Page images
PDF
EPUB
[blocks in formation]

(Publication couronnée à l'Académie française en 1875, et doublement récompensée à l'Exposition de 1878.)

PRIX :

Par an, 6 fr. pour la France, et 7 fr. 50 pour l'étranger (Un. post.) Annonces Ouvrages, un exemplaire Concours littéraires, gratis.

Rédacteur: EMAN MARTIN

ANCIEN PROFESSEUR SPÉCIAL POUR LES ÉTRANGERS
Officier de l'Instruction publique
26, boulevard des Italiens, Paris.

(Extrait du Prospectus)

A la fin de chaque année, M. Eman Martin, qui rédige seul son journal, prend deux mois de vacances; de sorte qu'une année quelconque du Courrier de Vaugelas commence généralement deux mois plus tard que celle qui la précède.

Le 1er numéro de la 10° année paraîtra le 1er mai.

SOMMAIRE.

Communication sur Dieu vous bénisse! el sur l'étymologie de Saperlotte; - Origine du dicton C'est l'histoire de la dent d'or; D'où vient Tenir la dragée haute à quelqu'un; Que signifie Pas dans la phrase Etre dans un mauvais pas; Étymologie de Bain-marie; Comment on doit prononcer Club. Quelle est la meilleure orthographe du mot Alevin, petit poisson pour peupler les étangs; — D'où est tirée l'expression ironique Sauvons la caisse; Origine de l'emploi de Nous dans un arrêté de maire. | Passe-temps grammatical. || Suite et fin de la biographie de l'abbé D'Olivet. || Table des matières contenues dans la 9° année de ce journal.

FRANCE

COMMUNICATIONS. I.

La réponse que j'ai donnée pour explication de Dieu vous bénisse, dans mon numéro 21, a suggéré à un abonné, M. Hecquet- Boucrand, la pensée de m'adresser les notes suivantes pour compléter cette réponse :

Le savant anglais Tylor a étudié l'origine de cette coutume de la salutation au moment de l'éternument, et, comme il l'indique avec raison, pour comprendre les divers usages qui se rattachent à l'éternument, il faut se reporter à une doctrine fort répandue chez les races inférieures, où, de même que l'on regarde l'âme comme entrant dans le corps de l'homme ou en sortant, de même les autres esprits sont supposés pénétrer dans le corps des malades et les posséder. Tels sont les Zoulous, qui croient fermement que les esprits voltigent autour d'eux pour leur bonheur ou leur malheur, selon le cas, et s'introduisent dans leur corps en y déterminant des maladies. D'après Callaway, un Zoulou a-t-il éternué : « Maintenant, je suis béni, dit-il; l'esprit est avec moi, il est venu à moi ».

Pinkerton, d'après Bosman, dit qu'au siècle dernier, en Guinée, si un personnage important éternuait, tous ceux

ABONNEMENTS:

Se prennent pour une année entière et partent tous de la même époque. S'adresser soit au Rédacteur soit à un libraire quelconque.

qui se trouvaient près de lui s'inclinaient en lui adressant toutes sortes de vœux.

D'après Burton, les nègres du Calabar, au contraire, repoussent celui qui a éternué comme un être malfaisant.

Pétrone mentionne le mot Salve! adressé à celui qui éternue. Pline le mentionne également au sujet de Tibère. Aristote rapporte que le peuple considérait l'éternument comme un acte divin.

D'après Ward, à l'Hindou qui éternue on dit : « Vie »; « Avec vous », répond-il.

Tobim chayim, bonne vie, disent les Juifs.
Gloire à Allah, disent les Musulmans.

Was hal, portez-vous bien, disait-on au moyen âge. Que conclure de tout cela, si ce n'est que l'éternument, de même que le bâillement, est une des nombreuses réminiscences des croyances primitives parvenues et conservées jusqu'à nous?

Callaway rapporte que chez les Zoulous, les bâillements ainsi que les éternuments répétés sont considérés comme annonçant que les esprits vont entrer dans le corps de celui qui les éprouve, doctrine qui a donné lieu, pendant le moyen âge, à de singulières coutumes, surtout chez les exorcistes. D'après M. Maury, on devait éviter de bâiller, car le diable sautait dans la bouche du bâilleur, ce qui donne l'explication de l'habitude que nous avons de placer la main devant notre bouche quand nous bâillons. D'après Bastien, les Tyroliens se signent quand ils bâillent.

Si l'on rapproche les croyances des Cafres de celles des différents autres peuples, comme l'a fait le savant Tylor, on reconnaît clairement que l'idée de l'éternument est due à la présence de certains esprits. Et il existe même un ensemble de contes celtiques rapportés par M. Haliburton, suggérés par la croyance que quiconque éternue court le risque d'être enlevé par les fées, si l'on n'a pas le soin de conjurer le pouvoir de celles-ci par quelque invocation, comme Dieu vous bénisse. Ce qui démontre clairement l'affinité des opinions et des usages dont l'éternument est l'objet avec la doctrine répandue chez les peuples sauvages que les esprits peuvent se transporter et pénétrer dans notre corps et y causer du bien ou du mal. Et la survivance de cette formule trahit le souvenir inconscient de l'époque où l'explication de l'éternument, loin d'être basée sur la physiologie, en était encore à sa phase théologique, c'està-dire la personnification du souffle (anima) dans l'éternument et le bâillement, qui, dans la philosophie primitive, sont dus à la présence d'un esprit.

Mes sincères remerciements au savant auteur du Dictionnaire étymologique des noms propres d'hommes et de l'étude intitulée la Trinité védique.

[blocks in formation]

Un de vos lecteurs ayant fait venir l'expression française saperlotte du flamand saperloot, vous vous êtes rattaché à cette opinion en constatant que le même mot existe dans la langue allemande.

Telle est en effet, je le crois, l'origine de l'expression française; mais quel en est le premier sens?

Veuillez me permettre de déterminer ce sens en expliquant le flamand saperloot, ou, ce qui revient au même, l'allemand sapperlot.

Le dictionnaire de Van de Welde dit que saperloot est un juron synonyme de drommel; on pourrait affirmer pareillement que sapristi est un synonyme de diantre. Cependant, étymologiquement, ces expressions n'ont aucun rapport entre elles.

Sapperlot est composé de sapper et de lot.

Lot, en allemand loos, en anglais lot, en suédois lott, en danois lodde, vient du gothique hlauts et signifie l'objet dont on se sert pour désigner quelque chose par le hasard, de là ce mot prend le sens plus large de sort.

Sapper est employé vulgairement et par atténuation pour saker, en français sacré, et par suite damné, maudit. Ne disons-nous pas dans le langage populaire sapré pour sacré ? Ce radical saker, qui est d'origine latine évidemment, nous le trouvons en allemand dans les mots sakrament, sacrement, et sakramentiren, jurer comme un damné.

De ce qui précède, je crois donc pouvoir conclure que l'exclamation saperlotte signifie sacré sort, maudit sort. C'est une imprécation contre le sort.

Je n'ai pas besoin de montrer combien, dans toutes les langues, le peuple aime à s'en prendre à la fortune; nous avons de cela des exemples frappants dans certaines expressions populaires qui sont les vrais synonymes de saperlotte, telles que mátin de sort, coquin de sort.

Faites de cette interprétation tel usage que bon vous semblera, et veuillez agréer, Monsieur le rédacteur, l'assurance de ma considération la plus distinguée.

[merged small][merged small][ocr errors][merged small]

Muller, âgé de sept ans, né à Wegelsdorff (bourg apparte nant à la maison d'un gentilhomme, nommé Gelorn) ayan: perdu de bonne heure son pére, Jean Muller, charpentie de profession, pauvre, mais honnête homme, fut élevé par sa mére suivant sa condition. En allant apprendre à lire à l'école avec d'autres enfans, il lui tomba, dans sa septième année (qui est climatérique) une dent, à la place de laquelle il en vint une d'or. Une fille de l'âge du jeune Muller, s'EL aperçut la première avec étonnement; ensuite les principaux Seigneurs et une grande partie de la Noblesse de } Silesie virent cette dent avec la dernière surprise.

Jacque Horst, Professeur en médecine dans l'Université de Helmstat, fit une dissertation, dans laquelle il assûre qui n'y avoit point de tromperie dans cet enfant. Martin Ruland fils, qui exerçoit la Médecine à Ratisbonne, soutint que c fait surprenant étoit naturel et il réfuta dans un long écrit le sentiment contraire de Jean Ingolsteters, médecin à Nuremberg. Ces écrits sont entre les mains des sçavans...

Mais, comme en avertit une note mise au bas de la page, on découvrit ensuite que le fait était supposé (un orfèvre, parait-il, s'aperçut que la fameuse dent était, enveloppée d'une feuille d'or qu'on y avait appliquée avec l'adresse la plus parfaite), et tous les raisonnements qui avaient été faits de part et d'autre se trouvèrent ainsi confondus.

Voilà à quelle dent il est fait allusion par ceux qui disent, en parlant d'une chose tenue pour vraie pendant quelque temps, puis enfin reconnue fausse, que c'est l'histoire de la dent d'or.

Seconde Question.

Quelle est l'origine de TENIR LA dragée haute a QUELQU'UN, et dans quel cas peut-on faire usage de cette expression figurée?

D'après M. Littré, cette locution est tirée de cette dragée que l'on met plus ou moins haut, pour la faire attraper aux bêtes.

Selon Quitard, elle est venue d'un jeu dans lequel on excite la convoitise des enfants en faisant voltiger devant eux une dragée suspendue par un long fil au bout d'un bâton, sans qu'il leur soit permis de la saisir autrement qu'avec la bouche.

Je crois que c'est la première explication qui est la meilleure; parce que la dragée offerte à un animal, à un chien, par exemple, se place, en effet, plus ou moins

tient toujours à une hauteur à peu près égale.

En parlant d'une chose qui a passé pour vraie pen-haut, tandis que celle qui l'est par jeu aux enfants se dant quelque temps et qui a enfin été reconnue fausse, on dit généralement que c'EST L'Histoire de la dent d'or. Je vous serais obligé si vous vouliez bien me donner quelques indications sur la dent dont il est question dans cette expression proverbiale.

Après avoir raconté (vol. XI, p. 634) qu'il était né en 1593 une fille à deux têtes, au bourg de Wolmerstad, et une autre à deux corps avec une seule tête, aux environs de Francfort-sur-l'Oder, l'historien de Thou continue en ces termes :

Il arriva encore cette année un effet prodigieux de la nature, plus étonnant que les deux autres, et qu'on n'avoit jamais vû jusqu'alors; prodige attesté d'ailleurs par le témoignage public des peuples de Silesie. Christophle

Quant à l'emploi, on se sert de cette expression pour signifier différer d'accorder à quelqu'un une chose promise, lui faire bien payer ce qu'il désire, ou encore, offrir un vain appât à son espérance.

[ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small]

tout ce qui se faisait à la guerre lorsqu'on attaquait ou que l'on défendait un pont, un défilé, un passage de rivière ou tout autre passage étroit qu'il était important de garder ou de forcer.

On appelait pas, évidemment une abréviation de passage, l'endroit qu'il fallait ainsi défendre ou forcer, ce que prouve la citation suivante :

Quelquefois ils gardoient des Pas sur des ponts ou sur des chemins et places plus fréquentées, et là ils appendoient leurs Escus armoyez de leurs armes à des arbres ou à des pals et colomnes dressées pour ce sujet ; et obligeoient tous les Chevaliers qui desiroient passer par là, à combatre et jouster contr' eux Que s'ils estoient plusieurs qui eussent resolu de garder le Pas, il y avoit autant d'Escus à ces arbres qu'ils estoient de Chevaliers.

(La Colombière, Théât. d'honn., t. I, p. 266, Paris, 1648.)

Et l'on nommait pas d'armes une sorte de jeux qui se trouvent définis dans ces lignes :

C'estoient [les pas d'armes] des combats particuliers qui s'entreprenoient par un ou plusieurs chevaliers. Ils choisissoient un lieu, pour le plus souvent en plaine campagne, qu'ils proposoient de défendre contre tous venans, comme un pas, ou passage, qu'on ne pouvoit traverser qu'avec cette condition de combattre celui ou ceux qui le gardoient.

(Du Cange, Disserl, s. l'hist, de saint Louis, p. 31, col. 2.)

Or, comme le pas d'armes était un combat difficile à soutenir et peut-être aussi très fréquent, il me semble avoir fourni, au sens d'entreprise, le pas qui se trouve dans les phrases que vous me signalez.

Quatrième Question.

Quelle est l'étymologie de BAIN-MARIE, que j'ai vainement cherchée dans Richelet, Du Cange, Furetière, Trévoux, Littré, et même dans le Courrier de Vaugelas?

La distillation est une opération par laquelle on réduit les liquides en vapeur à l'aide de la chaleur pour les faire retourner ensuite à leur état primitif au moyen du refroidissement.

La chaleur peut être communiquée de trois manières dans cette opération : 4° en mettant le feu en contact direct avec le vase qui contient la substance à distiller, 2o en entourant ce vase de sable chaud, de cendre chaude ou de fumier, et 3° en plongeant ledit vase dans. un bain d'eau bouillante.

Un tel bain s'est appelé et s'appelle bain-marie. D'où vient ce substantif composé qui se trouve dans Nature à l'Alchimie, ouvrage du xiv° siècle?

Les alchimistes, a-t-on dit, aimaient les façons de parler hyperboliques; et, en effet, il paraît que du vivant de Fontenelle, il n'y avait pas encore longtemps que tous les raisonnements de leur art n'étaient que des espèces de fictions poétiques vives, animées, agréables à l'imagination, inintelligibles et insupportables à la raison. Or, à cause de cela, on a cru que les adeptes avaient comparé à la mer le plus grand des vases employés dans la distillation, celui qui contenait l'eau bouillante, et l'avaient appelé balneum maris, dont, par corruption, on aurait fait plus tard bain-marie. Cette opinion est complètement erronée.

Dans l'origine, le bain dont il s'agit ne s'est pas appelé balneum maris, ainsi qu'on s'est plu à le dire, mais bien balneum medicinæ, comme le montre la phrase suivante, que j'emprunte à Arnaud de Villeneuve, savant médecin né en 1238:

Et scio quod distillatio aque le pour æ se trouve dans tout l'ouvrage] habet fieri in balneo medicine, etc.

(Rosar. philosoph. liv. II, ch. 7, lig. 6, Lyon, 1509.) L'expression de bain-marie n'est autre chose que bain de marie, dont, par abréviation de langage, on a supprimé la préposition de, en vertu d'une règle de l'ancienne langue que nous appliquons encore devant un substantif propre; et la preuve de mon assertion se trouve dans les citations suivantes, où cette préposition est exprimée :

Toutes ces fleurs seront distillées en bain de marie pour en avoir les eaux en parfaite bonté, et d'odeur naturelle. (Ol. de Serres, Th. d'agric., vol. IV, p. 347, éd. de 1802.) Apres ceste infusion, distillez le tout dans un alambic de verre au bain de marie ou sur les cendres chaudes.

(Trois liv. de l'embell. du corps hum. p. 38, ann. 1582.) Ces faits ne suffisent-ils pas encore pour établir l'étymologie de bain-marie? Je fais appel aux langues étrangères, et je vois que, si l'espagnol dit baño maria par imitation du français, il dit aussi baño de maria; et que l'allemand dit Marienbad, ce qui signifie littéralement bain de Marie.

Maintenant, de quelle Marie est-il question ici?

Je pense avec plusieurs étymologistes que c'est de Marie, sœur de Moïse, et voici sur quels fondements j'établis cette croyance :

Borel, médecin de Castres, a publié en 1654, un volume intitulé: Bibliotheca Chimica, espèce de catalogue en latin contenant la dénomination d'environ quatre mille ouvrages sur la philosophie hermétique, la transmutation des métaux, etc., et, dans ce volume, où l'auteur déclare avoir enregistré tous les traités d'alchimie dont il a pu avoir connaissance jusqu'à l'impression de son recueil, je trouve ce qui suit, page 154: Mariæ Prophetissæ Epistola Chimica ad Aaronem, ex Riplæo.

Eadem, Epist. M. S. Lingua catalaunica, et Valdè Antiqua, aliudque ejus opus Chimicum Prolixius.

Mariæ Mosis Sororis dicta Chimica, in Allegoriis sapientum, et in arte Aurifera extant.

In Mariæ Prophetissæ opusculum Commentaria Anomini, cum Comment. ejusd. in Sendivogium, in-8°, Germanicè.

Or, après avoir lu ce passage, n'est-on pas naturellement porté à croire que c'est en l'honneur de la prophétesse Marie, sœur de Moïse et d'Aaron, fille d'Amram et de Jacobed, née en Égypte l'an 1578 avant J.-C., suivant la chronologie hébraïque, que les alchimistes du moyen âge, mus par un sentiment de vénération ou d'orgueil bien explicable, d'ailleurs, ont créé l'expression de bain-marie?

Il me semble qu'à leur place, il y a bien des gens qui n'eussent pas procédé d'une autre manière.

[ocr errors]

Cinquième Question.

Je lisais dernièrement dans un journal que deux orateurs de la Chambre s'étaient reproché mutuellement de ne pas savoir prononcer le mot CLUB. Voudriez-vous bien donner votre avis à ce sujet? Une question grammaticale qui se pose en si haut lieu doit nécessairement trouver sa solution dans votre journal.

Selon moi, il faut prononcer club, absolument comme ce mot est écrit.

Quant aux raisons sur lesquelles je m'appuie dans cette décision, ce sont celles qui se trouvent consignées à la page 188 de la 4° année du Courrier de Vaugelas, où cette question de prononciation est traitée.

ÉTRANGER

Première Question.

Faut-il écrire ALVIN ou ALEVIN le nom du petit poisson qui sert à peupler les étangs et les rivières, et vautil mieux terminer ce mot par AIN que par IN? Je serais bien désireux de connaitre votre opinion sur ce double point d'orthographe.

J'aime mieux alevin (avec un e) que alvin (sans e), et voici pourquoi :

Le bas-latin avait le verbe alevare, dans le sens d'élever, de nourrir. De ce verbe, la langue romane a fait alever, d'où nous avons tiré alevin, pour signifier, chez les poissons, ce que nous appelons actuellement élève, chez les bestiaux.

Seconde Question.

Je vous prierais de vouloir bien me diré quelle est l'origine de l'expression ironique SAUVONS LA CAISSE.

Cette expression se trouve à la fin de la xvie scene (2o acte) de la comédie-parade des Saltimbanques, par Du! mersan et Varin, scène dont voici une rapide analyse:

Laissant des dettes partout où il passe, Bilboquet. saltimbanque, arracheur de dents, vendant tout ce qui concerne son état, est sur le point d'être saisi. Il ne forcé de décamper au plus vite. Voilà qu'on monte par devait quitter Lagny que le lendemain; mais il est l'escalier. Il ferme la porte au nez de ses fâcheux visiteurs, et se dérobe par l'autre avec sa troupe; tous chantent en choeur, sur l'air des Puritains :

[blocks in formation]

Or, alever ayant un e entre l et v, il en doit nécessai- d'hui, celui de se sauver en emportant l'argent d'une rement être de même pour l'adjectif alevin. caisse dont la garde nous a été confiée.

Du reste, indépendamment de cette raison étymologique, on pourrait encore en faire valoir une autre. C'est qu'en effet, si l'on adoptait l'orthographe alvin, il s'ensuivrait que nous aurions deux mots confondus en un seul, quand nous pouvons parfaitement l'éviter : alvin, pour désigner le petit poisson servant à peupler, et alvin, de alvus, ventre, terme de médecine dont on se sert en parlant de ce qui a rapport à l'abdomen, aux déjections principalement.

Voyons maintenant lequel vaut le mieux de alevin ou de alevain.

Le verbe nourrir a été employé autrefois dans le même sens qu'alever, et il comptait dans sa famille l'adjectif nourrin (que l'on écrit peut-être à tort nourrain) pour signifier un animal quelconque que l'on élevait : Li aucun laissoient à labourer leurs terres, et à faire norrin de bestes et de chevaulx.

(Du Cange, Nutricatio.)

Dans ses Curiositez françoises, Antoine Oudin écrit nourrin; le wallon dit nourin; le provençal noirim.

Or, en présence de ces faits, je me crois autorisé à conclure, par analogie, que la meilleure finale à donner à alevin est in, et non ain.

D'ailleurs, tous les composés de alevin que je rencontre dans les dictionnaires (aleviner, alevinier, etc.) sont un argument de plus en faveur de cette orthographe.

[ocr errors][merged small][merged small][merged small]

Cette singularité de syntaxe nous vient très probablement des Romains.

Chez ce peuple, les magistratures, à commencer par le consulat, étaient exercées collectivement par plusieurs personnes. Le nous est donc le pronom qui, dans leurs actes, devait désigner ce genre d'autorité.

Lorsque, par le seul fait de la réunion des grandes magistratures dans un seul individu, on eut changé la république en monarchie, l'empereur, qui, tout à la fois consul, tribun, souverain pontife et généralissime, était prince du sénat, représentant du peuple, chef de la reli

gion, chef de l'armée, etc., l'empereur, être collectif s'il en fut, ne devait-il pas se croire fondé à se servir du

FEUILLETON.

nous pour désigner le dépositaire de tant de pouvoirs, BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS

le représentant de tant d'intérêts? En disant moi, n'aurait-il pas fait une faute de grammaire?

Le protocole des princes a imité celui des Césars (excepté toutefois en Espagne, où la signature du roi est précédée de cette formule : yo el rey, moi, le roi), et les autorités inférieures n'ont pas manqué de se régler sur les princes. Le maire de la plus petite commune de France se donne du nous, tout bonnement, sans se douter qu'il parle comme parlaient jadis les maîtres du monde. Si M. Bescherelle, à qui j'emprunte cette réponse (Gram. nat., p. 321), ne m'a pas induit en erreur, vous savez à présent pourquoi notre langue autorise un nous dans la bouche d'un maire qui prend un arrêté.

Les évêques emploient également nous pour je en s'adressant à leurs ouailles, et cela, quoique leurs prédécesseurs les apôtres ne le fissent point dans les missives qu'ils écrivaient aux fidèles :

Car le Dieu que je sers par le culte intérieur de mon esprit dans l'Évangile de son Fils, m'est témoin que je me souviens sans cesse de vous.

(S. Paul, Épit, aux Rom., ch. 1. v. 9.) Mes bien aimés, voici la seconde lettre que je vous écris; et dans toutes les deux, je táche de réveiller vos âmes simples et sincères par mes avertissements.

(S. Pierre, Sec. épit., ch. III, v. 1.)

[blocks in formation]
[ocr errors]

...

[ocr errors]

PASSE-TEMPS GRAMMATICAL.

Corrections du numéro précédent.

[ocr errors]
[ocr errors]

...

[ocr errors]
[ocr errors]

[ocr errors]

1° nous ne sachions pas que cela (Voir Courrier de Vaugelas, 3° année, p. 170); 2o au Mont-de-piété, voire les diamants (pas de même; voir Courrier de Vaugelas, 2 année, p. 185); -3° il n'a fallu rien de moins (c'est le sens positif); 4. s'il préfère être un singe perfectionné plutôt que (Voir Courrier de Vaugelas, 4o année, p. 153); 5° et ils le crient sur les toits; -6° ... un costume moitié civil et moitié ecclésiastique (Voir sur mi-partie le Courrier de Vaugelas, 3° année, p. 83); 7°... Malgré qu'elle en ait, ils ne s'embarrasseraient guère; — 8° ... qu'il valait mieux; -9° ... à se rendre populaire 10° afin (Voir Courrier de Vaugelas, 2o année, p. 139); deux heures moins un quart (Courrier de Vaugelas, 2o année, p. 76); 11° ... Quoi qu'il soit de ces inventions (pas de en); - 12° demeure au diable de Vauvert (Courrier de Vaugelas, ni une moindre de qui que ce soit 14° de docteurs en ignominie (ès se met devant un nom pluriel); -15° ... demanda mon compagnon; 16... ces petits propriétaires absents de leurs comptoirs (Courrier de Vaugelas, 2o année, p. 13); — 17°... qui n'atteignaient 18° pas le but désiré; cubes d'eau toutes les 24 heures; 19° si nous le faisions, ce serait fait à tout jamais (pas de en ; voir Courrier de Vaugelas, 9° année, p. 148); 20° mais

[merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][ocr errors][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

PREMIÈRE MOITIÉ DU XVIII SIÈCLE

L'abbé D'OLIVET.

(Suite et fin.)

Ou lassez ou soumis, Ma funeste amitié pèse à mes ennemis (Mithridate, III, 1). Inversion vicieuse, parce que ces deux participes, lassez et soumis, sont coupés par un nominatif auquel ils n'appartiennent pas; et que d'ailleurs la particule à, qui vient après, fait qu'ils ne pourront pas être immédiatement unis avec leur substantif.

Du fruit de tant de soins à peine jouissant, En avezvous six mois paru reconnaissant? (Britannicus, IV, 2). Qui ne croirait qu'à peine doit se lier à jouissant, comme s'il y avait, Du fruit de tant de soins jouissant à peine, pour dire, ne faisant que commencer à jouir? Et cependant à peine doit nécessairement se lier avec le vers suivant, à peine en avez-vous, etc. Rien n'excuse cette inversion.

De mille autres secrets j'aurois compte à vous rendre. (Britannicus, III, 7). - Quand nos verbes régissent un substantif qui n'a point d'article, ils doivent être suivis immédiatement de ce substantif, comme si l'un et l'autre ne composaient qu'un seul mot. Avoir faim, avoir pitié, donner parole, etc. Jamais ces verbes, dit d'Olivet, ne souffrent la transposition de leur régime, et l'on ne peut jamais rien mettre entre le verbe et le régime, si ce n'est un pronom donnez-moi parole; ou une particule, ayez-en pitié; ou enfin un adverbe, donnez hardiment parole. D'Olivet ne croit pas qu'on puisse excuser cette transposition. Au lieu de J'aurois compte à vous rendre, il faut nécessairement J'aurois à vous rendre compte. La Sultane en ce lieu se doit rendre. (Bajazet, I, 1). -Presque tous nos écrivains d'aujourd'hui se font une loi de placer immédiatement le pronom avant l'infinitif qui le régit, ainsi dans la phrase présente, ils diraient, la Sultane en ce lieu doit se rendre, et non pas se doit rendre. L'un est aussi bon que l'autre, pour l'ordinaire. Craignez-vous que mes yeux versent trop peu de larmes ? (Bérénice, V, 5). Toutes les fois que craindre est suivi de la conjonction que, la particule ne doit se trouver ou dans le premier ou dans le second membre de la phrase. Dans le premier, Je ne crains pas qu'il verse trop de larmes ; dans le second, Je crains qu'il ne verse trop de larmes.

[ocr errors][merged small]

Condamnez-le à l'amende (Plaideurs, II, 13). Voilà le seul exemple qui reste dans tout Racine, d'un le, pronom relatif, mis après son verbe et suivi immédiatement d'un mot qui commence par une voyelle, Encore faut-il observer que cela se trouve dans une comédie. Mais dans les premières éditions de sa Thébaïde et de son Alexandre, il y en avait cinq ou six autres qu'il a tous réformés depuis.

Qui m'offre ou son hymen, ou la mort infaillible (Bajazet, II, 5). - Infaillible est ici très inutile. Mais

« PreviousContinue »