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HARVARD UNIVERSITY LIBRARY APR 16 1962

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PRÉFACE

ONSIEUR, Vous m'avez fait l'honneur de me demander une préface pour votre Bibliographie des ouvrages français, relatifs à la Sorcellerie et à la Possession démoniaque. Je dois vous avouer que, malgré mon désir de vous être agréable, mon premier mouvement a été de me récuser en invoquant mon incompétence sur ces matières.

Depuis l'époque déjà lointaine où j'ai commencé à m'occuper des phénomènes psychiques, je me suis borné à étudier les liens qui les rattachent aux phénomènes physiques et à chercher à définir la force qui les produit, en faisant agir sur elle les autres forces déjà connues. En ne m'avançant ainsi que pas à pas, je suivais une méthode qui m'était familière et j'espérais faire œuvre plus utile qu'en voulant trop tôt élargir mon horizon; il me semblait, en effet, que mes travaux seraient moins suspects à la science officielle si j'évitais d'aborder les régions nébuleuses où se développent ce qu'elle appelle les divagations de l'esprit humain.

Mais, de ce que ces divagations ne cadrent pas avec ses théories, s'ensuit-il qu'elles ne méritent pas l'examen du philosophe ou, tout au moins, du médecin? Ne sont-elles point des faits et toutes les sciences sont-elles autre chose que des recueils de faits? Bien plus! si l'on doit mesurer leur importance au rôle qu'elles jouent dans l'histoire de l'Humanité, en est-il beaucoup de plus considérables que celle dont vous nous donnez l'idée rien que par le sommaire de vos sept chapitres?

Dans l'antiquité, on appelait Démons tous les êtres invisibles, bons ou mauvais, depuis les intelligences obscures qui président aux phénomènes naturels, comme les faunes et les naïades, jusqu'aux Dieux les plus élevés. Les anciens philosophes, y compris le matérialiste Démocrite et Héraclite dont les positivistes n'ont fait que raviver les doctrines, enseignaient que ces êtres étaient formés d'une matière subtile, tout à fait analogue à la substance fluidique constituant l'âme humaine à laquelle ils pouvaient souvent se communiquer pendant le sommeil à l'aide des songes, et, plus rarement, se substituer en prenant possession pendant la veille de certains organismes particulièrement affinés, tels que ceux des prophètes, des devins, des pythies et des sybilles.

A l'aurore de toutes les religions, de toutes les civilisations, on voit intervenir les Dieux et les extatiques qui sont leurs interprètes.

C'est à Thot ou Hermès que les Egyptiens doivent leur civilisation. Jehovah lui-même avait dicté ses commandements à Moïse et les prophètes d'Israël entendaient des voix dont ils n'étaient que les échos; la plupart de leurs écrits commençaient par cette formule : « Ainsi a dit l'Eternel... » Minos, en Crète, passait pour avoir été inspiré par Jupiter; Lycurgue, à Sparte, par Apollon; Zoroastre, en Perse, par Aura-Mazda; Numa Pompilius, à Rome, par la nymphe Egérie. Depuis Mahomet, c'est l'archange Gabriel qui paraît avoir cette spécialité.

Socrate était convaincu qu'il portait en lui-même un Génie dont il écoutait la voix avec déférence et qui lui révélait quelquefois l'avenir; c'est par lui qu'il connut, plusieurs jours à l'avance, le moment de sa mort.

Platon lui-même, le divin Platon, croyait si fermement aux influences du monde invisible qu'il distingue dans son enseignement, par des noms particuliers, les divers degrés de dégagement de l'âme humaine correspondant à sa pénétration de

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