plus en plus complète par la pensée divine dont elle reçoit ainsi des connaissances tout à fait en dehors de sa portée ordinaire. Comme contre partie à ces élévations mystiques qui, dans tous les temps et dans tous les pays, ont été le but et la récompense suprême des sages et des saints, l'histoire a toujours montré l'odieuse magie. La magie, c'est l'art de commander aux esprits inférieurs et de s'en servir dans l'intérêt de ses satisfactions- matérielles. Très répandue dans les anciens Empires de l'Orient, elle n'eut qu'une importance secondaire dans les civilisations grecque et romaine, bien que les sorcières de Thessalie aient été célèbres. C'est au Moyen Age qu'elle s'épanouit dans son épouvantable floraison, Pendant des siècles elle résiste à tous les efforts tentés pour la détruire. L'ulcère traité par le feu (avec quelle vigueur!) reparaît et repousse toujours un peu plus loin, un peu plus tard. En vain Rémy en Lorraine, Boguet en Bourgogne, Pierre de L'Ancre et d'Espagnet dans le Labour, ont-ils cru noyer l'épidémie dans le sang; traquée dans les campagnes, elle se réfugie dans les villes, à la cour même du grand Roi. L'interrogatoire des complices de la Voisin révèle des abominations dans le culte. satanique telles que le sabbat campagnard n'en avait jamais inventées; les messes noires dites sur le ventre de la Montespan pour envoûter d'amour un souverain volage dépassent en horreur sacrilège tout ce qu'on avait vu jusque là. La mystique et la magie ne sont donc pas des manifestations. passagères produites au cours de l'évolution de l'Humanité; elles font partie de sa constitution même puisqu'on les y retrouve constamment, en proportions variables il est vrai, mais sous des formes peu différentes. Si la magie semble aujourd'hui avoir disparu presque complètement dans les nations civilisées, n'y voit-on pas des millions d'hommes communiquant journellement avec des intelligences invisibles auxquelles ils demandent des conseils, non seulement pour leur avancement moral, mais encore pour leurs intérêts temporels ? Quelles que soient les exagérations dues à l'imagination des masses, il ne saurait y avoir des croyances aussi persistantes, si ces croyances n'étaient pas basées sur des faits réels, aussi imprécis qu'on le voudra, mais se reproduisant constamment. Voyez dans les procès de sorcellerie la concordance étrange des sorcières poursuivies. Et non pas seulement la concordance telle qu'elle résulte des grands traités de démonologues célèbres, comme Del Rio, Bodin, Boguet, De l'Ancre — qui se sont tous plus ou moins copiés et « démarqués » l'un l'autre, mais surtout celle qui se dégage des petits procès de village, exhumés par nos patients archivistes modernes et relatés dans la présente Bibliographie. Qu'elle soit du nord ou du midi, de Picardie ou de Guyenne, la sorcière avoue des méfaits semblables, s'accuse -- même en dehors de la torture des mêmes crimes étranges; le sabbat tel qu'elle le décrit est partout indentique, à quelques détails insignifiants près. On peut admettre que, bien souvent, la manière dont les juges posaient les questions dans les interrogatoires, dictait certaines réponses de l'accusée; mais cela ne suffit pas pour expliquer tous les faits. Du reste, quelle que soit la puissance très réelle de la suggestion, même à l'état de veille, chez les sensitifs, ceux-ci ne devaient point être si dociles quand ils voyaient le bûcher au bout de leurs réponses. On peut croire aussi, avec Michelet, que certains sabbats, assemblées nocturnes de vilains en révolte contre un ordre social terriblement dur à la plèbe, furent des assemblées réelles, des orgies de revanche» renouvelées des antiques saturnales... Mais le culte abject rendu à Léonard? Mais les souffrances de l'incubat subi? Mais les repas de viandes creuses? Mais les enfants préposés à la garde des crapauds? Mais cent autres péripéties de la fête immonde? Quoi de moins réel que ces cauchemars? Les vieilles théories orientales, que tendent à confirmer des expériences précises faites depuis quelques années en Occident, admettent, dans l'homme, l'existence d'un corps fluidique, d'un fantôme, d'une image (Elokov, comme l'appelaient les Grees) qui peut abandonner momentanément le corps charnel, se transporter à distance avec l'esprit dont il est l'enveloppe et se trouver alors, dans certaines circonstances, en communica tions avec les corps fluidiques analogues dont sont doués les démons. C'est là que se trouve l'explication la plus probable des sabbats. Dans les phénomènes de la lycanthropic, il faut faire intervenir en outre deux autres sortes de phénomènes également reconnus dans l'antiquité et expérimentés de nos jours: la propriété qu'ont ces corps fluidiques de se modeler sous l'action d'une forte volonté, comme la glaise sous la main du statuaire; et celle de transmettre par répercussion au corps charnel les blessures qu'ils peuvent recevoir. Telle serait l'origine de ces histoires où sorciers et sorcières, transformés en loups, couraient les champs et les bois et se réveillaient parfois meurtris des accidents arrivés à leur double; tout comme certains saints dont les hagiographes rapportent les bilocations. De telles conceptions auraient paru absurdes il n'y pas bien longtemps; mais, aujourd'hui la science positive admet que tous les corps ne sont composés que d'atomes d'une même. substance infiniment ténue dont les vibrations différentes constituent les aspects différents de la matière; on ne doit donc pas plus s'étonner de voir la matière, à l'état dit astral, se grouper tantôt d'une façon tantôt d'une autre, sous l'influence des vibrations cérébrales constituant au moins une des phases de l'acte-pensée, que nous ne nous étonnons de voir des poussières ténues ou des flammes prendre les formes les plus diverses sous l'action des vibrations musicales. Du reste, à combien de choses réputées impossibles par nos pères ne sommes nous pas obligés de croire maintenant? Nous avons constaté d'une façon indéniable que, sous l'influence de forces encore mal définies mais vraisemblablement organiques, certaines personnes pouvaient, par exemple, modifier le poids de leur propre corps et même s'élever en l'air (toujours comme les sorciers et les saints), mouvoir à distance les objets matériels, ressentir aussi à distance les actions mécaniques, voir à travers les substances opaques comme si leurs yeux avaient le don d'être sensibles aux rayons X. La transmission de la pensée, la télépathie, le phénomène fondamental de l'envoûtement par l'extériorisation et l'emmagasinement de la sensibilité, ne sont plus révoqués en doute par aucun de ceux qui se sont donné la peine d'étudier ces questions. Aussi trouve-t on dans le programme soumis à l'étude par le Comité du Congrès de l'Histoire des Sciences qui se tiendra à Paris en 1900 sous la présidence de M. Berthelot, secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences, cette question qui eut fait hausser les épaules à la plupart de nos académiciens il y a vingt ans : " QUELLES SONT, PARMI LES DÉCOUVERTES MODERNES, CELLES QUI PEUVENT EXPLIQUER CERTAINS FAITS CONSIDÉRÉS COMME PRODIGES DANS L'ANTIQUITÉ ? >> Votre livre, Monsieur, semble avoir été composé exprès pour ceux qui, voulant répondre à l'appel du Comité, ont besoin de savoir où se trouvent relatés ces prodiges. Il n'existait en effet avant vous sur la Sorcellerie et la Posses sion démoniaque que des bibliographies extrêmement incomplètes. Non seulement vous avez précisé leurs indications, mais surtout vous avez fait connaître, en les classant à leur place, de nombreux ouvrages dont l'étiquette seule ne suffit pas à décrire le contenu. Vos cinq cents exemplaires, tirés avec le soin auquel on reconnaît un auteur bibliophile, ont donc leur place marquée chez tous les esprits curieux que ne laissent point indifférents des problèmes d'où dépendent à la fois une plus juste appréciation du passé et des indications d'un puissant intérêt sur le monde invisible qui nous entoure. Avertissement L ne nous paraît pas superflu d'indiquer brièvement les raisons de ce livre. Tous ceux qui ont entrepris des recherches dans le domaine que nous allons explorer (et c'est à ceux-là seuls qu'est destiné notre travail) ont dû être surpris, comme nous l'avons été nous-même, des difficultés qu'ils ont rencontrées, au début, pour fixer un cadre à leurs études. Il n'existe pas en français de Bibliographie spéciale de la Sorcellerie et de la Possession démoniaque, sa proche parente. En dehors de quelques classiques que tout le monde connaît de réputation, quoiqu'il soit parfois assez malaisé de se procurer leurs œuvres, tels que les Bodin, les Boguet, les Pierre de L'Ancre, le chercheur livré à lui-même. ne sait de quel côté se tourner. D'une part, les renseignements lui manquent pour étayer ses recherches sur des indications précises d'éditions, voire de titres. D'autre part, ainsi que le fait observer l'homme de science éminent qui a bien voulu écrire notre préface, il est quantité d'ouvrages dont les titres ne suffisent pas à indiquer exactement le contenu. L'amateur de livres rares n'a pas moins intérêt que le chercheur à être éclairé sur certains détails bibliographiques. Tel volume doit-il, ou non, posséder un frontispice; contenir des planches hors texte, et combien? Quelle en est la meilleure édition, la plus complète, la plus précieuse? A propos de ce dernier mot, disons tout de suite pourquoi nous n'avons pas cru devoir aligner des prix, même approximatifs, en regard de chacun des livres de cette collection. Rien de plus variable que la valeur marchande dans le genre qui nous occupe. Cette valeur change du tout au tout selon l'état de l'exemplaire. Pour citer un fait typique, nous |