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ge Année.

QUESTIONS

GRAMMATICALES

COURRIER

PRIX :

Par an, 6 fr. pour la France, et 7 fr. 50 pour l'étranger (Un. post.) Annonces Ouvrages, un exemplaire; Concours littéraires, gratis.

FRANCE

Le Rédacteur du COURRIER DE VAUGELAS est heureux de pouvoir porter à la connaissance de ses lecteurs qu'il a obtenu deux récompenses à l'Exposition universelle,

une mention honorable et une médaille de bronze.

COMMUNICATION.

N° 1.

DE

CONSACRÉ A LA PROPAGATION UNIVERSELLE DE LA LANGUE FRANÇAISE

Paraissant le 1 et le 15 de chaque mois

(Publication couronnée à l'Académie française en 1875, et doublement récompensée à l'Exposition de 1878.)

Rédacteur: EMAN MARTIN

ABONNEMENTS:

ANCIEN PROFESSEUR SPÉCIAL POUR LES ÉTRANGERS
Officier de l'Instruction publique
26, boulevard des Italiens, Paris.

Se prennent pour une année entière et partent tous de la même époque. S'adresser soit au Rédacteur soit à un libraire quelconque.

SOMMAIRE.

Communication sur le sens du mot Etiage; Comment il se fait que Bi, Tri, Quatri, etc. représentent l'idée de mille dans les expressions Billion, Trillion, Quatrillion, etc.; Comment Garder le mulet peut signifier attendre impatiemment ; — Pourquoi Sens a deux prononciations; Etymologie de l'interjection Motus! || Origine du proverbe L'appétit vient en mangeant; Si l'expression Un vapeur est française; Différence entre N'en pouvoir plus et N'en pouvoir mais. || Passe-temps grammatical. || Biographie de Claude Buffier. || Ouvrages de grammaire et de littérature. || Concours littéraires. || Renseignements offerts aux Étrangers. || Réponses diverses.

LE

Journal Semi-Mensuel

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La nouvelle crue de la Seine qui nous est annoncée me remet en mémoire la lettre suivante, reçue depuis fort longtemps, et, par oubli, laissée jusqu'ici sans réponse:

Paris, le 8 mars 1876.

Monsieur,

En ce temps de grandes eaux où nous sommes, on voit à chaque instant se reproduire dans les journaux une bizarre erreur, qui consiste à employer le mot étiage comme synonyme de celui d'échelle, à dire, par exemple, ainsi qu'on le trouve dans l'Officiel de ce jour La Seine marque 5 m. 90 à l'étiage du Pont-Royal ». Tant que cette erreur s'est bornée à s'installer dans le domaine des faits divers, où l'on ne remarque, en général, qu'un assez médiocre souci des règles de notre langue, il ne m'a pas paru qu'elle demandât, plus que diverses autres, à être spécialement relevée; mais voici qu'elle en vient, en ce même numéro du Journal officiel, à faire invasion dans un article de littérature et que, parlant des recettes qu'un ouvrage dramatique fait entrer dans les caisses d'un théâtre, on les désigne dans cet article comme un « étiage auquel se mesurent les fluctuations du goût public ». Il me semble dès lors qu'il

VAUGELAS

1 er Mars 1879.

QUESTIONS PHILOLOGIQUES

y a péril en la demeure et qu'il est grand temps que le

holà (comme après Attila) vienne remplacer le mélancolique et silencieux hélas! et que c'est à votre intéressant

journal, gardien vigilant de la pureté de la langue, qu'il

appartient de mettre un terme à un abus dont le progrès prend un caractère alarmant. Je suppose donc que vous jugerez comme moi nécessaire d'y rappeler que le mot étiage signifie, suivant la définition du Dictionnaire de l'Académie, le plus grand abaissement des eaux d'une rivière », et qu'on commet une grosse faute quand on le confond avec les échelles qui marquent le niveau de ces

eaux.

Agréez, monsieur, l'expression de ma considération très distinguée. Un de vos lecteurs.

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Par conséquent, je ne vois aucun empêchement, surtout lorsqu'il s'agit d'une expression à double complément comme celle qui nous occupe, à ce que l'on use une fois de plus d'un procédé d'abréviation si généralement pratiqué, et que l'on dise, en ellipsant échelle de la phrase précédente :

La Seine marque 5 m. 90 à l'étiage du Pont-Royal.

Il y a encore une quatrième acception du mot étiage que j'adopterais assez volontiers, parce qu'elle peut se justifier d'une manière toute semblable; c'est celle dans laquelle ce mot est employé pour signifier tableau des hauteurs de l'eau à l'étiage des différents ponts jetés sur un fleuve, et qui se trouve dans ce passage que j'em-lion qui ne signifie plus que mille quatrillions, etc., l'idée

Mais quoique les expressions nouvelles indiquassent des quantités numériques mille fois plus petites (car diviser en groupes de trois chiffres ce qui l'avait été mille l'ancien billion, l'ancien trillion, etc.), on ne les auparavant en groupes de six, revenait à diviser par en a pas moins conservées; de sorte que dans billion, qui ne signifie plus que mille millions; dans trillion, qui ne signifie plus que mille billions; dans quatrillion, qui ne signifie plus que mille trillions; dans quintil

prunte au journal la France du 29 décembre 1878 :
LA CRUE DE la Seine, Les eaux de la Seine montent
dans de fortes proportions. Voici l'étiage de ce matin : Pont-
Royal, 3 m. 22; Pont de la Tournelle, 3 m. 16; - Surènes
(aval) 4 m. 44; Meulan, 4 m. 05; Mantes, 2 m. 72; -
Melun, 2 m. 47; - Corbeil, 1 m. 85.

de mille a toute l'apparence d'avoir été exprimée succes-
sivement par bi, tri, quatri, quinti, etc. sans qu'il en
soit absolument rien.

X

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Première Question.

Le mot BILLION veut dire mille millions; TRILLION, mille billions; QUATRILLION, mille trillions; QUINTILLION, mille quatrillions, etc. Comment se fait-il qu'aucune des initiales de ces mots, BI, TRI, QUATRI, etc., ne signifie l'idée de mille?

Dans l'ancienne numération, on ne comptait pas comme on le fait aujourd'hui, preuve cette citation empruntée par M. Littré à Estienne de la Roche (Arismetique, fo 7) :

L'on peut diviser les figures de six en six, en commençant toujours à dextre, et sus la premiere figure d'une chescune sixiesme, la premiere exceptée, l'on peut metre ung petit point; et doit on savoir que toutes les figures, depuis le premier point jusques au second, si tant en y a, sont tous millions; et du second au tiers sont millions de millions; et du tiers au quart sont millions de millions de millions; et ainsi des aultres pointz, en proferant ce vocable million autant de fois comme il y aura de pointz.

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Dans la seconde moitié du XVIe siècle, les tranches devinrent de trois chiffres, après en avoir compté six jusqu'alors, ce que l'on voit parfaitement dans l'arithmétique de Jean Trenchant, imprimée à Lyon en 1571.

Trillion.
Quatrillion.
Quintillion.
Sextillion, etc.

Dans son Essai sur l'entendement humain (Londres, 1698), Locke, après avoir reproché à ses compatriotes de ne pouvoir énoncer les grands nombres qu'en redoublant le nom de millions, dit qu'il y a « longtemps » que les Français connaissent les termes de billion, de trillion, de quatrillion, etc.

J'ai cherché une date plus précise que cet adverbe, et j'ai atteint mon but en faisant la réflexion suivante :

L'arithmétique d'Estienne de la Roche, que j'ai citée en commençant, se sert des termes en question comme s'ils fussent déjà généralement admis :

Ou, qui veult, le premier point peult signifier million, le second point, billion, le tiers point, trillion, le quart point, quadrillion, etc.

Or, cet ouvrage ayant paru à Lyon en 1520, il n'y aurait rien d'étonnant à ce que lesdits termes eussent été employés chez nous dès la fin du xve siècle.

Seconde Question.

Je désirerais bien savoir pourquoi on dit GARDER LE MULET pour dire attendre quelqu'un qui est allé faire une visite après nous avoir quitté.

Avant le xvIIe siècle, alors que l'usage des carrosses n'était pas encore devenu commun, les magistrats, les médecins et autres graves personnages montaient sur des mules ou des mulets pour aller à leurs affaires. En voici, entre mille, une preuve trouvée dans Chéruel (Dict. des Instit. p. 1266, col. 1):

Gil Le Maître, premier président du Parlement de Paris à la fin du XVIe siècle, avait passé avec ses fermiers un contrat que ses descendants montraient encore au xvii siècle. On y lisait que les fermiers seraient tenus, la vendanges, de lui amener une charrette couverte, avec de veille des quatre bonnes fêtes de l'année, et au temps des bonne paille fraîche dedans pour y asseoir commodément Marie Sapin, sa femme, et sa fille Geneviève, comme aussi de lui amener un ânon et une ânesse pour faire monter dessus leur chambrière, pendant que lui (premier président) marcherait devant, monté sur sa mule, accompagné de son clerc, qui serait à pied à ses côtés ».

Pendant que le maître était dans la maison de la per

sonne qu'il visitait, un valet gardait sa monture dans la rue, occupation qui était le plus souvent fort ennuyeuse. Or, c'est de là qu'est venue l'expression familière de garder le mulet pour signifier attendre impatiemment quelqu'un qui nous a laissé pour aller faire une visite.

Х

Troisième Question.

Seriez-vous assez aimable pour me dire, dans un de vos prochains numéros, 1° pourquoi le mot SENS se prononce de deux manières, SAN et SANCE? 2o si dans SENS DESSUS DESSOUS, il doit se prononcer SAN ou SANCE?

Dans les premiers siècles de la langue française, le mot sens, quelle que fût sa signification, se prononçait san, comme le montrent ces exemples, un par la rime el deux par l'orthographe :

A ben petit que il ne pert le sens.

E dit al cunte: «Jo ne vos aim nient!
(Ch. de Roland, ch. I, v. 305.)
Quant Carles li cria: Saisne, que penses tu?
Cuides me tu sorvaincre? tu as le san perdu.
(Chans. des Sazons, II.)

Dès que je m'i sui anbatuz,
Je ne tornerai autre san.

(La Charrette, 1378.)

Mais, vers le milieu du xvii, ainsi que nous l'apprend Chifflet dans sa grammaire, publiée en 1695 (voir Courrier de Vaugelas, 6o année, p. 62, col. 2, tout en bas de la page), les plus « disers » prononçaient toujours l's finale dans sens, pour éviter les équivoques qu'il pourrait faire avec le mot sang.

Or, quoique avec le temps, cette nouvelle manière de prononcer sens l'ait emporté sur l'ancienne, ce n'a pas été au point de faire disparaître celle-ci complètement; et c'est pour cette raison que, dans la langue actuelle, on entend prononcer sens tantôt san, tantôt sance.

Quant à l'expression sans dessus dessous, il n'est pas possible, à mon avis, qu'on y prononce jamais sance, et je vais vous en dire la raison, qui est bien simple :

A l'origine, cette expression avait la forme c'en dessus dessous (ce que j'ai fait voir dans le Courrier de Vaugelas, 7 année, p. 147). Or, parce qu'il a été commis une bévue relativement à son orthographe, ce n'est pas un motif pour qu'on en commette une aussi relativement à sa prononciation: il faut dire san dessus dessous, et pas autrement.

Quatrième Question.

Je vous serais bien obligé de me dire, dans un de vos prochains numéros, l'étymologie de l'interjection Morus! car jusqu'ici je n'ai rien trouvé de satisfaisant à ce sujet dans les divers dictionnaires que j'ai consultés.

A ma connaissance, il a été donné deux étymologies de ce mot, l'une par M. Aug. Scheler, et l'autre par M. Littré.

M. Aug. Scheler est disposé à voir dans motus une forme « gâtée » du latin mutus, muet; d'après M. Littré, il parait venir de mot, auquel on aurait ajouté la termi

naison latine us, car « mot s'est dit en effet au sens de motus ».

Je ne puis admettre l'origine pour laquelle penche Aug. Scheler, et voici les raisons qui m'en empêchent :

4° La syllabe mut de mutus ne s'est changée en mot dans aucune langue dérivée du latin espagnol et portugais, mudo; italien muto; français muet, aussi bien pendant le moyen âge qu'à présent. Comment motus pourrait-il être venu de mutus?

2o L'interjection motus n'est ni dans Palsgrave (1530), ni dans Nicot (1606); mais je l'ai trouvée pour la première fois dans Antoine Oudin (1656), qui la mentionne dans la phrase suivante :

Motus la cane pond, i. Taisez vous. Vulg. ce qui semble établir qu'elle a dû faire son apparition en français dans la première moitié du XVIe siècle.

Or, à cette époque, je ne sache pas que l'u des mots latins introduits dans notre langue se prononçât autrement qu'il le fait aujourd'hui. D'où il suit que motus ne peut évidemment venir de mutus.

3o J'ai cherché comment se dit motus dans les langues des divers peuples qui nous entourent; et, dans aucune, je ne l'ai trouvé traduit par un mot signifiant muet. N'en serait-il pas tout autrement, si le sens de muet était réellement dans motus?

Quant à l'explication de M. Littré, je crois que c'est la bonne, mais à la condition, toutefois, qu'on y modifie quelque chose que je vais vous dire.

D'après le savant académicien, motus aurait été formé du substantif mot « affublé, par plaisanterie, d'une terminaison latine ».

Il est certain que mot, construit avec les verbes dire, sonner et souffler, employés négativement, s'est dit, en effet, dans le sens où s'emploie motus, car en voici des exemples:

Ne soufflez mot, retenez votre haleine;
Tremblez, enfants, vous qui jurez parfois.
(Béranger, Préf.)
Le bruit est pour le fat, les plaintes pour le sot;
L'honnête homme trompé s'éloigne et ne dit mot.
(Lanoue, la Coq. corr. I, 3.)

Vous avez raison, je ne sonnerai mot.

(Dancourt, les Trois cous. I. 7.)

Mais, comme il n'est pas d'usage en français, même dans le style comique ou plaisant, de former, en ajoutant us à un substantif, des interjections tenant lieu d'une phrase négative tout entière, je me sens incliner à croire que motus pourrait venir plutôt de mots tus, origine que la prononciation appuie, du reste, de ces deux arguments qui ne sont pas sans valeur:

1° Si motus vient de mots tus, l's finale n'y doit pas sonner. Or, elle n'y sonnait pas non plus à l'origine, ce qui ressort avec la dernière évidence de ces vers empruntés au Rendez-vous de Fagan (scène vII), où le mot en question rime avec vaincus :

Vous me connoissez mal. D'une telle foiblesse Jamais les Jaquemins n'ont été convaincus : Je serois le premier du nombre des... Motus. 20 Si l'interjection motus est une contraction de mots

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