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4° Au xvi° siècle, on fit un assez large usage des lettres de cachet, ce qui diminuait d'autant le nombre des procès criminels.

En se reportant aux inventaires d'Archives départementales, on arrive bien vite à se convaincre que la plupart des détentions ordonnées correspondaient à des cas où, aujourd'hui, la loi pénale ne serait pas mise en mouvement, savoir :

1° Aliénations mentales;

2o Correction paternelle ;

3° Dérèglement de mœurs ne constituant, même sous l'ancien régime, ni crime ni délit formel.

L'emploi des lettres de cachet ne saurait donc affecter, d'une manière appréciable, les résultats numériques produits par la mise en mouvement de l'action publique.

En résumé, les documents dispersés, dans les Archives départementales, au sujet de poursuites judiciaires, à raison d'actes criminels, au xvir® siècle, présentent un intérêt manifeste pour l'histoire, la statistique, la morale et l'économie sociale.

Nous proposons donc au Comité de provoquer l'envoi d'une circulaire ayant pour but de faire remplir, par MM. les Archivistes, d'après un cadre à fixer, les chiffres de nature à éclairer, sur la rareté ou la fréquence des crimes constatés de 1733 à 1789.

Il va sans dire que les lacunes qui existent, dans une même année, pour des bailliages, sénéchaussées, subdélégations, etc., devront être mentionnées, afin de prévenir des erreurs, et qu'on se bornera, par suite, à énoncer les nombres afférents aux années où des éléments complets ont été recueillis, pour une même généralité.

Alfred DES CIlleuls.

SÉANCE DU MERCREDI 12 AVRIL 1899.

PRÉSIDENCE DE M. LEVASSEUR.

Étaient présents: MM. Aulard, Bienaymé, des Cilleuls, Darlu, Ducrocq, Glasson, Gréard, Lyon-Caen, Noël, Tranchant.

M. Sureau, de Grombalia (Tunisie), envoie au Comité les articles suivants :

1o Des actes notariés en Tunisie;

2° Du prêt à Rahnia-Hanéfite en Tunisie ;

3° Les contrôleurs civils pris comme vice-consuls faisant fonction de notaire ;

4o Des droits qui peuvent être créés au profit de la femme française mariée sur des immeubles tunisiens non immatriculés.

M. LYON-CAEN rendra compte de ces études.

Les ouvrages suivants, pour lesquels ont été formées des demandes de souscription, sont remis à des rapporteurs:

Mispoulet, La vie parlementaire à Rome sous la République, essai de reconstitution des séances historiques du Sénat romain.

Berr (Henri), L'avenir de la philosophie, esquisse d'une synthèse des connaissances fondée sur l'histoire, 1 vol.

Sagnac, La législation civile de la Révolution française (1789-1804), essai d'histoire sociale, 1 vol.

Roussel, Cosmologie hindoue, d'après le Bhagavata Purāna, 1 vol.

MM. des Cilleuls, Darlu et Gréard sont adjoints au Bureau opérer la revision de la liste des correspondants.

pour

M. DUCROCQ donne lecture du rapport ci-annexé sur l'ouvrage de M. Louis Passy, Le marquis de Blosseville.

M. GLASSON lit les deux rapports ci-joints:

1° Sur le cours de philosophie du Droit, par M. Boistel;

SCIENCES ÉCONOM.

3

2° Sur l'ouvrage de M. Henri Lichtenberger, Richard Wagner, poète et penseur.

Il est donné lecture de rapports sur des demandes de souscription aux ouvrages suivants :

Pillon, La Philosophie de Charles Secrétan.
Mme Maria-Deraisme, Lettre au clergé français.
Adhémar-Leclère, Les Codes cambodgiens.
Charles Philippe, De l'impôt sur le revenu.

M. DARLU rend compte des travaux de la Section de philosophie dont il a présidé les séances au congrès des sociétés savantes de Toulouse.

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M. LEVASSEUR adresse des remerciements à MM. Darlu et Octave Noël pour les services qu'ils ont rendus à la Section comme présidents de plusieurs séances au congrès de Toulouse.

M. DARLU attire l'attention des membres de la Section sur l'utilité qu'il pourrait y avoir à reculer la date du congrès des sociétés savantes qui se tiendra à Paris, en 1900, jusqu'après l'ouverture de l'Exposition universelle.

La séance est levée à 5 heures trois quarts.

LE MARQUIS DE BLOSSEVILLE.

SOUVENIRS, par Louis Passy, de l'Institut, député, Président de la Société d'agriculture, arts, sciences et belles-lettres de l'Eure (1 vol. in-8°, 460 P.; Évreux, Charles Hérissey).

Le marquis de Blosseville appartenait à la fois aux départements de l'Eure et de la Seine-Inférieure. Pendant une carrière de quatre-vingtsept ans (1799-1886), il lui a été donné de servir de trait d'union entre des hommes considérables d'opinions différentes: députés, ministres, présidents du conseil, qui ont appartenu ou qui appartiennent toujours à cette partie de la Normandie. Lui-même député, président de la commission départementale du conseil général de l'Eure, vice-président de ce même conseil (pour conserver la place à un personnage éminent pendant son ministère),

président de la Société d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres de ce département pendant de longues années, il a eu, après sa mort, l'heureuse fortune d'avoir pour successeur à la présidence de cette société un membre de l'Institut, député, comme il le fut lui-même, son ancien collègue au conseil général, ancien sous-secrétaire d'État dans la période tourmentée au cours de laquelle le marquis de Blosseville a dépensé, pour ses amis, des trésors d'activité dévouée et désintéressée. Cette société a chargé son nouveau président de retracer la vie de son prédécesseur.

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La douce physionomie de Blosseville ne se prête pas, dit M. Louis Passy, « à un discours qui prendrait la forme trop solennelle d'un éloge... mais à une notice qui prendra les allures de mémoires, de souvenirs... et il s'est trouvé qu'en suivant Blosseville à travers les révolutions de la politique et les luttes des partis, à travers les transformations du conseil général et les actes de la Société libre de l'Eure, j'ai écrit l'histoire poli<tique de notre département depuis 1848 jusqu'en 1880.»

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Ce volume, d'une lecture attrayante et saisissante à la fois, provoque un rapprochement avec un autre ouvrage, dont la Section nous avait également chargé, il y a quelques années, de lui rendre compte. Nous voulons parler des trois volumes de la Vie de Berryer, par M. Charles de Lacombe. Ce rapprochement n'est pas fait pour déplaire au biographe du marquis de Blosseville, puisque, après les éloges du Comité, la Vie de Berryer a reçu, de l'Aca démie française, l'éminente consécration du grand prix Gobert.

Ce rapprochement des sujets, sans comparaison des personnages, n'est pas non plus de nature à surprendre. Le marquis de Blosseville fut en effet du parti de Berryer. En outre, après avoir été, comme Berryer parmi les adversaires du roi Louis-Philippe, il fut, comme lui, aprè 1848, dans cette partie de la Normandie, l'un des partisans les plus actifs de la fusion des deux branches de la famille royale. En outre, si l'histoire de Berryer a été jugée celle d'un siècle, celle du marquis de Blosseville est proclamée, ainsi que nous venons de le voir, par son auteur même, celle de sa province pendant une longue période.

Cette histoire est surtout celle des luttes auxquelles a donné lieu, dans cette partie de la France, l'établissement et la consolidation du régime républicain; et sur ce point encore se reproduit, toutes proportions gardées, le rapprochement entre la vie de Berryer et celle du vénérable ami de M. Louis Passy. On a dit de Berryer qu'il fut dans sa destinée, d'être, en politique, l'admirable et généreux défenseur des causes perdues; c'est aux mêmes causes, bien qu'avec des nuances, que s'est voué le marquis de Blosseville.

Cependant, en se faisant, au sein du conseil général de l'Eure, l'apôtre de la conciliation entre des hommes tels que M. Pouyer-Quertier, le ministre des finances de M. Thiers, M. le duc de Broglie, M. l'amiral La Roncière Le Nourry, M. Louis Passy lui-même, et d'autres encore, il semble

qu'il n'ait pas nui aux efforts de M. Thiers, et, par conséquent, sans le vouloir, à l'établissement de la troisième République.

Quoi qu'il en soit, il serait utile, pour l'histoire contemporaine, que de semblables ouvrages pussent être écrits pour les diverses parties de la France. Les présidences de M. Thiers et du maréchal de Mac Mahon, l'histoire générale du pays, s'y trouveraient éclairées d'une plus vive lumière par leurs contre-coups dans l'histoire locale de chaque région. Il en est ainsi pour cette histoire du département de l'Eure pendant près d'un demi-siècle.

. M. le marquis de Blosseville et son panégyriste ont vécu une partie de cette histoire, mêlés à la fois, l'un et l'autre, à l'histoire générale et à l'histoire locale de cette époque tourmentée. Une volumineuse correspondance, dont de nombreux extraits animent le récit et font aimer le héros toujours modeste, sert de base à ces précieux souvenirs.

Leur renvoi à la section des sciences économiques et sociales se justifie spécialement par cette circonstance qu'ils présentent le tableau saisissant d'une très intéressante société savante et, dans le même département, d'une de nos plus importantes institutions administratives, aux prises avec les difficultés et les luttes politiques. L'auteur nous donne, à ce point de vue, l'histoire du conseil général de l'Eure pendant plus de quarante ans. Il y montre successivement, ou dans le même temps, unis ou dans des camps divers, des sénateurs, des députés, des ministres, des sous-secrétaires d'État: MM. Troplong, Lefèvre-Duruflé, duc d'Albuféra, marquis de la Grange, Pouyer-Quertier, amiral La Roncière Le Nourry, duc de Broglie, Antoine et Louis Passy, marquis de Blosseville, Émile Hébert, Legendre, Léon Labbé, Guillaume Petit, Fouquet, Papon, Germain, Lepouzé, etc.

La longue administration d'un préfet légendaire, M. Janvier de la Motte", honni par les uns, parmi lesquels le marquis de Blosseville; adoré par d'autres qui l'élirent ensuite conseiller général et député; ses procès retentissants en police correctionnelle et en cour d'assises, dont le dernier devait coûter le portefeuille de ministre des finances au président du conseil général, M. Pouyer-Quertier, qui l'avait défendu de son témoignage devant le jury; toutes ces circonstances administratives et judiciaires relèvent bien de la section des sciences économiques et sociales, et ne sont pas de nature à diminuer l'intérêt du livre.

Il en est de même de la noble figure d'un autre défenseur de l'ancien préfet de l'Eure, Raoul Duval. Malgré cette rencontre de sympathie personnelle avec Pouyer-Quertier, Raoul Duval fut toujours, au point de vue économique, son principal adversaire en Normandie. Il fut aussi, dans le Parlement, l'éloquent et intrépide défenseur de la liberté commerciale.

Nous trouvons ainsi, sur ce livre et dans ce livre, malgré leurs dissidences, deux hommes, dont les noms et les races, de génération en génération, se confondent avec la défense des principes de l'économie politique

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