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nous remontons jusqu'au temps où notre Langue étoit
au berceau, nous verrons qu'alors le Participe se décli-
noit aussi-bien devant qu'après son régime. Mais ce
qu'aujourd'hui l'on appelle du Gaulois, ne prouve rien
pour le temps présent; non plus que l'Italien et l'Espa-
gnol, où M. l'Abbé Regnier va chercher des exemples.
Véritablement ces deux Langues sont sœurs de la nôtre,
sans qu'on puisse bien dire laquelle des trois sœurs est
l'aînée, ou la mieux partagée. Mais enfin, quelque air
de ressemblance qu'elles aient, il n'est point permis de
prendre l'une pour l'autre chacune ayant des traits
qui la distinguent, et des manières qui sont à elle.
II.
Les lettres que j'ai reçues.

I. J'ai reçu vos lettres.

II. Les lettres que j'ai reçues.

Quand le Participe est

III. Les habitans nous ont rendu maîtres de la ville. précédé de son régime simple, alors la Règle veut qu'il Disons, rendus. se décline, c'est-à-dire, qu'il prenne le genre et le

IV. Le commerce, parlant d'une ville, l'a rendu puis- nombre de son régime. Or le régime, c'est que, Pronom sante. Disons, rendue.

V. Je l'ai fait peindre, je les ai fait peindre.

relatif, qui a pour antécédent le substantif lettres, féminin, et au pluriel, Reçues est donc, et devoit être, comme on le voit clairement, du genre féminin, et au pluriel.

VI. C'est une fortification que j'ai appris à faire.

On verra que le quatrième exemple ne fait qu'un avec le troisième. J'en dis autant du sixième avec le cinquième. Mais pour épuiser, s'il est possible, toutes les combinaisons, en voici encore d'autres.

Vaugelas et Ménage n'ont nullement douté que toute phrase semblable à celle-là ne fût soumise à la même loi et cette loi, si respectée dans toutes les Langues,

VII. Les peines que ma donné cette affaire. Disons, c'est la concordance de l'adjectif avec son substantif. données.

Qui croiroit que le P. Bouhours et M. l'Abbé Regnier ne la regardent ici que comme un conseil? Au défaut de raisons, ils ont recours à des autorités; et le P. Bouhours tire les siennes de M. l'Abbé Regnier lui-même, qui, dans plusieurs endroits de son Rodriguez, s'étoit dispensé de la loi.

Remarquons enfin, que de tous les Pronoms il n'y a que ceux-ci, me, nous, te, vous, le, la, les et que relatif, qui puissent être employez comme régime simple.

Voilà d'abord cette grande question réduite à une bien petite quantité d'objets, puisqu'elle se renferme dans quelques Pronoms, employez comme régime simple.

Que reste-t-il donc pour faciliter l'application de notre Règle unique et générale, si ce n'est de la vérifier par divers exemples? Voici ceux de Vaugelas, pour ce qui regarde le Verbe actif, dont il s'agit présentement, el qui est celui où se trouve le plus d'embarras.

VIII. Plus d'exploits que les autres n'en ont lû. Bon.
IX. Les chaleurs qu'il a fait. Bon.

Reprenons maintenant toutes ces phrases l'une après l'autre, sans perdre de vûe la Règle unique, qui doit en décider.

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On dira également au pluriel, nous avons reçu vos lettres et une femme qui diroit j'ai reçue vos lettres, parleroit mal. Pourquoi ? Parce que le Nominatif de la phrase n'exerce aucun droit sur le Participe, qui se construit avec le Verbe avoir. Il en est autrement de celui qui se construit avec le Verbe étre. Mais gardonsnous de les confondre, et n'oublions point qu'à présent il ne s'agit que du premier, qui est le verbe actif.

Au reste, si l'on demande, comme ont fait quelques Grammairiens, pourquoi le Participe se décline, lorsqu'il vient après son régime; et qu'au contraire, lorsqu'il le précède, il ne se décline pas je m'imagine qu'en cela nos François, sans y entendre finesse, n'ont songé qu'à leur plus grande commodité. On commence une phrase, quelquefois sans bien savoir quel substantif viendra ensuite. Il est donc plus commode, pour ne pas s'enferrer par trop de précipitation, de laisser indéclinable un Participe, dont le substantif n'est point encore annoncé, et peut-être n'est point encore prévû. Mais une réponse qui vaut mieux, parce qu'elle dispense de toute autre, c'est que dans les Langues il est inutile de chercher la raison d'une chose convenue, et qui n'est contestée de personne, à dater de François Ier. Car si

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Qu'ensuite le Traducteur de Rodriguez, séduit par un amour-propre d'Auteur, cite en sa faveur deux passages, l'un d'Amyot, l'autre de Racine, nous lui répondrons que l'esprit des grands écrivains doit se chercher, non dans un passage seul, qui pourroit n'être qu'une faute d'impression; mais dans l'usage constant et uniforme, auquel nous les voyons attachez par-tout ailleurs.

Tenons-donc pour très-certain ce qu'enseigne Vaugelas, qu'il faut toujours, « à peine de faire un solécisme», accorder le Participe avec son régime, dans les phrases semblables à celle que nous examinons. Il y a cependant quelques Participes, entr'autres ceux de plaindre et de craindre, qu'il est bon d'éviter au féminin, parce que ces Verbes ont formé des substantifs, dont la désinence est la même que celle du Participe féminin. Qui diroit, c'est une personne que j'ai plainte, c'est une maladie que j'ai crainte, obéiroit à la Grammaire, mais révolteroit l'oreille. A l'égard du masculin, nulle difficulté. On dira, les hommes que j'ai plaints, les accidens que j'ai craints. On emploiera même le féminin, pourvû qu'on ait l'art de le placer, en sorte qu'il ne puisse être confondu avec le substantif. On diroit fort bien plus crainte qu'aimée: exemple approuvé par Vaugelas, à cause que le plus, qui précède, ne laisse pas ombre d'équivoque.

(La suite au prochain numéro.) LE RÉDACTEUR-GERANT: EMAN MARTIN.

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BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE

Publications de la quinzaine :

Les Montrépan; par Paul d'Anrosay. In-18 jésus, 385 p. Paris, lib. Blériot frères.

La Vie à la campagne; par G. de Cherville. 2e édition. In-16, x-324 p. Paris, lib. Dreyfous.

Les Chroniques de sire Jean Froissart qui traitent des merveilleuses emprises, nobles aventures et faits d'armes advenus en son temps en France, Angleterre, etc., revues et augmentées d'après les manuscrits, avec notes, éclaircissements et glossaires, par J.-A. Buchon. Nouvelle édition. 3 vol. gr. in-8o, LX-2217 p. Paris, lib. Delagrave. 22 fr. 50.

Terres vierges; par J. Tourgueneff. 3o édition. In-18 jésus, 356 p. Paris, lib. Hetzel et Cie. 3 fr.

Le Sentiment religieux en Grèce, d'Homère à Eschyle, étudié dans son développement moral et dans son caractère dramatique; par Jules Girard, de l'Institut, professeur de poésie grecque à la faculté des lettres de Paris. 2o édition. In-18 jésus, 456 p. Paris, lib. Hachette et Cie. 3 fr. 50.

Histoire de Napoléon Ier; par P. Lanfrey. 9o édition. T. II. In-18 jésus, 515 p. Paris, lib. Charpentier. 3 fr. 50. Modernité. Le Pays de satin; les Parisiennes : le livre de Carine, etc. (vers); par Fortuné Calmels. In-18 jésus, 255 p. Paris, lib. Lemerre.

Histoires romanesques; par Arsène Houssaye. In-18 jésus, 367 p. Paris, lib. C. Lévy.

Cours supérieur de dictées françaises en texte suivi, avec vocabulaire raisonné à la suite de chaque dictée, à l'usage des maisons d'éducation et des personnes qui se préparent à l'examen du 2o ordre (instruction primaire); par Théodore Lepetit, professeur à Paris. 3o année. 9e édition, revue avec soin et corrigée d'après l'Académie. In 12, vi-232 p. Paris, lib. Boyer et Cie.

Histoire des vierges; par Louis Jacolliot. In-8°, 372 p. Paris, lib. Lacroix et Cie. 6 fr.

La Péruvienne; par Raoul de Navery. In-18 jésus, 317 p. Paris, lib. Blériot frères. 3 fr.

Mémoires de Pierre Thomas, sieur du Fossé,

La Poche des autres; par Marius Roux. In-18 jésus, publiés en entier, pour la première fois, d'après le manus304 p. Paris, lib. Dentu.

La Guerre de l'indépendance (1775-1783): Les Français en Amérique; par Léon Chotteau. Préface par M. Edouard Laboulaye. 2o édition. In-18 jésus, x-438 p. Paris, lib. Charpentier. 3 fr. 50 cent.

Salammbô; par Gustave Flaubert. Edition définitive, avec des documents nouveaux. In-18 jésus, 379 p. Paris, lib. Charpentier. 3 fr. 50 cent.

Grandcœur; par Mlle Zénaïde Fleuriot, 2o édition. In 18, 259 p. et 45 grav. par Delort. Paris, lib. Hachette et Cie. 5 fr.

crit original, avec une introduction et des notes, par F. Bouquet. T. IV et dernier. In-8°, 573 p. Rouen, lib. Métérie. Chaque vol., 12 fr.

Histoire de la vie et des découvertes de Christophe Colomb; par Fernand Colomb, son fils. Traduite sur le texte primitif et annotée par Eugène Muller, de la bibliothèque de l'Arsenal. In-18 jésus, 306 p. Paris, lib. Dreyfous. 2 fr.

La Genèse de l'humanité Fétichisme, poltyhéisme, monothéisme; par Louis Jacolliot. In-8°, 360 p. Paris, lib. Lacroix et Cie. 6 fr.

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Par le lieutenant-colonel STAAFF, officier de la Légion d'honneur et de l'Instruction publique en France. Ouvrage désigné comme prix aux Concours généraux de 1870-1872; distribué aux instituteurs de France par son Exc. M. le Ministre de l'Instruction publique; adopté et recommandé par la Commission des bibliothèques,

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ainsi que pour les prix et les bibliothèques de quartier; honoré des souscriptions des ministères de l'Instruction publique, de la Guerre, de la Marine, etc., décerné en prix dans les lycées, les collèges municipaux et les écoles communales de la Seine, du Loiret, de l'Aube, de l'Aveyron, etc., etc.

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SOCIÉTÉ DES ÉTUDES PSYCHOLOGIQUES. – (Prix Guérin.) — Un concours est ouvert sur la question suivante : « Rechercher quelles ont été, à travers les âges et dans tous les pays, les croyances des peuples, des fondateurs de religions, des grands philosophes; sur la possibilité des communications entre eux et nous, sur la persistance de la vie après ce que nous appelons la mort, sur le retour à de nouvelles vies, soit sur cette terre, soit dans quelques mondes sidéraux. » — Le prix est de 3,000 francs, sur lesquels 2,000 francs seront réservés pour l'impression et la publication, par les soins de la Société scientifique d'études psychologiques, et 1,000 francs, accompagnés d'une médaille de bronze, seront donnés à l'auteur de ce travail, ou fractionnés, s'il y a lieu, entre lui, pour une moitié, et d'autres Mémoires qui présenteraient de sérieux mérites. Les Mémoires devront être envoyés avant le 1er avril 1880. Pour les renseignements, s'adresser à M. l'Administrateur de la Société des études psychologiques, 5, rue Neuvedes-Petits-Champs, à Paris.

artistes. »

--

SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DE CAMBRAI. La Société décernera, s'il y a lieu, en 1880, en séance publique, une médaille d'or, de vermeil, d'argent ou une mention honorable à l'auteur du meilleur mémoire sur « Les expositions des BeauxArts en province : leur utilité, ce qu'elles sont, ce qu'elles pourraient être, dans l'intérêt des arts et des Les envois devront parvenir franco au Président ou au Secrétaire de la Société avant le 1er Juin 1880. LA SOCIÉTÉ DES ÉTUDES HISTORIQUES décernera, dans sa séance publique de l'année 1880, un prix de 1,000 fr. à l'auteur du meilleur mémoire sur la question suivante: «< Histoire des origines et de la formation de la langue française jusqu'à la fin du XVIe siècle. - Les mémoires manuscrits devront être adressés à M. l'Administrateur avant le 1er Janvier 1880. Ils ne seront point signés et porteront une épigraphe répétée sur un billet cacheté renfermant le nom et l'adresse de l'auteur. Ils devront être inédits et n'avoir pas été présentés à d'autres concours. L'auteur qui se sera fait connaître, sera, par ce seul fait, mis hors de concours. Les mémoires ne seront pas rendus; les auteurs auront la faculté d'en prendre ou d'en faire prendre copie.

La Société pourra les publier, en tout ou partie.

Réponses diverses.

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M. Ch. B., à Menton : J'accepte l'échange que vous me proposez. Je vous mettrai en rapport avec un libraire pouvant vous procurer l'ouvrage que vous désirez. — M. S.-J., au Russey: C'est par erreur que j'ai indiqué la liste que vous me demandez comme étant contenue dans la 6' année : elle se trouve dans la 5o, p. 82. - Je ne connais pas de Dictionnaire donnant la prononciation des noms propres; si jamais il s'en publie un, soyez certain que vous le trouverez mentionné aux «< Annonces de la quinzaine ». — M. K., à Bordeaux : Permettez-moi de vous offrir les quelques numéros qui manquent à votre collection. — Pourquoi ne pas m'envoyer tout de suite les questions que vous avez l'intention de m'adresser?

Le rédacteur du Courrier de Vaugelas est visible à son bureau de trois à six heures.
Imprimerie G. DAUPELEY-GOUVERNEUR, à Nogent-le-Rotrou.

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LE

COURRIER DE VAUGELAS

FRANCE

SOMMAIRE.

Explication de Je ne vois goutte, Je n'entends goutte; — Origine du proverbe S'en moquer comme de Jean de Wert; — Si dans Cela me démange, le pronom Me est mis pour moi ou pour à moi; — Etymologie de Brai, poix; — Pourquoi on dit Présentement, quand les ad verbes formés des adjectifs en ant, ent se terminent d'ordinaire en mment; D'où vient Parler français comme une vache espagnole, et comment prononcer Guise, nom propre. || Signification et étymologie de Guère; - Doit-on dire Météorologiste ou Météorologue; - Emploi et origine de S'amuser aux bagatelles de la porte. — Explication de Si elle croit que je vais couper dedans. || Passe-temps grammatical. || Suite de la biographie de l'abbé D'Olivet. || Ouvrages de grammaire et de littérature. Concours littéraires. || Réponses diverses.

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Journal Semi-Mensuel

CONSACRÉ A LA PROPAGATION UNIVERSELLE DE LA LANGUE FRANÇAISE

Paraissant le 1 et le 15 de chaque mois

(Publication couronnée à l'Académie française en 1875, et doublement récompensée à l'Exposition de 1878.)

PRIX :

Rédacteur: EMAN MARTIN

Par an, 6 fr. pour la France, et 7 fr. 50 pour l'étranger (Un. post.) Annonces Ouvrages, un exemplaire; Concours littéraires, gratis.

ANCIEN PROFESSEUR SPÉCI
Officier de l'Instru
26, boulevard des

Première Question.

Si vous vouliez bien expliquer la construction des verbes VOIR et ENTENDRE avec le régime GOUTTE dans ces phrases: JE NE Vois goutte, je n'entends goutte, je crois que vous feriez plaisir à plusieurs de vos abonnés.

Pour vous donner cette explication, je vais commencer par un exemple.

Dans la Vie de Bertrand du Guesclin (t. I, p. 239), on trouve ce vers:

Conte ne chevalier ne prisoit un bouton. La comparaison est suffisamment établie. Le mot bouton, qui en est le second terme, y figure en sa signification propre; et, comme il s'agit d'une appréciation fort peu avantageuse aux comles et aux chevaliers, l'idée de l'objet sans valeur désigné par bouton, est parfaitement d'accord avec l'intention de l'auteur, et elle se rapporte fort naturellement à celle du premier terme de la comparaison.

Mais dans cet autre vers, emprunté au Roman du Renart (t. III, p. 54):

15 Novembre 1879.

Ne me sot respondre un boton. la comparaison n'est plus sensible; l'idée exprimée par

QUESTIONS

PHILOLOGIQUES

POUR

LES ÉTRANGERS
on publique
aliens, Paris.

ABONNEMENTS: Se prennent pour une année entière et partent tous de la même époque. S'adresser soit au Rédacteur soit à un libraire quelconque.

bouton n'est point en rapport avec celle de répondre; le substantif n'a pas la signification qui lui est propre, et il ne figure dans la phrase que comme une sorte de terme conventionnel, de mot explétif, ne servant qu'à modifier l'expression du sens négatif. On dirait plus logiquement et plus naturellement : il ne sut me répondre un mot, une syllabe.

Notre ancienne langue avait un grand nombre de substantifs employés comme termes de comparaison dans les phrases négatives; ainsi, par exemple, on trouve :

Maistres, bien kaiés de vos sens,
Kar je ne le pris une nois.

(Th. franç. au moyen âge, p. 89.) Que jà n'i aura gaaingnié A son oés vaillant une poire.

(Barbazan, t. III, p. 279.) Quant Eumenidus por nient se travalle, Que por lui ne feront qui vaille une maille. (Rom. d'Alexandre, p. 101.) Mais pour si grant pramettre, n'i met un point s'entente. (Vie de St-Thom. de Cantorbéry, p. 73.) Il en fut de ces substantifs comme de bouton dont je viens de parler; tous commencèrent par être employés d'une manière très naturelle et très significative comme seconds termes de comparaison avec des verbes négatifs qu'on appelle verbes d'estime; puis, grâce à leur emploi fréquent après la négation ne, on finit par les considérer simplement comme des vocables propres à fortifier cette négation, et dès lors ils s'employèrent avec toutes sortes de verbes.

Tel fut surtout le cas pour pas, point, mie et goutte, fait mis en évidence par les exemples suivants, où se rencontre le dernier de ces mots :

Ce n'est pour engien que je vos di, et si ne vos coste
goute d'argent.
(Rutebeuf, L'herberie, t. I, p. 470.)
Entre gens qui ne l'aiment goute.
(Idem, t. I, p. 132.)

De l'ordre Augustin n'i a goute
Fors que l'abit, ce n'est pas doute.

(Barbazan, t. IV, p. 125.)

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Il brilla beaucoup en qualité de général de l'empereur Ferdinand II, et, attendu qu'il avait autant de conduite que de bravoure, puis qu'avec ces qualités il avait un bonheur extrême, il fit un mal considérable à la France, qui entrait à son tour dans la guerre de Trente-Ans.

Jean de Wert battit le maréchal de Gassion, en 1635 (première année de la période française), fit des progrès étonnants au nord de notre territoire, et prit bientôt en Picardie plusieurs places qui le mirent en état de porter l'épouvante jusqu'aux portes d'Amiens.

La terreur qu'il inspirait se répandit dans Paris; et, comme le peuple grossit toujours les objets, le seul nom de Jean de Wert y causait le plus grand effroi; ce nom devint si redoutable qu'il suffisait de le prononcer pour remplir les enfants de frayeur.

Mais enfin les armes de Louis XIII et l'habileté de Richelieu reprirent l'ascendant qui leur était ordinaire; non-seulement on chassa les ennemis, mais encore le duc de Weimar, qui servit si utilement la France dans maintes occasions, gagna près de Rhinfeld (1638) une bataille dans laquelle Jean de Wert, si heureux jusque-là, fut défait et pris à la fois.

A la nouvelle de cette victoire, le peuple de Paris ressentit une joie difficile à exprimer; la muse du PontNeuf célébra la sienne sur un air de trompette alors à la mode; elle chantait le triomphe des Français, et disait qu'ils avaient battu les Allemands « et Jean de Wert »; elle contait qu'ils avaient pris beaucoup de

drapeaux, beaucoups d'étendards « et Jean de Wert »; qu'ils avaient fait tel nombre de prisonniers, ajoutant toujours et Jean de Wert ».

«

Alors il ne resta plus aucune trace de la panique causée par le célèbre général quand il était vainqueur; tous, petits et grands, le tournèrent en dérision, et c'est sur ces entrefaites que naquit naturellement le proverbe S'en moquer comme de Jean de Wert, proverbe dont vous désiriez avoir l'explication. X

Troisième Question.

Dans la phrase CELA ME DÉMANGE, le pronom ME est-il mis pour moi ou pour à moi? Réponse, je vous prie, dans le plus prochain numéro, si c'est possible.

Le verbe dont il s'agit est composé du préfixe dé, marquant extension, augmentation, et du verbe manger, ce qui lui donne la signification de manger continuellement, faire éprouver la même sensation que si quelque chose vous mangeait, vous rongeait.

Il semble qu'avec une telle signification le verbe démanger devrait avoir pour régime direct le pronom personnel qui l'accompagne; cependant, il n'en est rien; depuis le xvi siècle au moins, le pronom qui précède démanger a toujours été indirect, comme le prouve péremptoirement ce qui suit :

Comme les mains lui démangeaient, il sortit de Paris. (Mém. s. du Guesclin, ch. 8.) Envenimer la playe, à fin que pour un peu de douleur qu'il a, qui le poingt et luy demange, l'ulcere esgratigné s'empire toujours. (La Boétie, 337) M. de Luxembourg à qui les mains démangent furieusement..... (Sévigné, 215.) Du reste, cette construction s'explique très facilement: on en fait usage tout simplement parce que le verbe démanger se prend ici dans la signification de causer une démangeaison, phrase qui requiert pour régime indirect le pronom remplaçant le nom de la personne qui éprouve la sensation exprimée par ledit verbe.

X
Quatrième Question.

Partagez-vous l'opinion de MM. Littré et Brachet qui font venir BRAI, poix, du scandinave BRAK, goudron? Ce mot n'aurait-il pas plutôt pour origine le bas-latin BRAIUM, boue?

Je regrette d'avoir à le dire, mais je ne puis accepter aucune des étymologies que vous me citez.

Pour moi, le mot brai, au sens de poix, a pour origine Brutium, dénomination de l'ancienne province d'Italie connue aujourd'hui sous le nom de Calabre, et cela, je le prouve de la façon qui suit :

Parmi les divers idiomes de l'Europe, j'en ai compté dix dans lesquels brai s'exprime par un mot plus ou moins défiguré, mais indubitablement venu, pour quiconque s'est occupé quelque peu de philologie, du latin pix, poix; ce sont :

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