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poumons (ce qui est essentiel à tout son de la voix humaine), puis ouvrir simplement la bouche sans faire aucun autre mouvement particulier; or, l'e muet est encore plus aisé; car, en faisant simplement ce qu'on fait pour prononcer l'a et ouvrant la bouche moitié moins, on forme le son d'un e muet, comme chacun peut en faire facilement l'expérience.

De plus, il est si naturel à l'homme de prononcer cette voyelle, qu'il la prononce lorsqu'il le croit le moins. Partout où dans une même syllabe on prononce deux consonnes de suite, on prononce un e muet après la première de ces deux consonnes, à la vérité avec promptitude et vitesse, mais très réellement de sorte que, pour y distinguer parfaitement notre e muet, il n'y a qu'à prononcer lentement le mot où sont les deux consonnes. C'est ce qu'éprouvent toutes les nations en prononçant le mot de l'évangile mna avec lenteur; ce qui ne change rien du tout au son, puisqu'il demeure le même, qu'il soit prononcé ou vite ou lentement: si donc en prononçant mna, on insiste un peu sur l'm, de quelque nation que l'on puisse être, on prononcera distinctement le mot français mena, il mena (duxit).

Il y a plus, on ne saurait prononcer à la fin d'un mot aucune consonne qu'on ne prononce à sa suite un e muet de là vient que les étrangers nous reprochent que nous ne mettons point de différence entre apel et apele c'est qu'au fond ni eux ni nous ne saurions prononcer apel sans prononcer un e muet à la fin. La différence que nous autres Français mettons dans la prononciation de ces deux mots ne vient point du son, mais de ce que nous marquons et distinguons plus fortement le son de l'e muet dans apele que dans apel.

En effet, pour ne pas prononcer distinctement l'e muet après une consonne quelconque qui ne se trouve pas suivie de quelque voyelle, il faut pour ainsi dire retenir son haleine; autrement, il arriverait que, sans vouloir prononcer aucune voyelle en particulier, on prononcerait naturellement l'e muet, il ne faut qu'en faire l'expérience avec un peu d'attention.

Mais sans une attention si grande, qu'on voie comment les Italiens en déclamant prononcent les consonnes finales, surtout des mots latins on trouvera manifestement qu'ils prononcent fas, ipsemet, fistulam comme nous ferions si nous les voyions écrits fasse, ipsemette, fistulame, et que nous prononçassions ces syllabes brèves. Ainsi, on peut dire que l'e muet est une voyelle que tous les hommes, sans le vouloir et sans y penser, prononcent après une consonne qui n'est suivie d'aucune voyelle particulière.

Si l'on demande pourquoi on s'aperçoit si peu de cette prononciation universelle de l'e muet, le P. Buffier répond que la raison en est renfermée dans cette expression même e muet c'est que cette voyelle est le plus petit, le plus sourd et le plus imperceptible de tous les sons de la voix humaine; de sorte que, là où l'usage ne nous le distingue point aux yeux, nous ne le distinguons pas nous-même à l'oreille. En effet, cette prononciation est si légère, si subtile qu'à la fin de nos vers elle n'est point censée faire une syllabe particulière, ou du moins

que cette syllabe est surnuméraire ou comptée pour rien; si bien que, dans notre poésie régulière, les vers féminins ont toujours une syllabe de plus que les autres, quoique les uns et les autres paraissent, au jugement de l'oreille, ne faire qu'un même nombre de syllabes. SECONDE PARTIE. Pratique de la Grammaire.

Cette pratique consiste à bien employer les noms, les verbes et les modificatifs; et comme, outre leur emploi particulier, il se trouve de la difficulté à les joindre les uns aux autres, l'auteur ajoutera une quatrième section, savoir la syntaxe.

Je vais indiquer les choses remarquables contenues dans chacune de ces sections.

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Quelques noms en ou peuvent prendre un x au pluriel caillou, cailloux ou caillous.

Gentilhomme fait au pluriel gentilshommes, de manière que l ne s'y prononce plus au pluriel.

Dans les noms terminés par nt, quelques-uns retranchent le t avant l's du pluriel : enfant, enfans; la plupart même écrivent cens au lieu de cents: deux cens hommes.

Des articles des noms. L'adverbe bien, pris pour beaucoup, demande après lui l'article défini; ainsi l'on dit bien de la peine, bien de l'argent, bien du temps, au lieu qu'on dit beaucoup de peine, etc.

Quand l'article mitoyen (partitif) ne précède pas immédiatement son substantif, mais qu'il y a un adjectif entre les deux, on emploie l'article indéfini de au lieu de du, de la, de l', des; ainsi au lieu d'écrire de l'eau pure, du vin excellent, on dit de pure eau, d'excellent vin.

Dans la même phrase, on peut employer tantôt l'article défini, tantôt l'article indéfini, tantôt l'article partitif; ainsi, selon l'occasion, on peut dire les gens d'esprit, des gens d'esprit, ou gens d'esprit.

Des noms adjectifs. -L'adjectif plat fait au féminin platte.

L'adjectif vieux se dit aussi vieil, mais ce n'est guère que dans l'expression le vieil homme pour dire l'homme corrompu par le péché.

Les adjectifs public, caduc, grec, turc changent c en qu pour le féminin: publique, caduque, greque, turque. En parlant du nombre des années, on dit mil; mais en toute autre occasion on dit mille.

Dans le discours familier, on peut dire le deux, le trois de ce mois, pour dire le deuxième, le troisiéme, etc.

(La suite au prochain numéro.)

LE RÉDACTEUR-GÉRANT: EMAN MARTIN.

BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE

Publications de la quinzaine :

Les Boutiques d'esprit; par Auguste Lepage. In-18 jésus, 353 p. Paris, lib. Olmer.

Les Césars du IIIe siècle; par le comte de Champagny, de l'Académie française. T. 1. Nouvelle édition, revue et considérablement augmentée. In-18 jésus, 504 p. Paris, lib. Bray et Retaux. L'ouvrage complet formera 3 vol. à 18 fr.

L'Invasion; par Erckmann-Chatrian. In-4° à 2 col., 104 p. avec gravures. Paris; lib. Hetzel et Cie. 1 fr. 60. Souvenirs et mélanges; par M. le comte d'Haussonville, de l'Académie française. In-18 jésus, 465 p. Paris, lib. C. Lévy.

La Pléiade française. OEuvres poétiques de Remy Belleau, avec une notice biographique et des notes par Marty-Laveaux. 2 vol. Petit in-8°, 872 p. et portrait. Paris, lib. Lemerre.

Dix ans de l'histoire d'Angleterre ; par Louis Blanc. I. In-18 jésus, x1-439 p. Paris, lib. C. Lévy. 3 fr. 50.

Poésies de François Coppée (1869-1874). Les Humbles. Ecrit pendant le siège. Plus de sang. Promenades et intérieurs. Le Cahier rouge. Petit in-12, 240 p. Paris, Lemerre. 5 fr.

Essai sur l'histoire des religions; par Max Müller, professeur à l'Université d'Oxford. Ouvrage traduit de l'anglais avec l'autorisation de l'auteur; par George Harris, professeur au lycéo Fontanes. 3e édition. In-18 jésus, XL-530 p. Paris, lib. Didier et Cie. 4 fr.

Histoire de la divination dans l'antiquité; par A. Bouché-Leclercq, professeur à la faculté des lettres de Montpellier. T. I. Introduction; Divination hellénique (méthodes). In-8°, x-386 p. Paris, lib. Leroux.

Madame Robernier; par Ernest Daudet. In-18, 272 p. Paris, lib. Plon.

Les Origines de la renaissance en Italie; par Emile Gebhart, professeur de littérature étrangère à la faculté des lettres de Nancy. In-18 jésus, vш-423 p. Paris, lib. Hachette et Cie. 3 fr. 50.

Voyage d'une femme de Spitzberg; par Mme Léonie d'Aunet. In-18 jésus, 308 p. Paris, lib. Hachette et Cie. 1 fr. 25.

Études et Discours (1868-1878) par Ernest Bersot, de l'Institut, directeur de l'Ecole normale supérieure. In-8°, 472 p. Paris, lib. Hachette et Cie.

Le Catholicisme contemporain; par Emile Burnouf. In-18 jésus, 467 p. Paris, lib. C. Lévy.

Poèmes de la Révolution, 1789-1796; par Emmanuel des Essarts. In-18 jésus, 370 p. Paris, lib. Charpentier. 3 fr. 50.

Jacques Vingtras; par Jean La Rue. In-18 jésus, 402 p. Paris, lib. Charpentier. 3 fr. 50.

Poésies nouvelles (1836-1852); par Alfred de Musset. Nouvelle édition. In-18 jésus, 328 p. Paris, lib. Charpentier. 3 fr. 50.

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COURS DE LITTÉRATURE SPÉCIAL, PRÉPARATOIRE AU BREVET SUPÉRIEUR. Par Mlle Tн. BRISMONTIER, professeur spécial pour la préparation aux examens, répétiteur des premières classes de latin et de grec. Ouvrage adopté à la maison de Saint-Denis, et auquel la Société libre d'instruction et d'éducation populaires a décerné une médaille d'honneur et la médaille d'or offerte par M. de Larochefoucauld, président honoraire de cette Société. Paris, chez l'auteur, 1, place Wagram.

EPICURIENS ET LETTRÉS, XVII® ET XVIII® SIÈCLES. Par GUSTAVE DESNOIRESTERRES. L'abbé Choisy;

Favart et Voisenon; lord Kingston et Mme de la Touche. -In-18 jésus, Iv-464 pages. Paris, librairie G. Charpentier. Prix: 3 fr. 50.

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HISTOIRE DE FRANCE, PÉRIODE CONTEMPORAINERègne de Louis-Philippe. République de 1848. Empire. République, jusqu'à la Constitution de 1875.Par LOUIS GRÉGOIRE, professeur d'histoire au lycée Fontanes, illustrée de nombreuses vignettes sur acier par les grands maîtres, gravées par les principaux artistes. Tome premier. - Paris, Garnier frères, libraires-éditeurs, 6, rue des Saints-Pères. Prix 7 fr. le volume.

LA DUCHESSE DE CHATEAUROUX ET SES SOEURS. Par EDMOND et JULES DE GONCOURT. Nouvelle édition, revue et augmentée de lettres et de documents inédits tirés de la Bibliothèque nationale, etc. In-18 jésus, XIV-438 pages.- Paris, librairie G. Charpentier, Prix 3 fr. 50.

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COURRIER DE VAUGELAS (Collection du).
On peut se procurer immédiatement les années 1, 2, 4, 5, 6,

-

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HISTOIRE

DES

ROMAINS

DEPUIS LES TEMPS LES PLUS RECULES JUSQU'A L'INVASION DES BARBARES
Par VICTOR DURUY, membre de l'Institut, ancien ministre de l'Instruction publique.

NOUVELLE ÉDITION

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7 et 8; la 3e, qui vient d'être mise sous presse, sera réimprimée pour le commencement du mois d'août. - Prix : 6 francs l'année, envoi franco par la poste.

DIALOGUES ET ENTRETIENS PHILOSOPHIQUES DE VOLTAIRE. Recueil complet de tous les dialogues publiés isolément ou sous ce titre, et augmenté notablement par l'addition de tous les dialogues extraits des OEuvres complètes de Voltaire, publiés dans un ordre nouAvec introduction, notes et variantes, index philosophique par ALFRED LEFÈVRE. Tome II. Paris, Alphonse Lemerre, éditeur, 27-31, passage Choiseul. Prix 2 fr. 50.

veau.

:

Revue, augmentée et enrichie d'environ 2,500 gravures dessinées d'après l'antique et de 100 cartes ou plans.

TOME PREMIER

DES ORIGINES A LA FIN DE LA DEUXIÈME GUERRE PUNIQUE
Contenant 518 gravures, 9 cartes, 1 plan et 7 chromolithographies.

Prix: 25 francs le volume.

Paris, librairie Hachette et Cie, 79, boulevard Saint-Germain.

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CONCOURS LITTÉRAIRES.

LA SOCIÉTÉ DES ÉTUDES HISTORIQUES décernera, dans sa séance publique de l'année 1880, un prix de 1,000 fr. à l'auteur du meilleur mémoire sur la question suivante : « Histoire des origines et de la formation de la langue française jusqu'à la fin du XVIe siècle ». Les mémoires manuscrits devront être adressés à M. l'Administrateur avant le 1er Janvier 1880. Ils ne seront point signés et porteront une épigraphe répétée sur un billet cacheté renfermant le nom et l'adresse de l'auteur. Ils devront être inédits et n'avoir pas été présentés à d'autres concours. L'auteur qui se sera fait connaître, sera, par ce seul fait, mis hors de concours. Les mémoires ne seront pas rendus; les auteurs auront la faculté d'en prendre ou d'en faire prendre copie. La Société pourra les publier, en tout ou partie.

ACADÉMIE FRANÇAISE.

L'Académie propose pour sujet du prix d'éloquence à décerner en 1880: ELOGE DE MARIVAUX. Les ouvrages envoyés à ce concours ne seront reçus que jusqu'au 31 décembre 1879. Les ouvrages manuscrits destinés à concourir devront étre déposés ou adressés francs de port, au secrétariat de l'Institut, avant le terme prescrit, et porter chacun une épigraphe, ou devise, qui sera répétée dans un billet cacheté joint à l'ouvrage, et con. tenant le nom et l'adresse de l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître d'avance. Si quelque concurrent manquait à cette dernière condition, son ouvrage serait exclu du Concours. Les concurrents sont prévenus que l'Académie ne rendra aucun des manuscrits qui lui auront été adressés; mais les auteurs pourront en faire prendre des copies.

LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ÉDUCATION DE LYON destine, pour 1879, un prix de 300 fr. au meilleur mémoire inédit sur ce sujet : « Pourquoi, dans les écoles de quelques nations étrangères, les punitions corporelles n'ont-elles pas été supprimées comme dans les écoles françaises? Apprécier les conséquences des deux systèmes. >> Le prix sera décerné dans la séance publique de 1880. Les mémoires devront être adressés franco, avant le 1er novembre prochain. Pour plus amples renseignements s'adresser à M. Palud, rue de la Bourse, no 4.

Réponses diverses.

M. D., à Pontoise: Sans doute, cette table serait très utile; mais il faut du temps pour la faire, et c'est à peine si j'en ai assez pour mener de front ma réimpression et mon année courante; du reste, je la mettrais plus volontiers après la 10. année qu'après celle-ci. - M. G. B. D. C., à Troyes: Lisez beaucoup d'ouvrages du xvi siècle; notez, en mentionnant exactement les sources, tous les passages qui vous sembleront propres à éclaircir quelque locution obscure, quelque proverbe non encore expliqué d'une manière satisfaisante, etc., et envoyez-moi vos notes : j'en ferai usage quand l'occasion s'en présentera, et vous collaborerez ainsi au journal. — M. G., à Paris : Je vous remercie des questions que vous m'avez adressées; je les examinerai à leur tour. - M. H. R., à Lille: Vous me devez actuellement les années 2, 4 et 5.

Le rédacteur du Courrier de Vaugelas est visible à son bureau de une heure et demie à cinq.

Imprimerie G. Daupeley-GouverNEUR, à Nogent-le-Rotrou.

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COURRIER DE VAUGELAS

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LE

AVIS.

Dorénavant, on pourra s'abonner au Courrier de Vaugelas dans tous les bureaux de poste de France et d'Algérie en y déposant simplement le prix de l'abonnement, attendu que le Rédacteur prend le droit de 3 °. à sa charge.

CONSACRÉ A LA PROPAGATION UNIVERSELLE DE LA LANGUE FRANÇAISE

Paraissant le 1 et le 15 de chaque mois

(Publication couronnée à l'Académie française en 1875, et doublement récompensée à l'Exposition de 1878.)

PRIX :

Rédacteur: EMAN MARTIN

Par an, 6 fr. pour la France, et 7 fr. 50 pour l'étranger (Un. post.) Annonces Ouvrages, un exemplaire; Concours littéraires, gratis.

ANCIEN PROFESSEUR SPÉCIAL POUR LES ÉTRANGERS
Officier de l'Instruction publique
26, boulevard des Italiens, Paris.

SOMMAIRE.

Communication sur la tournure par l'infinitif des phrases où se présente Que... qui; Critique de l'orthographe de Fort dans l'expression Se faire fort de; Origine de la phrase comparative Heureux comme un coq en páte; Construction d'une phrase renfermant un participe présent ; D'où vient l'expression familière Faire des boulettes; Origine et signification du proverbe Se damner comme une serpe. || Origine de Se mettre le doigt dans l'œil; — Étymologie du verbe Fignoler; -Différence entre les mots Lime, Limon el Citron. || Passe-temps grammatical. Suite de la biographie de Claude Buffier. || Ouvrages de grammaire et de littérature. || Concours littéraires. Réponses diverses.

FRANCE

Journal Semi-Mensuel

COMMUNICATION.

Dans mon numéro 6 (8° année), j'avais indiqué comme fautive une de ces phrases qui offrent à la suite l'un de l'autre les pronoms que... qui, et dans le numéro suivant, j'avais corrigé ladite phrase en remplaçant par l'infinitif le pronom qui et le verbe à l'indicatif dont il était le sujet.

15 Juin 1879.

Un lecteur a prétendu que, ce faisant, j'introduisais une << incorrection nouvelle ». J'ai démontré, page 73, que ma correction était conforme à la règle généralement suivie; mais il paraît que ma démonstration n'a pas été suffisante, car un autre lecteur m'a écrit la lettre qu'on va lire :

QUESTIONS

PHILOLOGIQUES

Monsieur,

J'étais de l'avis de celui de vos abonnés qui vous reprochait d'avoir remplacé une incorrection par une autre en substituant aux mots que je doute qui se rencontre ceux-ci que je doute se rencontrer.

Vous avez écarté son observation dans votre numéro du 15 de ce mois, et, pour prouver le droit que vous en aviez,

ABONNEMENTS: Se prennent pour une année entière et partent tous de la même époque. S'adresser soit au Rédacteur soit à un libraire quelconque.

vous avez donné une démonstration qui, permettez-moi de le dire, ne me semble pas suffisamment concluante.

Sans doute, vous appuyant très légitimement sur les deux derniers exemples que vous avez cités et remontant aux citations qui les précèdent, vous pouviez dire, dans les vers de La Fontaine :

Doit avouer vous étre due; dans la phrase de Mme de Sévigné :

Que nous disions vous ressembler ; et dans celle de Massillon :

Ce que Jésus-Christ a prédit ne devoir jamais arriver. Mais pourriez-vous dire dans la phrase de Fontenelle : Que je m'étonne n'avoir pas perdu de réputation, etc. Je serais surpris que vous vous crussiez fondé à répondre affirmativement, et, sauf les nouveaux développements que vous pourriez ajouter à votre démonstration, je reste disposé à penser que l'emploi de l'infinitif au lieu de l'ancienne tournure de qui suivi d'un infinitif ou d'un conditionnel est parfaitement justifié quand cet infinitif vient après le verbe dire ou d'autres, tels que prédire, avouer qui, comme lui, impliquent un sens affirmatif, mais qu'il ne l'est point dans les autres cas.

Veuillez agréer, Monsieur, l'assurance de ma considération la plus distinguée.

Un de vos lecteurs.

D'après cette communication, l'emploi de l'infinitif comme complément d'un verbe précédé de que dépendrait du sens de ce verbe; il ne pourrait avoir lieu que dans le cas particulier où ledit verbe impliquerait, comme dire, prédire, avouer, un sens affirmatif.

Pour moi, je crois que mon correspondant est dans l'erreur, ce que j'espère démontrer de deux manières : par les faits et par le raisonnement.

Preuve par les faits. Voici quelques exemples, auxquels j'en pourrais ajouter bien d'autres si j'avais le temps d'en chercher, où le verbe suivant que n'a pas le sens « affirmatif » :

Il y a une Chapelle, vulgairement appellee de sainct Pere, qui est sainct Pierre, que l'on estime avoir esté bastie devant l'Eglise sainct Sulpice.

(Malingre, Antiq. de Paris, p. 193.) M. le Dauphin, depuis son inoculation, qu'on se rappelle avoir été pénible, longue et inquiétante, n'a porté santé. (Bachaumont, Mém. secr., 38° vol., p. 9.) Chaque directeur en soldait un ou plusieurs, qui avant

forme unique pour le masculin et le féminin, n'eut qu'une forme pour les deux genres:

Ço dit Rollans: Forz est nostre bataille. (Ch. de Roland, ch. III, v. 276,) Car tant est fort et cruels sa prisons. (Couci, XIII.) Vous irez à Cologne, la fort cité garnie. (Chanson des Saxons, VII.)

Quand vint le temps où fort et les adjectifs de même Quelle est la signification de la partie de ces phrases catégorie rentrèrent dans la règle générale, on l'écrivit où sont employés que... qui? naturellement variable dans Se faire fort de, comme le montrent ces exemples, empruntés à des auteurs du XIV, du xve et du xvie siècle :

Pour la première, c'est :

L'envie doit avouer que lesquels vous sont dus.
Pour la seconde, c'est :

et après le 18 fructidor, s'insinuaient dans les maisons qu'on soupçonnait avoir quelques liaisons avec les évêques et les prêtres insermentés.

(Vie publ. et priv. des Français, II, p. 157.)

Preuve par le raisonnement. Mon correspondant admet sans difficulté que l'on puisse dire :

Sur les éloges que l'envie doit avouer vous être dus, vous ne voulez pas qu'on appuie.

Cette dame Quintin, que nous disions vous ressembler, est comme paralysée.

Nous disions que laquelle vous ressemblait.

Or, toutes les phrases présentant que... qui peuvent être tournées, dans cette partie, absolument de la même manière, quel que soit le verbe placé entre les deux pronoms, ce que montrent les suivantes, faites à plaisir, à la vérité, mais qui ne seraient certes pas désavouées par le XVIIe siècle :

Voilà l'homme que j'ai cru qui pourrait vous servir. [J'ai cru que lequel pourrait vous servir].

C'est l'artiste que j'avais pensé qui viendrait vous prêter son concours. [J'avais pensé que lequel viendrait vous prêter son concours].

Je vous présenterai une institutrice que je trouve qui élèvera bien vos enfants. [Je trouve que laquelle élèvera bien vos enfants].

C'est M. un tel que je suppose qui a fait ce tableau. [Je suppose que lequel a fait ce tableau].

Combien je regrette la scène que vous aviez prévu qui arriverait. [Vous aviez prévu que laquelle arriverait].

Cette lettre vous sera remise par le jeune homme que je prétends qui est propre à vous servir. [Je prétends que lequel est propre à vous servir].

Par conséquent, la tournure par l'infinitif que j'ai indiquée pour les phrases renfermant que... qui est complétement indépendante de la nature du verbe venant après le relatif que.

Du reste, dans le cas où l'emploi de l'infinitif produirait une suite de mots offensant quelque peu l'oreille, rien n'empêcherait de mettre qui immédiatement après le substantif auquel il se rapporte, et, après lui, sous forme de parenthèse, le verbe qui suit que. Ainsi, par exemple, au lieu de c'est un homme que je suis persuadé devoir faire votre affaire (phrase d'une correction irréprochable), on pourrait dire :

C'est un homme qui, j'en suis persuadé, fera votre affaire.
X

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Et maistre renard vous la serre
A bonnes dents, et si l'emporte.
Ainsi est-il (je m'en fais forte)
De ce drap, etc.

(Farce de Pathelin, p. 31.)

Et combien que ceux de Sens, qui furent à Compiegne, se firent forts que ceux de Sens le consentiroient. (Juvénal, Hist. de Charles VI, p. 335, col. 1.)

Et que si, dirent-elles, nous nous faisons fortes pour luy. (Lasale, Petit Jehan de Saintré, ch. IV.) Eux aussi l'ayderoient, c'est à savoir chascune seigneurie de huit galées; et se faisoient forts de ceulx de Rhodes. (Boucicaut, I, ch. 29.)

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(Amadis de Gaule, feuillet LXXIV.) Mais au xvne siècle, voici ce qui arriva : A la Cour, beaucoup de dames (ce que j'infère d'un paragraphe de la page 195 des Nouvelles observations sur la langue françoise par Marguerite Buffet, ouvrage dédié à la reine) beaucoup de dames, dis-je, avaient conservé l'habitude d'employer fort en parlant d'une autre dame ou d'elles-mêmes; Vaugelas, qui ne décidait que par l'usage pratiqué en ce haut lieu, en conclut d'abord qu'une femme devait dire je me suis fait fort de..., et ensuite, qu'on devait laisser également fort invariable dans se faire fort employé au pluriel, qu'il s'agit d'hommes ou de femmes; ou, en d'autres termes, qu'il fallait dire elles se font fort de cela, ils se font fort d'aller, etc.

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