autant plus digne d'attention que, d'après les documents communiqués, des circonstances analogues se sont présentées antérieurement.

Le 8 septembre 1891, dans les premiers essais de la grisounite. au puits du Ban des mines de Roche-la-Molière et Firminy, un trou de mine avait été chargé de deux cartouches. Après la mise de feu, « on entendit une détonation un peu sourde », et l'un des assistants, s'étant avancé, constata que « le coup n'avait pas travaillé et que du trou sortait une fumée jaunàtre épaisse »; puis une seconde explosion se produisit, qui le blessa légère

ment.

En avril 1891, au cours d'expériences faites au puits Lachaux, de la même Compagnie, l'explosion d'un coup de mine chargé à 1505 avait eu lieu en deux fois et, dans un autre coup de mine chargé à 300", « on avait entendu trois détonations à un intervalle de deux ou trois secondes ».

Un autre fait, recueilli par l'un des membres de la Commission du grisou, doit aussi être signalé: il y a trois ou quatre ans, dans les exploitations de Montceau, un coup de mine ayant été allumé à l'électricité, les ouvriers, ayant entendu la détonation de la capsule, pensèrent que le coup avait raté. Au moment où ils arrivaient près du chantier, une explosion se produisit avec un retard qui était de deux ou trois minutes au moins; aucun d'eux, heureusement, ne fut blessé.

Les faits précités paraissent suffisamment établis; pour en concevoir une explication plausible, il est utile de rappeler quelques notions relatives aux décompositions explosives.

La décomposition d'un explosif n'a pas lieu suivant une seule réaction caractéristique; une cause importante de variation résulte de la pression sous laquelle les produits se trouvent placés pendant la réaction.

La dynamite, le coton-poudre, l'azotate d'ammoniaque, en général les explosifs azotés purs ou mélangés, fusent lentement à l'air libre, suivant un mode de décomposition caractérisé par un dégagement abondant de bioxyde d'azote.

Les mêmes matières, enflammées dans une capacité close et résistante, se décomposent rapidement sans trace de bioxyde d'azote. Il importe, d'ailleurs, de remarquer que ce second mode, le seul qui soit véritablement explosif, se substitue fréquemment au premier dès que quelque circonstance extérieure, venant à gêner le dégagement des gaz, accroît la pression. Ainsi s'expliquent les accidents survenus en brûlant des cartouches de dynamite à l'air libre ou en cherchant à réaliser dans des tubes la combustion fusante de matières telles que le picrate d'ammoniaque.

La réaction provoquée par les détonateurs, dont l'amorce au fulminate de mercure est le type usuel, ne diffère pas de celle qui se produit par inflammation en vase clos, sous de fortes pressions. Ce qui caractérise alors le phénomène, c'est la rapidité avec laquelle la décomposition se propage sous l'influence du détonateur; cette rapidité est telle que la masse tout entière tend à se décomposer dans un volume peu différent de son volume initial, et c'est ainsi que naissent des pressions énormes, même à l'air libre ou sous bourrage léger.

Par suite de défectuosités de l'amorce ou de l'amorçage, une charge peut s'enflammer et fuser lentement au lieu de détoner; il ya alors ce qu'on appelle un raté de détonation, et l'explosif se décompose suivant le mode caractéristique des faibles pressions, avec dégagement de bioxyde d'azote.

La faculté de détoner par l'amorce et de propager la détonation varie beaucoup avec la substance; l'azotate d'ammoniaque est, à cet égard, particulièrement insensible, et la propriété détonante de la grisounite n'est due qu'à la présence d'une petite quantité de nitronaphtaline. On comprend donc que des circonstances peu apparentes puissent entraver la détonation de cet explosif.

Ces remarques s'appliquent aux faits signalés à Montceau, il semble n'y avoir eu qu'un raté de détonation déterminant d'abord la décomposition fusante; l'augmentation progressive de la pression dans le trou de mine a déterminé ensuite la décomposition explosive.

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