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Le Clergé et ses obligations militaires, par L. DE LACGER, du clergé d'Albi. Paris, Gaume, 1896. In-32, pp. 128.

L'auteur ne le dissimule pas, « la loi militaire, dans les articles qui concernent les séminaristes, reste mauvaise, malgré le bien dont elle pourrait être l'occasion; elle viole les privilèges de l'Église et expose ses futurs ministres à des périls redoutables ».

Cette loi sera un jour abrogée, espérons-le; mais en attendant, le séminariste la subit, et il doit la subir sans perdre sa vertu et sa vocation, et, autant que faire se peut, avec profit pour les âmes et l'honneur de l'Église.

Présenter un tableau vrai du milieu dans lequel les séminaristes soldats auront à vivre durant une année, fortifier leur cœur par les considérations les plus élevées, et, en même temps, les initier à la connaissance des moindres détails politiques de cette nouvelle vie, leur signaler sans exagération les périls, leur indiquer les moyens d'exercer un apostolat fécond au milieu même de la caserne c'est tout ce qu'ambitionne l'auteur.

Disons que son travail, composé avec talent, inspiré par le désir de communiquer à ses frères le fruit d'une expérience personnelle, corroboré par les témoignages d'officiers de valeur a tout ce qu'il faut pour atteindre ce but.

La seconde partie de l'opuscule, renferme des documents. techniques relatifs au recensement, au conseil de revision, aux divers cas de dispense, et l'indication des pièces à produire.

Dans un Appendice, on trouve, avec les articles de la loi militaire concernant les séminaristes, un chapitre intitulé : « Recueil et modèles d'un certain nombre de lettres types pouvant servir d'indication générale aux élèves ecclésiastiques dans leur correspondance avec les autorités civiles ou militaires en matière de

recrutement. »>

Puisse ce petit livre devenir le manuel de tout séminariste soldat! A. VACCON, S. J.

I.

II.

PHILOSOPHIE

SCIENCES ET ARTS

Philosophie morale et sociale, par le R. P. DE PASCAL. Paris, Lethielleux, 1894-1896. 2 vol. in-12, pp. 349 et 531. Prix 3 fr. 50 le volume.

Le Bien et le mal. Essai sur la morale considérée comme sociologie première, par E. DE ROBERTY, professeur à l'Université nouvelle de Bruxelles. Paris, Alcan, 1896. In-18, pp. xxiv-239. Prix : 2 fr. 50.

III. La Femme criminelle, par C. LOMBROSO et FERRERO; traduction de l'italien par Louise MAILLE, avec 13 planches hors texte. Paris, Alcan, 1896. In-8, pp. xv1-679. Prix : 15 francs.

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I. Le R. P. de Pascal est professeur. Il a du professeur la méthode, la clarté, la concision. C'est de plus un disciple de saint Thomas. Il parle de son commerce de vingt-cinq ans avec le grand docteur; et de vrai, il est facile de voir combien il s'est pénétré de sa pensée. Aussi aime-t-il à lui céder la parole et à lui demander la solution de la plupart des questions que son livre agite.

Le premier volume du P. de Pascal comprend trois livres : l'Acte humain, la Loi, — le Droit social en général; le second volume en compte quatre l'Homme et Dieu, l'Homme et sa personnalité, l'Homme et ses semblables, l'Homme et le

monde extérieur.

Il est juste de signaler dans le premier volume une excellente réfutation de la morale kantiste, reprise et défendue par M. Paul Janet. Nous avons moins aimé la solution donnée à la question du probabilisme. A la suite du R. P. Potton, des Frères Prêcheurs, le P. de Pascal propose de ramener toutes les règles en cette matière à la formule suivante : Pour agir légitimement contre une loi douteuse, il faut toujours avoir des raisons proportionnées à la gravité et à la probabilité de cette loi. Et il ajoute : <<< Il me semble que si l'on tenait à ce principe, et si on l'appliquait avec tact aux diverses espèces qui peuvent se présenter, on

arriverait à construire en cette matière une théorie plus rationnelle, plus une, et moins sujette aux objections que les théories habituellement enseignées. » D'abord, disons-nous, l'application de ce principe aboutirait non à une théorie, mais à une pratique ou à une conduite; et cette conduite, loin d'être rationnelle, serait par la force des choses toute de sentiment, s'appuyant sur un principe trop subjectif; par suite, au lieu de l'unité, on arriverait à la plus étrange diversité. De plus, cette théorie n'est qu'une autre forme du probabiliorisme, doctrine essentiellement illogique. Enfin, elle est inapplicable à une foule de cas où il y a conflit de deux droits opposés. Par exemple: un père de famille, qui a charge de nombreux enfants, doute s'il est grevé d'une dette envers un autre père de famille également chargé d'enfants. Doit-il payer? Peut-il payer? La formule proposée ne donne aucune lumière pour les cas analogues, très nombreux dans la pratique.

Dans le second volume, l'auteur adopte le sentiment que l'autorité séculière peut établir des empêchements dirimants quant au mariage des infidèles. Il aurait pu citer, parmi les théologiens professant cette opinion, Mgr Rosset, au tome II de son grand ouvrage De Sacramento matrimonii. Cette opinion semble regagner le terrain qu'elle avait perdu il y a une trentaine d'années.

Au sujet de l'origine du pouvoir et de sa détermination en un chef individuel, le P. de Pascal prend parti contre la théorie de Suarez et de Bellarmin, qui d'ailleurs est loin de leur être spéciale. Il adopte la thèse de l'occupation, brillamment proposée de nos jours par M. de Vareilles-Sommières. Les Études ont eu déjà l'occasion de dire par deux fois les défauts qu'elles croyaient trouver à ce système (décembre 1889, 30 juin 1893). Nous n'y reviendrons pas.

Mais au lieu de nous attarder à ces critiques de détails, nous aimons mieux louer, dans l'ensemble du livre, la largeur et la fermeté de la doctrine, avec ce bon sens judicieux qui garde également l'auteur des excès contraires.

II. M. de Roberty lui aussi est professeur. Il serait cependant difficile de le louer pour les mêmes qualités que le R. P. de Pascal. Cet éloge, d'ailleurs, ne lui ferait peut-être pas plaisir. Il le déclare en toute sincérité, sinon en toute modestie,

ce qu'il a mis dans son livre, ce sont « les théories suprêmes, les quintessences, les abstractions nucléales », toutes choses qui ne s'adressent qu'à une élite. Il laisse à d'autres le soin de poursuivre la popularité près des « intelligences moyennes ». Et certes, il tient parole; si bien même qu'on est parfois tenté de lui en vouloir. Car enfin il est peu flatteur pour un lecteur qui, à certains moments, ne comprend plus de se sentir relégué par là-même, comme dit le maître, dans ce « mandarinat des esprits rassis et pondérés », mais pas assez « térébrants >>> pour pénétrer jusqu'à la moelle de la vraie science.

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Enfin, au risque de nous tromper et d'être accusé, par suite, de de « térébration »>, disons ce que nous avons cru comprendre. La morale est en voie de formation. A proprement parler, elle est un dérivé de la sociologie, ou science des faits externes, qui elle-même n'existe encore qu'en germe. Ou pour mieux dire, « la sociologie deviendra un jour la vraie, l'unique morale ». << Ce qu'on nomme la morale est tout bonnement un aspect des choses d'ailleurs purement formel et logique commun à toutes leurs catégories, à toutes les sciences. » En effet, « sous le signe du Bien vient se ranger tout ce qui sert la vie, tout ce qui tend à transformer les modes inférieurs de l'existence universelle en modes supérieurs; et sous le signe du Mal, tout ce qui, directement ou indirectement, fait refluer ou rétrograder la vie vers ses aspects ou ses modalités plus simples ». Quand on se sera bien pénétré de ces principes, naîtra un état mental qu'on peut appeler l'immortalité future. Car si le bien et le mal ne diffèrent pas des modalités communes à tous les êtres, toutes choses n'étant, d'ailleurs, qu'« un dédoublement, une sécession du même », ils sont à leur tour essentiellement identiques. Déjà ne peut-on pas dire que «< ces étiquettes de bien et de mal changent constamment de place » ?

Avec ces hardiesses de révolutionnaire, M. de Roberty tient à passer pour un esprit conciliant et modéré. Sans doute, toutes les doctrines religieuses, métaphysiques et morales, reçues jusqu'à ce jour, sont des « théories inchoatives et grossièrement informes, enfantines, sottise spécifiée et formes déterminées de l'ignorance ». Mais il convient de les saluer quand on les rencontre sur son chemin : elles ont rendu service dans le passé. Seulement qu'elles cèdent la place à la philosophie intégrale.

Bibliographie, VII. — 47

Nous ne voudrions pas être désobligeant pour M. de Roberty; mais comment ne s'est-il pas demandé si quelque lecteur ne lui appliquerait pas ce jugement qu'il porte du livre de M. Renan : l'Avenir de la science? Renan donne par trop dans «< la manie du siècle et, peut-être, la folie de toutes les époques : se croire infiniment supérieur, par l'horizon élargi de l'intelligence, aux périodes écoulées, s'attribuer le mérite d'une réforme radicale dans la manière de comprendre et d'expliquer le monde. Que d'Amériques n'a-t-on pas découvertes de cette façon coup sur coup, les unes après les autres! >>

III. — Au dernier congrès d'anthropologie criminelle tenu à Genève au mois d'août 1896, M. Dallemagne demanda à M. Lombroso s'il persistait à croire qu'il existe un type anatomique en dehors duquel il n'y a pas de criminel, et qui suffit, à lui seul, à caractériser le criminel. M. Ferri répondit au nom du maître que l'école italienne, en parlant du criminel-né, n'entend pas en faire un type exclusivement anatomique; l'homme criminel est une personnalité complète, à la fois biologique, psychologique et sociale. La criminalité est la résultante d'un ordre triple de facteurs facteur physiologique, facteur de milieu physique et facteur de milieu social.

Cette thèse, qui adoucit déjà notablement l'inflexibilité matérialiste de l'ancienne théorie lombrosienne, est à peu près celle que M. Lombroso défend lui-même dans son nouvel ouvrage : La Femme criminelle. Il termine un chapitre consacré à l'anthropométrie des criminelles, par cette conclusion : « Il ne ressort, malheureusement, que bien peu de chose de cette accumulation de mensurations. » Il ajoute, à la vérité, pour se rassurer sur la valeur de ses anciennes théories : « Cela est naturel; car si les différences externes entre les hommes criminels et les hommes normaux sont déjà peu nombreuses, elles le sont encore moins pour la femme, chez laquelle la stabilité (anatomique) est très supérieure et les différences beaucoup moindres, même quand elle est anormale. » (P. 312.) Et il se reprendra à vouloir chercher le type physiologique de la criminelle-née. Mais enfin il fait entrer dans la constitution complète de ce type, pour une grande part, les éléments psychologiques, qui offrent même à ses yeux, semble-t-il, plus de flexibilité.

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