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NOUVELLES SCIENTIFIQUES.

Une découverte faite dans les fondations de l'hôtel des Monnaies, du côté de la rue Sainte-Valérie, intéresse à la fois la numismatique et l'histoire de notre ville.

C'est un très-grand médaillon, oxydé par l'humidité du terrain. On y voit, sur une des faces, l'écusson aux armes de France, entouré de palmes et de lauriers; au-dessous, à l'exergue, la date MDCCXX; - autour, en lettres majuscules : Structis casis militaribus ad urbis ornamentum, ædes monetales confecit; au revers, Franciscus Victor Le Tonnelier de Breteuil, provincia prefectus, autour de l'écusson de ses armoiries.

La légende établit que cet intendant construisit des casernes. Avec ce grand médaillon de bronze, on exhuma deux pièces d'argent de Louis XV, au même millésime de 1720, avec un petit bloc de cuivre légèrement oxydé, reliquat d'une fonte de monnaies.

- La démolition de l'église de Saint-Martin-hors-les-Murs, qui fut jadis enrichie par les pieuses libéralités des Vénitiens pendant un siècle, n'a pas fourni aux études archéologiques tout ce que la science pouvait en attendre, hors quelques sandales trouvées dans des cercueils, qui n'ont aucune importance. Nous regrettons vivement de n'avoir pu, comme un grand nombre de curieux, examiner une douille en cuivre qui a dû appartenir à une croix archiepiscopale, à en juger par le mot archiepiscopus, qui y est, dit-on, gravé. La forme de la douille et celle des caractères de l'inscription auraient pu nous fixer sur l'époque approximative de la sépulture d'un archevêque dans les caveaux de cette célèbre abbaye de Feuillants.

DES ORIGINES

DE L'ÉMAILLERIE LIMOUSINE

MÉMOIRE

EN RÉPONSE A QUELQUES RÉCENTES ATTAQUES CONTRE
L'ANCIENNETÉ DE CETTE INDUSTRIE

Lu à la séance du 31 janvier 1862.

Pendant long-temps les émaux français, les émaux de Limoges, eurent, en quelque sorte, le monopole de la célébrité. C'était se montrer trop exclusif. Effectivement l'émail, à une époque fort reculée, se fabriquait également dans plusieurs autres pays : on l'a reconnu depuis, on l'a proclamé avec beaucoup de raison. Mais, comme si l'archéologie elle-même ne pouvait échapper aux influences de la mode et des engoûments excessifs, la réaction qui s'est opérée en ce sens est devenue telle qu'aujourd'hui l'on conteste très-sérieusement à Limoges l'ancienneté de ses émaux, et que même, à en croire certains archéologues, l'émaillerie limousine ne serait plus qu'un tardif emprunt fait à l'art allemand ou vénitien.

Un auteur particulièrement versé dans la connaissance des arts du moyen âge, M. Labarte, a contribué, plus que personne peut-être, à entraîner l'opinion publique dans cette voie (1). Résumant avec beaucoup d'autorité ce que l'émaillerie allemande

(1) Recherches sur la Peinture en émail, in-4; Paris, 1856, pages 174, 205, et 211.

avait produit de plus remarquable à son début, et n'ayant point trouvé de dates certaines aussi anciennes dans les émaux limousins, M. Labarte n'a pas hésité, d'après cela, à proclamer l'antériorité de l'émaillerie allemande, et à ramener à une date relativement fort récente tous les produits de l'art limousin. Sa voix, on devait s'y attendre, a eu de nombreux échos en France et à l'étranger (1). Son opinion, non réfutée, a fait du chemin, si bien que M. l'abbé Texier, ce champion si dévoué de l'art limousin, s'en est senti lui-même quelque peu ébranlé, et n'a cru pouvoir échapper aux envahissements de l'Allemagne qu'en se jetant dans les bras de Venise (2). Reprenant une thèse déjà soutenue par M. du Sommerard (3), c'est des Vénitiens que nous seraient venues, selon lui, les recettes de cet art qui devait bientôt faire la gloire de notre pays.

Tout le monde cependant n'a pas fait si bon marché des origines nationales de l'émaillerie. L'homme le plus compétent qu'il y ait peut-être en matière d'émaux, M. de Laborde, n'en a pas moins persisté, jusqu'ici, dans l'opinion très-différente émise par lui, et un autre connaisseur des plus autorisés, notre vénérable vice-président, M. Maurice Ardant, a tenu bon, malgré toute sa modestie, dans ses patriotiques conjectures.

Qui se serait attendu à ce que Limoges, restée si long-temps impassible au milieu de ces contestations, dût les voir enfin se reproduire jusque dans son sein, et s'y formuler même d'une façon plus absolue qu'elles ne l'avaient fait jusque là? C'est pourtant ce qui a eu lieu naguère, aux assises que Messieurs de l'Institut des Provinces sont venus tenir dans cette ville (4). Et encore cette attaque est-elle partie d'un savant que le Limousin est presque en droit de considérer comme un de ses enfants, d'un voisin bien proche, d'un fils de cette province-sœur que la Société Archéologique de Limoges s'est toujours plu à embrasser dans le cercle de ses travaux !

Le caractère, le talent et les importants travaux de M. de

́(1) Voyez, particulièrement pour ce qui concerne l'Angleterre, les Observations on Glass and Enamel, publiées par M. Augustus W. Franks.

(2) Essai historique sur les Argentiers et les Émailleurs de Limoges, ch. III. (3) Les Arts au moyen âge, tome IV.

(4) Les Émaux d'Allemagne et les Émaux limousins, communication de M. de Verneilh et de M. le baron de Quast au Congrès scientifique de Limoges, publiées dans le Bulletin monumental de M. de Caumont, puis en brochure in-8, chez Derache: Paris, 1860.

Verneilh (car c'est de lui qu'il s'agit) expliquent seuls comment il a pu se faire que ses assertions n'aient pas rencontré de contradicteur immédiat.

M. de Verneilh avait pourtant condamné bien durement les prétentions du Limousin. Disons le mot, il avait mis nettement les archéologues de cette province en demeure d'y renoncer à jamais.

Pour être émané d'un savant aussi distingué, ce jugement doit-il rester sans appel? Je ne le crois pas. Est-il trop tard pour le discuter et le combattre? Je ne le pense pas non plus.

En matière d'archéologie, la publicité est lente. Une erreur qu'on laisse aller son train fait peu à peu la boule de neige. Il est donc toujours bon de l'arrêter dans sa course.

C'est ce que je m'efforcerai de faire, en reprenant ici la question d'origine des émaux limousins, vénitiens et allemands, telle que MM. du Sommerard et Labarte l'avaient déjà posée.

Mon opinion bien formelle, je la dis d'avance, c'est que les émailleurs limousins ne sont élèves ni des Allemands ni des Vénitiens.

M. de Verneilh est d'un tout autre avis. Loin de voir dans l'émaillerie limousine une industrie nationale, il ne veut y reconnaître que le produit d'une tardive importation.

Reprenons donc la question à son point de départ.

Les partisans de la filiation directe (je suis du nombre après M. de Laborde) la font remonter jusqu'à Philostrate, jusqu'à ce précieux texte si bien confirmé par les monuments, et dont l'importance, à peine entrevue par Blaise de Vigenère (1), a été pour la première fois mise en lumière par mon savant ami M. de Longpérier (2).

Philostrate nous apprend que « les barbares voisins de l'Océan » pratiquaient l'émaillerie au temps de Septime-Sévère (3).

Ces barbares pouvaient bien être des Gaulois, pense M. de Laborde (4), voire même des Limousins, ajoute l'abbé Texier (5),

(1) Les Images ou Tableaux de plate peinture des deux Philostrate, in-fo : Paris, 1614, p. 232.

(2) Cabinet de l'Amateur, tome Ier : Paris, 1842.

(3) Icones, T. Ier, chap. 28.

(4) Notice des Émaux du Louvre, p. 24.

(5) Dictionnaire d'Orfèvrerie, p. 665.

et d'autres l'ont pensé avec eux. M. de Verneilh n'est pas de ce nombre. Jamais, selon lui, Philostrate n'eût donné ce nom à des peuples que la domination romaine s'était déjà assimilés; jamais il n'eût appelé barbares ceux que Pline, avant lui, savait fort bien désigner par leur vrai nom de Gaulois. « Il s'agit bien plutôt, dit-il, des vrais barbares des côtes de Belgique, de Hollande et d'Allemagne ou des deux Bretagnes : ceux-là n'étaient pas à trois cents kilomètres de l'Océan comme les Lémoviques (1) ».

Je n'abuserai pas d'un lapsus calami: M. de Verneilh a pu écrire, mais n'a jamais pu penser que l'Allemagne fût plus rapprochée de l'Océan que le Limousin. Prenons ses objections du côté sérieux.

A la première je me permettrai de répondre que les Allemands, eux aussi, avaient leur nom de Germains par lequel Tacite les désignait bien avant le temps de Philostrate, et que, par conséquent, ce dernier auteur n'aurait pas eu plus de raisons pour désigner les Allemands que les Gaulois sous le nom de barbares. Mais je ne crois pas qu'il faille s'arrêter si fort à ce mot. Les Romains ne se piquaient pas toujours d'une grande courtoisie vis-à-vis des peuples conquis, et je ne m'étonnerais aucunement, pour ma part, quand un bel esprit de la cour de Septime-Sévère se serait permis d'appliquer aux Limousins, ou même aux Périgourdins de son temps, une épithète plus ou moins désobligeante.

Le passage de Philostrate peut concerner tous les petits peuples de l'extrême Occident. Olearius, dans les Commentaires de son édition de Philostrate (2), applique aux Celtes cette qualification de barbares. Heyne y veut voir des Bretons. Or n'oublions pas qu'une branche de l'Armorique se prolongeait jusqu'aux marches du Limousin, ainsi que l'a très-savamment démontré notre confrère M. Deloche (3).

En fait, on trouve beaucoup d'émaux antiques dans l'Est de l'Angleterre, bon nombre en Normandie, quelques-uns dans les anciennes provinces Belgiques et Lyonnaises, quelques-uns en Limousin. Mais jamais on n'en a trouvé de l'autre côté du Rhin,

(1) Page 24 de la brochure extraite du Bulletin monumental.

(2) Celtus intelligit per barbaros in Oceano.

(3) Mémoire sur les Lémovices de l'Armorique, couronné par l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.

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