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règle de grammaire, la manière de parler qui est établie, et pour guide, l'établissement de l'usage même, indépendamment de toute cause qui ait pu l'introduire, qu'elle soit raisonnable ou qu'elle ne le soit pas.

Ce que c'est que l'usage, et d'où il se tire dans les diverses langues.

Il n'y a rien dont il soit plus difficile et plus rare de se former une idée exacte que de l'usage par rapport aux langues. Usage, en général, signifie ce qui est usité ou le plus usité; aussi l'usage en fait de langue est la manière de parler usitée ou la plus usitée parmi certain nombre d'hommes dans une certaine nation.

Cependant, il faut observer d'abord, avec tous les grammairiens, qu'en toute langue, il y a un bon et un mauvais usage, et que, parmi ceux qui la parlent, les uns le font bien et les autres mal. En quoi consiste cette différence? C'est que les premiers usent des manières de parler les mieux établies et les plus autorisées, et les autres, des manières de parler qui ne sont ni autorisées ni établies suffisamment. Une langue, comme il a été dit précédemment, n'est au fond qu'une sorte de mode qui a mis en vogue certaines expressions préfé

rablement à d'autres termes.

Mais de quoi dépend cette mode, et comment s'autorise-t-elle? Pour le mieux découvrir, considérons en particulier les langues mortes et les langues vivantes. Une langue morte est celle qui n'est plus la langue usitée d'aucune nation en particulier, comme l'hébreu, le grec ancien, le latin; et une langue vivante est celle qui est encore aujourd'hui la langue usitée de quelque nation particulière, comme le français, l'italien, etc.

Dans une langue morte, ce qui fait la mode et le bon usage, ce sont les livres des meilleurs « autheurs » qui aient écrit en cette langue; ainsi, par exemple, en latin, les auteurs qui ont écrit environ 50 ans avant ou 50 ans après le règne de l'empereur Auguste.

A l'égard des langues vivantes, leur meilleur usage ou leur mode se prend des expressions employées par les personnes les plus distinguées dans une nation, soit par leur qualité ou leur autorité, soit par leur habileté dans les lettres et par leur réputation de bien écrire.

Ainsi, l'italien qui se parle à la cour du pape semble d'un meilleur usage que celui qui se parle dans le reste de l'Italie. Cependant, la cour du grand-duc de Toscane parait balancer sur ce point la cour de Rome, parce que les Toscans ayant fait diverses réflexions et divers ouvrages sur la langue italienne, et en particulier un Dictionnaire (celui de l'Académie de la Crusca) qui a eu un grand « cours », ils se sont acquis par là une réputation que les autres contrées d'Italie ont reconnue bien fondée.

On fait encore dépendre la mode ou le bon usage d'une langue des gens de lettres qui en font une étude et qui ont la réputation de la bien écrire.

De deux sortes d'usages qu'il faut particulièrement considérer en français, l'usage constant et l'usage partagé.

L'usage constant est celui sur lequel le plus grand nombre des personnes de la Cour (car le P. Buffier

adopte la définition de Vaugelas) qui ont de l'esprit et des écrivains qui ont de la réputation s'accordent manifestement. Il ne faut pas s'attendre néanmoins que l'usage soit tellement constant que chacun de ceux qui parlent ou qui écrivent le mieux, parlent ou écrivent en tout comme les autres. Mais si quelqu'un s'écarte, en des points particuliers, ou de tous ou de presque tous les autres, il doit être censé ne pas bien parler sur ce même point. Du reste, il n'est homme si versé dans une langue à qui cela n'arrive. On peut le voir par toutes les fautes échappées à Vaugelas, à Ménage et au P. Bouhours, les plus habiles maîtres que nous ayons eus dans notre langue, et par celles qu'on voit échapper de fois à autre aux personnes qui ont le plus d'esprit et qui sont le plus dans le commerce du monde.

Les témoins les plus sûrs de cet usage constant, ce sont les livres des auteurs qui passent généralement pour bien écrire, et particulièrement ceux où l'on fait des recherches sur la langue, comme les Remarques, les Grammaires et les Dictionnaires qui sont les plus

répandus, surtout parmi les gens de lettres; car plus le public adopte et approuve leur témoignage. ils sont recherchés, plus c'est une marque certaine que

L'usage partagé est celui que suivent les uns et que ne suivent point les autres, quoique de chaque côté les partisans soient nombreux et qu'ils passent pour habiles dans notre langue. C'est le sujet de beaucoup de contes

tations peu importantes. Faut-il dire je puis ou je peux; je vais ou je vas; bienfaicteur ou bienfacteur; elle est heureuse et je le serai toujours, ou je la serai toujours. venu me voir, ou elle est venue me voir; j'ai été malSi l'un et l'autre se disent par diverses personnes de la Cour et par d'habiles auteurs, chacun, selon son goût, peut employer l'une ou l'autre de ces expressions. En quoi consiste la perfection d'une langue, et si la

nôtre s'est perfectionnée depuis cent ans.

A parler en général, la perfection d'une langue consiste en trois choses, qui sont : l'abondance, la clarté et la brièveté. L'abondance, pour exprimer toutes les pensées qui se présentent à énoncer; la clarté, pour les exprimer sans obscurité; et la brièveté, pour les exprimer promptement.

Attendu que les langues particulières de l'Europe ne participent pas plus sensiblement l'une que l'autre à ces qualités, on ne peut guère décider que l'une soit en elle-même plus parfaite que les autres; et comme elles n'y participent pas plus aujourd'hui qu'il y a cent ans, c'est une sorte d'erreur populaire parmi quelques gens de lettres de se persuader qu'elles sont actuellement plus parfaites (1709).

Il faut cependant convenir que les arts et les sciences ayant été en France plus cultivés que jamais depuis plus d'un siècle, cela même a introduit dans notre langue un plus grand nombre de termes et d'expressions qui la rendent beaucoup plus utile et plus abondante qu'elle ne l'était auparavant.

(La suite au prochain numéro.)

LE RÉDACTEUR-GÉRANT EMAN MARTIN.

BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE

Publications de la quinzaine :

Contes de Bretagne; par Paul Féval. Nouvelle édition. In-18 jésus, 288 p. Paris, lib. Palmé. 3 fr.

La Mare aux chasseurs; par Mme de Stolz. In-18 jésus, 271 p. Paris, lib. Dillet.

Euvres de Philarète Chasles. L'Angleterre au XVIe siècle. In-18 jésus, 449 p. Paris, lib. Charpentier. 3 fr. 50 cent.

Recueil de morceaux choisis de prose et de vers, avec des notes pour l'intelligence du texte et l'étude de la langue, par MM. Marguerin et Michel. Classes élémentaires. Première partie. Nouvelle édition. In-18 jésus, XII-240 p. Paris, lib. Delagrave.

Une joueuse; par Adolphe Belot. In-18 jésus, 347 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.

Clarisse; par Ernest Daudet. In-18 jésus, 248 p. Paris, lib. Plon et Cie. 3 fr. 50 cent.

Le Mercier de Lyon; par H. Escoffier. In-16, 334 p. Paris, lib. Dentu.

Histoire de Robespierre et du coup d'État du 9 thermidor; par Ernest Hamel. Édition illustrée. T. I. In-8°, 516 p. Paris lib. Cinqualbre.

Un scandale en province. Un mari; par Pierre l'Estoile. In-18 jésus, 373 p. Paris, lib. C. Lévy.

Lettres du cardinal Mazarin pendant son ministère, recuellies et publiées par M. A. Chéruel. T. II. (Juillet 1644-Décembre 1647). In-4°, LXXVI-1674 p. Paris, imp. nationale.

Le Livre de famille; par Charles de Ribbe. In-12, vi-283 p. Tours, lib. Mame et fils.

Histoire de Russie, traduite d'après le professeur Solowieff par la princesse Souvaroff. In-8°, 694 p. Paris, lib. Dentu. 7 fr.

Clef de la prononciation française d'après des

règles fixes, ouvrage classique divisé en deux parties; par Eugène Labougle, professeur au lycée de Tarbes. In-12, 312 p. Tous les libraires.

Les Buveurs de poison. Noële; par Louis Ulbach. In-18 jésus, -361 p. Paris, lib. C. Lévy.

Études de psychologie. Portraits du XVIII' siècle; par Jules Soury. In-18 jésus, XIX-340 p. Paris, lib. Charpentier. 3 fr. 50 cent.

Mme de Pompadour; par Edmond et Jules de Goncourt. Nouvelle édition, revue et augmentée de lettres et documents inédits tirés du Dépôt de la guerre, de la bibliothèque de l'Arsenal, des Archives nationales et de collections particulières. In-18 jésus, 495 p. Paris, lib. Charpentier. 3 fr. 50 cent.

Études sur l'empire d'Allemagne ; par J. Cohen. In-8°, 610 p. Paris, lib. nouvelle. 7 fr. 50 cent.

Mythologie de la Grèce antique; par P. Decharme, professeur de littérature grecque à la faculté des lettres de Nancy. Ouvrage orné de 4 chromolithographies et de 198 fig. d'après l'antique. In-8°, xxxv-650 p. Paris, lib. Garnier frères.

L'Idole d'un jour; par Henri de la Madelène. In-18 jésus, 301 p. Paris, imprimerie Plon et Cie.

L'Art de la lecture; par Ernest Legouvé, de l'Académie française. Nouvelle édition, revue et augmentée de deux chapitres à l'usage de l'enseignement secondaire. In-18 jésus, 216 p. Paris, lib. Hetzel et Cie. 2 fr.

Madame Valence; par Paul Perret. In-18 jésus, 339 p. Paris, lib. C. Lévy.

Etude sur la littérature contemporaine; par Edmond Schérer. V. In-18 jésus, 385 p. Paris, lib. C. Lévy. Le Roman d'un père; par Léopold Stapleaux. In-18 jesus, 347 p. Paris, lib. Dentu.

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LE COURRIER DE VAUGELAS (Collection du). En vente au bureau du Courrier de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens. On peut se procurer immédiatement les années 1, 4, 5, 6, 7 et 8; la 2e sera réimprimée dans quinze jours, et la 3 le sera pour la fin de mai. Prix : 6 francs l'année, envoi franco par la poste.

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RÉCITS DE NAUFRAGES, INCENDIES, TEMPÊTES et autres événements de mer. Par P. LEVOT, conservateur de la Bibliothèque du port de Brest, correspondant du ministère de l'Instruction publique pour les travaux historiques, etc. 2e édition revue et corrigée. Paris, Challamel aîné, libraire-éditeur, 5, rue Jacob.

LES GRANDS ÉCRIVAINS DE LA FRANCE

NOUVELLES ÉDITIONS

Publiées sous la direction de M. AD. REGNIER, membre de l'Institut, sur les manuscrits, les copies les plus authentiques et les plus anciennes impressions, avec variantes, notes, notices et portraits, etc.

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ACADÉMIE FRANÇAISE.

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Paris, librairie Hachette et Cie, 79, boulevard Saint-Germain.

CONCOURS LITTÉRAIRES.

L'Académie décernera, en 1880, le prix triennal de trois mille francs, fondé par Mme veuve Jules Janin. Ce prix, selon les intentions de la fondatrice, sera décerné à « la meilleure traduction d'un ouvrage latin ». Les ouvrages présentés à ce concours devront être envoyés, au nombre de trois exemplaires, avant le 31 décembre 1879.

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Le vingt-deuxième Concours poétique, ouvert en France le 15 février 1879, sera clos le 1er juin 1879. Seize médailles, or, argent, bronze seront décernées. Demander le programme, qui est envoyé franco, à M. Evariste Carrance, président du Comité, 6, rue Molinier, à Agen (Lot-et-Garonne). Affranchir.

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SOCIÉTÉ DES SCIENCES, AGRICULTURE et belles-lettres dE TARN-ET-GARONNE. Concours de 1880.- La Société propose une médaille d'or de 200 fr. à la meilleure « Etude sur un sujet historique relatif au département de Tarn-et-Garonne ». Pour tous renseignements, s'adresser au Secrétariat-général de la Société, à Montauban.

LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ÉDUCATION DE LYON destine pour 1879 un prix de 300 fr. au meilleur mémoire inédit sur ce sujet : « Pourquoi, dans les écoles de quelques nations étrangères, les punitions corporelles n'ont-elles pas été supprimées comme dans les écoles françaises? Apprécier les conséquences des deux systèmes. » — · Le prix sera décerné dans la séance publique de 1880. Les mémoires devront être adressés franco, avant le 1er novembre prochain. Pour plus amples renseignements s'adresser à M. Palud, rue de la Bourse, no 4.

RENSEIGNEMENTS OFFERTS GRATIS AUX ÉTRANGERS.

Tous les jours, les dimanches et les fêtes exceptés, le Rédacteur du Courrier de Vaugelas indique aux Étrangers qui lui font l'honneur de venir le consulter : - 1o des professeurs de français; 2. des familles parisiennes qui reçoi

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vent des pensionnaires pour les perfectionner dans la conversation française ; 3o des maisons d'éducation prenant un soin particulier de l'étude du français; 4 des réunions publiques (cours, conférences, matinées littéraires, etc.), où se parle un très bon français; 5. des agences qui se chargent de procurer des précepteurs, des institutrices et des gouvernantes de nationalité française.

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M. L. B., à Bar-le-Duc: Comme vous, je pense que l'emploi de certains compléments et surtout de certaines prépositions constitue le chapitre le plus difficile de notre syntaxe; mais je ne puis publier un traité sur cette matière dans mon journal. - M. C. L. F., à Port-Louis (Ile Maurice): Je vous remercie des questions que vous m'avez adressées, car sur le nombre, il y en a quatorze que je n'ai pas encore été invité à résoudre. — M. A. S., à Béziers : Puisque cela peut vous être agréable, j'y consens très volontiers. M. E. P., à Paris : Dans les deux derniers numéros de la huitième année, j'ai prevenu mes lecteurs que j'allais prolonger mes vacances pour m'occuper exclusivement de ma réimpression.

Le rédacteur du Courrier de Vaugelas est visible à son bureau de midi à une heure et demie.

Imprimerie G. DAUPELEY-GOUVERNEUR, à Nogont-le-Rotrou,

9. Année.

QUESTIONS

GRAMMATICALES

COURRIER

PRIX :

Par an, 6 fr. pour la France, et 7 fr. 50 pour l'étranger (Un. post.) Annonces Ouvrages, un exemplaire; Concours littéraires, gratis.

ANCIEN

N° 3.

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LE

DE

Journal Semi-Mensuel

CONSACRÉ A LA PROPAGATION UNIVERSELLE DE LA LANGUE FRANÇAISE

Paraissant le 1 et le 15 de chaque mois

(Publication couronnée à l'Académie française en 1875, et doublement récompensée à l'Exposition de 1878.)

Rédacteur: EMAN MARTIN

PROFESSEUR SPÉCIAL POUR LES ÉTRANGERS
Officier de l'Instruction publique

26, boulevard des Italiens, Paris.

(Extrait du Prospectus.)

A Paris, la quittance d'abonnement est présentée un mois après le commencement de l'année courante; en province et dans le reste du département de la Seine, elle ne l'est que trois mois après, mais avec une augmentation de 75 centimes pour frais de recouvrement.

SOMMAIRE.

Origine de Mettre les pouces ; Orthographe de l'adjectif Con-
tumax; D'où vient l'expression Avoir perdu son báton;
S'il faut dire Saigner au nez ou Saigner du nez;

Si Fleu

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- rissait et Fleurissant peuvent s'employer au figuré;
- Un par-
ticipe passé devant un infinitif neutre suivi d'un infinitif actif;
Si
- Emploi de Ticket à l'Exposition universelle de 1878;

-

Avoir sommeil est bien français. | Origine et emploi de la phrase proverbiale Imiter de Conrart le silence prudent; D'où vient le nom d'Echelles du Levant; - Si Lieue peut être le complément direct du verbe Faire; Prononciation du P dans Symptóme et Dompter; — D'où la langue française a tiré Loustic? || Passe-temps grammatical. || Suite de la biographie de Claude Buffier. || Ouvrages de grammaire et de littérature. Concours littéraires. || Réponses diverses.

FRANCE

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Première Question.

Pourquoi dit-on de quelqu'un qui se soumet après avoir fait d'abord une certaine résistance morale, qu'IL MET LES POUCES? Je vous serais reconnaissant de vouloir bien traiter cette question dans votre intéressant journal.

J'ai trouvé quatre explications principales de cette phrase proverbiale, et je vais vous les donner dans. l'ordre où elles se sont produites.

4° Chez les Romains, dit brièvement La Mésangère, lorsqu'on voyait un athlète près de succomber, les spectateurs rapprochaient les deux pouces, et, à ce signe, la lutte cessait.

2o D'après Quitard, les Grecs disaient apetv èxxtuλov, lever le doigt, et les Romains de même : tollere digitum, parce qu'il était d'usage que l'athlète qui succombait dans le combat avouât sa défaite de cette manière.

VAUGELAS

1er Avril 1879.

QUESTIONS PHILOLOGIQUES

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Ordonné fu que ledit prisonnier seroit mis par trois foiz à la question et penduz par les pooces.

Examinons maintenant chacune de ces manières de ́ rendre compte de mettre les pouces.

La première. Toutes les fois que l'on emploie l'expression mettre les pouces, elle s'applique à quelqu'un qui se rend, qui cesse la résistance après un temps plus ou moins long, et non aux spectateurs de la lutte qui a eu lieu La Mésangère est dans l'erreur.

La seconde. Si l'explication de Quitard était la vraie, comment pourrait-il se faire que des expressions où, en latin comme en grec, il n'est question que d'un doigt, eussent été traduites par les pouces dans la langue française?

La troisième. Même objection que contre la précédente: mettre les pouces, qui renferme pouce au pluriel, n'a jamais pu être tiré de la sensation qui fait « que le pouce tombe dans la main ».

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La quatrième. La pendaison par les pouces devait, dans l'ordre des supplices, succéder à la question, qui avait déjà plus ou moins épuisé les forces du patient; dans cet état, celui-ci devait se laisser « ligoter » sans résistance, ce qui n'a pu donner lieu à un proverbe signifiant capituler après une lutte énergique. Cette explication n'est pas encore la bonne, quoiqu'elle soit plus près de la vérité que les autres, comme rendant compte du pluriel les pouces.

Voici, selon moi, d'où vient le proverbe en question :

Il a été tiré de la manière dont procède un gendarme pour s'assurer d'un malfaiteur qu'il est parvenu à arrêter ce gardien de la sûreté publique est muni d'une petite chaîne appelée poucettes, ayant un cadenas dans lequel son prisonnier est obligé de passer les pouces. Or, comme celui-ci, ordinairement, ne met les pouces (dans les poucettes) qu'après y avoir été contraint, l'expression de mettre les pouces, si souvent répétée par des hommes en contact continuel avec les malfaiteurs, en est venue à signifier, au figuré, céder après plus ou moins de résistance.

Du reste, comme mettre les pouces a pour synonyme coucher les pouces, et qu'il faut, en effet, tenir les pouces dans une position horizontale pour qu'ils entrent dans les poucettes (j'ai constaté le fait chez M. Foin, 38, rue Chapon, où je me suis fait mettre cet appareil), c'est une preuve que l'origine que je donne est la véritable.

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J'aurai le plaisir de vous l'apprendre en passant la parole à Joachim Duflot, qui raconte ce qui suit dans les Secrets des Coulisses (p. 164) :

La première pièce de début du spirituel comédien, au théâtre du Vaudeville, fut le Sergent Mathieu. Dans cette pièce, Arnal entrait en scène armé d'un bâton; pendant vingt répétitions consécutives, le bâton que l'acteur avait choisi lui était remis par le régisseur. Ce bâton avait une poignée commode, une forme bizarre, une physionomie enfin qui plaisaient à Arnal; il comptait sans doute sur son bâton pour en tirer des effets comiques.

Le jour de la première représentation arriva. Arnal, fort préoccupé de la responsabilité qui pesait sur lui, était ému, inquiet, tremblant dans la coulisse, attendant sa réplique. A vous, Arnal, à entrer, lui crie le régisseur. Et mon bâton! s'écria Arnal, je n'ai pas mon bâton. Ni moi non plus, dit le régisseur.

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On le cherche, on ne le trouve pas. Prenez cette canne, ce sera la même chose!

Mais la réplique était donnée, il fallait entrer. Arnal, furieux, commença par perdre la mémoire; sa mauvaise humeur se trahissait dans chaque geste, il fit de vains efforts pour retrouver sa verve, il lui manquait quelque chose.

La pièce y perdit beaucoup, et elle fut sifflée, grâce au bâton perdu.

Depuis ce jour, il est convenu que toutes les fois qu'un acteur est de mauvaise humeur, c'est qu'il a perdu son baton.

Quatrième Question.

Je vous serais obligé si vous vouliez bien me faire savoir un jour, par la voie de votre journal, laquelle des deux expressions on doit employer, SAIGNER AU NEZ OU SAIGNER DU NEZ?

Pour signifier avoir du sang qui coule par le nez, notre langue a employé d'abord l'expression saigner par le nez, comme le montrent ces citations :

Se cil qui est batus saine par le nez por le [la] bature, par tel sanc l'amende ne croist de riens.

(Beaumanoir, Coutume, xxx, 17.) Il fut deux jours sans cesser de saigner par le nez. (Paré, xxiv, 18.)

Plus tard, à partir du xvre siècle, je crois, elle a dit, comme elle le dit encore, saigner du nez, aussi bien au propre qu'au figuré, ce dont voici des preuves : (Sens propre)

Une autre fois saignant du nez, il croyait que son âme allait sortir de son mouchoir.

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C'est Arnal seul qui a fait les frais de ce proverbe théâ- jamais fait usage de saigner au nez, il faut en conclure,

tral.

malgré l'opinion contraire de certains grammairiens,

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