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ROMANS ET LECTURES

I. Miss, par Samuel CORNUT. Paris, Perrin, 1896. In-12, pp. 284. Prix: 3 fr. 50.

II.

Simple histoire, par Paul MARGUERITTE. Paris, Plon, 1895. In-18, pp. 300. Prix: 3 fr. 50.

I. C'est la banale et lamentable histoire du précepteur pauvre et de l'institutrice anglaise dans une maison bourgeoise. Cette fois l'homme est un imaginatif sans cœur et la femme une sensitive sans esprit pratique. Après force péripéties intérieures et extérieures, celui-ci devient journaliste, celle-là rentre dans la boue native; l'élève et sa famille restent dans leur vulgarité égoïste et cossue. Il n'y a pas beaucoup d'art dans le récit, mais une certaine vérité de détails et d'accent qui lui donnent par intervalles de l'intérêt. C'est vécu, comme on dit, et pas édifiant.

II. - On lit dans la réclame qui recommande ce volume : « Aujourd'hui M. Paul Margueritte nous apporte, sous le titre de Simple histoire, une série de contes brefs, remarquables par l'audace de l'observation, la subtilité de l'analyse, le ton mordant, la netteté pittoresque du style. Scènes intimes de passion prises sur le vif; impressions rares; anecdotes piquantes; historiettes pleines d'humeur : ces nouvelles, d'un accent fort moderne, sont écrites, comme leurs aînées, sous une forme très fouillée par un psychologue aigu, et un narrateur audacieux. »

Audace de l'observation, subtilité de l'analyse, passion prise sur le vif, scènes intimes, accent moderne, psychologie aiguë : autant de périphrases signifiant que l'auteur ne s'est pas gêné pour écrire et pour faire entendre des choses assez perverses et assez vilaines. C'est ce qu'on a trouvé de mieux qu'on a trouvé de mieux pour achalander les mauvais livres. Ajoutons que celui de M. Paul Margueritte n'est pas absolument des pires. ÉT. CORNUT, S. J.

I. Mademoiselle Simplette, par Mme la comtesse D. DE BEAUREPAIRE DE LOUVAGNY. Paris, Téqui, 1896. In-12, pp. 404. Prix 2 francs. II. La Fille du notaire, par Lady G. FULLERTON. Traduction de l'anglais par J. DE CLESLES.

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Paris, Téqui, 1895. In-12, pp. 402. Prix 3 francs. III. Un Révolté, par Georges DU VALLON. Paris, Lyon, Delhomme et Briguet, 1895. In-12, pp. 344. Prix : 3 francs.

I. - Simplette! Mademoiselle peut le porter fièrement ce surnom familial, jeté par hasard, alors qu'elle vient d'accomplir un merveilleux acte de charité. Simplette a le cœur droit, l'âme haute et loyale, le caractère aimable et doux. Ange du foyer, elle en est la joie intime et la gloire aux jours prospères, le guide et le soutien sans défaillance dans l'infortune. Elle sait sans secousse déjouer les intrigues, conquérir des âmes égarées, avec largesse répandre ses bienfaits sur les pauvres. C'est plus qu'il n'en faut pour avoir droit à toutes les sympathies. Simplette produit un frappant contraste avec sa cousine, frivole, altière, toujours en quête des triomphes de la vanité.

Ce roman, où l'intrigue tient peu de place, est une causerie bien menée; faisant revivre des scènes de la vie réelle, de la vie présente. Si parfois Mme la comtesse de Beaurepaire explore les abimes de fange qui forment les dessous de notre société, elle le fait avec une délicate discrétion, de manière à élever les âmes au-dessus des bassesses humaines.

II. La plupart des romans de Lady Fullerton, convertie au catholicisme, morte en 1885, ont franchi la Manche et, traduits en français, ont reçu du public favorable accueil. Celui-ci, du reste, se retrouve dans sa vraie patrie; car l'auteur de la Fille du notaire avait emprunté le sujet et un grand nombre de détails au roman de Mme Léonie d'Aunet: Un mariage en province. Le style en est facile, la traduction correcte.

III.

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L'héritage inespéré d'un parent d'Australie arrive trop tard à Raynald de Sartène pour sauver son père de la ruine, du déshonneur et de la mort. Car son père trop confiant, a été victime dépouillée par d'impitoyables brasseurs d'affaires, et l'injustice des hommes jette le fils en pleine révolte contre la société. En fait, la révolte, correcte avec les lois humaines, froidement farouche, n'est qu'entachée d'égoïsme rancunier et d'orgueil dédaigneux. Monté sur son yacht l'Alcyon, avec un équipage tout dévoué, Sartène éprouve une âpre joie à fuir les hommes, et rien ne lui plaît davantage que d'errer sans but, à l'aventure, de flâner

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sur l'Océan comme le boulevardier sur l'asphalte. Rien, pas même le chant des sirènes, ne le décide à jeter l'ancre. Toutefois, ce pessimiste, pour qui la solitude des mers est préférable au commerce de la société, a des heures sombres où cette existence lui pèse comme un fardeau très lourd. L'exemple de son frère qu'il a retrouvé se dévouant, plein de zèle, dans les missions en Australie; la faute grave d'un sien pupille, déserteur du drapeau français, et affirmant qu'il a voulu l'imiter dans sa révolte; l'appel au pardon qui retentit sans cesse au fond de sa conscience, tout cela, Dieu aidant, l'éclaire et lui montre l'inutilité, l'illogisme de sa révolte. - Sa vie s'écoule maintenant douce et paisible, après le repentir, dans la Grande Chartreuse du Dauphiné. Du jour où, la vérité catholique lui apparaissant, Raynald comprit le précepte divin de la charité, du jour où il put se dire que la déviation de sa noble intelligence en avait scandalisé d'autres, il était prêt pour les rudes expiations.

Cette étude d'une âme, sous forme de roman, est conduite avec art, et d'un style élégant. ALEX. COURAT.

-

I. La Foire aux vanités, par M. W. THACKERAY. Traduit de l'anglais par G. GUIFFREY. Paris, Hachette, 1895. 2 vol. in-18, pp. 11-398 et 446. Prix: 1 franc. le vol. II. Robert Villon, par Henri DE NOUSSANNE. Paris, Firmin-Didot. In-18, pp. 278. Prix: 2 fr. 50. III. Le Béret bleu, par l'abbé DOMINIQUE. Tours, A. Cattier. In-8, pp. 233. Prix : 3 francs. IV. Un Gentilhomme vendéen, par Mlle Marie GUÉ. Tours, A. Cattier, 1895. In-8, pp. 239. Prix : 3 francs. V. Un nouveau Robinson suisse, ou le Robinson des Ténèbres, par L. MICHELLE. Tours, A. Cattier, 1895. In-8, pp. 248, illustré. Prix: 3 francs.

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I.-W.Thackeray tient peut-être en ce moment le premier rang parmi les romanciers en vogue chez nos voisins d'Outre-Manche, et la Foire aux vanités n'est pas son moindre titre à la faveur du public. L'œuvre est bien un peu touffue, et tout d'abord on hésite à s'engager dans cette enfilade de menus faits qui se succèdent à travers huit ou neuf cents pages de texte fin; mais une fois qu'on en a franchi le seuil, il est difficile de ne pas aller jusqu'au bout. Le conteur a tant de bonhomie, assaisonnée de fine malice! Un

type se détache en relief dans la cohue pittoresque des passions, des sottises, des vanités qui s'agitent sur la scène, celui de la fille intrigante à qui il faut un mari pour pouvoir faire figure dans le monde. Elle manœuvre avec tant d'art qu'il est bien impossible que sa proie lui échappe. Telle est, semble-t-il, la morale de la fable. Au reste, on peut suivre l'aimable conteur partout où sa fantaisie le mène, sans avoir à craindre de se salir. C'est un mérite des maîtres du roman anglais, que les nôtres, hélas! n'ont garde de leur disputer.

II. Il y a du style dans Robert Villon, un peu heurté, il est vrai, cassé même et désarticulé; mais on aime cela aujourd'hui. C'est ce qui fait pâmer d'admiration les lectrices du Figaro devant certains articles divinement écrits, ma chère ! Puis le sujet y prêtait. Il s'agit d'un artiste; or, il est convenu qu'un artiste est un individu d'essence particulière, toujours un peu fou, qui vibre, rêve, méprise le genre humain, mène la vie à grandes guides et se tue quand vient la déveine. (Voir chez Octave Feuillet.) C'est à quoi se décide Robert Villon, mais on l'arrête à temps et on le marie à une bonne fille, très bourgeoisement.

Suit une série de petites nouvelles, assez gentiment contées.

III. L'auteur, pour se justifier d'écrire des romans, cite en épigraphe des vers anglais dont le sens est à peu près ceci : « Est-ce que je ne puis pas faire du bien de cette façon? » - Oui, certes. Le roman est une manière de sermon, généralement plus intéressant et surtout plus couru que ceux que nous faisons à l'église. Il y a tout un régiment de malfaiteurs plus ou moins fameux, décorés, voire académiciens, qui prêchent de la sorte les sept péchés capitaux; et le diable sait s'ils sont écoutés. Pourquoi ne prêcherionsnous pas ainsi la vérité, l'amour de Dieu et de la vertu? On a vu des missionnaires jouer de la flûte pour attirer les pauvres enfants des bois; contons des histoires à nos contemporains, et glissons-y quelques tranches de catéchisme.

Le Béret bleu est le récit des aventures d'un pauvre enfant, assez mal élevé d'ailleurs, mais que la foi et la piété soutiennent à travers toutes ses épreuves, qui reste vaillant, laborieux et honnête malgré tous les entraînements, et qui finit, grâce à une aubaine merveilleuse, par se faire une belle place au soleil. Le trésor trouvé au moment critique dans la doublure du béret bleu

est bien ce qu'on appelle, en argot de métier, un truc un peu usé; mais en somme l'histoire est bien dite et l'intérêt se soutient.

IV. — Naturellement, c'est pendant la Révolution. Le gentilhomme vendéen est trahi par un de ses serviteurs. Il déjoue le complot, se réfugie à Paris, voit la famille royale au Temple, recueille un mouchoir de Mme Élisabeth, entre dans les conspirations pour la délivrance du dauphin, est saisi, emprisonné, condamné à mort et délivré miraculeusement. Pendant ce temps, sa femme est morte et sa petite fille recueillie par un brave homme. Père et fille se retrouvent plus tard: Transports, bonheur, retour aux champs, mariage.

Comme on le voit, ce n'est pas neuf; mais c'est touchant, honnête et chrétien. Un des personnages assiste à la représentation de la Dame blanche en 1789.

Comment l'aurais-je fait si je n'étais pas né?

La Dame blanche a vu le jour, c'est-à-dire le feu de la rampe, en 1824.

V. Le Nouveau Robinson porte en sous-titre : Récit invraisemblable d'une véridique histoire, et, dans son Introduction, l'auteur nous en garantit l'authenticité, malheureusement sans indiquer aucune source.

En 1714, une des cimes des Diablerets, en Valais, s'écroula et entraînant sur son passage rochers, terres et forêts, transforma un vaste plateau en un chaos de décombres. Un pâtre d'origine française, nommé Duverney, fut enseveli vivant dans son chalet, qu'une roche surplombante avait empêché d'être broyé. Il avait avec lui son chien, une provision de fromages et un filet d'eau. A l'aide d'outils rudimentaires, il parvint après trois mois de travail à pratiquer une ouverture à travers l'énorme couche de débris sous laquelle il était enterré. Les péripéties de cette laborieuse et émouvante délivrance forment le fond du récit, auquel l'auteur ajoute chemin faisant force explications scientifiques.

Puisqu'on se pique d'exactitude, il ne faudrait pas placer l'hospice du grand Saint-Bernard à 3371 mètres d'altitude; le chiffre vrai est 2400 mètres. Je n'aime pas non plus cette manière de parler « Le Sinaï où siégeait le Dieu des Juifs. » Est-ce qu'on va le mettre sur le même pied que Jupiter Penninus?

J. DE BLACÉ, S. J.

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